Observation du procès de Gibril Massaquoi (version française)

Gibril Massaquoi dessiné par Kalonji Art

Gibril Massaquoi dessiné par Kalonji Art

Gibril Massaquoi est actuellement jugé pour avoir incité et commis des meurtres de civils et de combattants ennemis, des viols aggravés, des crimes de guerre aggravés et des violations aggravées des droits de l'homme sous l’état d'urgence.

Le procès de Massaquoi a débuté à Tampere, en Finlande, le 1er février 2021. Le procès se poursuivra ensuite au Libéria et en Sierra Leone.

Civitas Maxima, en collaboration avec le Center for Human Rights, Gender, and Migration of Washington University (États-Unis) et l'Université de La Haye (Pays-Bas), prépare des résumés quotidiens des débats en anglais (disponibles ici).

Les résumés quotidiens sont traduits en français par Natacha Bracq et Martin Aubert (Civitas Maxima) et sont publiés sur le site du Blog -Droit international pénal.

Art produit par Kalonji Art.

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+ 03/02/2021 (Finlande) Premier jour : Lecture des charges

Le premier jour d'audience du procès de M. Gibril Massaquoi a commencé au tribunal de district de Pirkanmaa à Tampere, en Finlande, le 3 février 2021. Lors de l'audience préparatoire, le juge de district, M. Paiho (Président), a précisé qu’il a été décidé que l'examen de l'affaire sera organisé au Libéria et que les détails de cet examen seront déterminés ultérieurement.

Par la suite, le Procureur, M. Tom Laitinen, a lu le détail des charges figurant à l’annexe de la demande d’assignation (acte d’accusation).

Le Procureur a déclaré que l'Accusation demandait une peine d'emprisonnement à vie pour M. Massaquoi pour les quatre chefs d'accusation suivants.

I. Meurtres, y compris de plusieurs civils, dont des enfants, dans le village de Kamatahun Hassala, comté de Lofa, au Libéria ; le meurtre d’une femme dans le village de Yandehun, comté de Lofa, au Libéria ; et les meurtres de plusieurs civils et de combattants ennemis présumés à Monrovia, au Libéria ;

II. Violations aggravées contre plusieurs civils dans les villages de Kamatahun Hassala et Foya, comté de Lofa, au Libéria ;

III, Crimes de guerre aggravés dans les villages de Hassala, Yandehun, Foya et Klay et leurs alentours, Kamatahun, district de Lofa, au Libéria ; et à Monrovia, au Libéria. Les actes sous-jacents comprennent des meurtres, viols, travail forcé, utilisation d'enfants soldats en vue de participer à des hostilités, atteinte à la dignité des personnes décédées et traitement inapproprié des corps, torture et coups et blessures avec circonstances aggravantes et coups et blessures ;

IV. Violations aggravées des droits de l'homme sous l’état d'urgence dans les villages de Kamatahun Hassala et Yandehun et leurs alentours, district de Lofa, Libéria ; et Monrovia, Libéria.

Les deux premiers chefs d’accusation sont fondés sur le Code pénal finlandais (chapitres 5, 20 et 21), et les crimes auraient été commis entre juin et décembre 2001.

Les deux derniers chefs d’accusation sont fondés sur le Code pénal finlandais (chapitre 11), ainsi que sur les Conventions de Genève de 1949 et le deuxième Protocole additionnel de 1977. Ces crimes se seraient produits entre juin 2001 et décembre 2002. Selon le Procureur, la responsabilité de M. Massaquoi repose à la fois sur sa participation directe et indirecte.

M. Massaquoi a nié toutes les accusations portées contre lui. Son avocat, M. Kaarle Gummerus, a déclaré que M. Massaquoi n'était pas présent au Libéria lors de la commission des faits allégués. M. Gummerus a également déclaré que M. Massaquoi n'avait pas participé aux actes en question, soulignant le long laps de temps entre chaque acte. M. Gummerus a ajouté que des allégations aussi graves exigent des preuves très solides. Enfin, M. Gummerus a réitéré que M. Massaquoi n'était plus au Libéria à compter de l'été 2001. Il a déclaré que M. Massaquoi ne niait pas la perpétration de ces atrocités, mais niait avoir joué un rôle dans leur commission.

L'audience s'est terminée à 10h58 et le procès doit reprendre au tribunal de district de Pirkanmaa le jeudi 4 février 2021.


+ 04/02/2021 (Finlande) Deuxième jour : Présentation de l’affaire

Le deuxième jour d’audience au tribunal de district de Pirkanmaa a commencé avec un aperçu des réquisitions par le Procureur adjoint. Ce dernier a montré divers sites pour s'assurer que la Cour ait une vue d'ensemble des lieux des crimes. Le Procureur adjoint a mis en avant les sites suivants :

• Le comté de Lofa a été indiqué sur une carte du Libéria. Les villages de Kamatahun Hassala et Yandehun (tous deux situés dans le comté de Lofa) ont été présentés comme les lieux des meurtres présumés mentionnés au chef d’accusation 4.1.3. Ce dernier comprend le meurtre de civils qui auraient été enfermés dans des maisons qui auraient ensuite été incendiées.

• Le Procureur adjoint a également montré d’autres cartes de villages, préparées par le Bureau national des enquêtes (Keskusrikospoliisi, KRP). Le Procureur adjoint a par la suite présenté des photos aériennes, dont une photo sur laquelle divers sites étaient marqués, indiquant des maisons qui ont été incendiées. Une autre photo aérienne montre une maison où l'Accusation affirme que des femmes ont été violées. Une photo de tout le village a ensuite été dévoilée.

• La capitale, Monrovia, a été présentée. On pouvait y voir la rivière Mesurado et l'extrémité ouest du « Vieux Pont » (Old Bridge). Le lieu ou des crimes ont été commis a été mis en évidence sur une carte de Monrovia et sur une photo aérienne de la région. Les photographies de Monrovia sont liées au chef d'accusation 4.3. Les bureaux de M. Massaquoi, un bâtiment utilisé par ses troupes, étaient situées au bord de la rivière. Le Procureur adjoint a montré une photo aérienne des bureaux et de Waterstreet. L’Accusation a affirmé que M. Massaquoi et ses troupes avaient patrouillé dans la zone proche de Waterstreet et que six soldats y avaient été abattus sous le commandement de M. Massaquoi.

• Une photo qui met en évidence le bâtiment dans lequel les actes couverts par le chef d'accusation 4.2 se sont produits a été présentée.

• Une photo aérienne de Kamatahun Tahamba a été montrée à côté d'une carte du Libéria. Selon l'Accusation et le chef d'accusation 4.4 (viol aggravé), M. Massaquoi a trouvé un civil dans la forêt tropicale entourant Kamatahun Tahamba, qu'il a ensuite amené à Foya et violé.

• En ce qui concerne le travail forcé mentionné au chef d’accusation 4.5.3.2, l'Accusation a affirmé que ces actes avaient été commis à Kortuhun 1, Kortuhun 2 et Vahun (dans le comté de Lofa).

La présentation des lieux des crimes par l’Accusation s’est terminée par une liste des actes incriminés et des lieux où ces actes se sont produits.

Le Procureur, M. Tom Laitinen, a ensuite pris le relai avec la présentation de l'affaire, dans le but d’établir le fondement juridique des accusations. M. Laitinen, à l'aide d'un PowerPoint, a présenté les meurtres et les crimes sexuelles commis. M. Laitinen a ensuite listé trois articles du chapitre 1 du Code pénal finlandais, dont les sections 6, 11 et 7. M. Laitinen a précisé que les « crimes de guerre aggravés » et « les violations aggravées des droits de l'homme sous l’état d'urgence » sont des crimes internationaux qui peuvent être poursuivis en Finlande quel que soit l'endroit où ils ont eu lieu.

M. Laitinen a en outre précisé que la loi finlandaise avait changé depuis la commission des crimes allégués. Ainsi, la loi applicable est la loi en vigueur au moment des faits.

Les crimes ont été commis dans le contexte de la deuxième guerre civile libérienne (21 mai 1999 - 18 août 2003). M. Laitinen a souligné qu’à cette période le Revolutionary United Front - Front révolutionnaire uni (RUF) combattait aux côtés des troupes de Charles Taylor. Selon l’Accusation, M. Massaquoi était l’un des dirigeants officiels du RUF qui avait déménagé au Libéria et avait la capacité de commander des soldats du RUF.

Les chefs d’accusation

4.1-4.4 Meurtre et viol aggravé

L'Accusation a souligné les chefs d’accusation de meurtre et de viol aggravé, qui incluent : des meurtres dans le village de Kamatahun Hassala (comté de Lofa), décrits au chef d'accusation 4.1; le meurtre de Monjama dans le village de Yandehun (comté de Lofa), décrit au chef d'accusation 4.2; meurtres à Monrovia, décrits au chef d'accusation 4.3; et les viols aggravés dans les villages de Kamahatun Hassala et Foya (comté de Lofa), décrits au chef d'accusation 4.4.

L'Accusation a expliqué que ces meurtres et viols étaient tous liés aux mêmes événements : les civils se sont mis à l'abri lorsqu'ils ont vu les troupes du RUF arriver dans leur village. Ils s'échappaient généralement. Parfois, cependant, le RUF les poursuivait ; ils ne voulaient pas de survivants. Des civils ont ensuite été brûlés et violés.

Selon l’Accusation, les meurtres à Monrovia ont été commis à un stade ultérieur de la guerre, quand les gens s'étaient installés à Monrovia. Pour diverses raisons, le RUF a emmené des civils à sa base, où ils ont été tués. L'Accusation a affirmé que ces actes ne servaient aucun objectif et qu'il n'y avait aucune justification. L'Accusation a souligné que les civils doivent être protégés de toute violence.

4.5 Crimes de guerre aggravés

L'Accusation a présenté les « crimes de guerre aggravés », qui incluent : les meurtres décrits aux chefs d'accusation 4.1-4.3; les viols à Kamatahun Hassala et Foya (comté de Lofa) et à Monrovia; le travail forcé de civils dans diverses parties du comté de Lofa; l'utilisation d'enfants soldats en vue de participer aux hostilités à Monrovia; la mutilation ou la maltraitance des restes des personnes décédées à Kamahatun Hassala (comté de Lofa); la torture à Klays; et les coups et blessures avec circonstances aggravantes à Monrovia et les coups et blessures à Kamahatun Hassala (comté de Lofa).

4.6 Violations aggravées des droits de l'homme sous l’état d'urgence

L'Accusation a ensuite souligné que le chef d'accusation de « violations aggravées des droits de l'homme sous l’état d'urgence » se rapportait à chacun des autres chefs d'accusation.

L'Accusation a expliqué qu'il n'y avait généralement pas de plaignant dans les procès relatifs à des « crimes de guerre aggravés » ou « des violations aggravées des droits de l'homme sous l’état d'urgence », car ces dispositions n’ont pas pour but de protéger les individus. Si les droits d'un individu ont été violés, cependant, cet individu peut agir en tant que plaignant.

M. Laitinen a abordé les défis de cette affaire, notamment : la période de temps qui s’est écoulée entre la commission des crimes et les présentes poursuites ; les différences culturelles et sociétales ; la persistance des expériences traumatisantes ; et la nécessité évidente de revoir la crédibilité au niveau individuel. M. Laitinen a souligné qu'une évaluation globale des individus et des éléments de preuves était nécessaire, ajoutant qu'il était difficile de se souvenir des détails des événements survenus il y a dix ou quinze ans, même pour lui.

L'audience s’est terminée à 11h45 et a repris à 13h.

[Pause]

La séance de l’après-midi a commencé avec les déclarations liminaires de l’équipe de la Défense, M. Kaarle Gummerus, assisté de Mme Paula Sallinen. L'équipe de la Défense a déclaré son intention de démontrer que M. Massaquoi n'était pas au Libéria pendant les faits décrits par l’Accusation. Au contraire, la Défense a déclaré que M. Massaquoi se trouvait en Sierra Leone lorsque les actes incriminés ont eu lieu. À l'aide d'un PowerPoint, la Défense a présenté ce qui suit :

• En 2000, M. Massaquoi a travaillé à Freetown (en Sierra Leone), dans la résidence de M. Foday Sankoh, et a également accompagné M. Sankoh en Afrique du Sud et en Côte d'Ivoire en février 2000. Le RUF a pris des casques bleus des Nations unies en otage en avril 2000. Une fusillade à la résidence de M. Sankoh a éclaté le 8 mai 2000 et M. Massaquoi s’est enfui à Maken.

• En 2001, M. Massaquoi a participé aux négociations de paix en Sierra Leone dans le cadre de la mission spéciale de l’ONU qui a commencé en janvier 2001 jusqu’à la fin de cette année. M. Massaquoi n'a visité Monrovia qu'en février. Ce voyage avait pour objectif de récupérer les biens qu'il avait laissés au Libéria, comme sa voiture. En mai, M. Massaquoi a participé à une réunion au Nigéria.

• En 2002, M. Massaquoi a perdu les faveurs des dirigeants du RUF et a été démis de ses fonctions de porte-parole du groupe. D'anciens soldats du RUF ont attaqué M. Massaquoi en mars 2002, le volant et vandalisant sa voiture. Par ailleurs, M. Massaquoi s'est vu accorder l'immunité pour avoir fourni des éléments de preuve au Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

• En 2005, M. Massaquoi a témoigné devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

M. Gummerus a déclaré que Civitas Maxima et son organisation sœur libérienne, le GJRP, étaient à l’origine de cette affaire, notant que la police finlandaise avait demandé aux ONG des informations sur des témoins potentiels avant leur mission en Afrique en mars-avril 2020. Il a affirmé que cela affaiblissait la crédibilité de ces témoins. En outre, la Défense a exprimé son étonnement concernant l’ouverture de cette affaire, car le rapport de la Commission Vérité et Réconciliation pour le Libéria ne faisait aucune mention de « Gibril Massaquoi », « Ange Gabriel », « Ange », « Gibril » ou « Gabriel ».

La Défense a reconnu que, dans le matériel photographique fourni par la police, une personne portant le nom de « Massaquoi » était répertoriée comme étant liée aux événements survenus en juillet 2003, mais a déclaré que M. Massaquoi se trouvait dans une résidence protégée à cette période.

De plus, le rapport ne nomme que « Junior Massaquoi », « John Massaquoi », « Mohammed Massaquoi », « Roland Massaquoi » et « x Massaquoi ».

La Défense a déclaré qu'il y avait eu des changements majeurs dans les déclarations des témoins, qui pourraient être le résultat du grand nombre de reportages sur le sujet. La Défense a également déclaré que cela pourrait être une conséquence de l’évocation du nom « Ange Gabriel ».

M. Gummerus a conclu la présentation de la Défense en notant que des éléments de preuve contraires, dont un nombre important de preuves écrites et d’informations sur les témoins, seront fournies. La Défense s'est appuyée sur les enquêtes menées par l'ONU, diverses sources médiatiques et les rapports des Commissions Vérité et Réconciliation de la Sierra Leone et du Libéria. De plus, la Défense a affirmé que les témoins en faveur de M. Massaquoi étaient des personnes qui connaissaient très bien M. Massaquoi, ses actions et / ou les actions du RUF. À l'appui de cette allégations, M. Gummerus a présenté un tableau Excel listant tous les témoins, et classant par catégorie la façon dont ils ont participé à l'enquête préliminaire.

L'audience s'est terminée à 13h50 et doit reprendre le 5 février 2021 à 10h00.


+ 05/02/2021 (Finlande) Troisième jour : Présentation des éléments de preuve documentaire

Le troisième jour d'audience était consacré à la présentation des éléments de preuve documentaire.

Le Procureur, M. Tom Laitinen, a commencé en présentant les éléments de preuve de l’Accusation, résumés comme suit :

• Une liste de témoins, détaillant la façon dont leurs auditions ont été menées (annexe 1.6 de la demande d'assignation, pages 763-772).

M. Laitinen a indiqué que cet élément de preuve servait à démontrer les différentes façons dont les témoins ont été identifiés et a souligné que la majorité des témoins avaient été découverts sans l'aide de Civitas Maxima. M. Laitinen a précisé que 20 des 55 témoins découverts indépendamment seront entendus au cours du procès. M. Laitinen a souligné que ces témoins n'avaient pas été influencés par Civitas Maxima et a déclaré que les similitudes entre leurs témoignages prouveraient la culpabilité de l'Accusé, M. Gibril Massaquoi.

L'avocat de M. Massaquoi, M. Kaarle Gummerus, a répondu que plusieurs des témoins cités dans l'acte d'accusation avaient été identifiés avec l'aide de Civitas Maxima, et que ces témoins avaient ensuite aidé à trouver d’autres témoins. M. Gummerus a donné deux exemples de témoins qui se sont manifestés de cette manière, mettant ainsi en cause leur crédibilité. Il a également souligné qu'il n'y avait aucun moyen de savoir quel type d'informations avait circulé entre eux au sujet de M. Massaquoi. M. Gummerus a souligné qu'en raison de la nature soudée des communautés villageoises, les informations peuvent circuler rapidement entre les personnes.

M. Laitinen a reconnu que, dans les petits villages, il était impossible d'isoler les témoins les uns des autres, mais a affirmé qu'il n'y avait aucune preuve que les témoins avaient essayé de s'influencer les uns les autres. Il a déclaré que si quelqu'un avait influencé les témoins, cela devrait être prouvé et a demandé si quelqu'un devait témoigner sur cette question.

M. Gummerus a déclaré que certains témoins avaient déclaré avoir reçu des informations d'autres personnes, citant deux exemples précis. Il a souligné que leur témoignage pouvait être corrompu. Le juge de district, M. Juhani Paiho (Président), a déclaré que le témoignage de la police sera entendu pour déterminer si les témoins ont été correctement sélectionnés.

• « Liste des auteurs » provenant du Vol. II du rapport de la Commission Vérité et Réconciliation du Libéria (annexe 1.8 de la demande d’assignation, pages 776 à 776, lignes 14 à 18).

M. Laitinen a précisé que la police avait reconnu que la liste en question ne contenait pas les noms des commandants, contrairement aux allégations de la Défense.

M. Gummerus a fait valoir que, bien que les autres commandants ne figurassent pas sur cette liste, leurs noms se trouvaient ailleurs dans le rapport de la Commission Vérité et Réconciliation. M. Gummerus a souligné l’absence de la mention du nom de M. Massaquoi dans l’ensemble du rapport, tout en précisant que les noms d’autres commandants et mercenaires étrangers (comme « John Massquoi » et « Mosquito » (Moustique)) y étaient inclus. M. Gummerus a souligné que le nom « Gibril Massaquoi » était absent. M. Laitinen a ensuite montré une image du formulaire utilisé par les enquêteurs de la Commission Vérité et Réconciliation du Libéria pour interroger les témoins (annexe 1.8 de la demande d’assignation, page 776). Il a déclaré que l’absence du nom de M. Massaquoi dans les rapports était due au fait que le formulaire n’incluait pas le nom de M. Massaquoi, ni celui du RUF, ni aucun autre groupe représenté par M. Massaquoi.

M. Laitinen a affirmé que les témoins n'avaient jamais été interrogés à propos du RUF ou de ses soldats. Cela, a suggéré M. Laitinen, pourrait être la raison pour laquelle le RUF et ses soldats n’ont pas été mentionnés lors des auditions et dans les rapports de la Commission Vérité et Réconciliation.

M. Gummerus a souligné que des questions sur d'autres groupes ont été posées aux personnes interrogées et qu'elles avaient parlé d’enjeux différents de ceux mentionnés dans le formulaire.

• « Secret behind the gun : Massaquoi’s report » (« Le secret derrière l’arme : le rapport de Massaquoi ») (annexe 1.25 de la demande d’assignation, à partir de la page 3073) avec traduction en finnois (annexe 1.33, à partir de la page 3511).

M. Laitinen a expliqué que ce document détaillait les explications de M. Massaquoi lui-même sur les endroits où il se trouvait à divers moments du conflit. M. Laitinen a lu un extrait dans lequel M. Massaquoi avait déclaré : « J'ai mentionné dans de nombreuses interviews que j'avais été interrogé à X et non à Y, les gens pensaient que j'étais à Makeni (en Sierra Leone) et non à Monrovia. » Cet extrait concerne la période comprise entre la fin de l'année 2000 et le début de l’année 2001. M. Laitinen a déclaré que M. Massaquoi savait comment faire croire aux enquêteurs qu'il se trouvait ailleurs que chez lui, et qu'il était donc tout à fait possible qu'il ne fût pas présent aux endroits mentionnés lors des auditions. M. Laitinen a souligné que ceci était important pour l’examen de la crédibilité de l’allégation de M. Massaquoi selon laquelle il n’était pas présent au Libéria.

M. Gummerus a répondu en soulignant que la période en question était très courte et que le rapport montrait également que M. Massaquoi avait reçu l'ordre de déménager à Makeni en janvier 2001. M. Gummerus a en outre souligné que les éléments de preuve présentés par la Défense ne montraient que cinq interviews de M. Massaquoi faites par téléphone satellite à partir de Makeni. Il a affirmé que de nombreuses interviews avaient également été menées en personne avec M. Massaquoi à Makeni. M. Gummerus a également précisé que l’extrait en question consistait seulement en des écrits de M. Massaquoi relatifs aux temps anciens.

• Note manuscrite d'une rencontre organisée par M. Massaquoi en prison, (annexe 1.26 de la demande d'assignation, à la page 3447).

Cet élément de preuve se réfère aux notes de M. Massaquoi lors d’une réunion de famille organisée en prison. L’Accusation a affirmé que les agents de nettoyage de la prison avaient trouvé cette note près des toilettes après la réunion et qu'elle comprenait des directives à l’intention de plusieurs témoins de M. Massaquoi. Selon l'Accusation, la note indique que tous les témoins clés devaient être informés de certaines choses. Les informations relatives à l'endroit où se trouvait M. Massaquoi ; il voulait guider ces témoins sur ce qu'ils devaient dire à ce sujet. M. Laitinen a précisé que la note n’indiquait pas que l’ex-épouse de M. Massaquoi avait contacté d’autres témoins et a souligné que son récit pourrait avoir été en partie dicté par M. Massaquoi.

M. Gummerus a déclaré que la note de M. Massaquoi n’avait jamais quitté la prison et qu’elle avait été rédigée avant que les groupes de témoins trois et quatre ne soient auditionnés. Il a affirmé que M. Massaquoi était inquiet mais n'avait demandé à personne de mentir. Au contraire, M. Massaquoi leur rappelait simplement des choses variées que M. Gummerus a déclarées vraies. La Défense a cependant concédé que la rédaction de la note était une erreur et n'aurait pas dû se produire.

La Défense est ensuite passée à la présentation des éléments de preuve.

M. Gummerus a commencé avec une présentation PowerPoint qui, selon lui, contenait de nombreuses dates au cours desquelles M. Massaquoi se serait trouvé hors du Libéria. Sur la PowerPoint, seuls les meilleurs éléments de preuve étaient présentés ; la Défense a précisé qu'il y en avait plus. M. Gummerus a également présenté diverses sources en ligne telles qu'AllAfrica, « The Sierra Leone Web » ayant couvert les événements, ainsi que des sources de l'ONU principalement trouvées sur Reliefweb.int et des rapports de la Commission Vérité.

M. Gummerus a ensuite présenté les éléments de preuve de la Défense suivants (indiqués avec les numéros de pièces de la Défense) :

• Pièce D1 : Volume II du rapport final consolidé de la Commission Vérité et Réconciliation du Libéria

Ce rapport porte sur le meurtre de Samuel Bockary et de sa famille dans le comté de Nimba le 6 mai 2003. La Défense a concédé que la date des meurtres était le 6 mai 2003, mais a affirmé que M. Massaquoi ne se trouvait pas dans le comté de Nimba à cette date. M. Gummerus a affirmé que les témoignages disant le contraire étaient mensongers. Il a souligné que cette pièce avait été présentée pour démontrer que les références au RUF étaient fréquentes lors du signalement de violations. M. Gummerus a cependant réaffirmé que l’Accusé ne figurait pas sur la liste malgré le rapport mentionnant de nombreux commandants et mercenaires du RUF qui ont pris part à la guerre civile au Libéria. La Défense a également mentionné le fait que plusieurs autres « Massaquois » avaient été mentionnés dans le rapport, allant d'Edward Massaquoi à Roland Massaquoi, pour différents crimes commis lors du conflit.

• Pièce D2 : Annexes du volume III de la Commission de Vérité et Réconciliation

M. Gummerus a présenté une liste des noms des responsables et une autre liste de noms comprenant des personnes portant le nom de famille « Massaquoi ». M. Gummerus a souligné qu’il n’y avait aucune mention d’un « Gibril Massaquoi » sur ces listes.

• Pièce D3 : Résumé de la police des déclarations de la Commission Vérité

M. Gummerus a cité la page 790, qui fournit des informations sur les auditions de témoins à Kamatahun Hassala et Monrovia. M. Gummerus a réitéré qu'il n'y avait aucune mention du nom de M. Massaquoi.

La séance du matin s'est terminée par un échange entre l'Accusation et la Défense concernant les éléments de preuve de la Défense. M. Laitinen a reconnu que M. Massaquoi ne figurait pas sur la liste du résumé de la police, mais a souligné que ces déclarations ne pouvaient être considérées comme des auditions de témoins et que ces témoins ne pouvaient pas non plus être entendus au cours de l'audience. M. Gummerus a affirmé que les références aux personnes portant le nom de famille « Massaquoi » n’ont rien à voir avec son client. Il a précisé que ces personnes, et non son client, pourraient être impliquées dans les événements dont les témoins parleront au cours du procès et a proposé de discuter du poids des déclarations des témoins avec M. Laitinen.

M. Laitinen a répondu que les rapports ne pouvaient être considérés que pour ce qu'ils contenaient, une analyse approfondie ou une audition des personnes impliquées dans les rapports étant impossible. Avant la clôture de l’audience du matin, M. Gummerus a réitéré que le nom de M. Massaquoi ne figurait pas dans les rapports, malgré leur longueur et leurs détails. M. Laitinen a rétorqué que tous les Libériens n'avaient pas été entendus au cours de la préparation des rapports, un point que la Défense a concédé.

La séance du matin s'est terminée à 12h06.

[Pause]

La session de l'après-midi a commencé à 13h16.

L'avocat de la Défense, M. Gummerus, a commencé en déclarant que la Défense et le Parquet avaient discuté des éléments contradictoires qu'ils avaient chacun présentés lors de la première partie de la journée. M. Gummerus a précisé que ni la Défense ni le Procureur n'avaient l'intention de faire des requêtes distinctes, mais plutôt qu’ils avaient l'intention de démontrer la nature des rapports.

La séance de l’après-midi s’est poursuivie avec la présentation des éléments de preuve par la Défense comme suit :

• Pièce D4 : Presse libérienne

M. Gummerus a présenté des journaux libériens datés du 1er novembre 1999 au 12 décembre 2004. Il s’est référé aux journaux pour illustrer le problème auquel ils étaient confrontés, précisant qu'une quantité importante d'éléments de preuve annexés à la demande d'assignation n’avaient pas pu être examinée. M. Gummerus a déclaré que les documents ne contenaient aucune information concernant la culpabilité de M. Massaquoi, ni concernant l’affaire.

• Pièce D5 : Photographies et vidéo

La Défense a présenté douze photographies, dont une photo de M. Massaquoi et un clip vidéo, qui ont servi à identifier M. Massaquoi lors des auditions de témoins. M. Gummerus a affirmé que certains des témoins n'avaient vu que le clip vidéo.

• Pièce D6 : Rapport final de la Commission Vérité et Réconciliation de la Sierra Leone, Volume III A

La Défense s’est référée aux sections 941, 1053, 1184, 1212, 1213, 1407 et 1417 du chapitre III, volume III A du rapport de la Commission Vérité et Réconciliation de la Sierra Leone. Ces sections font référence à l'endroit où se trouvait M. Massaquoi à des dates précises. M. Gummerus a passé en revue chacune de ces sections, en expliquant exactement où se trouvait M. Massaquoi aux dates pertinentes.

• Pièce D7 : Article de presse du Sierra Leone Web, septembre 1999

La Défense a affirmé que, selon cet article du Sierra Leone Web News, M. Massaquoi était à Makeni, en Sierra Leone, le 3 septembre 1999. Le Procureur est intervenu et a demandé la source du rapport. La Défense a répondu que la source était inconnue et que la pièce était un article de presse basé sur un rapport mentionné dans l'article lui-même. Le juge a demandé ce qui, dans l'article, constituait la preuve que M. Massaquoi était à Makeni, ce à quoi la Défense a répondu qu’il s’agissait de leur interprétation lors de la lecture de l'article. L'Accusation a demandé si le journaliste avait réellement vu M. Massaquoi à Makeni, et la Défense a concédé ne pas avoir eu connaissance de ce fait. M. Laitinen a exprimé son désaccord sur le fait que l'article prouvait que M. Massaquoi était à Makeni.

• Pièce D8 : Article de presse du Sierra Leone Web, décembre 1999

Cet article mentionne que M. Massaquoi avait fait une déclaration à Freetown le 15 décembre 1999. L'Accusation est de nouveau intervenue pour dire que cela ne prouvait pas que M. Massaquoi était effectivement à Freetown, la Défense, quant à elle, a manifesté son désaccord.

• Pièce D9 : Article de presse du Concord Times, 29 février 2000

Cette pièce contient la déclaration d'un journaliste qui a écouté M. Massaquoi parler à la radio alors qu'il déclarait se trouver à Abidjan, en Côte d'Ivoire. L'Accusation a répondu que Massaquoi aurait pu être n'importe où.

• Pièce D10 : Article de presse du Sierra Leone Web, mars 2000

Cet article note que M. Massaquoi a rencontré des membres du Gouvernement sierra-léonais lors d’une conférence à Freetown le 15 février 2000. La Défense a ajouté que cela démontrait le lieu où se trouvait M. Massaquoi et ses motivations pendant cette période.

• Pièce D11 : Article de presse du Sierra Leone Web, mai 2000

Selon la Défense, cet article indique que M. Massaquoi était en Sierra Leone le 19 mai 2000. La Défense a déclaré que M. Massaquoi avait donné une interview par téléphone satellite depuis Makeni. L'Accusation a répondu que le téléphone satellite ne démontrait pas avec certitude que M. Massaquoi se trouvait réellement à Makeni. La Défense a répondu que l'article indiquait également que M. Massaquoi était arrivé à Makeni le 10 mai 2000. Le Procureur a demandé la source de l'article, qui n’était pas connue de la Défense.

• Pièce D12 : Article de presse du Sierra Leone Web, août 2000

Dans cet article, daté d'août 2000, M. Massaquoi était à Makeni, selon ses propres déclarations. Le 28 août 2000, M. Massaquoi a pris la parole à Monrovia et a déclaré qu'il était à Monrovia.

• Pièce D13 : Lettre de M. Massaquoi adressée au Président du Nigéria

La Défense a présenté une lettre écrite par M. Massaquoi adressée au Président du Nigéria le 11 octobre 2000. Elle a été rédigée depuis le siège du RUF à Makeni, comme en témoigne l'en-tête. Dans la lettre, M. Massaquoi a écrit qu'il n'avait pas encore de téléphone satellite. L'Accusation a souligné que la lettre avait pour objectif de servir ses propres intérêts.

• Pièce D14 : Déclaration officielle de la Sierra Leone en octobre 2000

La Défense a montré une déclaration officielle faite par M. Massaquoi le 6 octobre 2000 depuis le siège du RUF en Sierra Leone.

• Pièce D15 : Article de presse du Sierra Leone Web, novembre 2000

Dans cet article, M. Massaquoi parle avec un journaliste à Monrovia, où il dit faire un « arrêt rapide ». Selon la Défense, M. Massaquoi était à Abuja le 10 novembre 2000, lorsqu'il s'est entretenu avec des journalistes d'Abuja le lendemain. La Défense a affirmé que, le 30 novembre 2000, M. Massaquoi était probablement de retour en Sierra Leone.

• Pièce D16 : Communiqué de presse de la Sierra Leone, décembre 2000

Ce communiqué de presse de M. Massaquoi a été envoyé depuis la Sierra Leone le 14 décembre 2000. L'Accusation a demandé si M. Massaquoi l'avait lui-même rédigé entièrement. La Défense a répondu que c’était probablement le cas et a souligné que le communiqué démontrait ce que faisait M. Massaquoi à l'époque.

• Pièce D17 : Communiqué de presse de la Sierra Leone, juin 2001, de Reliefweb

Ce communiqué de presse, publié depuis la Sierra Leone le 16 juin 2001, indique que M. Massaquoi a rencontré des gens à Makeni ce jour-là.

• Pièce D18 : Article de presse de The Progress, septembre 2001

Cet article, daté du 18 septembre 2001, rend compte d’une rencontre entre M. Massaquoi et des habitants de Makeni.

• Pièce D19 : Article de presse de Reliefweb, février 2001

Daté du 13 février 2001, cet article indique que M. Massaquoi a participé à une réunion la veille à Makeni. Avant la réunion, les participants ont visité un hôpital à Makeni. Ensuite, ils se sont rendus à Magburaka.

• Pièce D20 : Article de presse du Concord Times, février 2001

Cet article, daté du 14 février 2001, mentionne une réunion à Makeni au cours de laquelle M. Massaquoi avait promis de ne plus se battre. La Défense a affirmé que cet article démontrait que M. Massaquoi se trouvait à Makeni à ce moment-là.

• Pièce D21A [incertain] : Article de presse de The Progress, mars 2001

Cet article du 7 mars 2001 indique que quelqu'un a rencontré M. Massaquoi à Lunsar.

• Pièce D21B [incertain] : Lettre adressée aux Nations unies, mai 2001

La Défense a présenté la pièce suivante en deux parties. La première était une lettre en date du 18 mai 2001, envoyée du Libéria et adressée aux Nations unies, dans laquelle le gouvernement libérien informait les Nations unies qu'aucune personne décrite dans la résolution 1343 du Conseil de sécurité ne se trouvait au Libéria, après l'acceptation de la résolution le 7 mars 2001. La deuxième pièce concerne la résolution elle-même, puisque M. Massaquoi était l'une des personnes énumérées dans le document. La Défense a affirmé que M. Massaquoi ne s'était donc pas rendu au Libéria du 7 mars 2001 au 18 mai 2001.

• Pièce D22 : Article de presse du Concord Times, mars 2001

Selon cet article daté du 20 mars 2001, M. Massaquoi était à l’hôpital public de Makeni. L'Accusation a demandé comment l’on pouvait déduire de l’article que l'Accusé y était et la Défense a expliqué que, comme l'article détaillait comment M. Massaquoi avait averti ses hommes de ne pas voler de drogue à l'hôpital de Makeni, il était raisonnable de conclure qu'il y était.

• Pièce D23 : Article de presse d'Expo Times, avril 2001

Cet article, daté du 6 avril 2001, décrit une réunion de la délégation du RUF le 6 avril 2001. Avant la réunion, la délégation s'est arrêtée à Lansar (en Sierra Leone) le 31 mars 2001. La Défense a déclaré que l'article mentionnait que M. Massaquoi faisait partie de cette délégation.

• Pièce D24 : Article de presse de Reliefweb, avril 2001

Cet article, daté du 9 avril 2001, décrit la réunion des responsables du RUF avec le secrétaire général adjoint des Nations unies à Lansar, en Sierra Leone. La Défense a affirmé que M. Massaquoi avait participé à cette réunion et que sa présence démontrait à la fois ses actions et ses motivations pendant cette période.

• Pièce D25 : Article de presse du Washington Post, avril 2001

La Défense a présenté un article daté du 14 avril 2001, selon lequel M. Massaquoi avait fait une déclaration à Makeni soit le 14 avril 2001, soit un peu avant.

• Pièce D26 : Article de presse de Reliefweb, avril 2001

La Défense a utilisé cet article pour démontrer que M. Massaquoi se trouvait à Makeni le 20 avril 2001. Il aurait eu un entretien à Makeni à cette date, bien que la Défense ait souligné qu'il avait eu lieu par téléphone satellite.

• Pièce D27 : Article de presse du Sierra Leone Web, avril 2001

Cet article daté d'avril 2001, montrerait M. Massaquoi au sein d’une délégation partant pour Abuja. Les 3 avril 2001 et 20 avril 2001, il a accordé des entretiens à Makeni. Le Procureur a demandé si M. Massaquoi avait lui-même signalé sa position. La Défense a concédé que oui.

• Pièce D28 : Symposium des jeunes à Makeni, 23-25 avril 2001

La liste des participants à ce Symposium des jeunes à Makeni (23 au 25 avril 2001) indique que M. Massaquoi y a participé.

• Pièce D29 : Article de presse de ReliefWeb, mai 2001

Selon cet article, en date du 12 mai 2001, M. Massaquoi était présent lors d'une réunion avec la Mission des Nations unies en Sierra Leone (MINUSIL) à Magburaka, en Sierra Leone, le 11 mai 2001.

• Pièce D30 : Article de presse du Sierra Leone Web, mai 2001

Cet article, daté de mai 2001, indique que M. Massaquoi était à Freetown pour rencontrer un journaliste à l'hôtel Mammy Yoko. Cependant, la Défense ne sait pas si le journaliste était à Freetown.

• Pièce D31 : Concord Times, 28 mai 2001

Cet article, en date du 28 mai 2001, comprend un entretien avec M. Massaquoi à Makeni. La Défense a affirmé que M. Massaquoi était donc à Makeni du 25 au 26 mai 2001.

• Pièce D32 : Métadonnées du Sierra Leone Web, juin 2001

La Défense a qualifié cette pièce de « preuve spéciale ». La Défense l'a acquis en recherchant « Gibril Massaquoi » sur le site de Sierra Leone Web et en parcourant les métadonnées dans le but de trouver une référence à une interview menée avec M. Massaquoi à Makeni le 2 juin 2001.

• Pièce D33 : Article de presse du Concord Times, juin 2001

La Défense a produit cet élément de preuve, un article daté du 18 juin 2001, pour démontrer la présence de M. Massaquoi à Makeni le 15 juin 2001. L’Accusation a demandé qui était la personne interrogée dans cet article. La Défense a concédé son incertitude, mais a réitéré que M. Massaquoi était à Makeni.

• Pièce D34 : Article de presse de Reliefweb, juin 2001

Selon cet article du 18 juin 2001, M. Massaquoi a rencontré un ambassadeur des Nations unies à Makeni le 16 juin 2001. La Défense a précisé que la source de cet article était les Nations unies.

• Pièce D35 : Article de presse du Sierra Leone Web, juin 2001

Cet article, daté de juin 2001, comprend une photo de M. Massaquoi prise à Makeni le 24 juin 2001. Cette photographie était la même que celle utilisée par la police criminelle centrale pour identifier M. Massaquoi. L'Accusation a disputé la présence du journaliste à Makeni. La Défense a déclaré que le journaliste et M. Massaquoi se trouvaient à Makeni.

• Pièce D36 : Rapport de terrain de USAID sur la Sierra Leone, juin 2001

Ce rapport d’USAID indique que M. Massaquoi a donné un entretien conjoint avec M. Sesay à Kono, en Sierra Leone, en juin 2001.

• Pièce D37 : Point de presse de la MINUSIL, juillet 2001

Ce point de presse de la MINUSIL du 6 juillet 2001, indique que la MINUSIL et des représentants de la Commission Vérité et Réconciliation de la Sierra Leone ont rencontré M. Massaquoi à Makeni le 4 juillet 2001.

• Pièce D38 : Concord Times, juillet 2001

Cet article du Concord Times du 17 juillet 2001 traite de la rencontre du Représentant spécial avec M. Massaquoi à Makeni entre le 4 juillet 2001 et le 10 juillet 2001.

• Pièce D39 : Article de presse du Sierra Leone Web, juillet 2001

Un article du site Sierra Leone Web daté de juillet 2001 indique que M. Massaquoi a participé à une réunion du RUF à Makeni le 14 juillet 2001. M. Massaquoi a également accordé une interview à partir de Makeni à la fin de juillet 2001.

• Pièce D40 : Article de presse du Standard Times, 25 juillet 2001

Ce dernier élément de preuve est un article daté du 25 juillet 2001. Il se réfère à une déclaration de M. Massaquoi recueillie par la police à Makeni dans le cadre d'une enquête sur une affaire de contrefaçon.

L'audience s'est terminée à 15h52 et doit reprendre le lundi 8 février à 10 h.


+ Point hebdomadaire - Première semaine

La première semaine du procès de Gibril Massaquoi s'est terminée le 5 février 2021, après trois jours d'audience publique à Tampere, en Finlande.

M. Massaquoi est accusé de meurtre, de viol aggravé, de crimes de guerre et de violations des droits de l'homme, qui auraient eu lieu au Libéria pendant la Seconde Guerre civile libérienne (1999 à 2003). L'Accusation a expliqué que les actes allégués constituaient des violations graves du droit international que l'État finlandais était tenu de poursuivre, même si ces crimes ne s’étaient pas produits sur le sol finlandais. L'Accusation a affirmé que M. Massaquoi était responsable des divers actes incriminés en tant qu'auteur direct et en tant que supérieur selon la doctrine de la responsabilité de supérieur hiérarchique, en raison de sa position de haut rang au sein du Revolutionary United Front - Front révolutionnaire uni (RUF). M. Massaquoi ne nie pas que les faits allégués se soient produits. Il nie cependant sa responsabilité pour chacun des chefs d’accusation, affirmant qu’il n’était pas au Libéria à l’époque des faits.

Le procès aura également lieu en Afrique de l'Ouest à une date ultérieure pour permettre à la Cour de procéder à un examen judiciaire des lieux du crime au Libéria et d'entendre des témoins au Libéria et en Sierra Leone.

Conformément à la pratique au cours des procès pénaux finlandais, tant la Défense que l'Accusation ont commencé par présenter les charges et les éléments de preuve documentaire pertinents. La Cour, présidée par le juge de district, M. Paiho, a entendu les réquisitions du Procureur, dirigé par le Procureur, M. Tom Laitinen, et la Défense de M. Massaquoi, M. Kaarle Gummerus et Mme Paula Sallinen.

Les charges

Le 3 février 2021 (premier jour), l'Accusation a présenté les charges contre M. Massaquoi qui est accusé de quatre catégories de crimes. La loi finlandaise ayant été modifiée depuis 2003, il a été inculpé conformément à la loi en vigueur au moment des faits allégués :

  • Meurtres (trois chefs d'accusation) commis à Yandehun et Kamahatun Hassala dans le comté de Lofa, et à Monrovia, en République du Libéria.

    o Ils sont poursuivis en application du chapitre 21, §§ 1 (1) et 2 (1) (1) - (2) du Code pénal finlandais.

  • Viols aggravés (deux chefs d'accusation) à Kamatahun Hassala et Foya dans le comté de Lofa, en République du Libéria.

    o Ils sont poursuivis en application du chapitre 21, §§ 1 (1) et 2 (1) (1) - (2) du Code pénal finlandais.

  • Crimes de guerre aggravés (douze chefs d'accusation) à Kamatahun Hassala, Yandehun et Foya dans le comté de Lofa, Klay (probablement dans le comté de Bomi), à Monrovia et dans les environs de la République du Libéria :

    Meurtre en tant que crime de guerre (trois chefs d'accusation) ;

    Viol en tant que crime de guerre (trois chefs d'accusation) ;

    Travail forcé en tant que crime de guerre (un chef d'accusation) ;

    L'utilisation d'un enfant soldat comme crime de guerre (un chef d'accusation) ;

    Les mauvais traitements et les mutilations de restes humains en tant que crime de guerre (un chef d'accusation) ;

    Torture en tant que crime de guerre (un chef d'accusation) ;

    Violence contre la vie, la santé, le bien-être physique et mental, y compris les traitements cruels (deux chefs d'accusation).

    o Ils sont poursuivis en application du chapitre 11, §§ 1 (1) ¶3 et 5 (1) du Code pénal finlandais en vigueur au moment des faits, des Conventions de Genève de 1949 et du Deuxième Protocole additionnel de 1977.

  • Violations aggravées des droits de l'homme sous l’état d'urgence (douze chefs d'accusation) à Kamatahun Hassala et Yandehun dans le comté de Lofa, à Monrovia, et dans les régions avoisinantes de la République du Libéria.

    o Elles se rapportent à chacun des autres chefs d'accusation.

    o Elles sont poursuivies en application du chapitre 11, §§ 4 (1) et 5 (1) du Code pénal finlandais en vigueur au moment des faits, des Conventions de Genève de 1949 et du Deuxième Protocole additionnel de 1977.

L'Accusation réclame une peine à perpétuité pour M. Massaquoi.

Thèse de l'Accusation

L'Accusation a présenté sa thèse le 4 février 2021 (deuxième jour) en indiquant à la Cour les lieux mentionnés dans la demande d'assignation (acte d'accusation) et en présentant des cartes et des photographies des lieux du crime. Elle a également présenté à la Cour le fondement juridique de ses réquisitions.

Le Parquet a souligné que cette affaire devra faire face à de nombreux défis, tels que : la période de temps qui s’est écoulée entre la commission des crimes et les présentes poursuites ; les différences culturelles et sociétales ; la persistance des expériences traumatisantes ; et la nécessité évidente de revoir la crédibilité au niveau individuel. L'Accusation a demandé à la Cour d'évaluer les éléments de preuve dans leur ensemble.

L'Accusation a présenté ses éléments de preuve écrits, notamment :

  • Une liste de vingt témoins des crimes, découverts par l'Accusation par divers canaux et, plus particulièrement, sans l'assistance de Civitas Maxima ;

  • Des extraits du rapport de la Commission Vérité et Réconciliation du Libéria, y compris une liste des auteurs de crimes qui, sans mentionner spécifiquement M. Massaquoi, ne mentionnaient pas non plus les membres du RUF en général, sans doute parce que le formulaire d’entretien utilisé n'incluait pas le RUF parmi les auteurs possibles ;

  • Un rapport rédigé par M. Massaquoi (« The Secret Behind the Gun » - Le secret derrière l'arme), dans lequel il admet avoir déjà dupé ses intervieweurs quant à sa position réelle ; et

  • Une note rédigée par M. Massaquoi, retrouvée dans une prison par un agent de nettoyage, donnant des instructions aux principaux témoins de la Défense, y compris son ex-épouse, sur la façon de témoigner dans son affaire.

Thèse de la Défense

Comme indiqué ci-dessus, M. Massaquoi a nié toutes les accusations, affirmant qu'il n'était pas au Libéria au moment des crimes allégués. Pour étayer cet argument, la Défense a contesté la crédibilité des témoins de l'Accusation, a souligné que les rapports de la Commission Vérité et Réconciliation du Libéria ne mentionnaient pas « Gibril Massaquoi » dans ses conclusions sur les responsables de la violence, et a présenté de nombreux documents pour démontrer l'absence de M. Massaquoi du Libéria lors des événements en cause. La Défense a souligné que la gravité des accusations nécessitait un examen attentif des preuves, notant que l'Accusation aurait besoin de preuves très solides pour s'acquitter de la charge de la preuve, une tâche rendue plus difficile en raison de la longue période qui s’est écoulée entre les événements et l’enquête finlandaise.

La Défense a ensuite présenté ses éléments de preuve, notamment :

  • Des extraits du rapport de la Commission Vérité et Réconciliation du Libéria et ses annexes pour souligner l'absence de la mention du nom « Gibril Massaquoi » ;

  • Des articles de presse, des communiqués de presse, des lettres et des métadonnées de sites internet, indiquant l’absence de M. Massaquoi du Libéria pendant la période en question ;

  • Des photographies et clips vidéo de M. Massaquoi, utilisés à des fins d'identification lors des auditions de témoins.

Résumé des thèmes émergents

Au cours de la première semaine d'audience, quelques thèmes prédominants ont émergé.

Le premier thème concerne le caractère satisfaisant des éléments de preuve permettant d’établir que M. Massaquoi était au Libéria au moment des actes allégués. M. Massaquoi a affirmé qu'il n'était pas au Libéria à l'époque des faits et nie donc sa responsabilité pour les actes incriminés. La Défense a souligné qu'il appartenait à l'Accusation de prouver hors de tout doute raisonnable que M. Massaquoi était présent sur les lieux du crime pour les actes qui lui étaient reprochés en tant qu'auteur direct, et qu'il exerçait une autorité suffisante en tant que commandant du RUF pour être tenu responsable des actes des autres membres du RUF en vertu de la doctrine de la responsabilité de supérieur hiérarchique.

Un deuxième thème qui s'est dégagé concerne la légitimité de l'affaire contre M. Massaquoi, ainsi que la crédibilité des témoins de l'Accusation qui ont été identifiés par deux ONG : le groupe suisse, Civitas Maxima, et le groupe libérien, Global Justice and Research Project (GJRP). L'Accusation a répondu en expliquant son intention d'appeler des témoins qui n'avaient pas été identifiés par ces ONG.

De son côté, l'Accusation a semé le doute quant à la crédibilité de M. Massaquoi, notant à la fois ses motivations et sa capacité à cacher sa position géographique à des moments clés, également quant à la fiabilité de plusieurs éléments de preuve documentaire de la Défense.

Ces thèmes devraient réapparaître tout au long du procès.

Le procès doit se poursuivre la semaine prochaine en Finlande le lundi 8 février 2021, à 10h00, heure locale.


+ 08/02/2021 (Finlande) Quatrième jour : Présentation des éléments de preuve documentaire (suite)

Le quatrième jour d'audience a repris avec la présentation des éléments de preuve documentaire par la Défense.

L'avocat de M. Massaquoi, M. Kaarle Gummerus, a commencé en présentant les pièces suivantes :

• Pièce D41 : Article de presse du Concord Times, juillet 2001

Selon la Défense, M. Massaquoi a accordé une interview le 17 juillet 2001 au Concord Times sur les attaques contre les casques bleus de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) à Makeni, en Sierra Leone. La Défense a affirmé que le journaliste se trouvait à Makeni mais a reconnu que cela n'était pas un fait avéré.

• Pièce D42 : Article de presse de L'Express, 26 juillet 2001

La Défense a affirmé que l’article indiquait la présence de M. Massaquoi au siège du Revolutionary United Front - Front révolutionnaire uni (RUF) à Makeni à cette date ou un peu avant. La Défense a déclaré que le journaliste avait mentionné que M. Massaquoi était assis sous un manguier lorsqu’ils parlaient. Le Procureur, M. Tom Laitinen, a demandé si le journaliste était physiquement à Makeni, ou si M. Massaquoi lui-même avait dit au journaliste qu'il était assis sous un manguier. La Défense n'a pas pu confirmer si le journaliste avait été témoin de la présence de M. Massaquoi à Makeni. • Pièce D43 : Communiqué de presse de Reliefweb, 7 août 2001

La Défense a présenté un communiqué de presse de la MINUSIL, indiquant que M. Massaquoi se trouvait à Makeni lors de l’ouverture du programme de sensibilisation des communautés Sierra-léonais de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) au début de la semaine. La Défense a relevé que M. Massaquoi était intervenu lors de l'événement, démontrant ainsi qu'il était en Sierra Leone le 2 août 2001.

• Pièce D44 : Communiqué sur Reliefweb, 10 août 2001

La Défense a ensuite présenté un communiqué de la MINUSIL indiquant que M. Massaquoi se trouvait à Kenema, en Sierra Leone (à environ 250 kilomètres à l'est de Freetown) le 10 août 2001, où il prenait part à l'accord entre le Gouvernement sierra-léonais et le RUF concernant l’extension du désarmement de Kono. Selon la Défense, M. Massaquoi a signé des documents relatifs à l'accord de Kenema. La Défense a cependant mentionné qu'elle n'était pas encore en mesure de corroborer cette théorie avec des éléments probants.

• Pièce D45 : Article de presse du Sierra Leone Web, août 2001

La Défense a déclaré que, le 13 août 2001, M. Massaquoi a accordé une interview à la BBC concernant les événements de Kenema. Les archives de la BBC ont été fermées en raison de la COVID-19 et, à ce titre, l'avocat de la Défense a déclaré qu'il ne pouvait pas obtenir l'interview originale pour vérifier où elle avait eu lieu. La Défense a également déclaré que M. Massaquoi se trouvait à Freetown lorsque la police avait perquisitionné son appartement le 20 août 2001.

L’Accusation s’est alors demandé si l’on pouvait être certain de l’endroit où se trouvait M. Massaquoi sur la base de cet élément de preuve.

• Pièce D46 : Lettre aux Nations unies, août 2001

La Défense a présenté une lettre de M. Massaquoi à l'ONU, datée du 17 août 2001. La Défense a concédé que c'était M. Massaquoi lui-même qui avait dit qu'il était à Makeni lorsqu'il a signé la lettre.

• Pièce D47 : Rapport de la Commission des droits de l'homme des Nations unies, février 2002

La Défense a ensuite présenté le rapport de novembre 2002 de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, basé sur sa mission en Sierra Leone (21-29 août 2001). Dans ce rapport, la Rapporteuse spéciale a déclaré avoir rencontré M. Massaquoi. La Défense a reconnu que la date exacte de leur réunion n'était pas claire.

• Pièce D48 : Article de presse du Concord Times, 23 août 2001

Cet article mentionne que M. Massaquoi a visité le bureau du Concord Times à Freetown la veille.

• Pièce D49 : Lettre aux Nations unies, 27 août 2001

La Défense a déclaré que M. Massaquoi avait signé cette lettre adressée à l'ONU lorsqu'il était à Makeni. La lettre décrit une réunion prévue en septembre au siège du RUF. L'Accusation a de nouveau souligné que c'était M. Massaquoi lui-même qui avait expliqué où il se trouvait.

• Pièce D50 : Communiqué de presse de Reliefweb (de la MINUSIL), 1er septembre 2001

La Défense a présenté ce communiqué de presse comme preuve de la rencontre entre M. Massaquoi et le Commandant intérimaire des Forces de la MINUSIL à Makeni le 30 août ou le 1er septembre 2001. Selon l'article, cette rencontre concernait une réunion prévue le 3 septembre 2001 à Kono.

• Pièce D51 : Article de presse du Standard Times, 7 septembre 2001

La Défense a ensuite présenté cet article pour montrer que M. Massaquoi avait pris part à une réunion à Kono du 3 au 4 septembre 2001. M. Massaquoi s’est prononcé sur la réunion, mais il ne ressort pas clairement de l'article qu'il y était présent.

• Pièce D52 : Déclaration du Concord Times, septembre 2001

Le 10 septembre 2001, le Concord Times a déclaré que « l’autre jour, Gibril Massaquoi était à notre bureau ». La Défense a cité cette déclaration comme preuve de la présence de M. Massaquoi à Freetown aux alentours du 8 septembre 2001. Le jour exact de la visite n'est cependant pas clair.

• Pièce D53 : Article de presse du Concord Times, septembre 2001

Le 10 septembre 2001, M. Massaquoi a accordé une interview au Concord Times à Makeni. La Défense a affirmé que cette interview montrait les mobiles et les intérêts de M. Massaquoi à cette période.

• Pièce D54 : Reportage de Reliefweb (de la MINUSIL), septembre 2001

Cet article, daté du 19 septembre 2001, indique que M. Massaquoi a participé à une réunion du Comité mixte sur le désarmement, la démobilisation et la réintégration en tant que membre de la délégation du RUF le 18 septembre 2001. L'article fait également référence aux réunions à venir, dont une prévue le 11 octobre 2001 à Freetown.

• Pièce D55 : Photographie dans un article de presse de Justiceinfo.net, avril 2020

Cet article comprend une photographie de M. Massaquoi sous-titrée « Gibril Massaquoi, lorsqu'il était porte-parole du Front révolutionnaire uni, s'adressant à des journalistes à Makeni, dans le nord de la Sierra Leone, en septembre 2001 ». La Défense a souligné qu'elle n'avait pas accès à un recueil international de photographies, et donc que la seule information disponible concernant la photographie était sa légende.

• Pièce D56 : Article de presse du Sierra Leone Web, octobre 2001

Cet article du Sierra Leone Web d'octobre 2001 montrerait que M. Massaquoi participait à une conférence le 11 octobre 2001. La Défense a reconnu que, bien que M. Massaquoi ait commenté la conférence, elle ne pouvait pas confirmer s'il y avait participé.

Le même article rapporte que le 15 octobre 2001, M. Massaquoi a annoncé qu’il déménageait de Makeni à Freetown, où se trouvaient les nouveaux bureaux du RUF. Le 29 octobre 2001, il a répondu aux allégations relatives à son expulsion par les dirigeants du RUF de Makeni à Freetown. La Défense a insisté sur cette pièce pour montrer que M. Massaquoi se trouvait à Makeni ou à Freetown à cette période.

• Pièce D57 : Article de presse de Reliefweb (de Reuters), 31 octobre 2001

Cet article indique que M. Massaquoi était à Tongo « la semaine dernière », suggérant ainsi qu'il y était entre le 22 et le 26 octobre 2001. L'Accusation a demandé la source de ces informations, mais la Défense n'a pas pu fournir de plus amples informations, au-delà de ce qui était indiqué dans l’article.

• Pièce D58 : Rapport sur la situation humanitaire en Sierra Leone, octobre-novembre 2001

Ce rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH) de l'ONU couvre la période du 16 octobre au 5 novembre 2001. Il décrit l'évacuation par l'ONU de M. Massaquoi vers Freetown à la fin du mois d'octobre 2001 en raison de conflits au sein du RUF. La Défense n'a pas soutenu que le journaliste était présent lors de l'évacuation.

• Pièce D59 : Article de presse de Reliefweb (du The Christian Science Monitor), 7 novembre 2001

Dans cet article, un journaliste décrit M. Massaquoi comme quelqu'un qui « tripote ses lourdes bagues en or… ». La Défense en a déduit que le journaliste s'était entretenu avec M. Massaquoi en personne lorsqu’il était à Makeni. La Défense a cependant concédé que la date exacte de la réunion n'était pas claire.

• Pièce D60 : Rapport de Reliefweb (Rapport sur la situation humanitaire en Sierra Leone), mars 2002

Le dernier élément de preuve présenté par la Défense ce matin était le rapport du BCAH couvrant la période du 1er au 31 mars 2002. Le rapport indique que, le 24 mars 2002, d'anciens combattants du RUF ont attaqué M. Massaquoi à Segbwema, district de Kailahun, en Sierra Leone.

La séance du matin s'est terminée à 11h30.

[Pause]

La séance de l'après-midi a débuté à 12h46.

La Défense a poursuivi la présentation des éléments de preuve documentaire, résumée comme suit :

• Pièce D61 : Article de presse du Sierra Leone Web, 3 avril 2002

Dans cet article, M. Massaquoi a donné une interview téléphonique. L'article fait référence à un conflit interne au sein du RUF et déclare que M. Massaquoi avait promis son soutien à M. Foday Sankoh.

• Pièce D62 : Article de presse du Concord Times, 19 avril 2002

Selon cet article, M. Massaquoi a personnellement remis une lettre de protestation à la Commission électorale nationale (CEN) et au Concord Times.

• Pièce D63 : Article de presse du Concord Times, 22 avril 2002

Cet article fait référence au conflit interne en cours au sein du RUF. La Défense a précisé que cette querelle pourrait devenir pertinente plus tard dans le procès.

• Pièce D64 : Article de presse du Sierra Leone Web, septembre 2002

Cet article indique que M. Massaquoi avait un projet de pêche qui, selon lui, se poursuivrait pendant les 18 prochains mois. Dans l'article, M. Massaquoi a pris ses distances avec le RUF, affirmant qu'il n'avait aucun lien politique avec eux et qu'il n'avait participé ni aux exécutions au sein du RUF ni aux hostilités contre les civils.

• Pièce D65 : Déclarations extrajudiciaires faites par TF1-046 au Bureau du Procureur du TSSL

Il s'agit d'une liste de déclarations faites par M. Massaquoi pour le Bureau du Procureur (BdP) du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Chaque déclaration comporte une date et un lieu indiquant quand et où elles ont été données. L'Accusation a disputé le fait que M. Massaquoi avait lui-même envoyé les déclarations au Bureau du Procureur. La Défense a répondu dans l’affirmative et qu'il y avait également des déclarations orales enregistrées dans les bureaux du Procureur. À titre d'exemple, la Défense s'est référée à un enregistrement de M. Massaquoi du 3 décembre 2002 dans lequel il a été entendu dire « nous sommes assis ici dans les bureaux de Freetown ». La Défense s’est également référée aux déclarations que M. Massaquoi a signées et datées. En réponse, l'Accusation a demandé s'il y avait des tampons indiquant la date de réception de ces déclarations. La Défense a énoncé qu'il n'y en avait pas.

• Pièce D66 : Article de presse du Sierra Leone Web, octobre 2002

Selon cet article, M. Massaquoi a été interrogé par le Département des enquêtes criminelles de la Sierra Leone. La Défense a affirmé que l’on pouvait en déduire que cet interrogatoire avait eu lieu en Sierra Leone étant donné qu’il s’agissait du Département des enquêtes criminelles de la Sierra Leone.

• Pièce D67 : Accord de protection des témoins, 23 octobre 2002

Cet accord de protection des témoins (vraisemblablement pour des dépositions devant le TSSL) a été signé le 23 octobre 2002. M. Massaquoi a été informé que tout ce qu'il dirait pourrait être utilisé contre lui s'il avait commis des violations des droits de l'homme, et qu'il y avait donc un risque à coopérer dans le cadre de l'enquête du TSSL.

À la suite de la présentation de cette pièce, MM. Laitinen et Gummerus ont discuté de la formulation du document, convenant qu'il mettait en garde contre un risque possible de poursuites.

• Pièce D68 : Article de presse du Sierra Leone Web, mars 2003

Selon cet article, le projet de pêche de M. Massaquoi a été accepté. Son avocat a souligné que, selon l’article, l’ancien chef de l’État de la Sierra Leone, M. Johnny Paul Koroma, était toujours en vie au moment de la publication.

• Pièce D69 : Rapport de police sur la recherche de témoins

Cette pièce liste les témoins et détaille comment et quand ils ont été retrouvés. La Défense a souligné que le Bureau national d'investigation (NBI) finlandais a eu recours à des personnes associées à Civitas Maxima pour interroger des témoins en 2018 et qu'il y a donc un lien entre cette affaire et l'organisation. La Défense a cité plusieurs témoins situés à Monrovia qui, selon elle, étaient liés à Civitas Maxima. La Défense a également souligné que le nom « Ange Gabriel » avait été mentionné lors de l’audition des témoins. La Défense a demandé comment certaines personnes pouvaient savoir que certains témoins du procès étaient d'anciens soldats. La Défense a également déclaré que certains témoins avaient été retrouvés grâce à d’autres personnes en lien avec Civitas Maxima. La Défense a ensuite souligné que le pourcentage d’identification de ce groupe de témoins était beaucoup plus élevé que tout autre. Selon la Défense, plus de 90% des informations ont été partagées entre ces témoins avant les auditions. La Défense a affirmé que des questions liées à l’affaire avaient été discutées avec les témoins.

L'Accusation a brièvement réfuté ces allégations en déclarant qu'il n'y avait aucune différence entre les témoins n’ayant pas à être entendus dans ce procès et ceux qui le seront.

La Défense a terminé la présentation de cette pièce en affirmant qu'il y avait de nombreux témoins problématiques sur la liste, et que certains d’entre eux possédaient déjà des informations sur les enjeux de l'affaire avant même que le NBI ne procède à leurs auditions.

• Pièce D70 : Article de presse de CNN, 14 août 2003

La Défense a présenté cet article, intitulé « Des Libériens affamés prennent d’assaut le port », afin de donner un aperçu historique et contextuel. Cet article décrit les événements survenus lors d'une pénurie alimentaire à Monrovia, qui, selon la Défense, a conduit à des vols. Selon la Défense, cet élément de preuve informe également sur l'emplacement des témoins lors de certains de ces événements. La Défense a affirmé que M. Massaquoi était déjà dans un lieu sûr et ne pouvait donc pas se trouver au port. L'Accusation a demandé à la Défense si elle présumait que lorsque des témoins évoquaient des vols, ils parlaient de cet événement particulier. La Défense a déclaré que si des témoins faisaient des déclarations sur des pénuries alimentaires et des vols, ce serait en référence aux événements survenus en 2003, même s’ils ne peuvent se souvenir de l'année. La Défense a également précisé que le port était le port de Monrovia.

• Pièce D71 : Article de presse du Guardian, 28 juin 2003

Cet article, intitulé « Des centaines de morts dans le chaos de Monrovia », décrit une bataille de quatre jours pour Monrovia, qui s'est déroulée alors que les habitants de la ville luttaient contre la famine et les risques d’épidémie.

En présentant cet article, la Défense a expliqué qu'au cours de l'été 2003, 42 personnes avaient été assassinées sur le pont de la rue Johnson (Johnson Street Bridge) à Monrovia. Cet élément a été présenté pour amorcer la question de la crédibilité de certains témoins. La Défense a demandé à la Cour de noter que pont se trouvait dans la zone Waterside. L'Accusation a relevé qu'il y avait un autre pont à cet endroit. Les deux parties ont convenu qu'elles devraient marquer les limites de la zone de Waterside.

• Pièce D72 : Clip vidéo utilisé pour l'identification

Un clip vidéo a été montré à la Cour, sans observation supplémentaire.

• Pièce D73 : Vidéo de l'Associated Press Archive

La Défense a affirmé que cette vidéo montrerait que M. Massaquoi se trouvait à Lunsar le 23 juillet 1999. La vidéo n'a cependant pas pu être montrée à la Cour en raison de problèmes techniques.

• Pièce D74 : Entretien avec M. Gibril Massaquoi, mai 2001 (vidéo et métadonnées)

La Défense a présenté une vidéo d’une interview de M. Massaquoi, ainsi que ses métadonnées. Ces dernières indiquent que la vidéo a été filmée à Makeni et publiée le 12 mai 2001.

• Pièce D75 : Avis d'un expert concernant le calendrier des « Première, Seconde et IIIe Guerre mondiale »

La Défense a relevé qu'en mars 2003, les Liberians United for Reconciliation and Democracy - Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD) se déplaçaient en direction de Monrovia, mais n'y étaient pas encore arrivés. La Défense abordé dès à présent cette question pensant que certains témoins allaient le mentionner. Elle a également exprimé sa volonté d’avoir l’avis d’un expert sur la question afin de savoir si ces évènements s’étaient produits en 2001 ou 2002. La Défense a déclaré avoir identifié un expert ayant déjà mené des recherches sur la situation à Monrovia en 2003 et avant. L'Accusation n'a pas d'objection à l'utilisation d'experts en général, mais a toutefois averti que ceux-ci ne pourraient peut-être pas parler de tout ce que les témoins décrivent.

• Pièce D76 : Photo de M. Gibril Massaquoi

La Défense a présenté cette photo, prise en Sierra Leone et datée du 26 septembre 2001, tout en s’appuyant sur un article du Helsingin Sanomat, daté de septembre 2001. La Défense a souligné que l’accès aux métadonnées provenant de recueils internationaux de photographies permettrait d’établir les dates pertinentes.

• Pièce D77 : Article de presse du Concord Times, 29 novembre 2001

Selon cet article intitulé « Makeni déclare une ‘zone interdite’ pour le porte-parole du RUF », M. Massaquoi se serait échappé de Makeni après avoir eu des problèmes avec son supérieur. M. Massaquoi a relayé cette information à la presse et serait allé à Freetown dans l’attente d'une enquête.

L'audience s'est terminée à 15h09 et reprendra le jeudi 11 février 2021.


+ 11/02/2021 (Finlande) Cinquième jour : Interrogatoire de M. Massaquoi

REMARQUE : Des difficultés à entendre les différents noms, lieux et acronymes mentionnés, même pour les juges, ont perturbé l’audience d’aujourd’hui. La Cour a demandé à M. Massaquoi d’écrire les noms, lieux et acronymes difficiles à entendre sur un tableau. Ce dernier, cependant, n'était pas visible par le public. Les passages qui semblaient pertinents pour la Défense de M. Massaquoi que nous n’avons pas été en mesure d’entendre avec précision ont été indiqués par [information peu claire].

Le juge a ouvert le cinquième jour d'audience publique en annonçant que M. Massaquoi, l'Accusé, sera entendu aujourd'hui. Il a expliqué que la Défense, dirigée par M. Gummerus, commencera par poser des questions, suivie par l'Accusation, dirigée par M. Laitinen. Le juge a déclaré que l'Accusé n'était pas tenu de répondre aux questions ou de répondre honnêtement.

M. Gummerus a commencé par expliquer que l’interrogatoire se divisera en plusieurs parties. La Défense commencera par l'histoire et la vie de M. Massaquoi, puis se concentrera sur les lieux, les heures et les dates pertinents. La Défense parlera également des personnes impliquées. M. Gummerus a expliqué que les événements seront abordés de manière chronologique et qu'à la fin de l'interrogatoire, il posera des questions spécifiques liées à l'enquête.

Expérience personnelle et arrivée au RUF

La Défense a posé des questions à M. Massaquoi sur son histoire, y compris quand et où il était né, d'où il venait et quelle était sa formation. M. Massaquoi a répondu qu'il était né le 17 octobre 1969 à Kenema, en Sierra Leone. Il a expliqué qu'il était allé à l’école primaire et au collège du sud de la Sierra Leone et qu'il avait commencé à enseigner en 1991.

Après s’être arrêté sur l’histoire de M. Massaquoi, la Défense a continué en lui demandant la date de l’attaque du RUF. M. Massaquoi a répondu que celle-ci s'était produite en avril 1991, alors qu'il enseignait. Quelques jours après l'attaque, le RUF a commencé à ouvrir des bureaux afin de s'occuper des questions administratives. M. Massaquoi a expliqué qu'il était l'une des personnes qui ont commencé à travailler dans ces bureaux.

M. Gummerus a alors demandé à M. Massaquoi pourquoi il avait été choisi pour travailler dans ces bureaux. M. Massaquoi a répondu qu'il avait été choisi au hasard. Pour donner suite à la question de savoir s'il y avait travaillé volontairement, M. Massaquoi a confirmé qu'il n'était pas rémunéré. La Défense lui a demandé s'il avait rejoint l'activité armée et s'il avait une formation militaire. M. Massaquoi a confirmé que oui. Il a mentionné qu’il avait quitté le bureau à une reprise pour retourner dans la ville de sa mère après avoir appris qu’elle avait été menacée. À son retour aux bureaux du RUF, il avait été accusé d'avoir fourni des informations au gouvernement et envoyé pour entraînement militaire avec d’autres hommes.

M. Gummerus a ensuite demandé à M. Massaquoi quelles avaient été ses activités après l'entraînement militaire qu'il avait reçu. En réponse, M. Massaquoi a expliqué que l'entraînement militaire avait duré trois semaines. Après la formation, les troupes gouvernementales avaient mené une attaque et le RUF avait dû se replier vers la frontière libérienne. M. Massaquoi a expliqué que le RUF était proche de la frontière libérienne, lorsque les troupes gouvernementales se sont déplacées vers la frontière. M. Massaquoi a déclaré qu'il faisait partie de l'une des unités qui ont repoussé les troupes gouvernementales.

Rôles au sein du RUF et emprisonnement entre 1997-1999

La Défense a ensuite interrogé M. Massaquoi sur sa position au sein du RUF et les batailles auxquelles il a participé, ainsi que sur les années pendant lesquelles il a participé au combat. M. Massaquoi a déclaré qu'il avait d'abord été commandant adjoint, puis promu commandant. Il a expliqué que les Forces Alligator étaient responsables de l'une des routes principales et des zones environnantes de 1993 à 1994. Après avoir été interrogé sur l'évolution de sa position au sein du RUF, M. Massaquoi a expliqué qu'en 1995, il avait été envoyé au nord par les dirigeants du RUF, où il était commandant. Il y est resté jusqu'en 1996 lorsqu'il est tombé malade. M. Massaquoi a expliqué qu'à ce moment, il y avait un cessez-le-feu entre le gouvernement et le RUF. Il a été envoyé en Côte d'Ivoire pour y être soigné. En 1997, M. Massaquoi était rétabli et il était devenu le porte-parole du RUF.

La Défense a ensuite interrogé M. Massaquoi sur son rôle de porte-parole. M. Massaquoi a répondu qu’à cette période, il n’avait participé à aucune des activités militaires, car il vivait en Côte d’Ivoire. Alors qu'il n’agissait plus en tant que commandant du RUF, les gens continuaient à l’appeler commandant.

M. Gummerus a alors demandé à M. Massaquoi ce qui s'était passé en 1999 et pourquoi il s'était retrouvé en prison. M. Massaquoi a expliqué que lui et le chef du RUF, M. Foday Sankoh, étaient au Nigéria à ce moment-là. Sur les instructions de M. Sankoh, M. Massaquoi était retourné en Sierra Leone en 1997, où un nouveau gouvernement avait été formé. Le RUF faisait partie du nouveau gouvernement. Deux mois après son retour en Sierra Leone, M. Massaquoi avait quitté la capitale et s’était dirigé vers la campagne lorsqu'il a été arrêté à la suite d’allégations selon lesquelles il avait agi au nom de l’Armed Forces Revolutionary Council - Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC). Pendant sa détention, on lui avait demandé si le RUF prévoyait de renverser le gouvernement. M. Gummerus a alors demandé à M. Massaquoi combien de temps il avait passé en prison à cette période. M. Massaquoi a mentionné le conflit au sein du RUF et a déclaré avoir été emprisonné d'octobre 1997 au 6 avril 1999.

Organisation du RUF et évolution du rôle de M. Massaquoi

À la suite de cet échange, M. Gummerus a demandé si M. Massaquoi pouvait décrire la structure du RUF pendant son incarcération. M. Massaquoi a décrit les commandants de bataille du RUF et les commandants de zone qu'il connaissait avant d'aller en prison. La Défense a demandé à M. Massaquoi d'expliquer ses relations avec les membres du RUF. M. Massaquoi a répondu que le commandant de la zone ouest, Dennis Mingo, était l'une des personnes dont il était le plus proche au sein du RUF, avec un autre commandant de zone. Il a expliqué qu'il ne s'entendait pas très bien avec les autres membres du RUF et a souligné que ces personnes avaient tenté de le tuer à sa sortie de prison. La Défense a demandé les noms de ces autres personnes et M. Massaquoi a donné trois noms.

La Défense a ensuite demandé à quoi ressemblait la chaîne de commandement lorsque M. Massaquoi a été libéré de prison. M. Massaquoi a répondu que la chaîne de commandement se composait d'anciens membres de l'AFRC qui avaient attaqué Freetown et les avaient relâchés. M. Massaquoi a déclaré qu'il était resté avec eux pendant une semaine, puis qu'il était parti à la montagne, où il avait obtenu des informations sur la chaîne de commandement. À son retour, de nombreux changements s’étaient produits. Par exemple, un commandant était devenu chef d'état-major de la Défense et les colonels étaient désormais tous des généraux. Le juge a demandé à M. Massaquoi de clarifier les noms car il était très difficile de les entendre. M. Massaquoi a répété et a précisé que la structure du RUF était complètement différente de celle qu’il la connaissait avant d'aller en prison.

Lorsqu'on lui a demandé quel poste il occupait au RUF en 1999, M. Massaquoi a répondu qu'il n'avait aucun poste. Il a expliqué qu'il était ensuite arrivé à Waterloo, en Sierra Leone, où il avait rencontré Dennis Mingo (identifié par M. Massaquoi sous son pseudonyme, Superman), l'un de ses amis. M. Massaquoi était resté avec M. Mingo ; ils étaient tous deux menacés d'arrestation. M. Massaquoi a expliqué qu'il y avait un différend interne divisant le RUF. M. Massaquoi a précisé qu’il soutenait M. Sankoh. Pendant ce temps, la lutte interne s'est poursuivie alors que les négociations de cessez-le-feu étaient en cours. Il a été convenu que M. Massaquoi se rendrait aux négociations.

Comme certaines parties du récit de M. Massaquoi étaient difficiles à entendre, M. Gummerus a demandé à M. Massaquoi s’il pouvait épeler quelques mots. Le juge a informé les parties qu'il y aurait bientôt une pause.

Négociations de paix et travail avec le chef du RUF, M. Foday Sankoh

Interrogé sur les conditions déterminantes du RUF pour l'Accord de paix, M. Massaquoi a expliqué que celles-ci incluaient la nomination de M. Sankoh comme vice-Président et l’allocation de quatre postes ministériels au RUF. Puisqu'il a été mentionné que M. Sankoh deviendrait le chef des ressources minérales, M. Gummerus a demandé quelles étaient les principales sources minérales. M. Massaquoi a déclaré qu'il y en avait beaucoup, y compris l'or et le fer.

Le juge a demandé une pause de dix minutes pour trouver un moyen d’entendre les noms et les lieux mentionnés par M. Massaquoi. Après dix minutes, l'audience a repris. M. Massaquoi a reçu un tableau pour écrire les noms lorsqu'ils étaient difficiles à entendre. Le tableau n'était pas visible par le public.

Après la pause, la Défense a repris là où elle s'était arrêtée, demandant à M. Massaquoi de continuer à parler de ce qui s’était passé après l'Accord de paix. M. Massaquoi a expliqué qu'en septembre, une réunion avait eu lieu à Monrovia, au Libéria. Il s’était rendu à la réunion avec ses compagnons en faisant des détours par mesure de sécurité. La Défense a demandé où il résidait avant ce voyage. M. Massaquoi a répondu qu'il vivait à Makeni. La Défense a demandé quel était son poste à Makeni. M. Massaquoi a répondu que son poste n'était pas claire, mais qu'il était secrétaire à la Commission de gestion des ressources minérales (CMMRE). Il a également participé aux négociations de paix, y compris des réunions avec des responsables de la commission qui travaillaient sur le désarmement et la relance.

M. Gummerus a ensuite demandé à M. Massaquoi s'il pouvait élaborer sur son séjour là-bas entre 1999 et 2000. M. Massaquoi a dit qu'il se souvenait avoir assisté à des réunions en novembre 1999 et qu'il avait prévu de travailler sur des activités de désarmement au début de l’année 2000. Lorsqu'on lui a demandé, M. Massaquoi a décrit des réunions auxquelles il avait assisté à la fin de 1999, notamment une tentative de se rendre dans la région de Kailahun qui avait été abandonnée pour des raisons de sécurité. M. Massaquoi a déclaré que M. Sankoh était « un fou » à la mi-décembre 1999.

La Défense est passée à l’année 2000 et a posé des questions sur sa position d'assistant spécial auprès de M. Sankoh. M. Massaquoi a précisé qu’il occupait ce poste d'octobre 1999 à octobre 2000.

M. Gummerus a commencé par une question sur un voyage en Afrique du Sud. M. Massaquoi a expliqué que le groupe s'était d'abord rendu en Côte d'Ivoire puis en Afrique du Sud avec M. Sankoh. Le voyage visait à informer un groupe de sociétés en Afrique du Sud, en particulier des sociétés minières, qu'ils souhaitaient mener des opérations minières en Sierra Leone. M. Massaquoi a expliqué qu'ils étaient revenus par le même itinéraire mais avaient passé trois jours en Côte d'Ivoire puisque M. Sankoh voulait rencontrer l'ancien Premier ministre ivoirien. M. Sankoh a également rencontré d'autres responsables ivoiriens. M. Massaquoi a réitéré que ces rencontres étaient la raison de leur arrêt de trois jours. Il est ensuite retourné à Freetown.

La Défense a ensuite demandé si quelque chose de remarquable s'était produit au printemps. M. Massaquoi a expliqué que plus de 500 casques bleus des Nations unies avaient été kidnappés alors qu'il se trouvait à Freetown. M. Massaquoi a dit qu'ils faisaient de leur mieux pour calmer la situation. La Défense a demandé à M. Massaquoi qui était responsable de l’enlèvement ; il a répondu qu’il s’agissait des troupes du RUF venues du nord. Il a expliqué que presque tous les membres du RUF étaient emprisonnés à Freetown à cette époque. Les manifestants, appuyés par des troupes armées, ont exigé que M. Sankoh vienne leur parler. Lorsque M. Sankoh a refusé, les manifestants sont devenus violents. Plusieurs personnes sont mortes lors de manifestations le 8 mai 2000.

M. Massaquoi a expliqué qu'il avait réussi à escalader une clôture pendant les coups de feu et à s'échapper vers les montagnes de la péninsule. Quelques jours plus tard, M. Massaquoi avait appris que M. Sankoh s'était rendu et qu'il y avait des tentatives pour entamer de nouvelles négociations de paix. Il a souligné que cette réunion avait eu lieu en juin 2000. Pour cette réunion, M. Massaquoi avait été nommé pour diriger une délégation extérieure, basée à Monrovia, au Libéria.

La session du matin s'est terminée à 12h04.

[Pause]

La session de l'après-midi a commencé à 13h.

Davantage de voyages au Libéria, au Mali et au Nigéria en 2000

L'audience s'est poursuivie et la Défense a interrogé M. Massaquoi sur son voyage à Monrovia, y compris l'itinéraire emprunté pour rejoindre la ville et la période pendant laquelle il avait eu lieu. M. Massaquoi a expliqué qu'il était parti pour Monrovia en août 2000. En chemin, il avait découvert les noms de certains villages, mais il ne pouvait pas se souvenir de tous leurs noms. De plus, M. Massaquoi a souligné que certaines routes vers Monrovia étaient contrôlées par le gouvernement et donc inaccessibles.

M. Gummerus a poursuivi ses questions en demandant à M. Massaquoi des détails sur le voyage. M. Massaquoi a expliqué que pour traverser la frontière vers Monrovia, il fallait traverser un pont qui menait à Grand Cape Mount. De plus, il a souligné qu'il connaissait très bien le territoire, car il s’agissait de la région d’où il était originaire et où il enseignait. Il a expliqué que le voyage à Monrovia prenait environ 24 à 30 heures, selon que l'on partait du district de Kono ou de Makeni. Enfin, M. Massaquoi a souligné qu'ils avaient fait des pauses sur le chemin de Monrovia, mais qu'il n'avait aucun souvenir des villages dans lesquels ils s'étaient arrêtés.

La Défense a ensuite interrogé M. Massaquoi au sujet de son séjour à Monrovia. M. Massaquoi a déclaré que pendant son séjour à Monrovia, il vivait dans la région de Sinkor avec un membre de la délégation du RUF. L'Accusé avait également une petite amie à Monrovia appelée Etna. M. Massaquoi a déclaré qu’il était arrivé à Monrovia le 20 août avec la délégation du RUF pour participer aux négociations de paix. M. Gummerus a interrogé M. Massaquoi sur la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) et son importance pour la visite. Il a répondu que la CEDEAO était responsable des négociations de paix et que pendant qu’ils étaient à Monrovia, la délégation du RUF avait rencontré le Président Charles Taylor à plusieurs reprises.

Par la suite, M. Gummerus a posé des questions sur un voyage au Mali et le retour ultérieur à Monrovia. M. Massaquoi a déclaré que la délégation du RUF était au Mali pendant deux jours en octobre et qu’elle avait rencontré le Président du Mali avant de retourner à Monrovia. M. Massaquoi a déclaré qu'ils étaient revenus par la route, mais qu'il ne se souvenait pas des villages qu'ils avaient traversés. Il a également expliqué que la délégation du RUF avait organisé des réunions à son retour à Monrovia, y compris une autre avec le Président Taylor. À la suite de ces réunions, la délégation du RUF s’était rendue à Abuja, au Nigéria.

M. Gummerus a ensuite interrogé M. Massaquoi sur la visite de la délégation du RUF à Abuja et le retour ultérieur de la délégation du RUF en Sierra Leone. M. Massaquoi a déclaré que la délégation du RUF était restée à Abuja pendant un jour ou deux et avait pris part à une réunion qui avait abouti à l'achèvement de l'Accord de cessez-le-feu d'Abuja. L'accord contenait des détails sur la libération des casques bleus de l'ONU et la fin des hostilités en Sierra Leone. M. Massaquoi a déclaré que le trajet d'Abuja vers la Sierra Leone avait duré environ 20 heures. La délégation du RUF était restée en Sierra Leone pendant un jour ou deux.

La Défense a poursuivi en demandant à M. Massaquoi de décrire comment il connaissait la personne connue sous le nom de « colonel Eagle ». M. Massaquoi a déclaré que la délégation du RUF avait rencontré le colonel Eagle dans la ville de Voinjama [comté de Lofa]. Il a souligné qu’il y avait plusieurs points de contrôle sur la route de Voinjama, mais que la délégation du RUF avait pu passer facilement ; tous les soldats sur le chemin étaient armés.

M. Gummerus a poursuivi en posant des questions sur les événements survenus en novembre à Monrovia. M. Massaquoi a déclaré qu'ils avaient eu de nombreuses réunions liées au processus de paix en Sierra Leone pendant plusieurs jours, y compris une autre réunion avec le Président Charles Taylor. Par la suite, M. Massaquoi a déclaré qu'il s'était rendu à nouveau à Monrovia en décembre, où il avait rencontré des « arabes » avec quelqu'un du nom d'Ibrahim Bah. M. Massaquoi a expliqué qu'il avait donné des diamants à Ibrahim Bah, puis qu'il était retourné à Makeni pour passer Noël avec sa famille.

L'avocat de la Défense a interrogé M. Massaquoi sur les diamants et d'autres voyages au Libéria et en Sierra Leone. Ce dernier a déclaré qu'Ibrahim Bah avait confié les diamants au Président Charles Taylor pour les garder en lieu sûr. En outre, il a souligné qu'il (M. Massaquoi) avait pris un hélicoptère au Libéria, atterrissant à Foya, comté de Lofa. Il était ensuite retourné à Makeni en Sierra Leone, pour une réunion convoquée par un soldat des forces spéciales appelé Benjamin [Yeaten]. M. Massaquoi était retourné dans le comté de Lofa et s’était ensuite rendu à Monrovia. Tout cela s’était probablement produit en janvier.

Évolution de l'Accord de paix, 2001

M. Gummerus a interrogé l'Accusé sur la situation politique en janvier à Monrovia et les relations entre le RUF et le gouvernement libérien. M. Massaquoi a expliqué que la situation à Monrovia était pacifique et que les relations entre les deux parties étaient sans conflit. Il a ajouté qu'il était revenu parce que rien n'avait été fait concernant les négociations de paix. La Défense a ensuite posé des questions sur « Abuja II » et sa signification. Selon M. Massaquoi, « Abuja II » était un accord de suivi entre le RUF et le gouvernement sierra-léonais concernant le désarmement. Ce dernier était très important et, par la suite, ils ont mené des négociations tripartites. M. Gummerus a demandé ce qu'ils avaient fait après les négociations. M. Massaquoi a répondu qu'ils avaient passé une nuit à Monrovia. Ils avaient ensuite pris un avion privé pour Abuja et y étaient restés deux jours.

Après une pause, M. Gummerus a poursuivi l’interrogatoire sur l’implication de M. Massaquoi dans les négociations « Abuja II » et les détails qui l’entouraient. M. Massaquoi a expliqué que les négociations étaient une réunion tripartite impliquant le RUF, le gouvernement sierra-léonais et les Nations unies. L’objectif des négociations était le désarmement et la relance. Les négociations avaient débuté en mai 2001 à Freetown. Elles ont eu lieu une fois par mois jusqu'en décembre 2001. La plupart des réunions se sont déroulées à Freetown, mais elles ont également eu lieu dans tout le pays, y compris à Makeni. M. Massaquoi a déclaré qu'il ne se rappelait pas combien de fois ils avaient été convoqués ; cependant, le désarmement a commencé en mai 2001. En tant que représentant du RUF, il a participé à presque toutes les réunions.

La Défense a alors demandé à M. Massaquoi s'il se souvenait ne pas avoir assisté à une des réunions [information peu claire].

Le dernier voyage au Libéria remonte à 2002

Interrogé sur son dernier voyage au Libéria, M. Massaquoi a dit qu’il avait eu lieu à la fin de juin 2002 et qu'il n'était là que pour récupérer sa voiture et les objets qu'il avait laissés. Lors de ce voyage, il a entendu parler de la mort de Dennis Mingo. Il a ensuite rencontré le général Benjamín Yeaten qui lui a confirmé la mort de Dennis Mingo. Selon M. Massaquoi, M. Mingo aurait été assassiné parce qu'il se rendait à l'ambassade américaine. Il a souligné que les « arabes » qu'il avait rencontrés plus tôt étaient partis, mais lors de ce voyage, il avait rencontré un Sénégalais impliqué dans les mêmes transactions de diamants.

M. Gummerus a demandé quelle était la signification de la mort de M. Mingo. M. Massaquoi a dit qu'il avait des sentiments mitigés à ce sujet. Le général Benjamin Yeaten lui a dit que les troupes ennemies avaient tué M. Mingo en franchissant la frontière. Après cela, M. Massaquoi a affirmé que c'était la dernière fois qu'il était au Libéria ; il s’est souvenu de la date du 28 juin 2002.

La Défense revient en 2001

Interrogé sur son retour en Sierra Leone, M. Massaquoi a répondu qu'il avait poursuivi les négociations tripartites et vécu à Makeni jusqu'à la fin d'octobre 2001. M. Massaquoi a déclaré qu'il était impliqué dans plusieurs choses. Lorsqu'il était à Freetown, il était impliqué dans les activités de la Commission Vérité et Réconciliation de la Sierra Leone. Il a également participé à plusieurs réunions avec les Nations unies et a participé aux réunions de la CEDEAO à Kono. Il a également conduit un taxi à Freetown. Il se souvient d'un incident impliquant un certain Alhaji Usman Kamara. Selon M. Massaquoi, M. Kamara a dit qu'il voulait aider Issa Sesay. M. Kamara a volé de l'argent à M. Massaquoi et a également volé sa voiture, M. Massaquoi a donc dû le poursuivre à Freetown. M. Massaquoi déclare avoir récupéré sa voiture et porté plainte auprès de la police.

La Défense a ensuite diffusé une vidéo montrant un entretien de 2001. M. Massaquoi a confirmé qu’il se souvenait de l’entretien et a déclaré que celui-ci était lié aux déclarations du Gouvernement concernant la libération de prisonniers. Le Gouvernement avait l'intention de libérer les prisonniers avant les négociations tripartites, mais cela n'a eu lieu qu'après. Seuls 16 des prisonniers étaient des soldats du RUF ; le reste, environ 40 prisonniers, était des criminels de droit commun. M. Massaquoi a déclaré avoir accordé à la BBC une interview à ce sujet via son téléphone satellite.

M. Gummerus a ensuite interrogé M. Massaquoi sur son retour à Freetown. M. Massaquoi a déclaré qu'il avait d'abord séjourné chez un ami dans l'ouest de Freetown. Après cela, il avait passé deux semaines chez son cousin, dans une fabrique d'argile dans l'est de Freetown. Il avait ensuite eu son propre appartement à Kissy, Freetown. Sa famille s'était échappée de Makeni et était venue à Freetown plus tard.

La Défense a ensuite posé des questions sur la situation politique en Sierra Leone à la fin de 2001. M. Massaquoi a déclaré qu'en décembre 2001, le RUF était déjà désarmé. La guerre a pris fin le 17 ou 18 janvier 2002 et il y avait la paix.

Élections en Sierra Leone, 2002

M. Gummerus a ensuite interrogé M. Massaquoi pour savoir s'il avait joué un rôle au sein du Revolutionary United Front Party - Parti du Front révolutionnaire uni (RUFP). M. Massaquoi a déclaré qu'il n'avait joué aucun rôle ; ils se sont tous réunis au bureau du parti à titre individuel. M. Massaquoi était candidat au parlement mais a annulé sa candidature quelques semaines avant les élections car, selon la Constitution sierra-léonaise, seule une personne choisie par le parti pouvait le représenter au parlement. Il n'a pas voulu y participer et a écrit au comité électoral national à ce sujet. Il a expliqué que ses relations avec les cadres du RUFP n'étaient pas bonnes et qu'il les avait critiqués pour avoir recruté des personnes à des postes pour lesquels ils n'avaient pas été élus.

M. Gummerus, se référant aux éléments de preuve documentaire, a ensuite posé des questions sur une attaque contre la voiture de M. Massaquoi. M. Massaquoi a déclaré que sa voiture avait été attaquée par l'ancien agent de sécurité d'Issa Sesay, qui avait fracassé une grosse pierre contre son pare-brise.

M. Gummerus a ensuite posé des questions sur l'acquisition de la maison pour le parti RUFP. L’Accusé a répondu qu'ils s'étaient rendus à Freetown pour acquérir une maison pour le parti RUFP et que l'argent avait été versé à quelqu'un au Royaume-Uni. L'Accusé a déclaré que les désaccords concernant l'acquisition de la maison du parti avaient duré d'août 2001, lorsque l'homme au Royaume-Uni avait été payé, jusqu'en mars 2002.

La vie après les élections de 2002

Interrogé sur sa vie après les élections, M. Massaquoi a déclaré qu'il avait poursuivi une vie normale avec sa famille. La seule chose dont il se souvenait étaient que le RUFP n’avait pas été élu. Il avait également rencontré le personnel de la Commission Vérité dans sa maison. Ils l'avaient interrogé pendant cinq jours sur le RUF. Il a également rédigé un projet pour le NCDDR (National Committee for Disarmament Demobilisation and Reintegration - Comité National de Désarmement, de Démobilisation et de Réintégration). Par la suite, il a développé un projet de pêche qui comprenait l'éducation de 120 anciens soldats afin de les réintégrer dans la société.

M. Massaquoi a souligné qu'à un moment donné, il avait reçu un appel téléphonique d'une femme. Il l'avait rencontrée à Freetown en juin ou juillet 2002. Elle lui avait dit qu'un tribunal spécial allait être mis en place en Sierra Leone et qu'elle voulait qu'il participe aux procès.

M. Gummerus a ensuite interrogé M. Massaquoi sur Etna, son ex-petite amie à Monrovia. M. Massaquoi a déclaré qu'ils étaient devenus amis à Freetown et qu'elle l’avait appelé en juillet 2001 - elle avait un enfant. Ils se sont rencontrés régulièrement à Freetown de 2001 à 2003.

Enfin, la Défense s'est référée à un livre, « The Secret Behind the Gun », qui a été saisi par l'Accusation. Le livre porte sur le RUF et la situation économique de la Sierra Leone à l'époque. M. Gummerus a demandé à M. Massaquoi s'il avait écrit le livre. M. Massaquoi a dit avoir essayé d'écrire tout ce qu'il savait, à partir de 2000 ou 2001, mais certaines parties étaient rédigées par d'autres contributeurs.

L'audience a pris fin à 16h02 et reprendra vendredi 12 février 2021.


+ 12/02/2021 (Finlande) Sixième jour : Interrogatoire de M. Massaquoi (suite)

Le juge a ouvert le sixième jour d'audience publique en déclarant que l'audience reprendra là où elle s'était arrêtée la veille.

Relations avec le Tribunal spécial pour la Sierra Leone en 2002

La Défense, dirigée par M. Gummerus, a commencé en interrogeant l'Accusé, M. Massaquoi, sur le lieu où il se trouvait en août 2002. M. Massaquoi a répondu que le 14 août 2002, il avait assisté à une réunion avec des personnes travaillant pour le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) : Corrine Dufka, Alan White et David Crane. M. Massaquoi a ajouté avoir rencontré ces personnes tous les deux jours en août 2002 et que ces rassemblements comprenaient des réunions non officielles et de l'alcool.

Ensuite, la Défense a interrogé M. Massaquoi sur la date à laquelle il avait été approché pour témoigner pour le TSSL et pourquoi il avait besoin d’immunité. M. Massaquoi a répondu qu'il avait signé le document de protection de témoins en octobre 2002 et qu'il avait besoin d'immunité tant pour son rôle de combattant que pour son rôle de transporteur de diamants pour le RUF. M. Massaquoi a affirmé que parce qu’il était possible que tous les membres du RUF puissent être arrêtés, son rôle en tant qu’insider (témoin intérieur) justifiait son besoin de protection. Enfin, M. Massaquoi a déclaré qu'il avait besoin de protection pour lui-même et sa famille pour des raisons de sécurité. Il a souligné qu'il avait déjà été agressé dans sa résidence protégée.

La Défense a poursuivi en interrogeant M. Massaquoi sur ses déclarations faites au TSSL à la fin de 2002 et sur l'importance de certaines dates mentionnées. M. Massaquoi a déclaré qu'il y avait une déclaration générale non enregistrée, ainsi que des déclarations supplémentaires faites à différentes étapes. M. Massaquoi a également indiqué qu'à plusieurs reprises, il s’était entretenu au téléphone avec l'équipe du TSSL pour organiser des rencontres avec eux. M. Massaquoi a précisé que les déclarations n’indiquaient pas nécessairement la date à laquelle elles avaient été faites, mais plutôt la date à laquelle il avait remis la déclaration au TSSL.

Retour à Freetown, Sierra Leone en 2003

La Défense l’a ensuite interrogé sur l'année 2003, en commençant par une question sur le 9 mars. M. Massaquoi a expliqué que ce jour-là, il s’était rendu à Freetown et avait été arrêté par Issa Sesay sur la route. M. Sesay lui avait dit qu’un tribunal avait été mis en place à Freetown et que M. Sesay et d’autres avaient besoin de s’échapper de la Sierra Leone. M. Massaquoi a rappelé qu'il était en possession de l'argent de la Maison du Parti [RUFP], et qu’Issa Sesay et d'autres avaient besoin de cet argent pour s'échapper. M. Massaquoi a dit qu’il s’était mis d’accord avec M. Sesay pour aller rencontrer le Président Charles Taylor. M. Massaquoi a déclaré qu’il avait ensuite contacté l’équipe d’enquête du TSSL, qui avait accepté de le rencontrer le lendemain matin. M. Massaquoi a en outre souligné que le Bureau du Procureur (BdP) du TSSL ne savait pas qui avait averti les gens du début du procès. M. Massaquoi a expliqué que les membres du RUF avaient entendu des rumeurs selon lesquelles le TSSL commencerait les procès bientôt et qu'ils avaient hâte de fuir le pays. M. Massaquoi a conclu en déclarant qu'il avait informé le Bureau du Procureur de la date de la rencontre avec le Président Charles Taylor. Sur la base de ces informations, le BdP est venu à la réunion et a arrêté tout le monde. Le BdP a inculpé les personnes présentes à la réunion pour avoir participé à des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.

Résidence protégée de Freetown

Après les questions relatives à Freetown, la Défense a interrogé M. Massaquoi sur sa résidence protégée et lui a demandé de décrire les environs de la résidence. M. Massaquoi a déclaré qu’il avait d’abord rencontré un homme de l’Unité d'aide aux victimes et aux témoins dans le quartier Kissy de Freetown vers 23 heures, et ensuite emmené à la résidence protégée. M. Massaquoi a souligné qu'il ne connaissait pas le secteur Pipeline de Freetown, où se trouvait la résidence protégée. M. Massaquoi a ajouté que la résidence était constamment gardée par deux agents de sécurité, que personne n'était autorisé à partir pendant des mois et qu'il y avait un tunnel pour prendre la fuite. M. Massaquoi a fini en précisant que les seules autres personnes dans la résidence protégée étaient sa famille et son demi-frère.

Notoriété et cachette

La Défense a interrogé M. Massaquoi sur l’impact de l’accord de protection de témoin et si celui-ci restreignait les activités futures de M. Massaquoi. M. Massaquoi a répondu qu'il était clair que s'il commettait des crimes de guerre en Sierra Leone ou dans un autre pays, il pourrait être mis en accusation.

La Défense a poursuivi avec une série de questions sur la notoriété de M. Massaquoi au cours des années 1990 et au début des années 2000. M. Massaquoi a expliqué qu'il n'était pas très connu dans les années 1990, à l'époque où il était militant et enseignant. M. Massaquoi a témoigné que dans les années 2000, cependant, une augmentation de ses apparitions médiatiques avait fait que son nom et son visage étaient bien connus en Sierra Leone. M. Massaquoi a indiqué qu'il n'était pas sûr de sa notoriété au Libéria à l'époque, mais que les responsables libériens et certains agents de sécurité semblaient le connaître. Il a dit qu'il était bien connu au Libéria en raison de ses fréquents communiqués de presse.

M. Massaquoi a en outre précisé qu'il avait accordé des interviews aux médias libériens en utilisant son téléphone satellite à divers endroits de la Sierra Leone. M. Massaquoi a indiqué qu'il avait reçu son premier téléphone satellite - de la taille d'un ordinateur portable - du Président Charles Taylor, ainsi que des instructions sur la façon d'éviter le traçage de l'appel. Selon M. Massaquoi, il aurait reçu l'ordre d'appuyer sur un bouton orange avant de répondre à un appel afin de pouvoir cacher sa position géographique. Au début de l’année 2000, M. Massaquoi a obtenu son propre téléphone satellite. M. Massaquoi a affirmé qu'il n'avait caché sa position que pour un seul appel, lors d'une interview avec la BBC. Il a souligné que, pour les autres appels, des gens avaient exigé qu'il révèle sa position, même en demandant quel temps il faisait pour s'assurer qu'il disait la vérité.

La Défense a demandé à M. Massaquoi s'il avait personnellement été témoin de violences au Libéria, ce à quoi M. Massaquoi a répondu « non », et a souligné qu’on le traitait « comme un diplomate » au Libéria. Il a dit qu'il n'avait jamais été témoin de violence dans le comté de Lofa, au Libéria.

Note de la prison de Vantaa

M. Gummerus a rappelé que l’Accusation avait soulevé la question de la note manuscrite de M. Massaquoi qui avait été trouvée à la prison de Vantaa par le personnel de nettoyage. La Défense a interrogé M. Massaquoi sur la motivation derrière la rédaction de la note pour sa famille. [D'autres discussions sur la note de la prison de Vantaa sont disponibles dans le résumé quotidien « 04/02/21 (Finlande) Deuxième jour : Présentation de l'affaire ».] M. Massaquoi a affirmé que la note n'avait pas été rédigée pour influencer les témoins et a souligné que toutes les informations contenues dans la note étaient publiques et que la note servait simplement de rappel aux témoins de la façon dont les événements s’étaient déroulés il y a vingt ans.

De plus, M. Massaquoi a expliqué qu'il avait rédigé la note parce qu'il estimait que les policiers ne croyaient pas à son témoignage mais croyaient plutôt les témoins interrogés à Lofa.

L’Accusation commence par des questions sur ses connaissances et sa responsabilité

Une fois la Défense terminée, l'Accusation a pris la relève. M. Laitinen, pour l'Accusation, a demandé s'il y avait eu une guerre au Libéria entre 1999 et 2003. M. Massaquoi a déclaré qu'il savait qu'il y avait une guerre dans certaines régions du Libéria, notamment à Lofa près de la frontière guinéenne. Interrogé sur les auteurs des attaques, M. Massaquoi a déclaré qu'il pensait que les attaques dans le comté de Lofa avaient été lancées depuis la Guinée par un commandant de l'armée du RUF nommé Sam Bockarie (qu'il a identifié en utilisant le pseudonyme de M. Bockarie, « Mosquito Spray » (Spray anti-moustique)).

Le Procureur a demandé à M. Massaquoi de donner des détails sur ses visites au Libéria en 2000 et 2001. M. Massaquoi a confirmé qu'il se trouvait à Monrovia et qu'il avait traversé des parties de Lofa où il n'y avait pas de conflit. Il a expliqué qu'il ne pouvait pas toujours se rendre dans le sud du Libéria parce que la frontière entre le Libéria et la Sierra Leone était occupée par les troupes gouvernementales après l'élection présidentielle de 1997. Il était impossible pour le RUF de traverser la frontière. Lorsqu'on lui a demandé comment il était au courant de la situation à la frontière, M. Massaquoi a dit avoir pris connaissance des attaques commises par M. Bockarie entre 1999 et 2001 « de la Guinée à Lofa » alors qu'il était en prison.

Le Procureur a ensuite demandé à M. Massaquoi s'il avait entendu parler des attaques de 2002 grâce à la BBC, lui demandant également de clarifier le lien entre ces attaques et le RUF. M. Massaquoi a répondu qu'il avait également entendu parler des attaques de 2002 dans les médias et qu'il était un porte-parole du RUF au moment des attentats, en 2002 et 2003. De plus, M. Massaquoi a déclaré que M. Bockarie s'était échappé vers le Libéria avec sa famille en décembre 1999.

Interrogé sur sa position au sein du RUF à l’époque, M. Massaquoi a expliqué qu’il était le porte-parole du groupe et le chef de sa délégation pour la paix. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait été informé de ces attaques, M. Massaquoi a répondu qu'en cette qualité, il n'était pas ni responsable des troupes du RUF ni en charge de se renseigner sur ces attaques.

L'Accusation a alors demandé s'il aurait néanmoins dû poser des questions sur les troupes. M. Massaquoi a répondu qu’il n’avait jamais été interrogé sur les combats du RUF dans le comté de Lofa, car le RUF n’opérait qu’en Sierra Leone et se concentrait sur le soutien du gouvernement libérien. M. Massaquoi a expliqué que le RUF aidait le gouvernement libérien à reprendre le contrôle de Lofa du groupe rebelle Liberians United for Reconciliation and Democracy - Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD).

L’Accusation a évoqué la déclaration antérieure de M. Massaquoi selon laquelle il serait tombé sur des troupes du RUF en route vers le comté de Lofa, demandant si ces troupes l’avaient informé de la situation au Libéria. M. Massaquoi a dit que non. Il n'était pas commandant et les soldats du RUF n'avaient donc aucune raison de lui rapporter ce type d’informations.

Ensuite, le Procureur a demandé à M. Massaquoi pourquoi il avait été choisi pour représenter le RUF lors des négociations de paix s'il était insignifiant au sein du RUF et que sa connaissance de la situation de conflit était si limitée. M. Massaquoi a expliqué qu'il était principalement impliqué dans la branche politique du RUF, avec peu d'implication dans sa branche militaire. Il a expliqué qu'il avait reçu des informations des cadres du RUF, et non des commandants. Selon M. Massaquoi, il a été choisi par le RUF pour participer aux négociations de paix en raison de son expérience pour de telles négociations. L'Accusation a demandé si les branches politiques et militaires du RUF communiquaient entre elles, ce à quoi M. Massaquoi a confirmé que c’était le cas.

La séance du matin s'est terminée à 11h45.

[Pause]

La session de l'après-midi a commencé à 13h30.

À la reprise de l'audience, l'Accusation a continué l’interrogatoire de M. Massaquoi. M. Laitinen a cherché à clarifier l’intention de M. Massaquoi concernant les notes trouvées à la prison de Vantaa. M. Massaquoi a répondu que sa seule intention était de rappeler aux gens que leur mémoire n'était peut-être pas parfaite, surtout après vingt ans.

Remédier aux incohérences : la mort de Superman

L'Accusation a ensuite demandé à M. Massaquoi quand il avait appris la mort de Superman (M. Dennis Mingo). M. Massaquoi a déclaré l'avoir appris en juin 2001. M. Laitinen a alors demandé si M. Massaquoi se souvenait de la façon dont il avait répondu à la même question lors d'enquêtes antérieures. M. Massaquoi a déclaré qu'il ne se souvenait pas. M. Laitinen a ensuite souligné que M. Massaquoi avait déclaré à la première page du résumé de l’enquête antérieure [TSSL ?] qu’il avait appris la mort de Superman entre juillet et octobre. M. Massaquoi a déclaré que si la date était autre que juin 2001, il y avait probablement une erreur.

L’Accusation a alors demandé si M. Massaquoi avait vu le corps de Superman, ce à quoi il a répondu « non ». M. Laitinen a ensuite montré à M. Massaquoi une partie du résumé de l'enquête antérieure dans laquelle il disait s’être rendu là où Superman été décédé et avoir vu son corps. L'Accusation a demandé si M. Massaquoi se souvenait de cette conversation. M. Massaquoi a dit qu'il s'en souvenait, mais que son agent de sécurité lui avait dit. M. Laitinen a sollicité la recevabilité du résumé de l’enquête antérieure en tant que preuve écrite, ce que le juge a approuvé.

Remédier aux incohérences : le rôle de M. Massaquoi au sein du RUF

L’Accusation a ensuite posé des questions sur la période pendant laquelle M. Massaquoi avait combattu pour le RUF, notant des incohérences dans ce que M. Massaquoi avait dit lors de l’audience d’hier et ce qu’il avait dit au cours de l’enquête. Plus précisément, l'Accusation a souligné qu'hier, M. Massaquoi avait déclaré avoir combattu avec le RUF de 1993 à 1994, alors qu’au course de l'enquête, il avait déclaré s’être battu aux côtés du RUF entre 1992 et 1996. M. Massaquoi a précisé qu'il n'y avait pas vraiment de différence et qu'il s'était effectivement battu en 1993 et 1994.

M. Laitinen a poursuivi en lui demandant pourquoi on l’appelait « commandant » même après avoir quitté cette fonction au sein du RUF. M. Massaquoi a déclaré que, parce qu’il était lieutenant-colonel du RUF, de nombreuses personnes l’appelait encore en utilisant son grade militaire, même s’il était porte-parole. Cela, a expliqué M. Massaquoi, était dû à la culture du groupe.

L'Accusation a demandé si M. Massaquoi était le chef des délégations dont il avait été question précédemment, et M. Massaquoi a confirmé qu'il l'était habituellement.

Remédier aux incohérences : positions géographies et modes de déplacement

M. Laitinen s’est ensuite concentré sur plusieurs villages mentionnés par M. Massaquoi hier. L'Accusation a souligné qu'hier, M. Massaquoi avait indiqué qu'il y avait certains villages dont il ne se souvenait pas qui se trouvaient sur son chemin lorsqu'il parcourait la région. L'Accusation a rappelé que M. Massaquoi avait mentionné une piste d'atterrissage à Foya et a demandé si M. Massaquoi se souvenait de cette piste ou des villages de Kamatahun Hassala et Yandehun. M. Massaquoi a répondu qu'il ne se souvenait pas de ces endroits.

M. Laitinen s’est de nouveau référé à l’audience d’hier, au cours de laquelle M. Massaquoi a déclaré qu’il se rendait souvent en voiture de la Sierra Leone à Foya, au Libéria, puis en hélicoptère. M. Massaquoi se souvient avoir pris un avion de Monrovia à Foya, puis d’avoir pris une voiture pour la Sierra Leone. Il a rappelé que le voyage était généralement un mélange de vols et de voyages en voiture. M. Laitinen s’est ensuite référé au dossier préalable au procès, où M. Massaquoi avait dit qu'il voyageait toujours en voiture. M. Massaquoi a répondu qu’il s’agissait d’une erreur et a déclaré que si le rapport disait « toujours », cela signifiait « souvent » ou « fréquemment ».

M. Laitinen a alors demandé à M. Massaquoi s'il se souvenait du village de Kailahun. M. Massaquoi a indiqué qu'il ne connaissait qu’un Kailahun en Sierra Leone mais pas au Libéria.

Remédier aux incohérences : réunions, transport de diamants et voiture de M. Massaquoi

Les questions suivantes portaient sur M. Benjamin Yeaten, M. Joseph « ZigZag » Marzah et Sam « Mosquito » (Moustique) Bockarie, et les incohérences entre les déclarations de M. Massaquoi au cours de ce procès et les déclarations qu’il avait faites lors d’enquêtes antérieures. M. Massaquoi a dit qu'il pensait se souvenir les avoir rencontrés. M. Laitinen a demandé à M. Massaquoi s'il se souvenait de ses affirmations lors d'enquêtes antérieures concernant la rencontre avec M. Marzah. M. Laitinen a mentionné un commentaire, dans lequel M. Massaquoi aurait dit qu'il n'avait jamais rencontré M. Marzah.

M. Laitinen a poursuivi l’interrogatoire en se référant au livre de M. Massaquoi, « The Secret Behind the Gun » (Le secret derrière l’arme). L'Accusation a souligné un passage dans lequel M. Massaquoi mentionne une discussion avec M. Marzah. M. Massaquoi a dit qu'il avait peut-être rencontré M. Marzah mais qu'il ne s'en souvenait pas.

M. Laitinen a ensuite interrogé M. Massaquoi sur sa contrepartie pour le transport de diamants pour l'ancien Président du Libéria, Charles Taylor. M. Massaquoi a rappelé que des diamants avaient été apportés à M. Taylor, mais se rappelait ne rien avoir perçu pour son rôle dans leur transport. Il a également déclaré qu'il savait que M. Taylor soutenait le RUF.

M. Laitinen a rappelé la déclaration antérieure de M. Massaquoi selon laquelle il était retourné à Monrovia pour récupérer sa voiture, demandant d’abord pourquoi M. Massaquoi avait une voiture à Monrovia. M. Massaquoi a indiqué qu’il avait reçu la voiture en raison de son rôle dans les différentes délégations du RUF et qu’il n’en était pas réellement propriétaire. Il se souvenait également avoir reçu la voiture vers la fin du mois de juin. M. Laitinen a ensuite demandé pourquoi M. Massaquoi se rappelait précisément la date du 28 juin lors de l'audience précédente. M. Massaquoi a déclaré qu'il s'agissait d'une estimation basée sur le jour où il avait quitté Monrovia et que sa mémoire n'était pas claire puisque cela s’était produit il y a longtemps.

Remédier aux incohérences : le téléphone satellite de M. Massaquoi et sa position géographique

L'Accusation a ensuite interrogé M. Massaquoi sur son téléphone satellite, rappelant que M. Massaquoi l'avait reçu de M. Taylor et qu'il avait un bouton orange qui pouvait être utilisé pour dissimuler sa position géographique lors d'appels. L'Accusation a demandé si M. Massaquoi avait déjà dit à un journaliste qu'il était à Makeni alors qu'il n’y était pas. M. Massaquoi a répondu qu'il l’avait fait une fois parce que M. Taylor lui avait expressément demandé de le faire. M. Taylor avait expliqué qu'il voulait se distancier du RUF.

M. Laitinen s’est penché sur le livre de M. Massaquoi, demandant si M. Massaquoi se souvenait de ce qu’il avait écrit concernant le fait de cacher sa position géographique au cours d’appels avec le téléphone satellite. M. Massaquoi ne s’en est pas souvenu, se référant plutôt à une conversation qu’il se souvenait avoir écrit au cours de laquelle M. Sesay l'avait rappelé en Sierra Leone. M. Laitinen a clôturé la journée en affichant une partie du livre dans lequel M. Massaquoi avait écrit qu'à plusieurs reprises il avait dit qu'il se trouvait à Makeni (en Sierra Leone), alors qu'il se trouvait en fait à Monrovia. L'audience s'est terminée à 14h30 et se poursuivra la semaine prochaine à Monrovia.  


+ Point hebdomadaire - Deuxième semaine

La deuxième semaine du procès de Gibril Massaquoi s'est terminée le 12 février 2021, après trois jours d'audience publique à Tampere, en Finlande. Au cours du premier jour d’audience, la Défense a poursuivi la présentation des éléments de preuve documentaire. Les deuxième et troisième jours, M. Massaquoi a témoigné devant la Cour et a été interrogé par la Défense et l'Accusation.

Eléments de preuve documentaire de la Défense

Le quatrième jour, la Défense a poursuivi la présentation des éléments de preuve documentaire visant à établir la présence de M. Massaquoi en Sierra Leone au moment où les crimes dont il est accusé au Libéria ont été commis. Ces éléments comprenaient des articles de presse, des rapports de l'ONU, des lettres de M. Massaquoi adressées aux Nations unies, des déclarations faites par M. Massaquoi au Bureau du Procureur du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), l'accord de protection de témoin entre M. Massaquoi et le TSSL, un rapport de la police finlandaise concernant l’identification de témoins pour le procès de M. Massaquoi, l’avis d' un expert concernant la chronologie des événements rapportés par les témoins, et des photographies et des vidéos de M. Massaquoi. La Défense a également soumis les métadonnées de certains documents, qui permettraient d'établir leurs dates et lieux de création.

Selon la Défense, les éléments de preuve documentaire démontrent que M. Massaquoi était présent en Sierra Leone, et non au Libéria, au moment des faits allégués. La Défense a également présenté des preuves de troubles civils meurtriers à Monrovia en 2003, alors que M. Massaquoi n’était pas en mesure de quitter la résidence protégée mise à disposition par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Pour sa part, l'Accusation a remis en question le fait que les journalistes aient vérifié eux-mêmes si M. Massaquoi se trouvait en Sierra Leone à cette époque, rappelant que M. Massaquoi avait auparavant fait une fausse déclaration à la presse sur le lieu où il se trouvait.

La Défense a également cherché à mettre en cause la fiabilité et la crédibilité des témoins de l'Accusation en présentant un rapport de la police finlandaise qui mentionne l’implication de personnes associées à Civitas Maxima dans l’identification et l’interrogation de témoins. L'Accusation a précisé qu'elle appellerait des témoins qu'elle avait trouvés indépendamment de Civitas Maxima et de son partenaire local, Global Justice and Research Project (GJRP). Toutefois, la Défense a affirmé que beaucoup de ces témoins avaient probablement partagé des informations entre eux. Enfin, la Défense a présenté les preuves susmentionnées concernant les troubles civils à Monrovia qui établiraient une chronologie des événements rapportés par les témoins, exclurait la participation de M. Massaquoi et remettrait en cause la crédibilité de certains témoins.

L'interrogatoire de M. Massaquoi par la Défense

Le cinquième jour, la Cour a appelé M. Massaquoi à témoigner ; la Défense a été autorisée à l'interroger en premier ; les questions de la Défense se sont déroulées pendant la totalité du cinquième jour, et se sont poursuivie jusqu'au sixième jour, jour où l'Accusation a commencé son interrogatoire.

La Défense a d'abord interrogé M. Massaquoi sur son passé et son implication dans le RUF. M. Massaquoi a témoigné qu'il était né en Sierra Leone et qu'il y avait travaillé comme enseignant jusqu'à l'attaque du RUF en avril 1991. Après l'attaque, il a commencé à travailler, sans rémunération, dans un bureau administratif établi par le RUF. Il a ensuite été envoyé en entraînement militaire. Après trois semaines d'entraînement, le gouvernement a lancé une attaque, et M. Massaquoi s’est battu aux côtés du RUF près de la frontière libérienne.

M. Massaquoi a également déclaré avoir été commandant adjoint du RUF dans un premier temps, pour être ensuite promu commandant. Il a exercé ces fonctions jusqu'en 1996, lorsqu'il est tombé malade et a été envoyé en Côte d'Ivoire pour y être soigné à la suite d'un cessez-le-feu entre le RUF et le gouvernement de la Sierra Leone. En 1997, après sa guérison, il a été nommé porte-parole du RUF. M. Massaquoi a témoigné qu'à cette époque, il n'était plus impliqué dans les activités armées pour le RUF, puisqu'il vivait en Côte d'Ivoire.

M. Massaquoi a affirmé qu'il avait été renvoyé en Sierra Leone en 1997 sur les instructions de M. Foday Sankoh, le chef du RUF, après que le RUF eut rejoint le nouveau gouvernement sierra-léonais. Deux mois plus tard, M. Massaquoi avait été arrêté à la suite d’allégations selon lesquelles il avait agi au nom de l’Armed Forces Revolutionary Council - le Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC). Il a été emprisonné d'octobre 1997 au 6 avril 1999.

M. Massaquoi a alors témoigné sur la structure du RUF et a indiqué qu'à l'exception d'un commandant du RUF, Dennis Mingo (alias Superman), il ne s'entendait pas avec les autres membres. M. Massaquoi a affirmé que trois des autres membres du RUF avaient tenté de l’assassiner après sa libération de prison. M. Massaquoi a également affirmé que la structure du RUF avait considérablement changé pendant son séjour en prison, et qu'après sa sortie de prison, il n'avait plus de rôle officiel au sein de l'organisation.

Peu de temps après, M. Massaquoi a été affecté à un poste à Makeni, en Sierra Leone, sous les auspices de la Commission de gestion des ressources minérales. Il a également participé à des négociations de paix, notamment à une réunion à Monrovia, au Libéria. Il a été nommé assistant spécial de M. Sankoh en octobre 1999, et a participé à des réunions sur le désarmement à ce titre fin 1999 et début 2000. Il a également fait référence à d'autres voyages liés à son travail avec M. Sankoh pendant cette période, notamment en Côte d'Ivoire.

M. Massaquoi a déclaré qu'au printemps 2000, des centaines de casques bleus des Nations unies avaient été enlevés à Freetown, en Sierra Leone, par les troupes du RUF venues du nord. Lorsque M. Sankoh a refusé de parler aux manifestants en colère, des violences ont éclatés, causant plusieurs morts. M. Massaquoi a affirmé qu'il avait réussi à échapper aux violences. M. Sankoh s'est rendu peu de temps après. Par la suite, M. Massaquoi a été nommé membre d'une délégation extérieure pour les négociations de paix à Monrovia, au Libéria, en août 2000. Cette délégation s’est rendue brièvement au Mali pour rencontrer le Président malien, et a rencontré Charles Taylor à plusieurs reprises, alors Président du Libéria. Enfin, la délégation s’est rendue à Abuja, au Nigeria, où a été conclu l'accord de cessez-le-feu d'Abuja prévoyant la libération des casques bleus de l'ONU et la fin des hostilités en Sierra Leone.

Après la conclusion de l'accord d'Abuja, M. Massaquoi est retourné en Sierra Leone. En chemin, alors qu'il traversait la ville de Voinjama dans le comté de Lofa au Libéria, sa délégation a rencontré un homme nommé « Colonel Eagle ». Peu de temps après, en décembre 2000, M. Massaquoi est retourné à Monrovia, au Libéria, où il a confié des diamants à un homme nommé Ibrahim Bah, qui devait les apporter à Charles Taylor pour qu'il les garde en lieu sûr. M. Massaquoi est retourné en Sierra Leone pour rencontrer Benjamin Yeaten, un soldat des forces spéciales sierra-léonaises, avant de se rendre à nouveau à Monrovia en janvier 2001. Plus tard, en mai 2001, les négociations pour le désarmement final ont commencé à Freetown, en Sierra Leone. Ces négociations se sont terminées en décembre 2001 avec l'accord « Abuja II ». M. Massaquoi a affirmé que la plupart des négociations se déroulaient à Freetown, mais que des réunions avaient parfois lieu dans tout le pays, y compris à Makeni.

M. Massaquoi a témoigné qu'il avait vécu à Makeni jusqu'en octobre 2001, et avait participé aux négociations tripartites sur le désarmement qui avaient abouti à Abuja II. Il a également pris part à la Commission Vérité et Réconciliation de la Sierra Leone, a assisté à des réunions pour les Nations unies et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), et a conduit un taxi à Freetown.

Après le désarmement complet du RUF en décembre 2001 et la fin de la guerre civile en janvier 2002, M. Massaquoi est retourné au Libéria à la fin du mois de juin 2002, afin de récupérer sa voiture et quelques biens personnels. M. Massaquoi a déclaré avoir entendu parler de la mort de « Superman » Dennis Mingo au cours de ce voyage. Cette nouvelle a été confirmée par la suite lors d'une réunion avec le général Benjamin Yeaten. M. Massaquoi a affirmé qu’il s’agissait de la dernière fois où il se trouvait au Libéria, et pense que c'était le 28 juin 2002.

M. Massaquoi a déclaré qu'il s'était inscrit pour se présenter aux élections de 2002 en Sierra Leone, mais qu'il s'était retiré dans les semaines précédant les élections en raison de ses mauvaises relations avec les dirigeants du Revolutionary United Front Party - Parti du front révolutionnaire uni (RUFP). M. Massaquoi a fait référence à des désaccords internes au sein du RUFP entre août 2001 et mars 2002 liés à l'achat d'une maison à Freetown pour le parti.

Après les élections, M. Massaquoi a déclaré qu'il menait une vie normale avec sa famille à Freetown, où il avait rencontré le personnel de la Commission Vérité qui l’avait l'interrogé pendant cinq jours sur son implication dans le RUF. Il a également rédigé un projet pour le Comité national pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration, et a mentionné un projet de pêche visant à réintégrer et à réhabiliter les anciens soldats. En juin ou juillet, M. Massaquoi a rencontré une femme qui lui a parlé de l’établissement du Tribunal spécial pour la Sierra Leone et lui a demandé de participer aux procès.

M. Massaquoi a affirmé qu’il avait rencontré Corinne Dufka, Alan White et David Crane, membres du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) le 14 août 2002, et qu'il avait continué à les rencontrer régulièrement officiellement et officieusement par la suite. En octobre 2002, M. Massaquoi a signé un accord de protection de témoin avec le TSSL en vue de la préparation de son témoignage. Cet accord avait pour objectif d’assurer sa protection et celle de sa famille, ainsi que d’assurer son immunité contre toute poursuite judiciaire liée à ses actes en tant que combattant et transporteur de diamants pour le RUF.

Le 9 mars 2003, M. Massaquoi a été arrêté sur la route de Freetown par Issa Sesay, qui l'a informé que lui et d'autres membres du RUF avaient besoin d’argent pour s'échapper de la Sierra Leone avant le début des procès au TSSL. M. Massaquoi a accepté de les aider et de rencontrer le Président Charles Taylor. Il a également alerté l'équipe du TSSL de ces tentatives fuite. Sur la base de ces informations, le Bureau du Procureur du TSSL a pu arrêter les participants à la réunion avec Charles Taylor et les inculper.

A la fin de l'interrogatoire de la Défense, M. Massaquoi a expliqué qu'il avait été confiné dans une résidence protégée dans un quartier inconnu de Freetown pendant les procès au TSSL ; qu'il n'était devenu connu en Sierra Leone et au Libéria que dans les années 2000, lorsque ses apparitions médiatiques se sont accrues ; qu'il avait utilisé des téléphones satellites capables de cacher sa position, mais qu'il ne l'avait fait qu'à une seule occasion (une interview avec la BBC) ; et qu'il n'avait été personnellement témoin d'aucune violence au Libéria en général ou dans le comté de Lofa en particulier. Enfin, M. Massaquoi a expliqué que la note manuscrite qui a été trouvée dans la prison de Vantaa n'avait pas été écrite dans le but d’influencer les témoins, mais plutôt pour leur rafraîchir la mémoire avec des informations connues sur des événements survenus il y a vingt ans.

Interrogatoire de M. Massaquoi par l’Accusation

L'interrogatoire du Procureur a commencé par des questions sur la connaissance de M. Massaquoi concernant les actions des troupes du RUF au Libéria. L'Accusation a commencé par expliquer qu'entre 1999 et 2003, M. Massaquoi était au courant du conflit mené dans certaines parties du Libéria, en particulier dans le comté de Lofa près de la frontière de la Guinée, par des soldats sous l’autorité du commandant du RUF Sam Bockarie, également connu sous le nom de « Mosquito Spray » (Spray anti-moustique). L'Accusation a ensuite demandé si M. Massaquoi était au courant des liens entre le RUF et les attaques dans le comté de Lofa, ou si, en tant que porte-parole du RUF, il était chargé de se renseigner sur les actes des troupes du RUF. M. Massaquoi a affirmé qu'il n'avait qu'une connaissance de seconde main des attaques du RUF dans le comté de Lofa. De plus, M. Massaquoi a déclaré que le RUF n'opérait qu'en Sierra Leone et qu'il agissait pour soutenir le Président Charles Taylor dans sa tentative de reprendre le contrôle du comté de Lofa aux rebelles du LURD (Liberians United for Reconciliation and Democracy - Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie). M. Massaquoi a insisté sur le fait que son rôle ne concernait que les opérations politiques du RUF. Il a déclaré qu'il n'était ni informé des opérations militaires du RUF ni responsable des troupes.

L'Accusation a ensuite interrogé M. Massaquoi sur la mort du « Superman » Dennis Mingo. M. Massaquoi a témoigné qu'il avait appris la mort de M. Mingo en juin 2001, et qu'il n'avait pas vu le corps de M. Mingo. L'Accusation a présenté le résumé d'une enquête antérieure au cours de laquelle M. Massaquoi avait déclaré avoir appris la mort de M. Mingo entre juillet et octobre 2001, et avoir vu le corps de M. Mingo. La Cour a conclu que ce résumé d'enquête était recevable.

L'Accusation s'est ensuite arrêtée sur les incohérences dans les déclarations de M. Massaquoi concernant son passé militaire au sein du RUF. M. Massaquoi a témoigné devant la Cour qu'il avait combattu pour le RUF en 1993 et 1994, mais avait admis au cours de l'enquête qu'il avait combattu entre 1992 et 1996. L'Accusation a également souligné que M. Massaquoi continuait à être appelé « commandant » par les membres du RUF même après la cessation de ses fonctions militaires ; M. Massaquoi a déclaré que ceci résultait de son grade, lieutenant-colonel, et de la culture au sein du groupe. M. Massaquoi a également confirmé qu'il était habituellement le chef des délégations du RUF mentionnées tout au long de son témoignage.

Ensuite, l'Accusation a demandé à M. Massaquoi quels étaient son itinéraire et ses moyens de transport entre le Libéria et la Sierra Leone. M. Massaquoi a expliqué qu'il ne se souvenait pas des villages spécifiques de Kamatahun Hassala ou de Yandehun, ni de l'emplacement de la piste d'atterrissage de Foya mentionnée au cours de son témoignage. Il a également déclaré que ses voyages se faisaient à la fois en voiture et en avion, et qu'il prenait parfois l'avion entre Foya et Monrovia. L'Accusation a fait référence au dossier préalable au procès, dans lequel M. Massaquoi a affirmé qu'il voyageait « toujours » en voiture ; M. Massaquoi a répondu qu’il s’agissait d’une erreur, et a déclaré que si le rapport disait « toujours », il aurait dû dire « souvent » ou « fréquemment ». Enfin, M. Massaquoi a concédé qu'il connaissait l'existence d'un village nommé Kailahun en Sierra Leone, mais pas au Libéria.

L'Accusation s'est ensuite intéressée aux incohérences entre le témoignage de M. Massaquoi et les déclarations qu'il avait faites lors d'enquêtes antérieures concernant ses relations avec le général Benjamin Yeaten, Joseph « ZigZag » Marzah et Sam « Mosquito » (Moustique) Bockarie. M. Massaquoi a déclaré qu'il pensait se souvenir les avoir rencontrés. L'Accusation a ensuite présenté les déclarations de M. Massaquoi au cours d’enquêtes antérieures selon lesquelles il n’avait jamais rencontré M. Marzah. L'Accusation a également souligné un passage du livre de M. Massaquoi, « The Secret Behind the Gun », dans lequel il mentionne une discussion avec M. Marzah.

Lorsqu'on lui a demandé s'il avait été indemnisé pour la livraison de diamants au Président Charles Taylor, M. Massaquoi a indiqué qu'il se souvenait n’avoir reçu aucune rémunération personnelle, mais qu'il savait que M. Taylor soutenait le RUF. L'Accusation a demandé pourquoi M. Massaquoi avait une voiture à Monrovia, et pourquoi il se souvenait de la date exacte à laquelle il l'avait récupérée. M. Massaquoi a déclaré que la voiture lui avait été donnée pour son rôle au sein des délégations du RUF, et qu'elle ne lui appartenait pas en réalité. De plus, il a déclaré qu'il ne pouvait qu'estimer la date, car cela s'était passé il y a longtemps.

L'Accusation a terminé en posant des questions sur l'utilisation du téléphone satellite par M. Massaquoi et sur les cas avérés de fausses déclarations de sa position aux journalistes. M. Massaquoi a admis avoir dit à un journaliste qu'il se trouvait à Makeni, en Sierra Leone, alors qu'il était en réalité au Libéria, et qu'il avait utilisé le bouton orange du téléphone satellite pour masquer sa position. Il a expliqué qu'il avait fait cela à la demande de Charles Taylor parce que celui-ci voulait prendre ses distances avec le RUF. M. Massaquoi a affirmé que c'était la seule fois où il avait fait une fausse déclaration sur sa position. Cependant, l'Accusation a présenté un passage du livre « The Secret Behind the Gun » dans lequel M. Massaquoi avait écrit qu'à plusieurs reprises, il avait faussement prétendu à des journalistes qu'il se trouvait à Makeni, en Sierra Leone, alors qu'il était en réalité à Monrovia, au Libéria.

L'audience s'est terminée à 14h30 le 12 février 2021. La procédure se poursuivra la semaine prochaine au Libéria.


+ 23/02/21 (Libéria) Septième jour : Audition du premier témoin

Le procès a repris après que la visite par les autorités finlandaises (juges, procureurs et avocats) au cours de la première semaine des sites où Gibril Massaquoi aurait commis des crimes contre l'humanité. Pour en savoir plus, veuillez cliquer ici. Pour voir les images, veuillez cliquer ici.

Le septième jour d’audience publique a repris le 23 février 2021. Le procès s’est déplacé de Tampere, en Finlande, à Monrovia, au Libéria, pour entendre les témoins. L'Accusé, M. Massaquoi, est resté en Finlande.

Questions de l'avocat de la Défense au premier témoin

La journée a commencé par l'interrogatoire d'un témoin par l'avocat de la Défense, M. Gummerus. L'identité du premier témoin, qui est resté de dos, n'a pas été révélée aux observateurs du procès.

M. Gummerus a commencé par interroger le premier témoin sur ce qu'elle a vu pendant la guerre civile au Libéria. Plus précisément, M. Gummerus lui a demandé si elle se souvenait du jour où elle cherchait de la nourriture à Monrovia et où elle avait rencontré des soldats. Le premier témoin a répondu que, bien qu'elle ne se souvenait pas de ce jour, elle se rappelait que c'était au cours de l’année 2000, période dont elle se souvenait parce que c'était l'année où elle était allée chercher de la nourriture.

M. Gummerus a alors demandé au premier témoin d'expliquer ce qui lui était arrivé le jour en question. Elle a expliqué qu'elle avait rejoint un groupe d'hommes et de femmes quittant Logan Town, à Monrovia, pour se rendre à Vai Town sur Bushrod Island. Le groupe qui comprenait deux de ses amis essayait de trouver de la nourriture. Le groupe a commencé à traverser le pont, en direction de Waterside.

Le premier témoin a expliqué que lorsque le groupe était arrivé au bord du pont, les soldats stationnés à un poste de contrôle leur avaient ordonné de s'arrêter et de former une ligne droite. Alors qu'ils suivaient l'ordre, le premier témoin a remarqué un homme portant un t-shirt blanc et un pantalon de camouflage. Selon le témoin, l'homme a déclaré « Je suis l'Ange Gabriel Massaquoi. Je suis celui qui peut vous envoyer à Dieu et vous lui dîtes que je vous ai envoyé ».

Le premier témoin a également expliqué qu’elle avait vu son amie [victime A] alors qu'elle marchait dans la foule. Elle a déclaré que l'homme avait alors pris la main de la victime A et avait tenté de la faire sortir de la file pour l'emmener sur une route sous le pont. Lorsque [la victime A] a résisté, l'homme a tiré en l'air.

Le premier témoin a ensuite expliqué que d'autres coups de feu avaient été tirés par des garçons qui étaient avec « L’Ange Gabriel Massaquoi », et que le groupe avait commencé à se disperser. Selon le témoin, les coups de feu ont continué alors qu'ils commençaient à courir. Le premier témoin n'était pas sûr s’il s’agissait de troupe gouvernementale ou de rebelles qui leur tiraient dessus. Le premier témoin s'est enfui dans la région de West Point et a couru dans la maison d'un homme, où elle a dormi. Le lendemain matin, le premier témoin a entendu que des gens revenaient de l'autre côté du pont, elle a alors décidé de les rejoindre.

Lorsque le premier témoin est arrivé, on lui a dit d'attendre et de voir ce qu'il adviendrait du premier groupe de personnes qui tentaient de traverser le pont. Elle a déclaré que pendant qu'elle attendait, elle avait commencé à faire le deuil de son amie, [victime A]. Elle a expliqué qu'un garçon l'avait vue faire son deuil et l'avait informée que son amie avait été tuée. Le premier témoin a déclaré qu'elle s'était mise à pleurer pour son amie.

Le premier témoin a expliqué qu'après avoir traversé le pont, elle avait vu son amie [civile 37], qui était la sœur de la [victime A]. [La civile 37] a dit au premier témoin que [la victime A] avait été tuée. Après avoir traversé le pont, le premier témoin est rentré chez elle. Elle a expliqué qu'elle n'était pas retournée sur le pont parce qu'elle avait peur.

Après les explications du premier témoin, M. Gummerus a demandé si elle avait personnellement vu son amie [victime A] se faire tuer. Le premier témoin a répondu qu’ils étaient partis chacun de leur côté et que c'était un garçon qui lui avait dit que [la victime A] était morte. Le premier témoin n'a pas identifié le garçon, mais a affirmé que [la civile 37] avait également confirmé que son amie avait été tuée. M. Gummerus a demandé si le premier témoin savait comment [la civile 37] avait appris la mort de sa sœur. Le premier témoin a précisé que [la civile 37] lui avait dit qu'elle avait été présente lorsque [la victime A] avait été emmenée sous le pont parce qu'elle y avait également été emmenée, et que les garçons avaient commencé à torturer [la civile 37], mais qu'elle avait pu s'échapper.

Les interactions antérieures avec la police finlandaise et les événements sur le pont

M. Gummerus a demandé au premier témoin si elle se souvenait avoir parlé de ces événements à la police finlandaise. Le premier témoin a expliqué qu'elle leur avait dit la même chose que ce qu'elle venait de dire. M. Gummerus a demandé au premier témoin s'il y avait des incohérences entre son témoignage actuel et ce qu'elle avait dit à la police finlandaise auparavant. En particulier, M. Gummerus a dit au premier témoin que lorsque la police finlandaise l'avait interrogée, leurs notes disaient qu’elle avait personnellement observé le meurtre de la victime A. Le premier témoin a précisé que la police finlandaise ne l'avait peut-être pas comprise et que lorsque [la victime A] avait été emmenée sous le pont, le premier témoin et les autres s’étaient dispersés parce que des coups de feu avaient été tirés. Elle a ensuite répété que [la civile 37] avait confirmé la mort de [la victime A].

M. Gummerus a également interrogé le premier témoin sur l'homme qui s'était présenté comme « l'Ange Gabriel Massaquoi ». Il a demandé au premier témoin qui était cet homme et si elle comprenait le rôle qu'il jouait. Le premier témoin a répondu qu'il était le commandant et qu'il était « l'Ange Gabriel [...] celui qui peut emmener les gens au ciel. »

Le premier témoin a ensuite expliqué qu'elle était tellement effrayée par ce qui s'était passé qu'elle était restée à Logan Town. Afin de nourrir ses enfants, elle vendait du bois et des feuilles de pommes de terre. Elle a déclaré que les magasins n'étaient pas ouverts, donc seuls les gens courageux traversaient le pont. M. Gummerus a également demandé dans quelle mesure la situation était mauvaise pour que les gens aillent chercher de la nourriture. En réponse, le premier témoin a expliqué qu'il y avait des combats et que les gens étaient dispersés - elle a précisé que les combats duraient depuis longtemps.

M. Gummerus a ensuite demandé au premier témoin qui l'avait contactée au sujet de ces événements. Le premier témoin a expliqué que seule la police finlandaise l'avait contactée et cela par l'intermédiaire de [la civile 37]. M. Gummerus a ensuite demandé au premier témoin si elle savait comment [la civile 37] avait rencontré la police finlandaise. Le premier témoin a expliqué que [la civile 37] lui avait dit qu'elle avait rencontré quelqu'un nommé [employé 1]. Elle a également déclaré que [l'employé 1] avait dit à [la civile 37] que des blancs étaient venus et voulaient entendre les observations des gens sur ce qui s'était passé pendant la guerre. M. Gummerus a demandé au premier témoin si [la civile 37], [l’employé 1] ou quelqu'un d'autre lui avait précisé ce qu'elle devait dire à la police finlandaise. Le premier témoin a répondu que [la civile 37] lui avait seulement dit que [l’employé 1] voulait donner son numéro de téléphone à la police finlandaise, et c'est ainsi qu'elle avait été contactée.

M. Gummerus a interrogé le premier témoin sur les multiples guerres qui se sont déroulées au Libéria et a demandé s'il y avait eu une période de paix entre les deux guerres. Elle a expliqué qu'il y avait des interruptions dans les combats. Différentes périodes ont été citées la « Première Guerre mondiale », la « Deuxième Guerre mondiale » et la « Troisième Guerre mondiale », mais il s'agissait de la même guerre qui s’est déroulée la même année.

M. Gummerus lui a ensuite demandé si elle se souvenait de quelque chose en particulier concernant « l'Ange Gabriel Massaquoi ». Le premier témoin a expliqué qu'elle se souvenait qu'il avait un accent qui semblait venir de Sierra Leone, car il ne parlait pas comme un Libérien - on pouvait dire quand quelqu'un d'un autre pays parlait.

M. Gummerus a demandé au premier témoin si le pont de Vai Town était fermé. Elle a expliqué qu'il était fermé à cause des combats, et que personne ne pouvait le traverser à moins que les soldats ne l'autorisent. M. Gummerus a demandé au premier témoin de préciser qui se battait à l'époque. Elle a expliqué que les forces gouvernementales étaient d'un côté, mais qu'elle ne savait pas de quel côté était l'homme avec l'accent, « l’Ange Gabriel ». Le premier témoin a présumé que cet homme se battait pour une force opposée au gouvernement, mais il était difficile de savoir avec certitude qui se battait pour qui, car ils portaient tous le même camouflage.

M. Gummerus a demandé où d'autres combats avaient eu lieu à Monrovia. Le premier témoin a répondu que toute la ville était touchée par les combats, mais que le pont était le principal endroit où ils avaient lieu car les gens l'utilisaient pour aller faire des courses. M. Gummerus a demandé au premier témoin le nom du pont, qu'elle a identifié comme « le Vieux Pont » (Old Bridge) - elle a précisé qu'il y avait deux ponts, l'un allant à Johnson Street et l'autre à Waterside. M. Gummerus a demandé si d'autres combats avaient eu lieu sur le Vieux Pont après 2000. Le premier témoin a expliqué que même s'il y avait eu des interruptions dans les combats, il y en avait eu d'autres au cours de la même année.

M. Gummerus a repris l'interrogatoire du premier témoin sur le contexte de son précédent interrogatoire avec la police finlandaise. Le premier témoin a déclaré que [la civile 37] lui avait dit qu'elle, le premier témoin, avait été la première à parler à la police. Le premier témoin a parlé au téléphone avec [l'employé 1], et c'est lui qui l'a emmenée à la police finlandaise ; ils n'ont pas discuté de l'affaire en tant qu’ [employé 1] pendant qu'ils se rendaient ( ?) à l'entretien.

Selon le résumé de l’interrogatoire de police, le premier témoin avait déclaré que l'entretien était censé porter sur la Troisième Guerre mondiale, mais l'avocat de la Défense a indiqué qu'elle parlait de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale dans le cadre du présent procès. Le premier témoin a expliqué qu'elle parlait de la Première et de la Seconde Guerre mondiale parce qu'il y avait eu des interruptions dans les combats. Lorsqu'on lui a demandé quelle était sa compréhension de la Troisième Guerre mondiale, le premier témoin a déclaré qu’il ne s’agissait que du nom donné à cette partie de la guerre. Il y a eu un cessez-le-feu, mais c'était la même guerre.

Les questions qui ont suivies ont porté sur la connaissance du premier témoin du nom de l'homme qui s'était présenté comme « l’Ange Gabriel Massaquoi » sur le pont. M. Gummerus a déclaré que lors de l'interrogatoire de police fin 2019, le premier témoin n'avait pas dit le nom « Massaquoi », il a donc demandé comment elle connaissait le nom « Massaquoi ». Le premier témoin a insisté sur le fait que lors de son interrogatoire, elle avait dit le nom « Ange Gabriel Massaquoi ». Elle a également déclaré que, lors de l'incident qu'elle a décrit, il était la seule personne à se présenter, et qu'il avait commencé à tirer peu après.

M. Gummerus a ensuite repris son interrogatoire avec des questions sur la date de l'incident. Le premier témoin a déclaré que l'incident s'était produit en 2000. M. Gummerus a déclaré qu'elle avait dit juin/juillet 2003 lors de son précédent interrogatoire et a demandé si elle pensait que la police l'avait mal noté. Elle a répondu par l'affirmative, soulignant que c'était la police qui prenait des notes, avec l'aide d'un interprète.

M. Gummerus a demandé combien de temps après l'incident la guerre avait pris fin. Le premier témoin a déclaré que cela n'avait pas pris beaucoup de temps ; elle a réitéré que son expérience avait été acquise pendant la Première Guerre mondiale et qu'il y avait eu des interruptions dans les combats entre la Première, la Deuxième et la Troisième guerre mondiale. Le premier témoin a également expliqué qu'après l'incident, elle était restée avec sa fille à Jacob Town pendant un an environ, puis avait déménagé à Nimba en 2003.

L’interrogatoire du premier témoin avec la police finlandaise

Après une pause de dix minutes, M. Gummerus a fait visionner la vidéo de l’interrogatoire du premier témoin avec la police finlandaise. M. Gummerus souhaitait attirer l'attention sur deux choses : le nom et l'année mentionnés par le premier témoin pendant l’interrogatoire.

NOTE : L'audio de la vidéo était difficile à entendre par le biais de la liaison vidéo utilisée pour observer le procès. Au cours de l’enregistrement, il semble que le premier témoin ait décrit l'incident du pont. Elle a expliqué qu'elle était allée avec d'autres femmes au marché pour vendre des choses dans la zone de West Point près du « Vieux Pont » (Old Bridge). Elle a déclaré que beaucoup de gens avaient été battus et que trois garçons avaient été tués. Elle a dit qu'un grand homme avec un accent sierra-léonais qui se faisait appeler « Ange Gabriel » avait emmené [la victime A]. Il l'a ensuite ramenée et tuée avec son arme. Il a également tué trois garçons. Le premier témoin a déclaré qu'ils s’étaient échappés lorsque les soldats libériens étaient arrivés. Le premier témoin a expliqué qu'elle était enceinte de deux mois à l'époque et qu'elle avait fait une fausse couche après cet événement.

Après la diffusion de la vidéo, le premier témoin a confirmé qu'elle se souvenait de l’interrogatoire. M. Gummerus a souligné qu’au cours de l’interrogatoire, elle n'avait pas mentionné le nom « Massaquoi », alors qu'elle venait de dire qu’elle l’avait mentionné. Le premier témoin a reconnu que si elle n'avait pas dit « Massaquoi » pendant l’interrogatoire, c'était ce qu'il avait dit : « Je suis l'Ange Gabriel Massaquoi. »

M. Gummerus s'est ensuite concentré sur la chronologie des événements, demandant si le premier témoin voulait expliquer pourquoi elle avait déclaré à la police finlandaise que l'incident s'était produit en 2003, mais qu'elle affirmait aujourd’hui qu'il s'était produit en 2000. Le premier témoin a répondu qu'elle avait dit 2000 parce que la guerre avait commencé en 2000. M. Gummerus a ensuite demandé pourquoi elle n'avait pas dit que c'était en 2003 alors qu'il l'avait interrogée auparavant, et elle a répondu que c'était parce que la guerre avait duré jusqu'en 2003. M. Gummerus a insisté sur ce point, soulignant que la police finlandaise lui avait posé des questions sur son expérience avec « Ange Gabriel », plutôt que sur la guerre. Il a également souligné qu'elle venait de dire que la guerre avait duré de 2000 à 2003, mais qu'elle avait déjà dit que la guerre avait eu lieu en 2000. Le premier témoin a expliqué qu'elle avait dit 2000 parce que c'était à cette époque que la guerre avait commencée et qu'il y avait eu des interruptions dans les combats. Ce dernier point a clos l'interrogatoire de M. Gummerus.

L'Accusation interroge le premier témoin sur les événements

L'Accusation a ensuite commencé l'interrogatoire du premier témoin. Tout d'abord, l'Accusation s’est référée à l'enregistrement de l’interrogatoire dans lequel le premier témoin avait décrit « l'Ange Gabriel » tuant les trois garçons et [la victime A], puis a demandé si elle avait elle-même assisté à ces meurtres. Le premier témoin a précisé que quelqu'un d'autre lui avait parlé de ces morts. L'Accusation a demandé si quelqu'un lui avait dit avant son témoignage de ne pas parler de ces morts. Le premier témoin a démenti.

L'Accusation a ensuite posé des questions sur la sœur du premier témoin. Au cours de l'enregistrement, le premier témoin a déclaré que sa sœur avait été tuée à Freeport, et elle a mentionné Gabriel. Le premier témoin a précisé que ce n'était pas « l’Ange Gabriel » qui avait tué sa sœur - sa sœur a été tuée dans un entrepôt en 2000.

L'Accusation a également demandé si [la civile 37] avait été interrogée par la police finlandaise au sujet du même incident. Il a déclaré que lorsque le premier témoin avait été interrogé à ce sujet, elle avait dit que [la civile 37] n'avait pas dit qu'elle avait déjà été interrogée, mais simplement que [l’employé 1] voulait lui parler. L'Accusation a affirmé que, lorsque la police finlandaise avait mentionné l'interrogatoire de [la civile 37], le premier témoin était déjà au courant.

Enfin, l'Accusation a demandé si le premier témoin avait tendance à raconter des histoires comme si elles lui étaient vraiment arrivées alors qu'en réalité elles concernaient des choses dont elle avait entendu parler, mais qu'elle n'avait pas vues personnellement. Le premier témoin a démenti.

L'Accusation a demandé si c'était ce qu'elle avait fait lors de l’interrogatoire de police. Le premier témoin a simplement répondu qu'elle, [la victime A] et [la civile 37] avaient été ensemble tout au long de cette aventure.

L'audience s'est terminée et reprendra à Monrovia le mercredi 24 février 2021.


+ 24/02/21 (Libéria) Huitième jour : Audition des deuxième et troisième témoins

Le huitième jour d’audience publique a repris le 24 février 2021 à Monrovia, au Libéria.

L'Accusation a interrogé le deuxième témoin sur les événements survenus près du pont et sur son expérience avec « l’Ange Gabriel Massaquoi ».

La journée a commencé avec l'interrogatoire du deuxième témoin par l'Accusation concernant son expérience au Libéria. L'Accusation a demandé au témoin s'il se souvenait bien de ce qui s'était passé, et s'il avait vu plusieurs personnes armées à Monrovia. Le deuxième témoin a répondu par l'affirmative, et qu'il se souvenait qu'ils venaient de la ville de Logan. Lorsqu'on lui a demandé son âge à l'époque, le deuxième témoin a déclaré qu'il était né en 1952 et qu'il devait être âgé d’environ 47 ans.

L'Accusation s'est ensuite concentrée sur le jour en question. Le deuxième témoin a expliqué qu'il allait chercher de la nourriture avec son ami et son frère dans un magasin à Waterside, près d'un rond-point. Le témoin a précisé que par « ami et frère », il entendait deux personnes distinctes. L'Accusation a rappelé que le témoin avait précédemment déclaré qu'il avait entendu des coups de feu lorsqu'il était dans le magasin, et lui a demandé s'il savait qui tirait. Le témoin a répondu qu'il n'avait vu qu'un seul homme tirer des coups de feu avec un pistolet. Il a appelé cet homme « Gabriel Massaquoi ». Le témoin a expliqué que cette personne était accompagnée de nombreux autres combattants - bien qu'il n'ait pas fait le compte exact - et que certains d'entre eux étaient armés et portaient des tenues de camouflage.

L'Accusation a ensuite demandé comment le témoin connaissait le nom de l'homme qui tirait à l'extérieur du magasin. Le deuxième témoin a répondu que l'homme s'était identifié par son nom après avoir tiré, en disant : « Je suis Gabriel Massaquoi ». L'Accusation a demandé au témoin de confirmer que l'homme avait spécifiquement utilisé le nom « Gabriel Massaquoi », et le témoin a confirmé.

L'Accusation a demandé si quelqu'un avait été abattu lorsque le témoin avait entendu les coups de feu et était sorti du magasin. Le témoin a répondu « non » et a ajouté qu'il n'avait vu aucun blessé à ce moment-là. L'Accusation s’est référée à la déclaration antérieure du témoin selon laquelle des individus avaient été amenés dans un « bâtiment de contrôle » et a demandé où se trouvait ce bâtiment. Le témoin a déclaré que le bâtiment se trouvait près du Vieux Pont (Old Bridge), et que c'est là qu'un homme avait été tué. Il a expliqué que ses amis et lui avaient été emmenés au même endroit près du pont, avec au moins trente autres personnes. Le témoin a indiqué qu'il pouvait voir de nombreux cadavres sous le pont.

L'Accusation a demandé au deuxième témoin de préciser sa déclaration précédente concernant « les files et les tirs ». Le témoin a expliqué que lorsqu'ils étaient sortis, tout le monde avait dû se mettre en ligne. L'Accusation a ensuite demandé au témoin plus de détails sur ce qui s'était passé sous le pont et s'il y avait eu des coups de feu. Le témoin a déclaré que les tirs avaient eu lieu à deux points de contrôle. Lorsqu'on lui a demandé si l'endroit sous le pont était un point de contrôle ou une base, le témoin a répondu qu’il s’agissait d’une base. L'Accusation a ensuite demandé si le témoin avait été emmené à la base avec son ami et son frère. Le témoin a déclaré que son ami et son frère avaient été tués plus tôt lorsqu'ils avaient été retirés de la file et transportés sous le pont. Le deuxième témoin a confirmé qu'il les avait vus se faire tuer. L'Accusation a demandé qui avait tiré. Le témoin a répondu que c'était Gabriel Massaquoi ; il se souvenait que c'était un pistolet.

L'Accusation a demandé si le frère et l'ami du témoin étaient morts immédiatement après les coups de feu. Le deuxième témoin a répondu qu'ils étaient morts à ce moment-là mais qu'ils étaient vivants lorsqu'ils avaient été retirés de la file et amenés sous le pont. Le témoin a indiqué que tous ceux qui n'avaient pas été enlevés de la file avaient trouvé un moyen de s'échapper. À la demande de l'Accusation, le témoin a confirmé à nouveau que son frère et son ami étaient vivants lorsqu'ils avaient été transportés sous le pont, et qu'ils avaient été tués sous le pont. Le témoin a expliqué que les personnes dans la file étaient juste choisies au hasard pour être emmenés sous le pont, et que lui-même n'y avait pas été emmené. L'Accusation a de nouveau demandé au témoin s'il avait personnellement vu Gabriel Massaquoi tirer sur ces personnes. Le témoin a déclaré qu'il l’avait vu de ses propres yeux.

L'Accusation a ensuite demandé les noms de l'ami et du frère du témoin, ce que le deuxième témoin a fourni. Le témoin a également expliqué qu'il connaissait d'autres personnes qui étaient également présentes dans la file et que certaines d'entre elles étaient ses amis. L'Accusation a demandé si le témoin était présent lorsque d'autres personnes avaient été tuées. Le témoin a répondu que personne n'avait été tuée en sa présence.

L’Accusation a repris son interrogatoire sur Gabriel Massaquoi, demandant si le témoin connaissait le nom du groupe de M. Massaquoi. Le deuxième témoin a répondu qu'il y avait des gens derrière M. Massaquoi qui portaient beaucoup de camouflage. L'Accusation a répété la question, et le témoin a répondu que c'était la première fois qu'il voyait M. Massaquoi armé. Le reste de sa réponse n'était pas clair.

L'Accusation est revenue sur la fusillade au magasin, demandant qui d'autre était dans le magasin. Le témoin a déclaré qu'il y était allé avec ses amis pour chercher de la nourriture, car ils n'en avaient pas. Il a indiqué qu'il y avait plus de vingt personnes dans le magasin, dont lui-même et son frère.

L'Accusation a ensuite demandé si, selon lui, Gabriel Massaquoi dirigeait le groupe. Le deuxième témoin a confirmé que Gabriel Massaquoi était le commandant. L'Accusation a demandé si le témoin avait vu plusieurs commandants ou un seul. Le témoin a précisé qu'il n'en avait vu qu'un seul : c'était Gabriel Massaquoi, qui s'était présenté devant lui et avait tué. L'Accusation a demandé si le témoin se référait à un incident précis. Le témoin a déclaré que Gabriel Massaquoi avait pris des gens de la file, les avait amenés sous le pont et les avait tués avec un pistolet.

L'Accusation a ensuite rappelé au deuxième témoin qu'ils discutaient de l'an 2000 et a demandé si le témoin se souvenait de la saison ou de la période de l'année où ces événements avaient eu lieu. Le témoin a répondu que c'était le début de l'année.

L'Accusation a ensuite déclaré que le témoin avait déjà parlé des incidents survenus au magasin et au pont et a demandé si la police finlandaise l'avait interrogé sur ce sujet ; le deuxième témoin a répondu par la négative. Lorsqu'on lui a à nouveau demandé s’il avait déjà été interrogé sur ces incidents, le témoin a répondu que des amis qui avaient été dans la file avec lui ce jour-là lui avaient dit qu'il y avait des blancs qui voulaient savoir ce qui s'était passé. Cependant, le témoin a déclaré qu'il ne leur en avait pas parlé, qu'il n'avait pas parlé à la police finlandaise et que c'était la première fois qu'il voyait un homme blanc.

L'Accusation a alors demandé si le deuxième témoin connaissait une personne nommée [personne A]. Le témoin a confirmé qu'il le connaissait, l'appelant « son frère ». Cependant, le témoin a noté qu'il était décédé l'année dernière des suites d'une maladie. L'Accusation a ensuite demandé si le témoin connaissait [la personne B]. Le témoin a confirmé que oui, il le connaissait, et que c'était également son frère. Il avait été malade et était décédé, mais le témoin ne se souvenait pas quand exactement.

L'Accusation est revenue sur la récente rencontre du témoin avec les hommes blancs, lui demandant de quoi ils avaient discuté. Le deuxième témoin a répondu qu'il leur avait dit qu'il était heureux, parce qu'ils étaient venus pour obtenir justice. L'Accusation lui a demandé s'il avait parlé aux hommes blancs des incidents du pont, ce à quoi le témoin a répondu « non ». Lorsqu'on lui a demandé de quoi il avait parlé avec eux, le témoin a répondu qu'il voyait des hommes blancs pour la première fois à cette audience. L'Accusation lui a demandé s'il parlait d'aujourd'hui ; le témoin a précisé qu'il voulait dire hier. L'Accusation lui a ensuite demandé s'il se souvenait avoir rencontré des blancs il y a plus d'un an. Le deuxième témoin a répondu qu'il n'avait rencontré que deux hommes de Finlande et que cela s'était passé hier.

La Défense interroge le deuxième témoin sur Gabriel Massaquoi et M. Varney

La Défense a ensuite commencé l'interrogatoire du deuxième témoin. Lorsqu'on lui a demandé comment il s'était retrouvé impliqué dans l'affaire, le témoin a répondu qu'une dame qui était dans la file lui avait dit que des blancs de Finlande étaient venus l'aider et l'interroger sur les mauvaises personnes. Lorsqu'on lui a posé la question, le témoin a expliqué que les « mauvaises personnes » étaient celles qui avaient retiré les personnes de la file et les avaient tués. Il a indiqué qu'il était heureux d'entendre que des blancs venaient rendre justice. La Défense a insisté pour que le témoin explique ce dont il avait discuté avec la dame. Le témoin a confirmé qu'ils avaient bien parlé de ce qui s'était passé, ainsi que des noms spécifiques de personnes, dont son ami et son frère.

La Défense a demandé s'ils avaient parlé de Gabriel Massaquoi. Le deuxième témoin a répondu que depuis l'incident, il ne l'avait pas vu. Pour clarifier les choses, la Défense a demandé à nouveau s'ils avaient parlé de Gabriel Massaquoi ou si la dame lui avait posé des questions sur Gabriel Massaquoi. Le témoin a répondu qu'elle ne lui avait pas demandé, mais qu'il lui avait expliqué.

La Défense a ensuite changé de sujet, posant des questions sur M. Gabriel Varney. Le témoin a répondu qu'il était l'un des travailleurs sur le terrain, confirmant également que Gabriel Varney était présent sur le pont. La Défense a demandé ce que M. Varney faisait là, ce à quoi le témoin a répondu qu'il était le commandant présent sur la file uniquement pour dire aux gens ce qu'ils devaient faire. Lorsqu'on lui a demandé comment il connaissait le nom de M. Varney, le témoin a simplement déclaré que sur le terrain, les gens l'appelaient « Varney ».

Pour conclure, la Défense a ensuite demandé si, fin 2019, le deuxième témoin avait parlé avec deux hommes blancs de Finlande. Le témoin a répondu que « non », il ne l'avait pas fait.

L'Accusation continue d'interroger le deuxième témoin sur M. Varney et Gabriel Massaquoi

L'Accusation a commencé par interroger le deuxième témoin sur ce que Gabriel Varney avait fait dans les détails. Le témoin a répondu que Varney était sur le terrain. Il a ajouté que parfois, lorsque des personnes étaient tuées, il disait aux gens de se mettre en ligne. Lorsqu'on lui a demandé si le témoin avait vu Varney tirer sur quelqu'un, le témoin a répondu que la première personne qu'il avait vue tirer était Gabriel Massaquoi. L’Accusation a tenté de clarifier si Gabriel Varney et Gabriel Massaquoi étaient la même personne, ce à quoi le témoin a répondu que non, qu'il s'agissait de deux personnes différentes. L'Accusation a ensuite demandé qui avait été tué par Varney. Le témoin a répondu que Varney n'avait tué personne, qu'il était juste là pour disposer les corps sous le pont.

L'Accusation a demandé si le témoin pouvait donner des détails sur Gabriel Massaquoi. Le témoin a répondu que lorsqu'il était sorti du magasin, il l'avait vu avec un pistolet. Lorsqu'il a tiré, il a dit : « Je suis Gabriel Massaquoi, si vous jouez avec moi, vous allez mourir tout de suite. » Le témoin a souligné à nouveau que c'était ainsi qu'il connaissait son nom. Lorsqu'on lui a demandé quelle langue parlait Gabriel Massaquoi, le témoin a répondu qu'il parlait l'anglais libérien.

La Défense interroge le deuxième témoin sur les groupes armés à Monrovia

La Défense a repris son interrogatoire en demandant au deuxième témoin pourquoi les gens pillaient le magasin. Le témoin a simplement répondu qu'il n'y avait pas de nourriture.

La Défense a alors commencé une série de questions sur les différents groupes armés. Tout d'abord, lorsqu'on lui a demandé s'il savait qui ou quoi était le LURD, le témoin a déclaré qu'à cette époque, il y avait de nombreuses forces. Il y avait le « RU » (LURD), il y avait l'ULIMO-K, l'ULIMO-J, et d'autres. La Défense a demandé si ces groupes comprenaient également l'ECOMOG. Le témoin a confirmé, notant également qu'ECOMOG était présent à Monrovia.

Lorsqu'on lui a demandé s'il se souvenait du moment où le LURD était venu à Monrovia, le témoin a répondu qu'il en avait entendu parler et qu'ils étaient venus à Monrovia. La Défense a ensuite demandé si l'incident s'était produit au même moment où le LURD était venu à Monrovia, ou avant. Le témoin a répondu que c'était bien avant. Il a ajouté que la guerre avait duré si longtemps qu'il ne se souvenait plus exactement du temps qui s’était écoulé. La Défense lui a demandé s'il se souvenait de l'ECOMIL, ce à quoi le témoin a répondu que non ; il ne connaissait que l'ECOMOG.

La séance du matin s'est terminée à 10h52.

[Pause]

La session de l'après-midi a commencé à 13h10.

L'Accusation et la Défense concluent l'interrogatoire du deuxième témoin

L'Accusation a continué à interroger les témoins sur leurs expériences pendant les guerres du Libéria et leurs rencontres avec l'Accusé, M. Gibril Massaquoi.

L'Accusation a commencé par rappeler qu'au cours de la séance du matin, elle avait demandé au deuxième témoin s'il avait déjà discuté avec la police finlandaise, ce que le témoin a démenti. L'Accusation a ensuite montré au témoin une vidéo et lui a posé des questions à ce sujet.

[Note : l'audio de la vidéo était difficile à entendre par le biais de la liaison vidéo utilisée pour observer le procès].

L'Accusation a rappelé que le deuxième témoin avait mentionné les noms de la personne A et de la personne B dans l'enregistrement et a demandé pourquoi il les avait mentionnés. Le témoin a répondu qu'il s'agissait de ses frères qui avaient été abattus par M. Gibril Massaquoi. Cependant, le deuxième témoin a noté que la personne A était morte plus tard de maladie et non du coup de feu. L'Accusation a ensuite demandé si le deuxième témoin avait vu des cadavres à l'extérieur du magasin où la personne A et la personne B avaient été abattues, ce que le deuxième témoin a démenti.

La Défense a poursuivi en demandant en quelle année cet événement avait eu lieu. Selon le deuxième témoin, les événements avaient eu lieu en 2000, au lieu de 2003, comme il l'avait précédemment indiqué au cours de l'enquête préliminaire. La Défense a tenté de savoir pourquoi le deuxième témoin avait décidé de corriger l'année lors de cette audience. Le témoin a expliqué que beaucoup de temps s’était écoulé et qu'il n'était pas très instruit, il était donc difficile de se souvenir des années.

La Défense a ensuite demandé si le deuxième témoin avait discuté de cette question avec quelqu'un après avoir mentionné l'année 2003 à la police finlandaise lors de l'enquête préliminaire. Le deuxième témoin a expliqué qu'il en avait discuté avec ses amis et qu'il en était arrivé à la conclusion que les événements avaient eu lieu en 2000, au lieu de 2003. Il a proposé d'apporter les noms de ces amis si nécessaire.

La Défense a poursuivi l'interrogatoire en abordant d'autres incohérences dans les déclarations du deuxième témoin. Plus précisément, la Défense a demandé pourquoi le deuxième témoin avait déclaré qu'il y avait des cadavres devant le magasin dans l'enregistrement de l'enquête préliminaire, alors qu'il a déclaré aujourd'hui qu'il n'y avait pas de cadavres devant le magasin. Le deuxième témoin a nié avoir dit qu'il y avait des cadavres devant le magasin.

Une discussion s'est alors engagée sur l’endroit où les événements décrits ont eu lieu et où se trouvaient les forces du LURD, plus loin du centre de Monrovia. La Défense a de nouveau demandé s'il y avait des différences entre le témoignage d'aujourd'hui et celui qui a été entendu sur la vidéo, ce à quoi le deuxième témoin a répondu qu'il y avait des différences parce que beaucoup de choses lui avaient « échappé » au fil du temps.

À ce stade, les observateurs du procès ont perdu l'accès à la vidéo pendant quelques instants. Lorsque la connexion a été rétablie, le juge expliquait au troisième témoin que l'Accusation l'avait fait comparaître en tant que témoin et qu'il devait répondre aux questions du mieux qu'il pouvait.

L'Accusation interroge le troisième témoin, qui a perdu sa femme près du pont

Le Procureur a commencé par demander au troisième témoin s'il se souvenait du jour où sa femme était sortie chercher de la nourriture au marché de Waterside. Le troisième témoin, comme le deuxième témoin, a d'abord expliqué qu’au cours de l'enquête préliminaire, il avait placé l'événement en 2003, mais avait ensuite rectifié à l’année 2000 (Première Guerre mondiale). Il a ensuite indiqué qu'à l'époque, il vivait à West Point. Le jour en question, sa femme avait entendu dire que les magasins de Waterside étaient ouverts, elle y était donc allée pour chercher de la nourriture. Le troisième témoin a expliqué que des combattants avaient attrapé sa femme et l'avaient amenée à leur commandant « l’Ange Gabriel Massaquoi » sous le pont.

Revenant en arrière, le témoin a expliqué que comme sa femme n’était pas rentrée, il était parti à sa recherche. Lorsqu'il est arrivé, ils l'ont interrogé, arrêté et mis dans la « file ». Selon le témoin, il y avait deux files, une devant et une derrière, et il a été placé dans la première, avec sa femme. Cependant, le témoin a vu deux autres personnes se déplacer du début à la fin de la file, ce qui l'a incité à quitter la file où il se trouvait et à se rendre au bout de l'autre file. Le témoin a ensuite décrit à quel point il avait été effrayé de voir « l'Ange Gabriel Massaquoi » tuer deux garçons. Par la suite, la même personne avait donné l'ordre de tirer sur les personnes de la première file. Après l'incident, des soldats libériens étaient arrivés au pont et avaient commencé à tirer en l'air en demandant « Pourquoi tuez-vous notre peuple ? » Cela a provoqué une confusion de tous les côtés, y compris pour « l’Ange Gabriel Massaquoi » et ses gardes du corps. Grâce au chaos qui en a résulté, le troisième témoin a pu s'enfuir.

Le troisième témoin a mentionné qu'avant la fusillade, il avait reconnu une dame que les soldats de l’Ange Gabriel Massaquoi avaient tailladée au pied avec une baïonnette, parce qu'elle avait refusé de les suivre.

Le témoin poursuivit avec des détails sur la fusillade. Il précisa à nouveau que c'est parce que les tirs ont créé un tel chaos qu'il a pu s'échapper. Le troisième témoin a affirmé que c'était grâce à Dieu qu'il était vivant et capable de témoigner aujourd'hui.

Il a également précisé qu'il n'avait pas vu l’Ange Gabriel Massaquoi depuis 2000. Il a été surpris et ému d'être appelé à témoigner, car l’Ange Gabriel Massaquoi a tué sa femme, et il a dû s'occuper seul de ses enfants.

Le Procureur a ensuite demandé au troisième témoin comment il connaissait le nom « Ange Gabriel Massaquoi ». Le témoin a expliqué que cette personne s'était tenue devant eux et s'était présentée de cette façon en disant : « Je suis l'Ange Gabriel Massaquoi, allez dire à Dieu que c'est moi qui vous ai envoyés. »

Le Procureur a ensuite demandé si le témoin avait vu de ses propres yeux le meurtre des deux garçons. Le troisième témoin a confirmé que oui, il était là quand les deux garçons avaient été tués. Il a ajouté que plus tard, l’Ange Gabriel Massaquoi avait donné l'ordre de tuer d'autres personnes, y compris la femme du troisième témoin. Le témoin a ensuite décrit comment « l'Ange Gabriel Massaquoi » avait appelé les garçons et tiré sur chacun d'eux avec son pistolet. Cela avait fait peur au troisième témoin. Interrogé, le témoin a confirmé que les garçons étaient des civils et non des soldats.

Il a également déclaré que « l’Ange Gabriel Massaquoi » avait ordonné à ses gardes du corps de tuer les autres personnes avec leurs « longs » pistolets.

Le Procureur a ensuite demandé comment l’Ange Gabriel Massaquoi parlait. Le témoin a répondu que c'était avec un accent sierra-léonais.

Lorsqu'on lui a demandé combien de soldats libériens étaient arrivés, le troisième témoin a répondu qu'en raison des tirs, il ne pouvait pas rester sur place pour compter. Il ne pouvait pas non plus compter le nombre de Libériens qui lui demandaient « Pourquoi tuez-vous nos soldats libériens ? ».

Le Procureur s'est ensuite concentré sur une erreur apparente dans les souvenirs du témoin concernant l'année où ces événements avaient eu lieu. Le témoin a déclaré que même s'il avait précédemment mentionné l'année 2003, l'incident s'était réellement produit en 2000. Le témoin a également déclaré qu'à l'exception de la police finlandaise, il n'avait parlé de l'année en question avec personne d'autre.

L'Accusation a ensuite demandé au témoin comment il était entré en contact avec la police finlandaise. Le témoin a expliqué qu'il avait parlé à des femmes de Waterside qui racontaient à d'autres ce qui leur était arrivé pendant la guerre. Selon le témoin, une personne, [l'employé 2], les avait entendues et avait dit qu'elle connaissait des gens qui souhaiteraient écouter leurs histoires. [L’employé 2] a ensuite pris leurs coordonnées et les a envoyées à la police finlandaise. Selon le témoin, la première personne contactée par [l’employé 2] à ce sujet était [la personne C].

L'Accusation a clos son interrogatoire en demandant au troisième témoin si quelqu'un lui avait dit de quoi il devait ou ne devait pas parler. Le troisième témoin a confirmé que ce n'était pas le cas ; c'était sa propre histoire.

La Défense a interrogé le troisième témoin sur le calendrier, les groupes armés et les conversations antérieures sur les événements en question

La Défense a repris l’interrogatoire, demandant au troisième témoin de confirmer qu'il n'avait parlé à personne d'autre que les femmes et le juge présents, ce que le témoin a confirmé. La Défense a posé des questions sur [l'employé 2] : une fois que [l'employé 2] a pris ses coordonnées, combien de temps s’est écoulé avant qu’il soit contacté. Le témoin a répondu qu'il avait été contacté environ cinq jours plus tard.

La Défense a ensuite contesté la capacité du troisième témoin à se souvenir de la bonne année, en soulignant que les trois témoins avaient précédemment déclaré que ces événements avaient eu lieu en 2003, mais qu'ils disaient maintenant qu’ils avaient eu lieu en 2000. Le troisième témoin a reconnu qu'il s'était trompé d'année et avait essayé de contacter les enquêteurs pour corriger cela, mais en vain. Il a simplement déclaré que l'erreur était due au fait qu’il avait été perturbé et que beaucoup de temps s'était écoulé.

La Défense a alors demandé au témoin s'il pouvait décrire la situation à Monrovia au moment de l'incident. Le troisième témoin a noté qu'il y avait des combats à Monrovia, avec les forces gouvernementales d'un côté et les forces rebelles de l'autre. Il a expliqué que les combats dans la ville démarraient et s'arrêtaient, avec différentes périodes appelées Première, Deuxième et Troisième Guerres mondiales. Le troisième témoin a expliqué que pendant cette période, on ne pouvait se rendre que dans les zones contrôlées par le gouvernement.

Lorsqu'on lui a demandé de décrire les combats qui avaient eu lieu en 2000, le témoin a répondu qu'ils étaient à West Point à ce moment-là, attendant dans la peur. Il n'a pas pu les décrire plus en détail. La Défense a affirmé que le témoin avait déclaré dans son entretien préalable au procès que les combats étaient rudes. Le témoin a corrigé l'avocat de la Défense en disant qu'il n'avait pas appelé cela une « guerre » - c’étaient juste des combattants libériens qui tiraient et criaient sur « l’Ange Gabriel Massaquoi », en demandant « Pourquoi tuez-vous nos Libériens ? ». Le troisième témoin a précisé qu'ils se battaient tous pour le président Charles Taylor.

La Défense est ensuite revenue sur [l'employé 2] et [la personne C]. Le témoin a déclaré que [le civil C] travaillait dans les affaires tandis que [l'employé 2] semblait être un « agent » finlandais, bien qu'il ne sache pas exactement où il travaillait. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait déjà discuté des incidents en présence de [l'employé 2], le troisième témoin a précisé que [l'employé 2] n’avait fait que recueillir ses informations. Lorsque la Défense a demandé pourquoi, après avoir passé 19 ans sans parler de ces événements, le troisième témoin en avait soudainement discuté avec [l'employé 2]. Le témoin a répondu qu'il n'en avait pas discuté directement avec [l'employé 2]. Au lieu de cela, la femme a déclaré que [l'employé 2] avait peut-être entendu quelque chose lorsqu'il passait par là alors qu'elle vendait du poisson.

La Défense est ensuite revenue sur la question des groupes armés actifs dans la région à l'époque. L'avocat a affirmé que, bien que le troisième témoin semblât dire que les forces de l'ULIMO étaient présents pour combattre à l'époque, d'autres informations indiquent que l'ULIMO n'était plus présents depuis 1996. Le témoin a répondu qu'il avait simplement accepté ce que les combattants lui avaient dit. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait vu toutes les factions combattantes, le troisième témoin a répondu qu'il n'avait vu que le groupe de Charles Taylor - ils étaient là le jour où il avait perdu sa femme. Il a précisé qu'il n'avait pas vu les combattants de l'ULIMO lui-même, et qu'il avait seulement entendu les hommes de Charles Taylor lui dire qu'ils combattaient les forces de l'ULIMO.

L'avocat de la Défense est brièvement revenu sur les événements concernant la femme du troisième témoin. Lorsqu'on lui a demandé de donner plus de détails, le troisième témoin a expliqué que le magasin avait « explosé » et que les gens le pillaient à la recherche de nourriture ; il avait attendu sa femme à la maison pendant environ 45 minutes avant de partir à sa recherche.

L'audience reprendra le 26 février 2021.


+ 25/02/21 (Libéria) Neuvième jour : Audition des quatrième, cinquième et sixième témoins

Le neuvième jour d’audience publique a repris le 25 février 2021 à Monrovia, au Libéria.

Le quatrième témoin est entendu

L'Accusation interroge le quatrième témoin

Le quatrième témoin a déclaré que pendant la crise, ils allaient généralement chercher de la nourriture et vendaient des marchandises. Ils étaient allés à Waterside, où un magasin de biscuits était en train d'être pillé. Il y avait beaucoup de personnes là-bas, sa sœur [victime 1], [personne F] et [personne C], elles essayaient toutes de trouver de la nourriture pour leur famille. Après le pillage du magasin, un groupe de soldats était venu et le témoin a déclaré que leur commandant avait dit qu'il était « l'Ange Gabriel, je peux amener les gens à Dieu » et qu'il avait menacé de tuer tout le monde. Ils les ont emmenés à leurs bureaux, près du pont, où les soldats ont commencé à les battre. Le quatrième témoin a déclaré qu'elle avait encore des bleus partout et que si elle se déshabillait, la Cour pourrait les voir.

Le témoin a raconté comment sa sœur [victime 1] avait été emmenée par l’Ange Gabriel dans une pièce pour y être violée. Lorsqu'elle a résisté, il a dit à ses hommes « vous prenez l'enfoiré de la file et faites son travail ». Quand les soldats ont commencé à leur tirer dessus, un autre groupe de l'autre côté du pont a commencé à tirer, et les gens ont commencé à courir, à se disperser, ne sachant pas où aller.

Revenant à sa précédente déclaration, le témoin a précisé qu'elle n'était pas dans le magasin, et que peu après les soldats étaient arrivés : c'est alors qu'elle avait vu le commandant pour la première fois. Même si les gens l'appelaient Gabriel Massaquoi, il se présentait comme l'Ange Massaquoi, l'ange qui pouvait conduire les gens à Dieu. Le témoin a raconté qu'il n'y avait pas eu de fusillade avant l'arrivée des soldats. Elle a été capturée à côté du magasin, et tous les gens qui s'y trouvaient ont été capturés également - il y avait trop de personnes pour qu'elle se souvienne du nombre exact, elle ne pouvait se souvenir que des personnes avec lesquelles elle était initialement allée.

Le témoin a poursuivi en disant qu'elle avait été emmenée à la base des soldats, qui se trouvait de l'autre côté du pont, dans un petit bâtiment. Elle y a été transportée, et c'est là qu'ils ont été battus par les soldats. Le quatrième témoin a expliqué que le commandant voulait emmener sa sœur [victime 1] dans une autre pièce. Lorsqu'elle a résisté, il a dit à ses soldats de la prendre et de la tuer - le témoin l'a entendu donner l'ordre lui-même. Le témoin a également ajouté qu'elle avait elle-même été violée.

Le quatrième témoin a expliqué qu'elle a vu sa sœur être emmenée dehors, c'est alors qu'un autre groupe de soldats était venu tirer sur le pont. Le témoin ne pouvait pas vraiment dire s'il s'agissait d'un autre groupe armé, elle était trop effrayée. Elle ne s'est pas retournée après le meurtre, elle avait trop peur et elle pleurait. Le témoin n'était pas sur les lieux lorsque sa sœur a été tuée, mais elle a entendu un coup de feu. Elle a ajouté que des amis étaient présents sur les lieux et lui avait dit que [la victime 1] avait été tuée - elle n'a plus jamais revu sa sœur après cela.

L'Accusation a voulu savoir qui avait été témoin du meurtre de sa sœur, ce à quoi le témoin a répondu que c'était [la personne C], mais que d'autres personnes lui en avaient également parlé.

Le quatrième témoin a déclaré avoir vu le commandant porter une arme, mais elle ne savait pas de quel type. Elle a répété que c'était la première fois qu'elle le voyait, et qu'il avait un accent sierra-léonais, car il ne parlait pas comme un Libérien. Elle a dit qu'elle ne pouvait pas vraiment dire en quelle année cela s'était passé, cela aurait pu être entre 1991 et 2001.

Le témoin a décrit qu'il y avait beaucoup de soldats à Monrovia à cette époque, surtout dans le centre-ville. Elle a expliqué que les soldats étaient issus de différents groupes : les forces gouvernementales, les Liberians United for Reconciliation and Democracy - Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD), le Movement for Democracy in Liberia - Mouvement pour la démocratie au Libéria (MODEL), et d'autres encore. Le témoin n’a pas pu dire quel groupe l'avait capturée.

Lorsqu'on lui a demandé comment elle était entrée en contact avec la police finlandaise, le témoin a répondu que [l'employé 1] l'avait appelée un jour, car [la personne C] lui avait donné son numéro, et il lui avait demandé si elle savait ce qui s'était passé à Waterside. Lorsqu'elle a répondu par l'affirmative, il lui a dit que des blancs étaient là et qu'il voulait en discuter avec elle. Elle n'a pas parlé de l'incident à [l'employé 1], et n'a jamais donné de détails sur la mort de sa sœur à qui que ce soit.

La Défense interroge le quatrième témoin

Le quatrième témoin a déclaré qu'elle ne se souvenait pas de l'année exacte de l'incident en raison de la guerre qui avait lieu à Monrovia. Doe et Taylor, les forces gouvernementales et rebelles, se battaient déjà en 1990. Elle a précisé que les rebelles étaient alors appelés combattants de la liberté. Le témoin a expliqué qu'en 1990, ils avaient également connu la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et la Troisième Guerre mondiale. Interrogée par la Défense, le témoin a déclaré qu'elle pensait que la Troisième Guerre mondiale avait eu lieu en 1990, mais qu'elle n'en était pas sûre car elle vieillissait.

La situation était mauvaise au moment où le magasin de biscuits avait été pillé, mais ils étaient quand même sortis chercher de la nourriture parce qu'ils ne voulaient pas mourir de faim. Bien qu'il y ait eu des tirs de l'autre côté du pont, il n'y en avait pas eu sur Waterside, et elle avait atteint le pont depuis Johanssen. Le témoin a déclaré qu'il n'y avait pas de nourriture à cause de la guerre, il n'y avait pas de libre circulation : Monrovia n'était pas assiégée, mais les combats faisaient rage dans le centre.

Le témoin a déclaré qu'elle n'avait pas connaissance de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR). Elle a expliqué avoir entendu de nombreux « noms drôles » utilisés par les soldats lorsqu'elle était près du pont, comme « Kill The Dog » (Tue le chien) et « Town Devil » (Diable de la ville). La Défense lui a demandé si le seul vrai nom qu'elle avait entendu était Massaquoi, et le témoin a déclaré qu'il s’était lui-même appelé « Ange Gabriel », et avait dit qu'il pouvait amener les gens à Dieu. Selon la Défense, sur l'enregistrement de l’audition, le témoin avait également parlé de personnes appelées « Dirty Water » (Eau sale) et « Spirit » (Esprit) ; le témoin a déclaré qu'elle n'en avait pas parlé à l'audience parce qu'elle ne s'en souvenait pas. Cependant, elle a déclaré que tout le monde présent connaissait leurs noms, et a expliqué à la Défense que « à moins que vous ne soyez pas au Libéria, alors vous ne le saurez pas ».

Le quatrième témoin a déclaré que Gabriel Massaquoi était un nom que les gens connaissaient, et qu'il disait son nom « quand il était sur le point de faire du mal ». Elle avait parlé de lui à d'autres personnes parce que sa sœur était la seule personne qu'elle avait en ce monde.

La Défense a voulu revenir sur la question des noms des soldats, et a demandé si « Country Devil » (Diable du pays), « Kill The Dog » (Tue le chien), « Spirit » (Esprit) et « Dirty Water » (Eau sale) étaient présents lorsque sa sœur avait été tuée - le témoin a confirmé que c'étaient les principales personnes qui les avaient emmenés au bureau.

Le témoin n'était pas certain d'avoir déclaré qu'elle était née en 1976, mais elle a ensuite rectifié pour 1974. Son âge n'a pas été vérifié lors de l'entretien, elle connaissait l'année car sa mère le lui avait dit. Au début, elle ne se souvenait pas de l'âge qu'elle avait lorsque sa sœur avait été tuée, mais la Défense lui a rappelé que dans l'enregistrement, elle avait déclaré avoir 19 ans - ce que le témoin a confirmé, car elle vivait encore avec sa sœur à l'époque. Elle a déclaré que sa sœur [victime 1] était une femme adulte, et bien plus âgée qu'elle - mais qu'elle ne se souvenait pas de son âge. La Défense lui a rappelé que dans l'enregistrement, elle avait dit que [la victime 1] n'avait que trois ans de plus qu'elle. Le quatrième témoin a déclaré qu'elle avait dit cela parce qu'elle l'avait écrit sur son téléphone, qu'elle avait perdu. Le témoin avait également une photo de sa sœur sur ce téléphone.

Dernières questions au quatrième témoin

A la demande de l'Accusation, le témoin a déclaré que Charles Taylor était président au moment où l'incident s'était produit. Elle avait initialement déclaré à la police que les événements s'étaient produits en 2002, mais elle s’est rappelée qu'ils avaient eu lieu en 2001, et s'est corrigée. Elle ne se souvient pas quand Charles Taylor était devenu président et quand il était parti, mais elle est sûre qu'il était président au moment de l'incident de Waterside. La Défense a demandé quel était le rôle de Taylor en tant que président, et le témoin a répondu qu'il était un chef rebelle.

Le cinquième témoin est entendu

L'Accusation interroge le cinquième témoin

Le cinquième témoin a déclaré qu'entre 2001 et 2003, il n'y avait pas de nourriture - et il était allé à Waterside pour en trouver. Après avoir vu le pillage d’un magasin, son frère aîné [victime 3] et lui étaient allés chercher quelque chose à manger. Pendant ce temps, un groupe de soldats est arrivé, et a commencé à battre et à tuer des gens - les soldats ont capturé le cinquième témoin et son frère, et les ont emmenés à leur base, juste à côté du pont. Une fois sur place, le cinquième témoin a déclaré qu'un certain Ange Gabriel Massaquoi avait pris son frère et une autre personne et les avait tués parce qu'il prétendait qu'ils étaient des rebelles. Gabriel Massaquoi l'a ensuite aligné avec d'autres personnes - car des soldats pointaient leurs armes sur eux - et a ordonné à ses hommes de tirer sur le groupe. Le cinquième témoin a vu une dame nommée [personne C] quitter la file, il a donc fait de même. À ce moment, le témoin a entendu des coups de feu derrière lui : les gens se sont mis à courir et ont été blessés - il a vu [la personne C] saigner de la jambe. Il a réussi à s'échapper.

Interrogé par l'Accusation, le cinquième témoin a précisé que l'homme qui donnait des ordres avait dit « Mon nom est l'Ange Gabriel Massaquoi, je les ai envoyés à Dieu » et c'est ainsi qu'il avait appris son nom. Le quatrième témoin a déclaré qu'il ne connaissait pas le nom de l'autre personne qui avait été tuée avec son frère, mais il a confirmé que l'Ange Gabriel Massaquoi les avait tués devant lui. Il s'est souvenu que cela avait eu lieu en 2001, pendant la saison sèche - même s'il avait initialement dit à la police finlandaise que l'incident avait eu lieu en 2003. Le témoin s’est rappelé que cette période était ce qu'on appelle localement la Première Guerre mondiale, suivie après quelques mois par la Deuxième Guerre mondiale, puis la Troisième Guerre mondiale.

Lorsqu'on lui a demandé comment la police finlandaise l'avait contacté, il a répondu que l'année dernière, il avait reçu un appel de [l'employé 1], qui lui avait dit que [la personne C] lui avait donné son numéro. [L’employé 1] lui avait demandé s'il savait quelque chose sur les événements qui s’étaient déroulés à Waterside, et il a répondu que son frère y avait été tué. Il a fortement démenti que ni [l'employé 1] ni personne d'autre ne lui avait donné d'instructions sur ce qu'il devait dire à la police finlandaise.

La Défense interroge le cinquième témoin

Au cours du contre-interrogatoire, le témoin a déclaré qu’avant même que [l'employé 1] ne prenne contact, il avait été en contact avec [la personne C] parce qu'ils étaient tous deux vendeurs à Waterside, mais qu'ils n'avaient pas discuté de l'incident pendant toutes ces années. Ils se connaissaient que parce qu'ils vendaient tous deux des biens au même endroit, mais ils n'étaient pas proches.

Le témoin a expliqué que pendant la Première Guerre mondiale, l'unité anti-terrorisme (ATU) de Charles Taylor luttait contre les rebelles, à Waterside, dans le comté de Monstserrado . Il a déclaré qu'il s'était trompé dans les dates en parlant à la police finlandaise parce que la Première, la Deuxième et la Troisième Guerre mondiale s’étaient toutes déroulées la même année, avec quelques interruptions entre les deux. Après 2001, il a quitté Monrovia et s'est rendu à Bomi Hills, et il n'a plus entendu parler de la guerre.

Le témoin a déclaré qu'il connaissait le LURD et qu'il savait qu'ils étaient proches, même s'il ne savait pas où ils se trouvaient. Il avait entendu parler de leur base à Monrovia, mais il ne voulait pas savoir où elle se trouvait. Le quatrième témoin a expliqué que pendant la guerre, les troupes gouvernementales et les rebelles se battaient, mais qu'il ne connaissait pas les noms de ces derniers car il ne les connaissait que par l’intermédiaire des troupes gouvernementales ; à l’exception du LURD, il ne connaissait aucun autre nom de groupe rebelle.

Le quatrième témoin a expliqué que les gens pillaient parce qu'il n'y avait pas de nourriture en raison du conflit qui rendait difficile la recherche de nourriture - il a déclaré que des combats avaient eu lieu à Monrovia. Il a évoqué que l'Ange Gabriel Massaquoi parlait avec un accent sierra-léonais. Il a terminé son témoignage en déclarant qu'il avait fallu attendre 2005 pour une « paix totale ».

[Pause]

Le sixième témoin est entendu

L'Accusation interroge le sixième témoin

Le témoin a évoqué qu'entre 2000 et 2001, il vivait à Elwa Junction avec son frère aîné [victime 3]. Un jour, il est allé à Waterside pour acheter des marchandises, et il a vu des gens dans un magasin qui vendait des biscuits - le magasin avait été cambriolé. Alors qu’il parlait avec un garçon qui avait des biscuits et du lait qu'il souhaitait acheter, son frère l'a laissé pour aller dans le magasin pillé. Le sixième témoin a déclaré qu'un homme avec un accent sierraléonais avait ordonné aux soldats de tirer sur la foule - beaucoup étaient morts, y compris son frère et une fille qu'il connaissait, [victime 4]. Alors qu'il tentait de s'échapper, il a été arrêté par les soldats qui l'ont emmené chez le « grand homme », qui a ordonné de l'attacher - les soldats l'ont tabassé. Le sixième témoin a mentionné que les soldats portaient des vêtements de fatigue de l'armée, qui étaient utilisés à l'époque par l'ATU.

Le sixième témoin a déclaré que d'autres personnes dans la file étaient également attachées, et qu’il avait vu le « grand patron » prendre quatre personnes du groupe, deux garçons et deux filles. Il a déclaré qu'il s'appelait Gabriel Massaquoi, et que « ses » Sierra-Léonais l'appelaient ainsi : c'est alors que le témoin a appris qu'il était de Sierra Leone. Il a ensuite parlé aux personnes qu'il avait retirées de la file et leur avait dit qu'il s'appelait Ange Gabriel, et que c'était le nom qu'il utilisait pour « détruire ». Il a continué : « Comme je suis sur le point de vous envoyer, dites à Dieu que c'est moi qui vous ai envoyés », et il a tiré sur les deux garçons et les deux filles. Il a ensuite ordonné à ses soldats de transporter leurs cadavres sous le pont, où ils gardaient les cadavres.

Alors que le témoin était encore attaché, il remarqua un homme parmi les soldats, [soldat 1], qu'il connaissait du comté de Nimba. Il a déclaré qu'il ne l'avait jamais vu porter des armes avant ce jour. Il a demandé à l'un de ses gardes du corps de demander à [soldat 1] de le libérer, et il lui a dit de « laisser les siens à Dieu, car vous êtes fini ».

Le sixième témoin a déclaré qu'il s'était mis à pleurer - la personne qu'il connaissait parlait à un autre soldat, mais l'avait ensuite remarqué. [Le soldat 1] a dit qu'il était surpris de le voir, et a demandé au témoin ce qu'il faisait là. Gabriel Massaquoi est ensuite venu et a dit que le groupe avec lequel se trouvait le sixième témoin était des espions, et qu'ils allaient les tuer. Le sixième témoin a supplié [le soldat 1] de plaider en sa faveur, il est ainsi allé parler à Gabriel Massaquoi. Le témoin a déclaré que [le soldat 1] était comme un aide de camp du « grand patron ». Il a été libéré, et [le soldat 1] l'a escorté et lui a donné du pain à manger : c'est ainsi qu'il s'est échappé.

L'Accusation revient sur certains détails du témoignage

Le témoin a précisé que la fille qu'il connaissait, [la victime 4], était déjà sur place quand il l'a rencontrée - il connaissait aussi deux autres personnes, [la personne D] et [la personne E] - avec qu'il avait l'habitude de vendre. Le sixième témoin a confirmé que Gabriel Massaquoi avait donné l'ordre de tirer sur la foule, il l'avait vu et entendu lui-même.

Après avoir arrêté le témoin, ils l'ont amené autour du pont - il y avait beaucoup de monde. Le sixième témoin a déclaré qu'il ne connaissait pas les deux garçons et les deux filles qui avaient été retirés de la file, ni la raison pour laquelle ils avaient été choisis. Le cinquième témoin a également déclaré que Gabriel Massaquoi n'avait donné aucune explication, mais que de toutes les façons, il n'écoutait pas de manière attentive car il « priait Dieu de me sortir de là ».

Le sixième témoin a expliqué qu'il avait vu de ses propres yeux ces personnes être retirées de la file, et que Gabriel Massaquoi avait donné l'ordre de les tuer, car il contrôlait tout le groupe. Le témoin ne savait pas quel type d'arme il utilisait, car il n'était pas un soldat et n'en savait pas assez sur les armes. Il a souligné que l'accent de Gabriel Massaquoi ne ressemblait pas à celui d'un Libérien.

Interrogé sur la faction à laquelle Gabriel Massaquoi appartenait, le sixième témoin a répondu que des soldats de l'ATU se trouvaient parmi ses hommes. Le témoin a déclaré qu'il y avait aussi des enfants soldats, et que ces enfants soldats étaient présents lors de la fusillade dans le magasin, mélangés aux autres. Bien qu'il connaisse le LURD et le RUF, il ne savait pas grand-chose de ces groupes.

Le témoin a admis être confus quant aux dates - il avait dit 2000 car c'était à cette époque que l'ATU était présente, mais ce qui lui était arrivé s’était produit en 2001.

Il a été interrogé par la police finlandaise l'année précédente, alors qu'il se trouvait à Kendeja. Cependant, il a été contacté pour la première fois à [Lieu 1], où il vivait. Des gens discutaient de l'incident de Waterside, et il s'était joint à la conversation en déclarant « J'étais moi-même à Waterside, c'est juste Dieu qui m'a sauvé ». C'est alors qu'un homme, [l'employé 1], s'est approché de lui et lui a dit que ce qui s'était passé à Waterside n'était pas un petit incident, et que des agents de sécurité finlandais seraient intéressés pour en discuter avec lui. Le témoin a déclaré que l'incident s'était produit il y a si longtemps, et qu'il avait perdu son frère aîné qui finançait son éducation - il était frustrant pour lui de penser que si son frère n'était pas mort à l'époque, le témoin aurait probablement eu plusieurs diplômes aujourd’hui : il n'aimait pas parler de l'incident de Waterside.

Le témoin n'avait pas de téléphone, alors il a donné à [l'employé 1] le numéro de la fille de son oncle et avait dit que « puisque vous m'avez parlé de cette manière, quand les gens viendront, j'aimerais leur parler ». Un jour, on l’a appelé et on lui a dit que la police finlandaise était au Libéria. Il s'est rendu à Monrovia et a rencontré un homme de la police finlandaise et un interprète. Le témoin a précisé qu'il n'avait parlé de l'incident à personne d'autre, y compris à des organisations, et a ajouté que « personne ne peut m'influencer ou m'empêcher de parler ».

La Défense interroge le sixième témoin

Le témoin a déclaré qu'il avait parlé à [l'employé 1] à la fin de l'année 2019, lorsque la saison des pluies arrivait à son terme. Il a expliqué qu'il l'avait rencontré à [Lieu 1], où il y avait souvent des conversations politiques. Le témoin a brièvement expliqué à [l'employé 1] l'incident de Waterside, mais il n'est pas entré dans les détails.

Le sixième témoin a expliqué que pendant la Première Guerre mondiale, en 2001, le gouvernement élu luttait contre le groupe rebelle LURD : des combats avaient lieu dans tout le pays. Cependant, il ne savait pas si le LURD était à Monrovia.

Lorsque la police l'a interrogé, le témoin a déclaré que Gabriel Massaquoi faisait partie du RUF. Pendant son témoignage, le sixième témoin a déclaré qu'il ne savait pas à quelle faction Gabriel Massaquoi appartenait, mais qu'il était affecté aux forces de l'ATU.

La Cour a diffusé un enregistrement de l’audition du témoin avec la police finlandaise. Dans l'enregistrement, le témoin a déclaré que la Première Guerre mondiale s'était déroulée en 2001, et qu'à l'époque, les forces du LURD étaient à Monrovia. En 2001 et 2002, les combats étaient également intenses à Lofa, comme lui avait dit sa tante qui vivait à Lofa lors d’un appel téléphonique.

Interrogé par la Défense, le témoin a réitéré ce qu'il avait dit sur l'enregistrement, et a précisé qu'en 2001, les forces du LURD étaient à Monrovia, mais qu'elles étaient là pour une reconnaissance – la situation s’est aggravée en 2002. La Défense a demandé s’il y avait des combats ou des batailles entre les forces gouvernementales et le LURD à Waterside. Le témoin a répondu qu'à Waterside, il n'y avait pas de combats, juste des civils à la recherche de nourriture. Il a également expliqué qu'en 2001, le LURD était entré à Monrovia, mais que c'était à Lofa que des massacres avaient lieu.

Le témoin, interrogé par la Défense, a précisé que lorsqu'il parlait de la mort de son frère, il faisait référence à la [3ème] victime.

Le témoin a expliqué que, même s'il avait dit qu'il ne connaissait rien aux armes à feu, il avait déclaré lors de l’audition que des AK-47 avaient été utilisés parce que [la personne D] et [la personne E], qui s'étaient également échappées, le lui avaient dit.

L'Accusation interroge à nouveau le témoin

Le témoin a expliqué qu'il avait de nombreux frères et sœurs, et à la demande de l'Accusation, il a déclaré qu'il était accompagné ce jour-là à Waterside par un autre de ses frères [la victime 5]. Le sixième témoin a expliqué qu'après que [la victime 5] soit entrée dans le magasin, il n'a plus eu de nouvelles de lui - le témoin a déclaré que ce n'était pas de nombreuses personnes avaient été tuées ce jour-là.

L'Accusation a demandé au témoin s'il avait également vu la [victime 5] se faire tuer. Le témoin a déclaré qu'il avait vu les deux [victimes 5] et [victimes 3] entrer dans le magasin, et que les hommes de Gabriel Massaquoi les avaient tuées.

La Défense interroge à nouveau le témoin

Le témoin a déclaré qu'il ne savait pas s'il y avait beaucoup de Sierra-Léonais sur ce pont, car il priait pour sa vie, et il n’était au courant que de la présence de Gabriel Massaquoi, car il parlait avec un accent de la Sierra Leone. Le cinquième témoin a ajouté qu'il n'était jamais allé en Sierra Leone, mais qu'il avait eu affaire à de nombreux Sierra-Léonais, de sorte qu'il pouvait reconnaître l'accent.

Comme la Défense a déclaré qu'elle était surprise d'apprendre que le témoin avait perdu deux de ses frères ce jour-là, le sixième témoin a déclaré qu'il les avait mentionnés à la police finlandaise, mais que l'enregistrement n'était pas en cours.

L'audience s'est achevée et reprendra à Monrovia le lundi 1er mars 2021 à 9 heures.  


+ Point hebdomadaire – Troisième semaine

Présentation des audiences et des témoins de la troisième semaine

La troisième semaine du procès de Gibril Massaquoi s'est achevée le 25 février 2021, après trois jours d'audience. Le procès s'est déplacé de Tampere, en Finlande, à Monrovia, au Libéria, pour entendre des témoins et permettre aux autorités finlandaises de visiter les sites où M. Massaquoi aurait commis des violations du droit pénal finlandais et du droit international pénal. L'Accusé est resté en Finlande, et une liaison vidéo a été mise en place pour lui permettre de suivre les procédures en temps réel.

Les trois jours d'audience de cette semaine ont été consacrés à la déposition de six témoins, dont l'identité a été dissimulée.

Les témoins sont apparus devant le tribunal et ont décrit les événements survenus lors d'un attentat au marché Waterside de Monrovia, dans lequel Gibril Massaquoi aurait été présent. Ils ont été entendus dans l'ordre suivant et peuvent être décrits comme suit :

Septième jour de l’observation du procès (23 février 2021)

• Premier témoin : Femme ; âge inconnu ; a quitté Logan Town, Monrovia, pour se rendre à Vai Town sur Bushrod Island ; amie de [la victime 1], qui a été tuée lors de l'incident de Waterside.

Huitième jour de l’observation du procès (24 février 2021)

• Deuxième témoin : Homme ; ~ 47 ans au moment de l'incident ; est allée dans un magasin de biscuits à la recherche de nourriture ; frère de [la victime 6] et ami de [la victime 7], qui ont toutes deux été tuées lors de l'incident de Waterside.

• Troisième témoin : Homme ; âge inconnu ; est allée à Waterside à la recherche de sa femme, [victime 8], qui a été tuée lors de l'incident de Waterside.

Neuvième jour de l’observation du procès (25 février 2021)

• Quatrième témoin : Femme ; ~ 27 ans au moment de l'incident ; est allée dans un magasin de biscuits ; sœur de [la victime 1], qui a été tuée lors de l'incident de Waterside.

• Cinquième témoin : Homme ; environ 17 ans au moment de l'incident ; est allé dans un magasin de biscuits ; frère de la [victime 2], qui a été tuée lors de l'incident de Waterside.

• Sixième témoin : Homme, 27 ans au moment de l'incident, participait à une vente aux enchères à Waterside ; frère de [la victime 3] et [la victime 5], et amis de [la victime 4], toutes tuées lors de l'incident de Waterside.

Faits établis par le témoignage des témoins

Grâce aux témoignages des six témoins de cette semaine, les faits suivants ont été établis :

L'incident de Waterside

• Pendant une période de grave pénurie alimentaire à Monrovia, un magasin de biscuits situé à Waterside (une zone de marché près du Vieux Pont (Old Bridge)) a été pillé par des civils, tandis que d'autres attendaient à l'extérieur du magasin dans l'espoir d'acheter des provisions.

• Alors que les gens étaient rassemblés à l'intérieur et devant le magasin, des hommes armés sont arrivés sur les lieux et ont commencé à tirer.

• Parmi ces hommes armés se trouvait une personne que la plupart des témoins ont décrit comme ayant un accent sierra-léonais, qui s'est identifié à voix haute comme « l’Ange Gabriel » ; certains témoins ont indiqué avoir également entendu le nom « Massaquoi » ce jour-là. Après s'être présenté, cet homme a annoncé qu'il était celui qui pouvait « vous envoyer à Dieu » et « emmener les gens au ciel ».

• Les témoins ont indiqué que la personne qui se faisait appeler « Ange Gabriel Massaquoi » semblait être à la tête du groupe armé. Ils ont témoigné qu'il avait ordonné aux soldats d’aligner les gens et qu'il leur avait également donné des instructions sur les personnes qui devaient être retirées de la ligne. De nombreux témoins ont déclaré que « l'Ange Gabriel Massaquoi » avait donné l'ordre aux soldats de tirer et de tuer. De plus, le quatrième témoin a déclaré que ce commandant avait tenté de violer sa sœur [victime 1], mais que lorsque sa sœur avait résisté, il avait ordonné aux soldats de « faire son travail ». Lors d'un interrogatoire ultérieur du Procureur, le quatrième témoin a reconnu qu'il s'agissait d'un ordre de tuer. Le quatrième témoin a également mentionné qu'elle avait elle-même été violée : il n'a cependant pas été possible d'obtenir plus de détails à ce sujet.

• Les soldats présents avec « l'Ange Gabriel Massaquoi » avaient une « base » sous le pont.

• Les personnes retirées de la ligne et amenées sous le pont ont été abattues ; leurs cadavres ont été laissés sur place. Parmi ceux qui ont été tués ce jour-là se trouvaient plusieurs amis et proches des témoins, comme indiqué ci-dessus.

• À un moment donné au cours de ces événements, un autre groupe armé est apparu à l'autre bout du pont et a commencé à tirer vers le premier groupe de soldats.

• Dans le chaos qui s’en est suivi, d'autres coups de feu ont été tirés de différents côtés et les civils (y compris les six témoins) ont pu s'échapper.

• Chacun des six témoins a précisé que cela s'était passé en 2000, et non en 2003, comme ils l’avaient précédemment déclaré à la police finlandaise.

Groupes armés présents dans la région pendant cette période du conflit

• Selon les cinquième et sixième témoins, des membres de l'unité antiterroriste (ATU) de Charles Taylor étaient présents lors de l'événement de Waterside. Ils ont été identifiés grâce au camouflage qu’ils portaient, et le cinquième témoin a rappelé les insignes de l'ATU sur les uniformes des soldats ; ils auraient été présents pour soutenir l'homme se faisant appeler « Ange Gabriel Massaquoi ».

• Les deuxième, quatrième, cinquième et sixième témoins ont affirmé qu'ils avaient entendu parler du LURD, tandis que le sixième témoin a précisé qu'il avait entendu parler du RUF. Le deuxième témoin a également noté la présence d'ULIMO-K, ULIMO-J et ECOMOG à un moment donné du conflit.

Recrutement des témoins et interactions préalables avec la police finlandaise

• Les témoins ont été impliqués dans le procès de différentes manières. Tous sauf un ont été contactés par un homme nommé [employé 1] qui leur a demandé de confirmer leur présence lors de l'incident de Waterside. Lorsqu'on leur a demandé comment [l'employé 1] avait su qu'il devait les contacter, les premier, quatrième et cinquième témoins ont répondu qu'une femme [personne C] avait identifié d'autres personnes qu'elle avait vues lors de l'attaque de Waterside et avait communiqué leurs numéros de téléphone à [l'employé 1]. Dans le cas du sixième témoin, il parlait simplement de l'incident de Waterside lorsque [l'employé 1] l'avait approché et lui avait demandé s'il souhaitait en parler à la police finlandaise à son arrivée au Libéria.

• Contrairement aux autres témoins, le troisième témoin a été contacté par un homme appelé « [employé 2] » qui avait demandé à un groupe de personnes si elles avaient été touchées par la guerre, et avait noté les coordonnées de celles qui l'avaient été, pour finalement les transmettre à [la personne C] et à la police finlandaise.

• Chacun des témoins a été auditionné par la police finlandaise avant le procès. Ils ont fait état de diverses difficultés, notamment de leur anxiété parce que c'était la première fois qu'ils étaient interrogés par des « hommes blancs » ou des « blancs », et de leur difficulté à se souvenir des dates exactes, voire des années, en raison du temps qui s’est écoulé et du fait qu’ils se faisaient du souci. Des enregistrements de ces auditions antérieures ont été mis à la disposition du tribunal et, dans certains cas, ont été diffusés par la Défense pour mettre en évidence des incohérences spécifiques (décrites ci-dessous).

Thèmes émergents pour l’Accusation et la Défense

Cette semaine, l'Accusation a cherché à établir et à corroborer l'heure et le lieu de l'incident de Waterside, ainsi que la présence de Gibril Massaquoi lui-même. En ce qui concerne Le premier point, chaque témoin a confirmé que l'incident de Waterside s'était produit en 2001, au lieu de 2003, comme cela avait été indiqué précédemment à la police finlandaise. Les témoins ont fermement confirmé que les violences s'étaient produites sur le site d'une biscuiterie à Waterside, certains civils ayant été emmenés « sous le pont » pour y être tués. Malgré un accord apparent sur le fait que l'incident soit survenu en 2001, une certaine confusion subsiste quant à la date précise - avec des références répétées à la « Première Guerre mondiale », la « Deuxième Guerre mondiale » et la « Troisième Guerre mondiale » en tant que phases distinctes du conflit. Quant à établir la présence de l'Accusé lors de l'incident de Waterside, l'Accusation a recueilli des témoignages décrivant l'apparition d'un commandant des soldats à Waterside qui s'est présenté comme « l’Ange Gabriel », accompagné, dans les souvenirs de certains témoins, du nom de famille « Massaquoi ». Tous, sauf le deuxième témoin, se sont souvenus que ce commandant avait un accent sierra-léonais, et deux témoins ont déclaré que les forces de l'ATU étaient avec les soldats du commandant.

L'Accusation a également réussi à obtenir des témoignages sur les actions de ce commandant. Tous les témoins sauf un se sont souvenus de cet « Ange Gabriel » qui a tué deux garçons, dont l'un était le frère d'un des témoins. Plusieurs témoins ont déclaré que le commandant avait tué deux filles, y compris la sœur du quatrième témoin. Un témoin a également décrit la tentative de viol de sa sœur par l’« Ange Gabriel » juste avant d'ordonner à ses soldats de « faire son travail ». Cette expression a ensuite été interprétée par l'Accusation comme un ordre de tuer, position confirmée par le témoin. Pour expliquer les diverses incohérences de leur témoignage, les témoins ont cité le passage du temps et, dans un cas, l'impossibilité de reprendre contact avec les enquêteurs pour corriger les erreurs peu après l'entretien initial.

Pour sa part, la Défense a affirmé que les témoins n'étaient pas fiables. La Défense a souligné plusieurs incohérences dans leur témoignage, notamment la modification de réponses liées au mois et à l'année où l'incident de Waterside s’est produit, ainsi que d'autres points telles que l'âge des témoins et leurs souvenirs de la durée et de l'étendue de la guerre au Libéria. Pour illustrer certaines de ces incohérences, la Défense a montré à quelques témoins des enregistrements vidéo de leurs entretiens avec la police finlandaise, dans lesquels ils avaient fourni des réponses différentes aux questions posées lors du présent procès, notamment en ce qui concerne l'année de l'incident de Waterside. Une fois de plus, les témoins ont attribué ces incohérences au passage du temps et, pour quelques-uns, à la nervosité qu'ils ont ressentie lors de leur audition par la police finlandaise.

La Défense a également cherché à mettre en doute les témoignages en évoquant la possibilité que les témoins aient été compromis. L'avocat a demandé à chacun des témoins s'ils avaient discuté avec d'autres personnes de leurs expériences à Waterside avant de témoigner. Plusieurs questions ont porté sur d'éventuelles conversations avec [l'employé 1], qui a mis tous les témoins sauf le deuxième témoin en contact avec les autorités finlandaises. La Défense a également demandé de manière régulière aux témoins s'ils avaient discuté de l'incident de Waterside avec d'autres personnes avant leur audition et leur témoignage. Les témoins ont tous démenti avoir été informés de ce qu'ils devaient dire. Ils ont catégoriquement démenti avoir discuté de leurs expériences en termes plus larges que ce qu'ils ont dit avant de s'entretenir avec la police finlandaise et dans la salle d'audience à Monrovia.


+ 02/03/21 (Libéria) Dixième jour : Audition des septième, huitième et neuvième témoins

Le dixième jour d’audience publique a repris le 2 mars 2021 à Monrovia, au Libéria.

Le septième témoin est entendu

L'Accusation interroge le septième témoin

Le septième témoin se souvient d'un incident au cours duquel des soldats avaient tiré sur plusieurs personnes devant un magasin. Selon le septième témoin, ce matin-là, au début de l'année 2001, tous les magasins de Waterside étaient fermés, à l'exception d'un seul qui était en train d'être pillé. Plus tard, lorsqu'on lui a demandé comment elle se souvenait que l'incident avait eu lieu au début de l'année 2001, elle a répondu qu'elle s'en souvenait parce que cette année-là, elle vendait des produits à Waterside.

Le septième témoin a indiqué qu'elle faisait la queue avec [la personne 1] pour acheter de la nourriture aux personnes qui pillaient le magasin. C'est alors que le septième témoin a vu des hommes armés tirer sur les gens et ils se sont tous deux enfuis. Le septième témoin a déclaré que [la personne 1] a couru dans une autre direction, pendant qu'elle s’échappait vers le pont Waterside, où elle a rencontré son amie [la personne G]. Une fois là-bas, le septième témoin a rencontré un groupe de six soldats qui ont commencé à la battre et à la traîner, son amie [personne G] et elle, jusqu'à un poste de contrôle. Les soldats les ont attachés et, comme le septième témoin et son amie [personne G] ont été emmenés, elles ont été forcées de regarder directement le soleil. Le septième témoin a raconté qu'un des soldats a été appelé « Ange Gabriel » par un autre soldat. Plus tard dans son témoignage, elle a expliqué que le poste de contrôle était situé au Vieux Pont (Old Bridge).

L'homme appelé « Ange Gabriel » avait dit au septième témoin et à son amie qu'elles étaient des ennemis présentes pour espionner l’Ange Gabriel et son groupe. Le septième témoin a expliqué que l'Ange Gabriel lui avait ordonné, ainsi qu'à son amie, de se mettre en rang avec d'autres personnes. Les personnes dans la file ont été emmenées sous le pont pour être tuées. Le septième témoin s'est souvenu qu'elle et son amie attendaient sous le pont depuis un certain temps avant qu'une voiture n'arrive avec un homme portant un uniforme de l'armée libérienne. L'homme a demandé pourquoi les gens étaient dans la file et a dit à l’Ange Gabriel qu'ils n'étaient pas des ennemis mais qu'ils étaient certainement des civils. Le septième témoin a expliqué que l'amie de sa tante, [personne L], était également dans la voiture. [La personne L] a emmené le septième témoin et son amie à Elwa Junction. Le septième témoin a déclaré qu'elle avait toujours une cicatrice sur le corps due à l'incident. Plus tard, le septième témoin a montré ces marques à la Cour et a expliqué qu'elles avaient été causées par le fait d'avoir été traîné sur des bouteilles en verre.

Le septième témoin a déclaré qu'elle ne savait pas si les soldats devant le magasin faisaient partie d'un groupe ou d'une faction spécifique. Le septième témoin a précisé que les personnes sur lesquelles les soldats avaient tiré étaient des civils et que de nombreuses personnes étaient mortes devant le magasin. Le septième témoin n'a pas pu confirmer combien, car il y avait trop de victimes.

L'Accusation a demandé comment le septième témoin connaissait le nom de l'homme qui l’avait traité d'ennemie. Le témoin a répondu qu'elle avait entendu les autres hommes l'appeler « Ange Gabriel ». Le septième témoin a déclaré qu'elle avait entendu cette personne donner des ordres aux autres hommes, y compris l'ordre de tuer les personnes dans la file. Le septième témoin a déclaré qu'il tenait un pistolet lorsqu'il a donné l'ordre, bien qu'elle ne l'ait pas vu tirer. Elle a bien vu l'autre homme exécuter son ordre. Elle ne se souvenait pas du nombre de morts.

L'Accusation a demandé si l'homme qui avait donné l'ordre de tuer était un Libérien. Le septième témoin a répondu qu'il « n'était pas un homme libérien », précisant qu'il parlait « à la manière sierra-léonaise, et non à la manière libérienne ». Au cours de l'interrogatoire de la Défense, le septième témoin a précisé que l'Ange Gabriel parlait le temne, une langue de la Sierra Leone. L'Accusation a demandé si le septième témoin avait entendu parler du LURD ou du RUF, mais elle a répondu que non.

L'Accusation s'est appuyée sur une audition antérieure du septième témoin concernant cet incident. Le témoin a déclaré qu'elle avait été contactée pour l’audition par [l'employé 1] et [la personne G] et qu'elle ne savait pas si [l'employé 1] ou [la personne G] avait également été interrogé sur l'incident. Elle a déclaré qu'elle n'avait parlé de l'incident à aucune autre organisation, ni à personne d'autre que ses parents.

Enfin, avant de poursuivre l'interrogatoire de la Défense, le septième témoin a déclaré qu'elle ne se souvenait pas si les événements avaient eu lieu pendant la saison des pluies ou la saison sèche.

La Défense interroge le septième témoin

La Défense a commencé par poser des questions sur [l'employé 1]. Le témoin ne connaissait pas le nom de famille de [l’employé 1], ni où il travaillait. Elle a déclaré que [la personne G] avait donné son numéro à [l’employé 1] et que [l’employé 1] l'avait appelée pour lui dire que des gens voulaient lui parler de l'incident de Waterside.

La Défense a demandé quel nom le témoin avait utilisé pour désigner sa tante lors de l'entretien avec la police finlandaise. Le témoin a précisé que sa tante avait deux noms différents : l'un utilisé par sa mère, l'autre par le témoin. La Défense a ensuite interrogé le septième témoin au sujet de l'Ange Gabriel. Le septième témoin a déclaré que le seul nom qu'elle l'avait entendu utiliser était Ange Gabriel, elle se souvenait spécifiquement qu'il avait dit « Je suis l’Ange Gabriel ». Elle a également expliqué que cet homme parlait dans un dialecte sierra-léonais. Lorsqu'on lui a demandé si elle se souvenait de sa précédente déclaration faite lors de l’audition antérieure, le septième témoin a déclaré qu'elle avait dit qu'il parlait comme un Sierra-Léonais. La Défense a précisé que lors de son audition antérieure, elle avait dit que l'Ange Gabriel parlait le Temne. Le témoin s’est rappelée avoir dit cela et l'a confirmé.

Le témoin a poursuivi en expliquant que lorsque l'incident s’était produit, il n'y avait pas de guerre ou de combats dans la région, précisant qu'il y avait peut-être eu des combats dans d'autres régions du Libéria. Le témoin ne se souvient pas si cette période avait un nom. Interrogée sur les termes « guerre mondiale », « Deuxième Guerre mondiale » et « Troisième Guerre mondiale », le témoin a confirmé qu'elle avait entendu ces termes. Le témoin a déclaré qu'elle ne se souvenait que de la Première Guerre mondiale parce qu'elle était à Monrovia à l'époque, mais qu'elle était « en dehors de la ville » pendant la Deuxième et la Troisième Guerre mondiale. Par la suite, le témoin a précisé que l'incident de Waterside avait eu lieu pendant la Première Guerre mondiale.

La Défense est revenue sur les déclarations précédentes concernant les magasins de Waterside. Le septième témoin a déclaré que lorsqu'elle était arrivée à Waterside, les magasins étaient fermés, mais qu’elle ne savait pas pourquoi. Elle a déclaré que l'incident de Waterside était la seule attaque dont elle avait été témoin à Monrovia, et qu'elle avait quitté la ville après cela.

A ce moment, un des juges a demandé plus d'informations sur le lieu et le moment où le témoin vivait à Monrovia. Le témoin a expliqué qu'elle vivait à l'intérieur du pays et qu'elle avait déménagé dans un quartier de Monrovia appelé Police Academy en 2000 pour aider sa tante à vendre à Waterside, et qu'après l'incident, elle était retournée à l'intérieur du pays.

Lorsque la Défense lui a demandé en quelle année elle vendait à Waterside, le témoin a expliqué qu'elle avait commencé à vendre à Waterside en 2000 et qu'elle avait continué à y vendre en 2001. Avant l'année 2000, elle ne vendait pas à Waterside, car elle se trouvait à l'intérieur du pays.

La Défense a interrogé le témoin sur les termes « Première Guerre mondiale », « Deuxième Guerre mondiale » et « Troisième Guerre mondiale », et comment elle savait en quelle année l'incident de Waterside avait eu lieu. Le témoin a expliqué qu'elle avait entendu des gens utiliser ces termes pour décrire des périodes de la guerre après son retour à Monrovia en 2010. Le témoin ne se souvenait pas du jour ou du mois où l'incident avait eu lieu. Cependant, elle se souvenait qu'elle avait peut-être mentionné mai ou avril lors de l’audition ultérieure par la police finlandaise. La Défense a déclaré qu'elle avait mentionné que l’incident avait eu lieu juste après l'anniversaire de sa sœur, le 3 mars. Le témoin a confirmé qu'elle se souvenait de l'anniversaire de sa sœur et que cet événement avait eu lieu après.

Le huitième témoin est entendu

L'Accusation interroge le huitième témoin

Le huitième témoin a commencé son témoignage par un incident lié à un magasin de Waterside qui avait été cambriolé. Le huitième témoin a expliqué qu'il vivait à Paynesville mais qu'il se rendait souvent à Waterside pour acheter des marchandises à vendre. Ce matin-là, tous les magasins étaient fermés, sauf un qui avait été cambriolé. Il a déclaré que des gens prenaient des marchandises de ce magasin pour les vendre à l'extérieur. Cependant, le huitième témoin lui-même n'y était pas allé parce qu'il y avait des hommes armés et qu'il avait peur d'eux.

Au bout d'un moment, le huitième témoin a vu des gens tirer et s'était mis à courir en direction de la compagnie d'électricité du Libéria. Pendant qu'il courait, le huitième témoin a entendu [la personne J], qu'il connaissait du marché Waterside, lui demander de l'attendre, et ils ont couru ensemble. Cependant, le huitième témoin et [la personne J] ne sont pas allés bien loin, car six hommes armés les ont arrêtés et les ont emmenés à un poste de contrôle. Le huitième témoin a décrit la présence d'autres personnes qui avaient déjà été emmenées au poste de contrôle, dont certaines étaient attachées avec une corde. Il a également entendu des hommes dire que certaines des filles étaient des « femmes-anges » et peu après, l'« homme-ange » (Angel Man) était arrivé. Lorsqu'il est arrivé, les soldats lui ont dit que les personnes au poste de contrôle étaient des ennemis qu'ils avaient capturés. Le huitième témoin a précisé qu'il était troublé par le fait que les soldats portaient des uniformes de l'armée libérienne mais parlaient avec un accent différent. Après cela, « l’Ange » a commencé à choisir des filles dans le groupe, en disant « Ce sont mes femmes pour aujourd'hui. Tuez les autres, et laisse-les aller dire à Dieu que c'est moi qui les ai envoyés en premier. Moi, l'Ange Gabriel, je vous ai envoyé ». Le huitième témoin a déclaré que cette personne appelée « l’Ange » avait ordonné aux soldats de tuer des individus, et les soldats l'avaient fait.

Alors que le témoin était en train d'être battu, un général libérien est arrivé et a commencé à demander à l’Ange qui étaient les prisonniers et pourquoi ils étaient battus et tués. Le général était accompagné d'une femme qui connaissait [la personne J], qui était toujours avec le huitième témoin. A la demande de la femme, [la personne J] a expliqué qu'ils essayaient simplement de s'échapper lorsqu'ils avaient été capturés et amenés au point de contrôle. La dame les a ensuite sauvés et les a emmenés à Vai Town, où ils ont reçu l'ordre de partir. Le huitième témoin a affirmé que Vai Town était la première communauté de l’autre côté du Vieux Pont (Old Bridge). Le huitième témoin a également expliqué que le point de contrôle était situé près du Vieux Pont, à l'extrémité la plus proche de Waterside.

Le huitième témoin a déclaré qu'il connaissant le nom « Ange Gabriel » parce que les soldats au poste de contrôle appelaient le commandant par ce nom. Le huitième témoin a entendu l’Ange Gabriel donner l'ordre aux soldats de tuer des gens : « Va et dis à Dieu que c'est moi, l’Ange Gabriel, qui les envoie. » Le huitième témoin a déclaré que les soldats avaient obéi à l'ordre de cet homme de tuer des gens. Le huitième témoin n'a cependant pas pu estimer le nombre de personnes tuées, citant le traumatisme qu'il avait subi. Interrogé sur son commentaire selon lequel l’Ange Gabriel parlait différemment, le huitième témoin a déclaré qu'il s'agissait d'un « accent britannique, comme un Sierra-Léonais ». Il a ajouté qu'il savait à quoi ressemblait un Libérien et à quoi ressemblait un Sierra-Léonais, et que cet homme n'avait pas l'air libérien pour lui.

Invité à revenir sur des questions posées précédemment, le huitième témoin a déclaré qu'il ne se souvenait pas du nom de la tante de [la personne J], ni du jour où cet incident s'était produit. Il a estimé qu'il avait eu lieu pendant la saison sèche en 2001.

Interrogé sur la manière dont il était entré en contact avec les Finlandais, le huitième témoin a expliqué qu'une de ses connaissances de Waterside, [Personne K], l'avait appelé pour lui demander s'il se souvenait de l'incident. Après cela, [la personne K] lui avait dit que [l’employé 1] voulait en discuter avec lui. Le huitième témoin a donc accepté de communiquer son numéro de téléphone à [l’employé 1]. Après sa rencontre avec [l’employé 1], le huitième témoin a rencontré la police finlandaise. Le huitième témoin a précisé que [l’employé 1] ne lui avait pas parlé des événements survenus au poste de contrôle, mais l'avait plutôt dirigé vers les enquêteurs finlandais. Le huitième témoin a déclaré qu'il n'avait parlé de l'incident à aucune autre organisation ou gouvernement, ajoutant que « tout le pays était au courant ». Lorsqu'on lui a demandé de préciser, le huitième témoin a déclaré que le pays tout entier était au courant de l'incident parce qu'on en avait parlé à la radio, car Waterside était un grand marché et les meurtres qui s'y étaient produits étaient marquants. Cependant, il a ajouté qu'il n’avait pas porté attention à la radio, car il était trop perturbé. Il a déclaré que « même jusqu'à présent, quand j'y pense, le flashback me dérange ».

La Défense interroge le huitième témoin

Le huitième témoin a déclaré qu'il avait dix-huit ans au moment de l'incident, et qu'il en a trente-neuf aujourd'hui. Le témoin se rappelle qu'il avait été surpris lorsqu'il était arrivé à Waterside ce jour-là, car certains magasins étaient fermés et les gens couraient partout. Il a ajouté qu'il ne savait pas pourquoi les magasins étaient fermés, précisant qu'à son arrivée il avait vu des soldats avec des armes - bien qu'il n'y eût pas de combats ce matin-là.

L'Accusation est intervenue et a demandé au huitième témoin de préciser le lieu de l'incident. Le témoin a répondu que c'était à Waterside et que des personnes avaient été tuées à l'intérieur et à l'extérieur du magasin qui avait été cambriolé.

La Défense a ensuite repris son interrogatoire, demandant si le témoin connaissait les noms des personnes qui tiraient ou avaient été abattues, et s'il se souvenait de ce qu'il avait déclaré concernant les noms des victimes lorsqu'il avait été interrogé par la police en novembre dernier. Le témoin a répondu par la négative à chacune des questions.

La Défense a ensuite demandé au huitième témoin s'il se souvenait de la [victime 9]. Le témoin a répondu qu'il était perturbé par l'incident et qu'il pensait que [la victime 9] était un vendeur de Waterside qui avait été tuée lors de l'incident, le huitième témoin ne l'ayant pas revu depuis. La Défense a réitéré que le témoin s'était souvenu du nom de [la victime 9] lors de l’audition qui avait eu lieu en novembre 2020, se demandant pourquoi le témoin ne se souvenait plus de quelqu'un qui avait été tué pendant l'incident. Le témoin a déclaré que la guerre et les souvenirs associés à la guerre étaient traumatisants.

Le huitième témoin a déclaré qu'il ne se souvenait pas du mois précis de l'incident. La Défense a noté qu’au cours de son audition par la police finlandaise, le témoin avait déclaré que l'incident avait eu lieu en mai, sans nommer la saison. Le témoin a fait une pause, puis a répété qu'il avait déclaré à la police que l'incident avait eu lieu en 2001, mais qu’ils lui avaient demandé à plusieurs reprises de préciser le mois. Le témoin a expliqué qu'il leur avait dit qu'il ne se souvenait pas de quel mois précis ; il a précisé que s'il avait déclaré un mois précis, il n'aurait fait que deviner. Enfin, le témoin a déclaré qu'aujourd'hui, il avait dit que l'incident s'était produit au début de 2001, pendant la saison sèche, sans citer de mois précis.

La Défense a ensuite demandé au témoin plus de détails sur la manière dont il était entré en contact avec la police finlandaise. Initialement, le témoin a déclaré qu'il était venu à Monrovia un jour après l’appel de [l’employé 1]. Il semble y avoir eu une certaine confusion entre la Défense et le témoin concernant la chronologie précise des événements. Le témoin a répété que [l'employé 1] avait obtenu son numéro de [la personne K] et a ensuite précisé qu'il était arrivé à Monrovia environ trois ou quatre jours après l’appel de [l'employé 1]. Le témoin a ajouté que le voyage de son domicile à Monrovia avait pris deux jours, de sorte qu'il était arrivé le troisième jour après l'appel de [employé 1] et qu'il avait rencontré la police finlandaise le lendemain de son arrivée.

Le témoin a déclaré qu'il n'avait entendu aucun autre nom que « l’Ange Gabriel » pendant l'incident. La Défense a ensuite interrogé le témoin sur les termes « Première Guerre mondiale », « Deuxième Guerre mondiale » et « Troisième Guerre mondiale ». Il a répondu qu'il avait entendu ces termes être utilisés au Libéria, notant que bien qu'il ne connût pas la différence entre les différents termes, il se souvenait que le Président Taylor était au pouvoir à cette époque. Le témoin a ajouté que lorsque l'incident de Waterside s'était produit, ce dernier pouvait être décrit comme une « guerre », puisque des gens avaient été tués ; il pensait que c'était pendant la Première Guerre mondiale, mais il n'était pas sûr de la différence entre les périodes. La Défense a précisé que lors de l’audition du témoin par la police, il avait déclaré que la Première Guerre mondiale avait eu lieu en 2001, la Seconde Guerre mondiale en 2002 et la Troisième Guerre mondiale en 2003. Le témoin a répondu qu'il estimait simplement les années entre la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et la Troisième Guerre mondiale, ajoutant qu'il pensait que la Première Guerre mondiale avait duré un an. Le témoin a indiqué que ces termes étaient utilisés par les civils, milices et soldats pendant la guerre, et que c'est à ce moment-là qu'il avait entendu ces termes pour la première fois. Enfin, le témoin a été interrogé sur le LURD et sur ce qu’il savait à leur sujet. Le témoin a déclaré que bien qu'il ait entendu parler des rebelles du LURD, il n'était pas un militaire et ne savait pas si le LURD avait attaqué Monrovia à un moment donné.

Le neuvième témoin

Le neuvième témoin a été entendu à huis clos, les observateurs du procès n'ont donc pas pu prendre de notes.

L'audience s'est terminée et reprendra à Monrovia le jeudi 4 mars 2021 à 9 heures.


+ 04/03/21 (Libéria) Onzième jour : Audition des dixième et onzième témoins

Le onzième jour d’audience publique a repris le 4 mars 2021 à Monrovia, au Libéria.

Le dixième témoin est entendu

L'Accusation interroge le dixième témoin

Le dixième témoin se souvient d'un incident qui s'est produit en 2001, lorsqu'il a été arrêté à Waterside. Le témoin avait 14 ou 15 ans lorsque l'incident s'est produit. Il a expliqué que les gens avaient l'habitude d'aller à Waterside pour acheter des marchandises à vendre ; bien qu'il était difficile de trouver de la nourriture à cette époque, l'endroit le plus facile pour le faire était Waterside. Ce jour-là, il a décidé de suivre un ami et d'autres personnes qui se rendaient là-bas pour se procurer de la nourriture (plus tard dans son témoignage, le témoin a précisé qu'il ne s'agissait pas d'un ami personnel et qu'il ne connaissait pas l'identité des autres personnes qui se trouvaient avec eux à Waterside). Il s'est souvenu qu'il avait eu peur lorsqu'il était descendu à Waterside ; il avait vu« des gens descendre, mais l'endroit était calme et désert». Son ami l'a encouragé en disant :« Allons-y, allons-y. ».

Lorsque le dixième témoin est arrivé sur les lieux, il a vu des soldats, qu'il a ensuite identifiés comme étant ceux de Charles Taylor. Cela l'a rendu courageux. Le magasin était fermé lorsqu'ils sont arrivés. Les soldats leur ont dit de rassembler de l'argent pour forcer l'entrée du magasin ; ils ont ensuite tiré sur la porte. Le témoin se souvient que tout le monde avait commencé à se précipiter à l'intérieur parce qu'ils pouvaient garder tout ce qu'ils trouvaient. Le témoin a expliqué que pendant qu'ils faisaient cela, les soldats étaient partis et s’étaient rendus à leur poste de contrôle, qui se trouvait près de la zone du magasin. Le dixième témoin a précisé plus tard que le poste de contrôle se trouvait sur le Vieux Pont (Old Bridge), avec une corde séparant la zone précédant le pont et le pont lui-même.

Le dixième témoin a expliqué que pendant qu'ils étaient dans le magasin, une camionnette s'était approchée. Les soldats qui avaient forcé l'entrée du magasin ont commencé à tirer. Selon le dixième témoin, l'un des soldats a déclaré :« Notre chef [va] venir, si nous ne tirons pas sur [les civils], ils sauront que nous avons ouvert le magasin, alors tirons sur eux. » Certaines personnes ont été tuées, tandis que d'autres ont été capturées par les mêmes soldats qui avaient pénétré par effraction dans le magasin. Le témoin a précisé plus tard qu'il avait vu un homme et une femme se faire tuer. Ils ont été emmenés au poste de contrôle, où ils ont été retenus au sol pendant que des soldats se tenaient au-dessus d'eux. Le témoin a ensuite déclaré avoir vu des corps autour du poste de contrôle et sur la route menant à la zone de l'ancien Vice-Président, en direction de la Banque libérienne pour le développement et l'investissement. Le témoin a ensuite déclaré que l'un des gros bras des soldats était venu et avait demandé ce qu'ils faisaient là. Les soldats lui ont dit que les civils capturés avaient pénétré par effraction dans le magasin et que c'était pour cette raison que les soldats les avaient capturés. L'homme a accepté cette explication et a dit qu'il venait pour qu'ils puissent se débarrasser d'eux.

Il y avait des corps gisant près du témoin et les autres civils capturés. Les soldats ont dit, « Vous voyez les cadavres là-bas ? Ils ont fait la même chose que vous. » Le grand homme, que le témoin a identifié plus tard comme « l’Ange Gabriel », s'est alors assis et a dit aux soldats de lui apporter son bol. Il a dit :« Cette assiette est sur le point de devenir rouge. La chose qui peut rendre cette assiette rouge, c'est ce que nous allons prendre de vous. » L'homme ordonna aux soldats de lui apporter une pierre, et chaque fois qu'il en donna l'ordre, ils disaient simplement :« Oui, chef, oui, chef. » Lorsque les soldats ont apporté la pierre, le grand homme a fait avancer la personne qui était assise à côté du témoin. C'était la première fois que le témoin voyait le grand homme.

Selon le témoin, le grand homme avait dit aux soldats d'apporter l'assiette et de poser la tête de l'homme sur la pierre. Il a dit :« Vous voyez ? Je suis sur le point de faire la même chose que j'ai fait à ces autres corps. » Il a mis son couteau sur le cou de l'homme, alors le témoin a fermé les yeux. Lorsqu'il les a rouverts, le dixième témoin a vu que le grand homme avait coupé le cou de l'autre homme et il se souvient que le corps était toujours en mouvement. Le témoin a affirmé plus tard que lorsqu'il avait ouvert les yeux, le grand homme essuyait le couteau sur ses vêtements. Il a déclaré qu'il ne savait pas ce qui était arrivé au corps par la suite.

Le dixième témoin a déclaré que le grand homme avait emmené une fille qui se trouvait à côté de lui (le témoin) ; il a expliqué plus tard qu'elle avait été emmenée dans une autre pièce, mais qu'il ne savait pas ce qui lui était arrivé. Le dixième témoin a déclaré que le grand homme avait ensuite ordonné que les autres personnes soient emmenées sous le pont. Où ils ont été gardés pendant un certain temps ; le témoin se souvient avoir vu des corps le long de la rivière. Il se souvient également d'avoir entendu :« Allez chercher un de ces types. » Lorsqu'une personne était emmenée, on ne la revoyait plus.

Un des soldats a été envoyé sous le pont pour garder les captifs. Le soldat qui les gardait appelait le grand homme « notre chef » et a dit que son nom était « Ange Gabriel ». Le dixième témoin a déclaré que le soldat avait pitié des captifs parce qu'ils pleuraient et avaient très peur. Le soldat leur a dit :« Quand il dit allez à Dieu, cela signifie qu'il va vous tuer. » Ils ont ensuite demandé au soldat ce que signifiait « aller à Dieu », ce à quoi il a répondu :« Notre chef dit qu'il est l'ange qui peut envoyer les gens au ciel. C'est pourquoi, lorsqu'il dit ‘allez porter ce message à Dieu’, cela signifie qu'il va vous tuer. » Ils ont supplié le soldat de les aider, et ont demandé comment ils pouvaient partir. Le soldat a répondu que le grand homme tuerait les soldats s'ils n'étaient pas d'accord avec les ordres qu'il avait donnés.

À ce moment, le dixième témoin s'est souvenu qu'il avait entendu un pick-up se diriger dans sa direction, avec des gens qui disaient :« Amenez-les ». Le groupe, environ huit ou neuf personnes, y compris le témoin, a été jeté dans la camionnette et emmené au quartier des 12 maisons (12-Houses community) près d'Elwa Junction. Comme le témoin vivait près d'Elwa A Junction, il a pensé un instant qu'ils seraient libérés. Au lieu de cela, le groupe a été retenu dans une maison avec un garde posté à la porte ; personne ne pouvait en sortir. Les garçons, dont certains étaient déjà connus du témoin, et les filles ont été séparés et placés dans des pièces différentes. Ils y sont restés un certain temps, jusqu'à ce qu'ils entendent quelqu'un frapper à la porte. L'homme qui a frappé a alors ouvert la porte, les a vus et s'est exclamé, « Oh, mais que faites-vous ici ? Cet endroit n'est pas bon pour vous oh ! » L'homme a dit aux prisonniers qu'ils devaient attendre et qu'il reviendrait tout de suite. Le dixième témoin a supposé qu'il était allé parler avec le garde. Lorsqu'il est revenu, l'homme a fait sortir les garçons de la porte et leur a dit de partir. L'Accusation a remercié le témoin d'avoir partagé son histoire et a posé une série de questions pour clarifier certains événements, décrits ci-dessus.

L'Accusation s'est ensuite enquise du nom « Ange Gabriel ». Le témoin a déclaré avoir entendu le commandant utiliser lui-même ce nom pendant qu'il était retenu à l'intérieur du poste de contrôle. Il l'a entendu de l'extérieur :« Moi, l'Ange Gabriel, je peux envoyer les gens à Dieu. » Interrogé sur sa façon de parler, le témoin s'est rappelé que cet homme ne parlait pas comme un Libérien, déclarant qu'il avait un accent différent et parlait une langue étrangère, comme un Sierra-Léonais. Le témoin a déclaré qu'il avait reconnu l'accent parce que certains Sierra-Léonais vivaient dans la région.

L'Accusation est passée aux questions concernant les soldats présents lors de l'incident, demandant si le témoin connaissait le Revolutionary United Front - Front révolutionnaire uni (RUF). Le témoin a répondu :« RUF ? Les soldats du Président ? » Il a précisé qu'il avait dit que les soldats du Président se battaient en raison de l'uniforme que certains portaient, mais il ne savait pas à l'époque ce qu'était le RUF. Le témoin connaissait l'existence du Liberians United for Reconciliation and Democracy - Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD) et du United Liberation Movement of Liberia for Democracy - Mouvement unifié de libération du Libéria pour la démocratie (ULIMO). Interrogé sur le LURD, le dixième témoin a déclaré qu'ils étaient des combattants, luttant contre le gouvernement.

Le dixième témoin a également été interrogé sur la date de l'incident, qui, selon lui, s'est produit en 2001. Il a fait référence à la Première, la Deuxième et la Troisième Guerre mondiale pour établir la chronologie des événements, la Première Guerre mondiale s'étant déroulée en 2001, la Deuxième Guerre mondiale à la mi-2002 et la Troisième Guerre mondiale en 2003. Plus tard dans son témoignage, le témoin a indiqué que l'incident s'était produit au milieu de la saison sèche en 2001, à l'approche d'un jour férié.

Le dixième témoin a ensuite témoigné de la manière dont il était entré en contact avec la police finlandaise. Le témoin s'est rendu dans un magasin et discutait avec d'autres personnes dans le magasin. Un homme a évoqué l'incident, qui, selon lui, s'était produit en 2003. Le témoin a été surpris et a dit à l'homme :« Oh ! Vous y étiez aussi ? » Le témoin a indiqué qu'il pensait que l'incident s'était produit en 2001 et qu’ils avaient commencé à en discuter. Cela a incité un autre homme nommé [employé 1] à les approcher. Selon le témoin, [l'employé 1] lui avait dit que des personnes voulaient en savoir plus sur l'incident et lui avait demandé son numéro. Le témoin a donné son numéro à [l'employé 1] et [l'employé 1] lui a dit que quelqu'un entrerait en contact avec lui. Le dixième témoin a confirmé qu'il n'avait parlé à aucune autre organisation que la police de son expérience à Waterside et que personne n'avait essayé d'influencer son témoignage.

La Défense interroge le dixième témoin

La Défense a commencé par demander comment le témoin s'était retrouvé impliqué dans l'enquête avec la police finlandaise. L'avocat a d'abord fait référence à une déclaration antérieure de la police selon laquelle [l'employé 1] avait obtenu les coordonnées du témoin auprès d'un « intermédiaire ». Après une discussion avec l'Accusation, la Défense a reformulé la question, demandant plutôt si la rencontre du témoin avec [l'employé 1] était une coïncidence. Le dixième témoin a confirmé qu'il s'agissait d'une rencontre surprise, qu'il n'avait jamais vu [l'employé 1] auparavant et qu'il n'avait pas pu organiser leur rencontre.

La Défense a également cherché à clarifier les incohérences dans les dates que le témoin avaient données à la police finlandaise lors de deux entretiens en 2019. Le témoin avait indiqué une année de naissance différente lors des entretiens de celle indiquée pendant son témoignage. Il a expliqué les divergences, déclarant qu'il avait été détendu lors du premier entretien, car seulement deux autres personnes étaient présentes, mais voir « tous ces visages » au tribunal l'a troublé. Le témoin avait également déclaré à la police que les événements s'étaient produits en 2003. La Défense a demandé s'il y avait eu des combats à Monrovia à cette époque. Le dixième témoin a expliqué qu'il n'y avait pas eu d'attaques généralisées, mais que c'était encore en temps de guerre et que la situation était difficile pour les civils. La nourriture était rare et les déplacements étaient limités car les soldats « vous frappaient » s'ils voyaient des gens dans la rue ou « vous emmenaient sur le front des combats. »

Le dixième témoin a ensuite précisé sa déposition concernant sa présence au magasin de Waterside. L'avocat de la Défense a affirmé que le témoin avait dit à la police finlandaise que d'autres personnes étaient entrées dans le magasin, mais qu'aujourd'hui, le témoin avait mentionné à la Cour être entré lui-même dans le magasin. Le témoin a réitéré qu'il se tenait près du magasin et que son ami l'avait encouragé à y entrer. La Défense a également noté que le dixième témoin avait dit à la police finlandaise qu'il avait vu des cadavres à son arrivée, ce à quoi le témoin a précisé qu'il ne faisait pas référence à des cadavres au magasin, mais soit au poste de contrôle, soit à la maison dans laquelle il était détenu. Le témoin a également fait part d'une certaine confusion quant à ce qu'il était allé chercher au magasin. La police finlandaise avait enregistré qu'il cherchait une « oie », mais le témoin a expliqué qu'il avait dit qu'il ne cherchait rien de particulier, juste de la nourriture ou des « marchandises » générales. Le témoin a également déclaré qu'il vivait à Elwa Junction au moment des faits. Il y avait vécu avant la Première Guerre mondiale et y était resté pendant cinq à six ans avant de déménager dans un autre comté en 2005.

La défense est revenue sur la déclaration du dixième témoin à la police affirmant que l'événement s'était produit en 2003. Il a expliqué qu'il considérait la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et la Troisième Guerre mondiale comme une « une opération ponctuelle » même si elles s’étaient produites au cours d’années différentes : la Première Guerre mondiale en 2001, la Seconde Guerre mondiale en 2002 et la Troisième Guerre mondiale en 2003. La Défense a noté que selon le résumé, le témoin avait déclaré à la police que les trois guerres s’étaient déroulées en 2003. Le témoin s'est étonné qu'il ait dit cela, car il savait quand les guerres avaient eu lieu. L'avocat de la Défense a demandé à plusieurs reprises si le témoin pensait toujours cela et pourquoi il avait dit à la police 2003 alors qu'il voulait dire 2001. Le témoin était visiblement troublé par les questions répétées, croyant qu'il avait déjà répondu aux questions de la Défense. Le témoin a déclaré qu'il avait dit à la police finlandaise 2003, en supposant qu'ils comprenaient la différence entre la Première, la Deuxième et la Troisième Guerre mondiale ; il faisait référence à une période de trois ans, 2001-2003.

La Cour a ensuite diffusé un clip audio de l'interrogatoire du témoin par la police. Dans le premier clip, le témoin explique qu'il était allé avec son ami en partie parce que son frère était soldat. Grâce à ce contact, il était seulement menotté et assis tandis qu'un garçon et une fille avaient été tués devant lui. Dans le second clip, le témoin parle de la date de l'incident. Il dit que l'incident s'est produit en 2001 ou 2002, mais qu’il ne s'en souvient pas. Comme les déclarations étaient très rapides, une partie de l'enregistrement n'était pas claire, même après l'avoir réécouté. Dans la partie suivante, la police finlandaise dit que l'incident s'est produit en 2003 et le témoin fait remarquer qu'il ne peut être certain du mois.

Après avoir diffusé l'enregistrement, la Défense a de nouveau interrogé le dixième témoin sur les différentes années déclarées à la police, affirmant qu'il avait dit à la police que l'incident s'était produit en 2003. Le témoin a soutenu que 2003 était la Troisième Guerre mondiale et qu'il avait fait référence à cette période (Première, Deuxième et Troisième Guerre mondiale) comme étant 2003 « juste pour faire le rapprochement. » Il a confirmé qu'il était sûr que l'incident s'était produit en 2001 et qu'il n'avait pas délibérément donné à la police une date erronée. La Défense a ensuite interrogé le dixième témoin sur sa déclaration selon laquelle il ne connaissait pas les personnes qui se trouvaient avec lui pendant l'incident à Waterside. Il a répondu qu'il ne les connaissait pas personnellement, un peu comme il « connaissait » les différentes personnes présentes dans la salle d'audience. Cependant, il se souvenait de [la personne M], qui était à Waterside avec lui et qui avait donné son nom à la police. La Défense a souligné que le dixième témoin s'était souvenu du nom de cette personne dix-huit ans après l'incident. Le témoin a déclaré que lui et [la personne M] n'étaient pas proches et qu'il ne savait pas que [la personne M] avait donné ses informations à la police finlandaise.

La Défense a ensuite posé des questions relatives à la guerre. Le témoin a déclaré qu'il savait que les forces du LURD venaient attaquer les forces gouvernementales, mais qu'il n'avait pas vu les combats lui-même. Il a également indiqué qu'il était difficile de déterminer quelles troupes se battaient entre elles car elles étaient composées de personnes de différentes origines et parlant différentes langues, y compris des Libériens. Enfin, le témoin a confirmé que la guerre était en cours lorsqu'il avait été arrêté. Il a également noté qu'il y avait des zones interdites dans lesquelles les personnes étaient arrêtées.

L'Accusation réoriente

L'accusation a demandé pourquoi le témoin n°10 avait déclaré que« nos propres soldats nous arrêteraient »lors d'un précédent témoignage. Le témoin a expliqué que certains des soldats qui parlaient des langues étrangères avaient un pouvoir sur les soldats libériens. Si le commandant étranger leur en donnait l'ordre, le témoin pensait que les soldats libériens l'arrêteraient.

Le onzième témoin est entendu

L'Accusation interroge le onzième témoin

Le onzième témoin se souvient d'un incident au cours duquel elle a été capturée devant un magasin par un groupe de soldats. Selon le témoin, elle avait l'habitude d'aller acheter des produits au marché de Waterside, mais à cette occasion, il n'y avait rien à acheter. Le témoin a déclaré que pendant qu’elle attendait au marché, elle avait entendu un « bruit intense » et que « tout le Waterside était sens dessus dessous. » Elle a entendu du bruit venant du magasin de biscuits et a vu des gens entrer par effraction et sortir avec des biscuits. Lorsqu'elle est arrivée avec son amie d'affaires, elles sont tombées sur deux camionnettes remplies de soldats armés. Il y avait aussi une foule de gens rassemblés au magasin qui ont pris peur. Le onzième témoin a déclaré que les soldats avaient mis des gens dans le pick-up et avaient tiré en direction du magasin, tuant quelques personnes. Le onzième témoin et son amie, [personne N], ont été capturées pieds nus et placées dans le pick-up. Le témoin se souvient qu'elles pleuraient et demandaient aux soldats où elles étaient emmenées. Les soldats les ont emmenées sous le pont à Waterside, près d'une terre sèche. Elle a ensuite expliqué qu'elle et son amie avaient été battues à coups de fusil par les soldats pour avoir « fait du bruit » alors qu'elles criaient à l'aide. Le témoin a expliqué qu'à l'époque, une personne était chanceuse si elle était violée plutôt que tuée. Elle a raconté que la personne qui avait commis le meurtre avait dit « Je suis l'Ange Gabriel, vous passez par moi avant d'aller au ciel. » Un vieil homme a été battu avec la crosse d'un fusil par les soldats et il saignait. Les gens pleuraient et demandaient de l'aide. Le témoin a décrit à quel point cet Ange Gabriel était effrayant ; elle a expliqué qu'ils avaient même peur de regarder son visage, car il pouvait dire à ses hommes de vous violer ou même de vous tuer. Le témoin se souvient qu'ils étaient sous le pont pendant près d'une heure à crier au secours, quand ils ont vu une jeep arriver. Un homme, qui semblait être au-dessus du rang de l'Ange Gabriel, est sorti et a commencé à interroger l'Ange Gabriel et ses hommes sur ce qui se passait. L'homme s'est énervé lorsqu'il a vu le vieil homme saigner, ce qui a amené l'Ange Gabriel à s'excuser. Finalement, l'Ange Gabriel et ses hommes ont reçu l'ordre de libérer tout le monde. Cela a donné au témoin et aux autres une chance de s'échapper.

L'Accusation a ensuite posé quelques questions. Le onzième témoin a déclaré que l'incident s'était produit en 2001. Les gens avaient très peur et fuyaient. Le crosse témoin a déclaré avoir été témoin de tirs sur le magasin et de personnes tuées sur le pont. Elle a réaffirmé qu'elle était sous le pont avec [la personne N] avec qui elle achetait toujours des marchandises, mais qu'elle ne connaissait personne d'autre là-bas. Elle a également déclaré que le chef qui a donné l'ordre de tuer se faisait appeler l' « Ange Gabriel ». Le témoin a répété que si vous le regardiez trop, il ordonnait à quelqu'un de vous tirer dessus. Elle a fait part de sa surprise face à l'accent sierra-léonais de l'Ange Gabriel. Le témoin a déclaré qu'elle avait personnellement entendu « le chef » donner l'ordre de tuer. Elle a également confirmé qu'elle l'avait vu tuer d'autres personnes pour avoir regardé son visage. D'une voix ferme, le onzième témoin a répété qu'elle avait vu l'Ange Gabriel tuer d'autres personnes. Selon elle, l'Ange Gabriel a tué trois personnes en sa présence, deux hommes et une femme ; elle ne les connaissait pas personnellement. Le témoin a précisé que « ses hommes » avaient commis la plupart des meurtres.

L'Accusation a ensuite posé d'autres questions sur les combattants. Le témoin a expliqué que si l'Ange Gabriel parlait comme un Sierra-Léonais, l'homme qui semblait le plus haut placé parlait l'anglais libérien. Les soldats portaient des uniformes de camouflage avec du vert à l'intérieur. Elle a également déclaré que ni le « LURD » ni le « RUF » ne lui rappelaient quoi que ce soit.

L'Accusation s'est appuyée sur une précédente audition que le onzième témoin avait fait sur cet incident. Elle a expliqué qu'elle avait été contactée par [le personne O], sa « play ma » (une femme plus âgée qui fait office de tutrice). Le témoin a déclaré qu'elle n'avait pas discuté de son expérience avec une autre organisation. L'Accusation l'a ensuite interrogée sur la [personne N] présente lors de l'incident de Waterside, et le témoin a déclaré que son amie avait été frappée à la jambe avec la crosse d'un pistolet et qu'elle pleurait à cause de cela.

Le onzième témoin a indiqué qu'elle se souvenait de l'année de l'incident car elle avait reçu un appel concernant sa sœur qui avait des douleurs d'accouchement et qui avait été amenée à l'hôpital à cette époque. Le témoin a déclaré que sa sœur avait accouché au début du mois de février. Le témoin a expliqué à l'Accusation que sa sœur vit dans une zone rurale et qu'il était difficile de la joindre au téléphone. Cependant, après la première audition, elle a pu confirmer l'année de l'accouchement car sa sœur avait déclaré avoir accouché début février. Le témoin a également précisé qu'elle ne pouvait pas confirmer si l'incident s'était produit avant ou après l'accouchement de sa sœur car l'enfant était mort, et sa sœur ne voulait donc pas discuter de l'histoire avec elle. Après cela, le témoin a expliqué au juge qu'elle n'avait reçu qu'un appel l'informant que sa sœur souffrait et qu'elle n'était pas présente lorsqu'elle a été emmenée à l'hôpital. Elle ne se souvient pas du mois où l'incident de Waterside s'est produit, mais elle confirme que cela s'était produit en 2001.

La Défense interroge le onzième témoin

La Défense a commencé par demander quand le onzième témoin avait parlé à la police finlandaise. Le témoin a déclaré que c'était il y a trois ou quatre mois ; la Défense a affirmé que le rapport de police indiquait 2019 mais suggérait qu'il s'agissait de 2020, ce que le onzième témoin a confirmé.

La Défense a ensuite posé des questions sur l'homme en uniforme militaire appelé « Ange Gabriel », demandant si le onzième témoin se souvenait du nom de son armée. Elle a déclaré qu'il avait un uniforme et une arme, et qu'il ne parlait pas l'anglais libérien. Elle a également confirmé qu'il parlait avec un accent sierra-léonais et qu'elle avait peur de lui. Le témoin a déclaré qu'à part le « chef lui-même », elle n'avait pas entendu le nom des autres combattants parce qu'elle avait peur et n'écoutait pas. Elle se souvenait spécifiquement de « Ange Gabriel » car c'était ainsi qu'il s'identifiait. Même au pont, elle n'était pas concentrée sur les autres noms ; elle avait simplement peur. Le témoin a également déclaré qu'elle n'avait pas entendu parler du LURD.

Le juge a ensuite fait écouter l'enregistrement de l’audition du onzième témoin par la police. Dans l'enregistrement, le témoin a déclaré qu'elle ne pouvait pas donner le mois exact de l'incident parce qu'elle ne l'avait pas confirmé auprès de sa sœur. Le témoin a été interrogé sur ses connaissances concernant la Première, la Seconde et la Troisième Guerre mondiale. Elle a déclaré qu'ils étaient passés par toutes ces guerres et que la Première Guerre mondiale s'était produite vers 2002 ; cependant, sa mémoire concernant la Deuxième et la Troisième Guerre mondiale n'était pas très claire. L’interrogateur a demandé si le témoin avait entendu parler des rebelles du LURD et s'ils étaient à Monrovia lorsqu'elle était à Waterside en 2001. Le témoin a répondu par l'affirmative, expliquant que chaque fois qu'elle sortait pour acheter des marchandises, elle entendait des gens parler du LURD. Elle ne savait pas où ils se trouvaient.

Après une pause, la Défense a demandé que l'enregistrement audio soit réécouté. Ensuite, la Défense a continué à interroger le témoin. Celle-ci a déclaré qu'elle se souvenait avoir été interrogée sur le LURD par la police et a déclaré :« J'aurais pu dire oui, mais je n'en étais pas sûre. » Elle a expliqué qu'elle ne les avait pas vus personnellement ; elle a seulement entendu des gens parler d'eux et elle n'y avait pas prêté attention. La Défense a souligné que plus tôt, lorsqu'il lui avait demandé si elle avait entendu parler du LURD, elle avait répondu non, et il a répété la question. Elle a réitéré qu'elle n'avait pas parlé personnellement du LURD.

Les questions de la Défense sont alors revenues sur [la personne O]. Le onzième témoin a d'abord affirmé que [la personne O] n'était pas sous le pont avec elle et [la personne N]. Lorsque la Défense a rappelé qu'elle avait dit que [la personne O] était sous le pont dans l'enregistrement, le témoin a expliqué que « vous pouvez dire quelque chose et après parfois vous ne vous en souvenez plus. » La Défense a insisté sur ce point, et elle a maintenu qu'elle ne se souvenait pas si [la personne O] était sous le pont. La Défense, l'Accusation et les juges ont parlé brièvement en finnois, puis la Défense a de nouveau demandé si [la personne O] était sous le pont avec le onzième témoin. Le onzième témoin a répondu en disant :« Laissez-moi faire une déclaration » et a expliqué comment [la personne O] l'avait mis en lien avec [l’employé 1], ce qui a conduit à son témoignage au procès.

La Défense est ensuite revenue sur le moment de l'accouchement de sa sœur. Le onzième témoin a déclaré avoir dit à la police qu'elle ne se souvenait pas de la date précise à laquelle sa sœur avait accouché. La police a demandé au témoin de confirmer la date avec sa sœur et celle-ci a dit que c'était en février.

À ce stade, l'Accusation est intervenue. Rappelant que la Défense avait interrogé le témoin sur le LURD, l'Accusation a demandé s’il y avait une différence, si elle entendait plutôt le terme « rebelles du LURD ». Le témoin a répondu que les gens discutaient de ce nom mais qu'elle n'y prêtait pas attention. L'Accusation et le juge ont continué à demander si le fait de se référer aux « rebelles LURD » créait une différence. Le témoin s'est alors énervé, expliquant à nouveau qu'elle n'avait pas prêté attention à ce qui était dit sur le groupe et qu'elle ne savait pas si les deux termes étaient identiques.

L'audience s'est achevée et reprendra à Monrovia le vendredi 5 mars 2021, à 9 heures.


+ 05/03/21 (Libéria) Douzième jour : Audition des douzième, treizième et quatorzième témoins

Le douzième jour d'audience s'est tenu le 5 mars 2021 à Monrovia, au Libéria.

Audition du douzième témoin

L'Accusation interroge le témoin

Le douzième témoin, un fabricant de savon traditionnel libérien, a déclaré qu'il était présent au marché de Waterside le jour de l'incident parce qu'il essayait d'acheter de la soude caustique et de l'hydroxyde de sodium pour fabriquer du savon, dont l'offre était limitée à cette période. Bien qu'il ait précisé qu'il ne se souvenait pas exactement de la date à laquelle l'événement s'était produit, il se souvenait que c'était en 2001. Le témoin a affirmé qu'une fois au marché de Waterside, il avait été enlevé par l' « Ange Gabriel Massaquoi » alors qu'il tentait d'échapper à la violence et avait été emmené sur le Vieux Pont (Old Bridge). Alors qu'il se trouvait sur le Vieux Pont ou à proximité, le témoin a affirmé que ses affaires avaient été volées par les hommes de « l’Ange Gabriel Massaquoi » qui l'avait accusé d'être un espion et l'avait poignardé l'œil gauche, résultant en un abondant saignement. Le témoin a noté que les soldats pensaient qu'il utilisait les produits chimiques achetés pour le savon pour fabriquer des bombes. Le témoin a expliqué qu'il était depuis lors aveugle de l'œil que les soldats avaient blessé ce jour-là.

Le témoin se souvient avoir vu sur le Vieux Pont de nombreuses personnes se faire tuer par les hommes de l'« Ange Gabriel Massaquoi » (parmi lesquels se trouvaient de nombreux combattants qui étaient encore de « petits garçons ») et que ces mêmes combattants avaient emmené des femmes dans les buissons avant de les abandonner ensuite dans une échoppe voisine. Le témoin a mentionné qu'à un moment donné, il avait été emmené sous le pont. Il a également expliqué que sa femme, [victime 10], et son beau-père, [victime 11], avaient été emmenés par des soldats et qu'il ne les a plus revus depuis. La petite-fille du témoin, [personne P], a également été emmenée par des soldats sous le Vieux Pont où les hommes de l'« Ange Gabriel Massaquoi » ont tenté de la violer - mais elle a réussi à s'échapper.

Selon le douzième témoin, deux groupes armés étaient présents au Vieux Pont ce jour-là : le Revolutionary United Front - Front révolutionnaire uni (RUF) et le Front national patriotique du Libéria - National Patriotic Front of Liberia (NPFL) du président Charles Taylor. En outre, le témoin a pu identifier plusieurs membres des « forces spéciales » du NPFL, dont [le soldat 2] et [le soldat 3]. [Walker] et [Doe] connaissaient déjà le douzième témoin, car ils lui achetaient tous deux du savon pour laver leurs vêtements. Ils ont demandé au témoin pourquoi il était détenu.

Celui-ci a déclaré qu'après avoir expliqué qu'il transportait les produits chimiques nécessaires à la fabrication du savon, les deux soldats avaient parlé à ses ravisseurs. Ils leur ont expliqué qu'il n'était qu'un vieil homme qui fabriquait du savon, et non des bombes. Ils ont ensuite parlé à l'« Ange Gabriel Massaquoi » pour lui demander de laisser partir le témoin. Selon celui-ci, c'est ainsi qu'il avait été libéré ; il avait trop peur à l'époque pour leur demander de lui rendre les objets qu'il avait achetés.

Le douzième témoin a conclu ses premières déclarations en expliquant qu'il se souvenait avoir entendu à la radio que des personnes violaient le droit international humanitaire au Libéria. Il a mentionné qu'il avait reçu une formation sur le droit international humanitaire de la Croix-Rouge internationale (IRC) en 1986, et qu'il savait donc que lorsqu'un combattant se rendait, il ne devait lui être fait aucun mal. Cependant, il savait aussi qu'au Libéria, ces règles ne semblaient pas s'appliquer - si vous étiez capturé et que vous disiez être un Gio ou un Mandingue, vous étiez tué.

À ce stade, l'Accusation est intervenue pour demander au témoin comment il connaissait le nom d'« Ange Gabriel Massaquoi ». Le témoin a simplement déclaré qu'il connaissait ce nom, puis a expliqué que [l'employé 1] avait l'habitude de lui acheter du savon et qu'une fois, lorsque [l'employé 1] s’était rendu à Lofa, le témoin avait mentionné l'incident survenu à Waterside.

[L'employé 1] a déclaré que l'histoire du témoin sur le Sierra-Léonais « tristement célèbre » à Waterside était très intéressante ; il a donné son numéro au témoin pour qu'ils puissent se reparler. Il s'ensuit un échange un peu confus sur les noms que [l'employé 1] et les différents soldats utilisaient pour s'adresser à l'homme appelé « Ange Gabriel Massaquoi ». La Défense s'est opposée à la tentative de l'Accusation de clarifier comment le douzième témoin connaissait ce nom. Cependant, les juges ont permis à l'Accusation de continuer.

Le témoin a poursuivi en expliquant qu'il avait pu identifier « l’Ange Gabriel Massaquoi » en raison de la façon dont il s'était présenté comme étant celui qui pouvait « envoyer les gens à Dieu ». Le témoin a identifié « Massaquoi » comme étant un commandant supérieur du RUF en raison de la façon dont lui et les hommes se parlaient en Krio plutôt qu'en anglais libérien, et de la façon dont « l’Ange Gabriel Massaquoi » avait donné l'ordre de ligoter le témoin et de l'arrêter car il le considérait comme un « dissident » ou un espion. En outre, les hommes ont désigné « l(Ange Gabriel Massaquoi » comme leur commandant.

Enfin, le douzième témoin a expliqué comment il avait pris connaissance du Global Justice and Research Project (GJRP). Il a déclaré que [l'employé 1] lui avait parlé de l'organisation lorsque le douzième témoin avait partagé son expérience au Vieux Pont (Old Bridge). Le témoin avait également raconté son histoire à une personne nommée [personne P], mais il n'avait pas revu [personne P] depuis. Interrogé sur les noms que l'[employé 1] lui avait mentionnés, le témoin a expliqué qu'après avoir mentionné à l'[employé 1] qu'il avait entendu certaines personnes appeler le commandant « Gibril » et d'autres l'appeler « Ange », l'[employé 1] a expliqué que cette personne était « l’Ange Gabriel Massaquoi ». La Défense est intervenue pour dire au témoin que l'Accusation lui demandait si c'était [l’employé 1] qui lui avait mentionné « le nom ». Le témoin a répondu que ce n'était pas le cas. Il n'est pas clair si le témoin a compris à quel nom la Défense faisait référence.

La Défense interroge le douzième témoin

En réponse aux questions de l'avocat de la Défense sur sa relation avec [l'employé 1], le douzième témoin a expliqué que [l'employé 1] lui achetait du savon en 2001. Le témoin a expliqué qu'après l'incident de Waterside, [l'employé 1] était passé le voir alors qu'il se rendait au comté de Lofa. C'est à ce moment-là qu'ils ont discuté des événements survenus à Waterside, notamment de l'« Ange Gabriel Massaquoi », que tout le monde connaissait déjà. Le témoin a expliqué que [l'employé 1] avait suggéré qu'ils devraient en reparler, mais n'avait pas dit qu'il cherchait des témoins à ce moment-là.

La Défense est ensuite revenue sur l'incident du Waterside, demandant au douzième témoin comment était habillé « l’Ange Gabriel ». Le témoin a déclaré qu'il portait une tenue de camouflage et un t-shirt. Lorsqu'on lui a demandé comment il avait su que « l’Ange Gabriel » était un membre du RUF, le témoin a expliqué qu'il connaissait les forces de Charles Taylor et que deux de ces membres, [le soldat 2] et [le soldat 3], lui avaient dit que l'homme qui avait blessé l'œil du témoin était un membre sierra-léonais du RUF.

La Défense a ensuite rappelé que lorsque la police finlandaise avait interrogé le témoin l'année dernière, il n'avait pas été en mesure de dire si « l’Ange Gabriel » était membre du RUF. Le témoin a expliqué qu'il était confus à ce moment-là. Il a expliqué qu'il avait entendu dire que [le soldat 2] et [le soldat 3] étaient morts, mais qu'il ne pouvait pas le confirmer.

Lorsqu'on lui a demandé si quelqu'un d'autre aurait pu partager son histoire avec d'autres personnes, le douzième témoin a répondu qu'il ne savait pas.

Pour finir, le témoin a rappelé que les rebelles du LURD étaient entrés dans Ganta le 3 mars 2003. Il a ensuite décrit sa compréhension des termes Première Guerre mondiale, Deuxième Guerre mondiale et Troisième Guerre mondiale. Selon le témoin, la première guerre mondiale avait eu lieu lorsque Charles Taylor était entré au Libéria avec ses hommes en 1989, la deuxième s'était produite lorsque l'ULIMO était arrivée en 1990 et la troisième s'était produite en 2003 lorsque les rebelles du LURD étaient entrés dans Ganta.

Audition du treizième témoin

L'Accusation interroge le treizième témoin

Le treizième témoin a commencé son témoignage en se remémorant le souvenir qu'il avait du jour où sa tante, [victime 12], avait été tuée et où elle-même avait été capturée. Elle et sa tante vendaient du poisson à Waterside. Tôt ce jour-là, que ses souvenirs situent en 2001, le témoin et la [victime 12] ont vu des gens courir dans tous les sens lorsqu'elles sont arrivées à Waterside et ont entendu le bruit des armes à feu. Elles ont décidé de s'enfuir mais, alors qu'elles tentaient de partir, la [victime 12] a été tuée par balle. Le treizième témoin a précisé plus tard que ce sont des soldats se faisant appeler « ATU » qui avaient tiré. Alors qu'elle pleurait sur le corps de sa tante, le témoin a été arrêté par ces soldats et emmené sur le pont Waterside.

Sous le pont, le treizième témoin a été ligotée à la manière « tabay » (une technique de torture) et était assise avec d'autres prisonniers. Les soldats sont allés appeler leur « grand homme ». Lorsqu'il est arrivé, il a attrapé une jeune fille à côté du témoin et lui a dit : « Moi, l'Ange Gabriel, je vais te tuer et tu dois dire à Dieu que je t'ai envoyé. » Le témoin a expliqué qu'il parlait comme un Sierra-Léonais. Le témoin a déclaré qu'elle avait vu de ses propres yeux cet « Ange Gabriel » tirer sur la jeune fille, et qu'ils avaient ensuite commencé à battre les gens. Le treizième témoin a dit qu'ils étaient restés assis pendant un certain temps au cours duquel les soldats attrapaient des femmes et les emmenaient dans un petit bâtiment. Le témoin a souligné qu'elle avait eu de la chance de ne pas être emmenée dans le bâtiment ; elle avait entendu les soldats qui étaient revenus lui dire qu'ils y violaient les femmes.

Le témoin a décrit ces soldats comme un groupe mixte de Libériens et de Sierra-Léonais ; il y avait également des enfants avec des armes à feu. Plus tard, un homme est arrivé et a demandé aux soldats qui étaient les personnes arrêtées sous le pont. Les soldats ont affirmé que les personnes arrêtées étaient des « rebelles », mais le témoin et les autres se sont expliqués avec l'homme et lui ont demandé de les aider. Le témoin se souvient que l'homme a dénoué la corde et leur a dit de s'échapper. Le témoin et les autres personnes arrêtées ont pu le faire. Elle a déclaré qu'elle se sentait chanceuse d'avoir pu s'enfuir ; les soldats avaient tué beaucoup de monde.

Après avoir clarifié quelques détails des déclarations précédentes, l'Accusation a ensuite interrogé le témoin sur son audition précédente concernant ce même incident. Le témoin s'est souvenu que [l'employé 1] l'avait contacté pour la première fois, lui disant qu'il avait eu son numéro par l’intermédiaire de [la personne R]. [L'employé 1] a demandé au témoin si elle avait entendu dire que des personnes venaient pour discuter de l'incident survenu au Libéria, et le témoin a demandé s'il parlait de l'incident de Waterside. Elle a expliqué que c'est ainsi qu'elle a été intégrée au processus.

Le témoin a déclaré qu'elle n'avait pas discuté de l'incident avec une autre organisation. Elle a également précisé que, bien qu'elle connaisse [la personne R]] pour avoir passé du temps ensemble à Waterside, elle ne connaissait pas le nom de famille de [la personne R]] et n'avait appris qu'il avait donné son numéro à [l’employé 1] que lorsque [l’employé 1] l'avait appelée.

La Défense interroge le treizième témoin

La Défense a commencé son interrogatoire en demandant au treizième témoin pourquoi elle avait dit plus tôt à la police que [la personne S] avait partagé son numéro. Le témoin a précisé que c'était [la personne R] et non [la personne S] qui avait donné son numéro. Lorsque la Défense a fait remarquer que la police finlandaise avait écrit que [la personne S] avait donné le numéro du témoin, le treizième témoin a suggéré qu'ils avaient pu faire une erreur et a réaffirmé que c'était [la personne R]. Lorsqu'on lui a demandé si elle connaissait [la personne S], le témoin a répondu « Qui est [la personne S] ? » À ce stade, la Défense a indiqué à la Cour qu'elle allait faire écouter l'extrait audio de l'audition.

En réponse aux questions de la Défense, le témoin a donné le nom de sa tante et indiqué qu'elle était sa tante maternelle. Interrogée sur son âge au moment de l'incident, le témoin a donné son année de naissance et a invité la Défense à « faire le calcul ». Le treizième témoin était sûr que l'incident s'était produit en 2001 car c'était l'année où sa tante avait été tuée ; elle ne pouvait pas oublier cette année-là. Le témoin ne se souvenait pas d'autres incidents survenus à Monrovia cette année-là.

La Défense a noté que lors de sa précédente audition, le témoin avait dit à la police que la jeune fille tuée devant elle avait été égorgée, mais ici le témoin disait que la jeune fille avait été abattue. Le témoin a répondu avec insistance que « Ils l'ont abattue ! » et que l'homme qui l'a abattue avait dit « Je suis l'Ange Gabriel... ».

La Cour a diffusé un enregistrement dans lequel le témoin explique aux enquêteurs qu'[une personne S] avait donné son numéro à [l'employé 1] et que [l'employé 1] l'avait appelée. Après avoir entendu cet enregistrement, le témoin a reconnu avoir dit que la [personne S] avait donné son numéro dans la vidéo et a précisé que la [personne S] était avec elle à Waterside et « participe à ce même programme ». Le témoin a expliqué que [l'employé 1] avait lancé ce programme, mais qu'il ne lui avait rien dit à ce sujet. [L’employé 1] l'a seulement interrogée sur l'incident, et le treizième témoin ne connaissait pas d'autres personnes spécifiques participant au programme.

La Défense a ensuite diffusé un autre clip vidéo dans lequel le treizième témoin dit que l'homme se faisant appeler « Ange Gabriel » a tué la jeune fille en lui coupant le cou. Le témoin a expliqué cette incohérence - ainsi que sa déclaration antérieure selon laquelle la [personne S] lui avait donné son numéro - en soulignant sa peur et son malaise lorsqu'elle avait fait ses déclarations, car c'était la première fois. Le témoin a répété que la principale personne qui lui avait transmis son numéro était [la personne R], et que l'homme avait tiré sur la fille.

Audition du quatorzième témoin

L'Accusation interroge le quatorzième témoin

Le quatorzième témoin, un revendeur de vêtements d'occasion, a expliqué qu'il était à la recherche de marchandises à Waterside avec son ami [victime 14] au moment de l'incident. Le témoin n'était pas sûr du mois exact car la guerre s'était prolongée, mais il a estimé que l'année de l'incident était soit 2001, soit 2002. Le témoin a décrit cette période à Monrovia comme une guerre intermittente, et que « certains jours, les choses peuvent être normales et d'autres jours, les choses ne peuvent pas être normales. » Le témoin et son ami avaient pris le bus pour Waterside, et à leur arrivée, ils ont constaté que les vendeurs étaient moins nombreux que d'habitude. Ils ont marché d'un bout à l'autre de Waterside pour trouver quelque chose à acheter. En approchant de l'intersection de la Mechlin et Water Street, ils ont vu des gens qui transportaient des biscuits, près d'une ancienne banque. Ils ont décidé de s'y rendre.

Le quatorzième témoin se souvient qu'il y avait foule sur place et que de nombreuses personnes entraient et sortaient du bâtiment. Le témoin et son ami ont décidé de rester à l'extérieur du bâtiment et d'acheter des marchandises aux personnes qui avaient réussi à obtenir des choses à l'intérieur.

Alors qu'ils achetaient des marchandises, le témoin a soudain entendu des cris provenant de derrière la foule, suivis de coups de feu, et les gens ont alors commencé à se jeter au sol ou à s'enfuir. Le témoin a alors vu des soldats armés, et lui et [la victime 14] ont essayé de s'enfuir avec la foule. Cependant, avant qu'ils ne puissent s'échapper, la [victime 14] est tombée au sol, blessée et en criant. Le témoin a déclaré qu'il avait essayé d'aller voir la [victime 14] mais qu'avant qu'il n'en ait eu l'occasion, il avait remarqué que du sang coulait de sa propre main : on lui avait tiré dessus. À ce moment-là, lui et d'autres personnes ont été capturés par les soldats. Le quatorzième témoin a déclaré que la [victime 14] ne parlait plus lorsque les soldats les avait pris et les avait emmenés au poste de contrôle du Vieux Pont (Old Bridge).

Le témoin a expliqué que les soldats avaient déclaré qu'ils allaient tous les tuer pour avoir pillé le magasin. Il a expliqué qu'ils avaient mis tout le monde à terre et avaient commencé à tirer en l'air. Le témoin n'a pu identifier aucun des soldats présents au Vieux Pont car ils parlaient avec un accent sierra-léonais.

Le témoin a expliqué qu'il avait pu identifier l'un des hommes comme étant le commandant car les soldats lui répondaient en disant « Oui chef, oui chef ». Le témoin s'est souvenu que les soldats l'avaient appelé « Ange Gabriel » et que cet homme avait dit aux personnes capturées qu'il les tuerait toutes pour avoir pillé. Il leur a également dit de dire à Dieu qu'ils étaient envoyés par l'« Ange Gabriel ». « L’Ange Gabriel » a alors pris deux hommes parmi les quatre assis en face du témoin et a dit qu'il allait leur montrer ce qu'il pouvait faire, et les a abattus. Le témoin a déclaré que « L’Ange Gabriel » a ensuite ordonné que les deux autres hommes soient emmenés à West Point, où ils ont été placés dans un camion et n'ont plus été revus.

Le quatorzième témoin a poursuivi en expliquant que des soldats en uniforme, fidèles à Charles Taylor, avaient sauté du pont et avaient demandé ce qu'il se passait. Une dispute s'en est suivie entre les soldats en uniforme et les soldats sierra-léonais. Le témoin a déclaré avoir reconnu deux des soldats en uniforme, [soldat 4] et [soldat 5]. Le témoin a appelé le [soldat 5], qui lui a demandé ce qu'il faisait là. Le quatorzième témoin a expliqué au [soldat 5] que les soldats avaient tué la [victime 14]. À ce moment-là, les autres personnes capturées ont commencé à s'enfuir, mais il a couru vers le [soldat 5] qui lui a dit qu'il avait été envoyé par Benjamin Yeaten pour les secourir et prendre le contrôle de la situation. Le témoin a ensuite décrit comment le [soldat 5] l'a emmené, lui et d'autres blessés, à l'hôpital J.F.K. de Sinkor dans une camionnette. Le quatorzième témoin a demandé au [soldat 5] de raconter à ses amis ce qui lui était arrivé la prochaine fois qu'il se rendrait au marché.

Bien que le quatorzième témoin n'ait pas été en mesure de préciser le mois au cours duquel ces événements se sont produits, il a déclaré qu'il pensait que l'incident avait eu lieu en 2001 ou 2002. Il a également indiqué qu'il portait encore une cicatrice sur la main, due à la balle qu'il avait reçu ce jour-là.

Lorsqu'on lui a demandé comment il était entré en contact avec la police finlandaise, le quatorzième témoin a expliqué qu'un ami, [personne T], l'avait appelé et lui avait expliqué qu'il avait eu une conversation avec quelqu'un qui se renseignait sur l'incident du magasin de biscuits. Bien que l'ami n'était présent lors de l'incident, il avait dit à l'enquêteur que le quatorzième témoin avait été victime d'une agression à Waterside et qu'il pensait que cela pouvait être lié à l'incident en question. Bien que sceptique quant à la raison pour laquelle quelqu'un cherchait à le contacter à propos de « quelque chose qui s'était passé longtemps auparavant », le quatorzième témoin a finalement autorisé la [personne T] à le mettre en contact avec cette personne. Le témoin a reçu un appel le jour même.

La personne a demandé au quatorzième témoin s'il pouvait venir en ville. Le témoin a indiqué que ce serait difficile, mais s'est détendu lorsque la personne a dit qu'ils pouvaient se rencontrer chez l'ami du témoin. Le jour suivant le témoin a rencontré cette personne qui lui a dit qu'un autre homme voulait également entendre ce qu'il avait à dire. Le témoin voulait être accompagné de son ami. La personne lui a dit que son ami n'était pas un mauvais gars, suggérant que le témoin ne devait pas avoir peur. Le quatorzième témoin l'a donc suivi et a rencontré les personnes qui l'ont interrogé. On a demandé au témoin s'il accepterait de raconter à nouveau son histoire s'il était appelé, et les personnes qui l'ont interrogé ont payé son transport. Le témoin a affirmé d'une voix ferme que c'était la première fois qu'il parlait de son expérience à une tierce personne ou organisation.

La Défense interroge le quatorzième témoin

La première phase de l'interrogatoire de la Défense s'est concentrée sur le témoignage précédent concernant l'incident de Waterside. Lorsqu'on lui a demandé de préciser quel pont il avait mentionné plus tôt, le témoin a expliqué qu'au moment de l'incident, le pont était connu sous le nom de « New Bridge » (Nouveau Pont) et que son nom exact était « Gabriel Talker Bridge ». Il a également répété que le chef des « soldats en uniforme » avait dit aux soldats parlant avec des accents sierra-léonais que Benjamin Yeaten l'avait envoyé pour contrôler la situation. Il avait fallu environ trois heures pour que les troupes arrivent. Le quatorzième témoin a également mentionné qu'il y avait eu des bruits de bombardement ce jour-là ; il a supposé, d'après la direction des bruits, que les bombardements étaient l'œuvre du LURD.

La Défense a ensuite posé des questions sur le premier contact du quatorzième témoin avec la police finlandaise. Le témoin a déclaré que [la personne T], qui avait transmis son numéro à la personne intéressée, avait plusieurs noms. C'est au domicile de [la personne T] que le témoin a rencontré [l'employé 1]. Le témoin a déclaré qu'il n'avait pas parlé de l'incident de Waterside lors de cette rencontre ; [l'employé 1] a simplement amené le témoin à rencontrer « les personnes ». Le témoin n'a pas pu se souvenir du jour où cela s’était produit, mais seulement que c'était en 2001 ou 2002. Il a attribué son incertitude au passage du temps. L'audience s'est achevée et reprendra à Monrovia le lundi 1er mars 2021 à 9 heures.


+ Point hebdomadaire - Quatrième semaine

Présentation des audiences et des témoins de la quatrième semaine

La quatrième semaine du procès de Gibril Massaquoi s'est terminée le 5 mars 2021, après trois jours d'audience à Monrovia, au Libéria. Les audiences étaient dédiées aux témoignages de huit témoins, qui ont raconté leur expérience lors d'une attaque au marché Waterside de Monrovia, au Libéria. Comme pour les témoins précédents, l'identité de tous les témoins a été dissimulée.

Les témoins ont été entendus dans l'ordre suivant et peuvent être décrits comme suit :

Dixième jour de l’observation du procès (2 mars 2021)

• Septième témoin : femme, âge inconnu ; est allée avec une amie acheter de la nourriture à la biscuiterie ; a été capturée et a vu des personnes se faire tuer.

• Huitième témoin : homme, 18 ans au moment de l'incident ; s'est rendu à Waterside pour acheter des articles à vendre ; a été capturé et a vu des personnes se faire tuer.

• Neuvième témoin : a été entendu à huis clos, aucun résumé n'est donc disponible pour ce témoignage.

Onzième jour de l’observation du procès (4 mars 2021)

• Dixième témoin : homme ; ~14/15 ans au moment de l'incident ; est allé à Waterside pour chercher de la nourriture ; a été capturé et a vu des victimes se faire tuer.

• Onzième témoin : femme ; âge inconnu ; s’est rendue à Waterside pour acheter des produits ; a été capturée et a assisté à la mort de personnes sur le pont.

Douzième jour de l’observation du procès (5 mars 2021)

• Douzième témoin : homme d'âge inconnu, fabricant de savon qui s'est rendu à Waterside pour acheter du matériel de fabrication de savon ; a vu sa femme et son beau-père emmenés par des soldats.

• Treizième témoin : femme ; ~19-21 ans au moment de l'incident ; était venue vendre des marchandises à Waterside ; nièce de la victime qui a été tuée lors de l'incident de Waterside. • Quatorzième témoin : homme ; âge inconnu ; revendeur de vêtements usagés qui s'était rendu à Waterside pour rechercher des marchandises ; ami de [la victime 14], qui a été tuée lors de l'incident de Waterside.

Points communs entre les témoignages

Sont ressortis de l'incident de Waterside et des interactions de ces témoins avec la police finlandaise les points communs suivants :

L'incident du Waterside

• S'il était difficile de trouver de la nourriture à Monrovia à l'époque, Waterside était un bon endroit pour essayer. Les gens se rendaient également à Waterside pour acheter des marchandises à vendre. Certains témoins ont précisé que le jour de l'incident, « l'endroit était calme et solitaire ».

• Bien que les magasins étaient fermés à Waterside, les soldats et les civils ont pillé un magasin de biscuits après l’irruption de soldats. Au départ, les soldats et les civils pillaient le magasin ensemble. Cependant, lorsque le « chef » est arrivé - parfois appelé « notre chef » ou « Ange Gabriel » - les soldats se sont retournés contre les civils et auraient déclaré : « Si nous ne tirons pas sur [les civils], ils sauront que nous avons ouvert le magasin, alors tirons sur eux. » Un témoin a expliqué que les soldats ont dit qu'ils allaient tuer tous les civils pour avoir pillé le magasin et tiré en l'air.

• Les combattants armés à Waterside étaient « mixtes », certains parlant l'anglais libérien et d'autres ayant un accent sierra-léonais. Certains combattants qui avaient les deux accents portaient des uniformes de l'armée libérienne. Il y avait également de nombreux combattants qui étaient encore des « petits garçons ».

• Les soldats ont tiré sur certaines personnes et en ont battu d'autres. Ils ont également transporté certaines personnes à un poste de contrôle près du Vieux Pont (Old Bridge). Les civils ont été traités d'espions, d'ennemis, de pillards et de rebelles par les soldats et « l’Ange Gabriel ».

• Il y avait des cadavres au sol alors que d'autres civils étaient amenés au poste de contrôle. Les soldats ont dit à l'Ange Gabriel que les civils s'étaient introduits dans le magasin et qu'ils allaient s'en débarrasser. Le dixième témoin a vu un civil contraint de poser sa tête sur une pierre, et à ce moment-là, l'Ange Gabriel a déclaré : « Vous voyez tous ? Je suis sur le point de faire la même chose que j'ai fait à ces autres corps ». Il a ensuite mis son couteau sous le cou de l'homme. Le dixième témoin a fermé les yeux, mais lorsqu'il les a rouverts, le cou de l'homme avait été coupé et l'Ange Gabriel essuyait le couteau sur ses vêtements.

• L'Ange Gabriel a été décrit comme tuant des personnes sous le pont, notamment par un témoin qui a affirmé qu'il avait tué deux hommes et une femme. Un autre témoin a déclaré avoir vu l'Ange Gabriel prendre deux hommes du groupe pour montrer ce qu'il ferait aux autres ; il a tiré sur les deux hommes. Certains témoins ont raconté qu'ils étaient trop effrayés pour regarder le visage de l’Ange Gabriel, car il pouvait ordonner à ses hommes de violer ou de tuer des civils.

• Le douzième témoin tentait de s'échapper du Vieux Pont (Old Bridge) lorsque les hommes de « l’Ange Gabriel Massoquoi » l'ont accusé d'être un espion et l'ont poignardé à l'œil gauche, provoquant une cécité permanente.

• Les soldats ont également ligoté certains civils et les ont forcés à regarder directement le soleil.

• Le treizième témoin, qui a déclaré qu'un « Ange Gabriel » avait tiré sur sa tante et l'avait tuée au cours de l'incident, a également décrit un « Ange Gabriel » tirant sur une jeune fille, bien que la Défense ait affirmé que le témoin avait précédemment décrit un Ange Gabriel coupant le cou de la jeune fille.

• Certaines femmes ont été emmenées dans la brousse et laissées dans une échoppe voisine. D'autres ont été décrites comme étant emmenées dans un immeuble de faible hauteur, où les soldats les violaient.

• Certaines femmes ont été ligotées et appelées « femmes anges ». « L’homme-ange » (Angel Man), qui se faisait également appeler « Ange Gabriel », a commencé à choisir des filles dans le groupe, en disant : « Ce sont mes femmes pour aujourd'hui. Tuez les autres, et laisse-les aller dire à Dieu que c'est moi qui les ai envoyés en premier. Moi, l'Ange Gabriel, je vous ai envoyé. » Les femmes qui n'ont pas été choisies pour être « les femmes de l’ [Ange Gabriel] » ont ensuite été tuées par les soldats.

• Quelques heures plus tard, des soldats libériens fidèles à Charles Taylor sont arrivés pour désamorcer la situation. Un témoin a décrit l'arrivée d'un général libérien qui a demandé à l’Ange Gabriel qui étaient les prisonniers et pourquoi ils étaient battus et tués. Un autre témoin a décrit un homme, qui semblait être un supérieur de l’Ange Gabriel, voyant un vieil homme saigner ; l'homme s'était mis en colère, ce qui avait amené l’Ange Gabriel à s'excuser.

• Tout au long de l'incident, des témoins ont expliqué que certains soldats libériens avaient expliqué aux autres soldats que les civils n'étaient pas des espions, aidant certains d'entre eux à s'échapper ou les mettant en sécurité.

Identification des remarques qui se sont poursuivies depuis les témoignages de la semaine dernière

Les témoins ont continué à décrire des déclarations similaires faites par « l'Ange Gabriel » concernant son identité. Par exemple :

• « Tuez les autres, et laisse-les aller dire à Dieu que c'est moi qui les ai envoyés en premier. Moi, l'Ange Gabriel, je vous ai envoyé. »

• « Allez dire à Dieu que c'est moi, l'Ange Gabriel, qui les ai envoyés. »

• « Moi, l'Ange Gabriel, je peux envoyer des gens à Dieu. »

• « Je suis l'Ange Gabriel, vous passez par moi avant d'aller au Ciel. »

• « Moi, l'Ange Gabriel, je vais te tuer et tu dois dire à Dieu que je t'ai envoyé. »

• De même, un témoin avait demandé à un soldat ce que signifiait « aller à Dieu », ce à quoi le soldat avait répondu : « Notre chef dit qu'il est l'ange qui peut envoyer les gens au ciel. C'est pourquoi, lorsqu’il dit ‘allez porter ce message à Dieu, cela signifie qu'il va te tuer. » • Les témoins ont continué à décrire la façon dont « l’Ange Gabriel » s'exprimait, certains le décrivant comme ne s'exprimant « pas à la manière libérienne », mais plutôt « à la manière sierra-léonaise ». Un autre témoin a décrit « l’Ange Gabriel » comme s'adressant à un autre homme en Krio (langue couramment parlée en Sierra Leone) plutôt qu'en anglais libérien, tandis qu'un autre a déclaré qu'Ange Gabriel parlait le temne (une langue sierra-léonaise).

Groupes armés présents dans la zone pendant cette période du conflit

• Le dixième témoin a déclaré que « les soldats du Président » étaient impliqués, mais qu'il ne savait pas ce qu'était le RUF (Revolutionary United Front of Sierra Leone - Front révolutionnaire uni of Sierra Leone) à l'époque.

• Le douzième témoin a déclaré que le RUF et le NPFL (Front national patriotique du Libéria - National Patriotic Front of Liberia) étaient tous deux présents sur le Vieux Pont (Old Bridge). Il a pu confirmer que le NPFL était présent car il a reconnu deux membres des forces spéciales du NPFL qui lui avaient acheté du savon auparavant.

• Le treizième témoin a déclaré que certains soldats ont été identifiés comme étant des membres de l’ « ATU » (l' « Unité antiterroriste » de Charles Taylor).

Références aux enfants soldats

• Le douzième témoin a déclaré qu'au Vieux Pont, les soldats de l'Ange Gabriel comprenaient des « petits garçons », compris comme signifiant des enfants.

• Le treizième témoin a décrit des « petits enfants » parmi le groupe mixte de soldats libériens et sierra-léonais.

Recrutement des témoins et interactions antérieures avec la police finlandaise

• Comme au cours du témoignage de la semaine dernière, [l'employé 1] a été décrit comme un point de contact pour chaque témoin. Par exemple, une connaissance du huitième témoin de Waterside, [personne K], lui avait recommandé de contacter [l'employé 1]. Le onzième témoin a été mis en contact avec [l'l’employé 1] par l'intermédiaire de [la personne O], son « play ma » ou tuteur. Le douzième témoin a déclaré avoir régulièrement vendu du savon à [l'l’employé 1] et avoir discuté avec lui de l'incident de Waterside lors d'une visite. Le dixième témoin a décrit que [l'l’employé 1] l’avait approché lorsque ce dernier avait entendu le témoin et d'autres personnes discuter de l'incident de Waterside.

Thèmes émergents pour l'Accusation et la Défense

Alors que les témoignages ont continué cette semaine, l'Accusation a poursuivi sa tentative de corroborer la chronologie des événements entourant l'incident de Waterside et la présence de Gibril Massaquoi sur les lieux. Pour étayer l'affirmation selon laquelle l'incident s'était produit en 2001, l'Accusation a obtenu des témoignages sur la date de l'incident. Alors que le quatorzième témoin ne savait pas si l'événement s'était produit en 2001 ou en 2002, tous les autres témoins interrogés publiquement ont déclaré que l'incident s'était produit en 2001.

En ce qui concerne l'affirmation de l'Accusation selon laquelle Gibril Massaquoi était présent à Waterside, l'Accusation a obtenu de chaque témoin le témoignage que l'homme sur le pont était connu sous le nom de « l’Ange Gabriel ». Le douzième témoin a identifié l'homme comme étant « l’Ange Gabriel Massaquoi ». Les septième, huitième, dixième, onzième et treizième témoins ont tous déclaré que l'homme connu sous le nom d’« Ange Gabriel » parlait avec un accent sierra-léonais. En outre, chaque témoin a expliqué que « l’Ange Gabriel » s'était présenté comme tel et avait déclaré en utilisant plusieurs versions, qu'il « enverrait les gens à Dieu ». Bien que les témoignages varient quant à la phrase exacte prononcée par « l'Ange Gabriel » à cet effet, cette déclaration a été comprise comme signifiant qu'il tuait ces personnes ou ordonnait qu'elles soient tuées. Ces témoignages correspondent en grande partie aux récits des témoins des semaines précédentes concernant l'auto-identification de ce commandant.

La Défense a également continué à développer les thèmes de procès précédents, en mettant en doute la fiabilité des témoignages. Comme pour les témoins précédents, la Défense a soulevé des questions quant au moment où l'incident s'était produit et quant aux incohérences entre les déclarations des témoins devant la Cour concernant le moment où l'événement s'était produit et ce qu'ils avaient précédemment dit à la police finlandaise. La Défense a également souligné certaines incohérences entre les déclarations des témoins à la police finlandaise et leur témoignage devant la Cour concernant les circonstances de l'événement. Parmi les incohérences mentionnées, la Défense a interrogé le huitième témoin sur le fait qu'il avait oublié le nom de la [victime 9], le dixième témoin sur les différentes versions de son entrée ou non dans le magasin, le onzième témoin sur le fait qu'elle était avec la [personne O] ou la [personne N] sous le pont, et le treizième témoin sur le fait que l’Ange Gabriel avait tiré sur une jeune fille ou lui avait tranché la gorge.

En plus de remettre en cause l'exactitude des témoignages, la Défense a cherché à interroger les témoins sur leurs liens avec [l'l’employé 1] et la police finlandaise. Chaque témoin a été interrogé sur les liens qu'il entretenait avec [l’l’employé 1] ou la police finlandaise. La Défense a également souligné plusieurs incohérences dans le rapport de la police finlandaise. Au cours de l’interrogatoire du onzième témoin, cette dernière a confirmé qu'elle avait été interrogée en 2020, alors que le rapport de police indiquait qu'elle avait été interrogée en 2019. Par ailleurs, la Défense a interrogé le treizième témoin sur les incohérences concernant la personne qui avait partagé son numéro de téléphone avec la police finlandaise. Lors de son audition par la police, le treizième témoin avait déclaré qu'il s'agissait de [personne S], alors que le témoin a déclaré cette semaine qu'il s'agissait de [personne R]. Le témoin a expliqué que malgré sa déclaration antérieure, [la personne R] était son principal contact initial et que la police finlandaise avait pu mal comprendre. La Défense a insisté sur la déclaration du treizième du témoin selon laquelle elle ne connaissait pas d'autres personnes dans le « programme » de [l'l’employé 1], demandant quel genre de « programme » elle pensait qu'il s'agissait. Elle ne savait pas.

De manière générale, l'Accusation et la Défense ont tenté de clarifier la date de l'incident de Waterside. Ils ont insisté pour que les témoins clarifient leurs références fréquentes aux différentes périodes de conflit armé comme les « Première Guerre mondiale », « Deuxième Guerre mondiale » et « Troisième Guerre mondiale ». Cependant, les explications de ces différentes périodes varient d'un témoin à l'autre. Le onzième témoin a associé l'incident de Waterside à une date précise et potentiellement vérifiable : la naissance du bébé de sa sœur en 2001.


+ 08/03/21 (Libéria) Treizième jour : Audition des quinzième, seizième et dix-septième témoins

Le treizième jour d’audience publique a repris le 8 mars 2021 à Monrovia, au Libéria.

Le quinzième témoin est entendu

La Défense interroge le témoin

Le témoin a commencé son témoignage en expliquant comment elle a été impliquée dans l'enquête de la police finlandaise. Le témoin a expliqué qu'elle s'était rendue au « Red Light Market », où elle avait vu son amie, [personne O], qui vendait des marchandises à Waterside avec le témoin avant l'incident. [La personne O] l'a ensuite appelée et lui a expliqué qu'un homme, identifié par la suite comme [l'employé 1], lui avait demandé si elle avait été à Waterside lors de l'incident, et que des Blancs voulaient savoir ce qu'il en était. [La personne O] a donné le numéro du témoin à l'homme, qui l'a ensuite contactée pour un entretien. Le quinzième témoin a dit à l'homme qu'elle avait peur, mais il lui a répondu qu'il n'y avait aucune raison d'avoir peur, car on « voulait juste lui poser des questions ».

Le témoin a raconté aux Blancs l'incident survenu à Waterside, expliquant qu'elle vivait à Paynesville, une banlieue de Monrovia, et qu'elle avait l'habitude de se rendre à Waterside très tôt le matin pour vendre des marchandises. Un jour, en arrivant à Waterside, elle a entendu des coups de feu venant de toutes les directions. Elle a précisé plus tard que les tirs venaient de Waterside en direction de West Point, où les combats étaient concentrés. Elle et [la victime 15] ont essayé de s'enfuir, mais des personnes - décrites plus tard comme des soldats - l'ont attrapée et capturée. Le témoin se souvient que, alors qu'elle tentait de s'enfuir, elle portait encore des marchandises sur sa tête dans un sac en plastique, et que celui-ci était tombé lorsqu'elle avait été arrêtée. Les soldats les ont traînées, elle et [la victime 15], vers West Point et sous le pont, où se trouvait une petite maison dans laquelle le groupe était installé. Le témoin a décrit avoir vu des gens être battus et tués tout autour d'elle, et avoir vu des cadavres partout. Elle a précisé plus tard que les soldats tiraient pendant qu'ils emmenaient les captifs à West Point.

Les soldats ont ordonné au quinzième témoin de boire de l'eau sale dans une flaque d'eau. Le témoin s'est mis à pleurer, et l'un des hommes a dit aux autres : « Portez cette femme, envoyez-la au ciel. » Le témoin a précisé que l'homme s'était identifié en disant : « Moi, l’Ange Gabriel, je les ai envoyées au ciel ! Quand vous partirez, dites à Dieu que c'est moi qui vous envoie. » Les soldats l'ont ensuite frappée avec la crosse d'un fusil, et elle a crié dans son dialecte : « Dieu me voici ! ». Cela a attiré l'attention d'un des soldats qui se tenait devant « l’Ange Gabriel ». Il lui a demandé quel dialecte elle venait de parler, ce à quoi le témoin a répondu que c'était le Gio. Il a ensuite demandé au témoin si elle savait qui il était. Après la réponse négative du quinzième témoin, l'homme s'est présenté comme « Devil Working-God Working » (Diable à l'œuvre - Dieu à l'œuvre). Il s'est tourné vers l'homme identifié comme « l’Ange Gabriel » et lui a dit qu'elle avait parlé dans son dialecte. Devil Working-God Working a alors demandé à « l’Ange » de laisser partir le témoin. Le témoin s'est souvenu que l'Ange avait dit : « Laisse la femme aller au ciel » et lui avait dit de dire à Dieu qu'il l'avait envoyée. Les soldats ont alors commencé à lui donner des coups de pied et à lui dire de quitter la zone. Le témoin a commencé à s'enfuir et a vu de nombreux morts et personnes mourantes dans sa fuite. Lorsqu'on lui a demandé qui avait tué ces personnes, le témoin a répondu qu'elle avait vu un homme donner des ordres, mais que c'étaient les soldats qui tuaient les gens. Le témoin a précisé qu'elle n'avait vu cet homme tuer personne, mais qu'il l'avait frappée avec la crosse de son arme. Le témoin a confirmé qu'elle n'avait pas vu l'homme faire quoi que ce soit avec les cadavres.

Le témoin pense que ce sont les soldats de l'homme qui avaient tiré, car ils étaient tous autour de lui. Elle ne se souvient pas d'autres soldats dans la zone. Lorsqu'on lui a demandé si elle connaissait les noms « RUF », « LURD » ou « rebelles LURD », elle a déclaré ne pas connaître le RUF, mais avoir entendu parler des rebelles LURD. Le témoin ne savait à quel groupe étaient affiliées les troupes qui tiraient et frappaient les gens, mais a précisé que l'uniforme porté par l'homme qui donnait des ordres était gris et noir avec une chemise blanche.

L'Accusation interroge le quinzième témoin

L'Accusation a commencé par interroger le témoin sur l'homme qui donnait des ordres pendant l'incident. Le quinzième témoin a expliqué que l'homme qui l'avait frappée avec la crosse de l'arme donnait également des ordres, et que Devil Working-God Working l'appelait « Gabriel ». Elle a ajouté que « Gabriel » se faisait également appeler « Ange Michel ». Le témoin a expliqué que cet homme ordonnait de tuer des gens, pour envoyer des gens au ciel, et que les hommes avaient tué [la victime 15] avant d'atteindre West Point. Le témoin se souvient que cet événement avait eu lieu entre 2000 et 2001, vers la fin de l'année 2000. Enfin, il a été demandé au témoin si elle se souvenait de l'homme qui l'avait initialement contactée par l'intermédiaire de son amie, [personne O]. Elle a déclaré que l'homme s'appelait [l’employé 1]. Le témoin a confirmé qu'elle et [la personne O] étaient à Waterside au même moment. Elle ne sait pas ce qui est arrivé à [la personne O] après leur séparation pendant la fusillade, et elles ne se sont retrouvées que plus tard.

La Défense interroge à nouveau le quinzième témoin

Le témoin a déclaré qu'elle et [la personne O] avaient parlé au téléphone de se rendre à Waterside le matin de l'incident. En réponse à la question de savoir si le quinzième témoin et [la personne O] avaient discuté de l'incident avant de parler à [l'l’employé 1], le témoin a déclaré que [la personne O] avait donné son numéro de téléphone à [l'l’employé 1]. La Défense a insisté sur ce point en demandant si, au cours des vingt dernières années, le quinzième témoin et [la personne O] avaient discuté de l'incident. Le quinzième témoin confirmé qu'elles avaient l'habitude de se voir, mais qu'elles n'avaient pas pensé à cette période depuis.

La Défense a ensuite demandé si « l’Ange » avait fait autre chose que de donner des ordres pendant l'incident. Le témoin a déclaré qu'il battait les gens et donnait des ordres : « Tirez sur l'homme ! Tirez sur la femme ! » La Défense a de nouveau demandé si le témoin l'avait vu faire quoi que ce soit aux cadavres. Lorsque le témoin a confirmé que ce n'était pas le cas, la Défense a rappelé que le témoin avait précédemment déclaré à la police finlandaise, en 2019, que « le commandant avait pris des estomacs, des intestins des cadavres, et en avaient fait un poste de contrôle. » Le témoin a déclaré qu'elle était humaine et qu'elle avait oublié ce détail, mais a précisé qu'elle avait effectivement vu l'homme prendre les intestins d'un corps et en « faire un poste de contrôle », qui, a-t-elle précisé, était une ligne sur la route indiquant où les gens ne devaient pas traverser.

Le témoin a rappelé que cet incident s'était produit au début de l’année 2001. La Défense a rappelé qu'elle avait dit à la police finlandaise que l'incident avait pu avoir lieu en avril ou mai 2002, entre la saison sèche et la saison des pluies. Le témoin a réaffirmé que l'incident avait eu lieu au début de l’année 2001, et s’est référée aux différentes parties de la guerre : Première, Deuxième et Troisième Guerre mondiale. Selon elle, l'incident étaient lié à la guerre qui avait eu lieu en 2000. Elle a attribué les divergences entre son audition et son témoignage au fait qu'elle était nerveuse avant l’audition et qu'elle avait maintenant plus de temps pour réfléchir.

La Défense a ensuite interrogé le quinzième témoin sur sa compréhension des groupes impliqués dans l'incident. Lisant le résumé de l'interrogatoire de police précédent, la Défense a précisé que le témoin avait déclaré à la police finlandaise que deux groupes étaient présents à ce moment-là : les troupes gouvernementales à Waterside, et le LURD de l'autre côté du pont dans Vai Town. Le témoin a rappelé qu'elle avait effectivement dit que « l’Ange Gabriel » et ses hommes se trouvaient au bout du pont près de Waterside, et que « d'autres personnes » se trouvaient de l'autre côté du pont à Vai Town. La Défense a insisté sur la question de savoir s'il s'agissait du « LURD » de l'autre côté. Le témoin a ajouté que, même si elle ne connaissait pas les différences entre ces groupes, elle connaissait l'homme qui l'avait emmenée sous le pont. La Défense a noté que le témoin avait également dit à la police finlandaise qu'elle avait entendu dire que le RUF faisait partie des troupes gouvernementales et que « l’Ange Gabriel » était leur commandant. Le témoin a affirmé qu'elle avait peut-être oublié cela. La Défense a ensuite demandé au témoin si elle connaissait d'autres noms des membres du RUF. Elle a déclaré qu'à part « Ange Gabriel », qu'elle a également nommé « Ange Gabriel Massaquoi », elle n’en connaissait pas. À la demande de la Défense, le témoin a rappelé qu'elle avait donné deux autres noms de combattants du RUF à la police finlandaise, Benjamin Yeaten et un soldat, [soldat 6]. Le quinzième témoin avait entendu parler de ces noms pendant la guerre, et a dit qu'ils étaient du comté de Nimba.

Le seizième témoin est entendu

L'Accusation interroge le seizième témoin

Le témoin a commencé son témoignage en rappelant l'incident de Waterside. Il a expliqué qu'il s'était rendu un jour à Waterside pour acheter des marchandises. À son arrivée, il y avait une grande agitation à Waterside ; les gens pillaient et personne ne vendait. Il a décrit l'endroit comme étant « sens dessus dessous », expliquant qu'il ne pouvait voir que des soldats et des civils capturés. Les civils, dont le témoin, ont été capturés et placés dans une zone spécifique. Le témoin a identifié l'homme qui contrôlait les soldats comme étant « l’Ange Gabriel ». Le témoin a indiqué qu'il ne savait pas si « l’Ange Gabriel » était le nom complet de cet homme ou son nom de naissance, mais il a confirmé que c'était lui qui donnait des ordres. En outre, le témoin a noté que « l’Ange Gabriel » ne parlait pas l'anglais libérien.

Le témoin a ensuite déclaré que le commandant envoyait des soldats battre les gens à l'intérieur du bâtiment où ils (y compris le seizième témoin) étaient détenus... Lorsque les gens étaient appelés à l'extérieur, le témoin a déclaré qu'il pouvait entendre des coups de feu et quelqu'un dire : « Allez dire au papay que je vous ai envoyés. » Il restait de moins en moins de personnes dans le bâtiment, car celles qui étaient appelées à l'extérieur ne revenaient jamais. Lorsque les soldats ont appelé le groupe de personnes qui se trouvait devant lui, le témoin s'est demandé s'il allait lui aussi être appelé à l'extérieur. Le témoin a expliqué qu'il avait finalement été libéré parce que sa grand-mère, [personne U], était vendeuse à Waterside et que beaucoup de soldats la connaissaient. L'un des soldats, [soldat 7], a reconnu le témoin. Le témoin a précisé que [le soldat 7] était un soldat libérien qui travaillait avec « l’Ange ». Le [soldat 7] a trouvé un moyen pour que le témoin et plusieurs autres hommes s'échappent par l'arrière du magasin. Le témoin a expliqué que c'était la raison pour laquelle il était encore vivant.

Après l'explication des événements par le témoin, l'Accusation a posé des questions pour clarifier certaines parties de son récit. Le témoin a déclaré qu'il ne connaissait pas les noms précis des bâtiments de Waterside, mais a ensuite expliqué que le bâtiment où il avait été détenu se trouvait à une certaine distance du pont, pas trop près de la rivière. Interrogé, le témoin a également précisé qu'il connaissait le nom « Ange Gabriel », à la fois parce que les soldats criaient son nom et parce que « l’Ange Gabriel » lui-même avait prononcé son nom à plusieurs reprises lors de la fusillade. À la suite d'une question de l'Accusation demandant si l’Ange Gabriel avait lui-même tiré, le témoin a répondu que l'Ange Gabriel était celui qui donnait des ordres et qu'il était donc responsable de la fusillade. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait vu des cadavres une fois qu'il était sorti, le seizième témoin a répondu qu'il était sorti par l'arrière du bâtiment, car il ne pouvait pas sortir par l'avant.

Le témoin s'est également souvenu que l'événement qu'il a décrit s'était produit en 2001, mais a précisé qu'il ne se souvenait pas du mois ; il pense simplement que ce n'était pas pendant la saison des pluies. Il ne savait pas non plus quel âge il avait à l'époque. Interrogé sur l'identité des soldats qui avaient tiré, le témoin a déclaré qu'il ne pensait pas qu'il s'agissait de troupes gouvernementales, car il ne pensait pas que des troupes gouvernementales tueraient leur propre peuple. Le témoin a également souligné que leur commandant ne parlait pas l'anglais libérien.

Se souvenant de son contact avec la police finlandaise, le témoin a expliqué comment l'un de ses amis, [personne V], lui avait demandé de lui parler de l'incident et s'il en savait quelque chose. Lorsque le témoin a répondu qu'il avait été présent, son ami lui a dit qu'il y avait un groupe de personnes qui voulait en savoir plus sur ce qui s'était passé. Interrogé, le témoin a confirmé qu'il n'avait pas parlé de l'incident qu'il venait de raconter avec d'autres organisations.

La Défense interroge le seizième témoin

La Défense a commencé par demander dans quel type d'endroit le témoin était détenu : un magasin ou un bâtiment. Le seizième témoin a répondu en décrivant un magasin où des marchandises étaient vendues. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait vu [le soldat 7] depuis son évasion, le témoin a répondu par la négative, car Monrovia était une grande ville et le témoin n'y vivait pas. Il a également précisé que [le soldat 7] connaissait sa grand-mère, [la personne U], et non sa mère, qui était décédée avant l'incident. La Défense a souligné que dans un enregistrement avec la police finlandaise, il semblait que le témoin parlait de sa mère. Le seizième témoin a répondu que sa grand-mère était la personne qui l'avait élevé et qu'elle était donc comme une mère pour lui. Le témoin a ensuite déclaré que [le soldat 7] était la seule personne qu'il connaissait à Waterside.

Interrogé sur son âge au moment de l'incident, le témoin a répondu qu'il avait probablement dix ou douze ans à ce moment-là. Après que la Défense eut indiqué que, lors de son audition par la police, le témoin avait déclaré avoir dix ou onze ans, le témoin a expliqué qu'il était né dans la « brousse » et que seule sa mère, qui était décédée, aurait pu connaître son âge exact. Le témoin a également indiqué que l'incident s'était produit en 2001, expliquant qu'il connaissait la date parce qu'en 2000, ils avaient quitté sa ville natale de Nile, dans le comté de Bong, et avaient essayé de gagner sa vie à Waterside l'année suivante.

L'Accusation est intervenue et a demandé au témoin d'expliquer son audition par la police finlandaise. Le témoin a déclaré qu'on lui avait demandé s'il savait quelque chose sur ce qui s'était passé à Waterside en 2001, et s'il se souvenait de l'année où cela s'était produit.

La Défense a repris son interrogatoire et a demandé au témoin ce qu'il pensait de son entretien avec la police, notamment s'il s'était senti inquiet ou effrayé. Le témoin a confirmé que c'était la première fois qu'il voyait ces personnes et qu'il ne se sentait pas « libre de parler ».

La Défense a souligné que, lors de l’audition par la police finlandaise, le témoin avait déclaré que l'incident s'était produit en février ou mars 2002. Le témoin a déclaré que cela aurait pu être possible, mais qu'il ne se souvenait pas exactement. Toutefois, le témoin a clairement indiqué qu'il était impossible que l'incident se soit produit en 2003 ou 2004, car il n'était pas à Monrovia à l'époque. Moins d'un an après l'incident, le témoin a quitté Monrovia pour retourner dans le Nil.

Lorsqu'on lui a demandé s'il y avait une guerre au moment de l'incident de Waterside, le seizième témoin a répondu qu'il n'y avait pas vraiment de guerre, mais que tout était « sens dessus dessous ». Il a poursuivi en expliquant qu'il ne savait rien des guerres, mais seulement que l'incident de Waterside s'était produit en 2001. La Défense a souligné que le résumé de l’audition établi par la police finlandaise indiquait que le témoin avait précisé que la Seconde Guerre mondiale avait eu lieu en 2001. Le témoin a déclaré qu'il ne se souvenait pas et qu'on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'il connaisse la date exacte.

Le témoin a également déclaré connaître l'ULIMO-K et l'ULIMO-J, mais ne pas faire la différence entre les deux. Il avait également entendu parler du LURD, puisque de nombreuses personnes avaient l'habitude de dire « rebelles du LURD ». Cependant, le témoin n'était pas en mesure de dire s'ils étaient présents à Monrovia à l'époque, puisqu'il n'avait pas combattu pendant la guerre, et a seulement déclaré qu'il savait qu'ils avaient l'habitude de « causer des problèmes ».

À ce stade, l'Accusation est intervenue brièvement pour demander au seizième témoin s'il était seul à Waterside ou s'il y avait vu des personnes qu'il connaissait. Le seizième témoin a répondu qu'il ne se souvenait connaitre qu'une seule personne : l'homme qui l'avait secouru, [le soldat 7]. L'Accusation a demandé s'il connaissait une personne nommée « J », ce à quoi le seizième témoin a répondu que oui, cette personne l'avait aidé à s'échapper.

La Défense a repris l'interrogatoire et a demandé au seizième témoin comment il avait su que le nom du [soldat 7] était « J ». Le témoin a répondu qu'il l'avait appris de sa grand-mère. La Défense a ensuite souligné que lorsque le témoin avait parlé à la police finlandaise, il avait appelé [le soldat 7] par un autre nom, et que le seul « J » que le seizième témoin avait mentionné à l'époque était en référence à un ami qui était mort pendant l'incident. En réponse, le témoin a déclaré que les gens pouvaient avoir des noms différents selon les endroits et qu'au Libéria, les gens avaient des noms différents. Le témoin a également déclaré qu'il avait perdu de nombreux amis pendant la guerre et que, lorsque la police l'avait interrogé, il ne se souvenait que du nom qu'il avait donné.

Revenant sur la conversation avec la police finlandaise, la Défense a précisé que le témoin avait utilisé le nom « Ange Gabriel » dans son témoignage devant la Cour, mais qu'il n'avait utilisé que le nom « Ange » lorsqu'il avait parlé à la police finlandaise. Le témoin a expliqué que « Ange Gabriel » était son nom complet, mais qu'au moment de l’audition, il ne l’avait appelé que « Ange ». En effet, le témoin pensait que « Ange Gabriel » était un nom biblique, réservé aux personnes qui travaillaient avec Dieu. Il a également expliqué qu'il était possible qu'il ait dit à la police que l'homme se faisait appeler « Ange Gabriel ».

Le dix-septième témoin est entendu

La Défense interroge le dix-septième témoin

Après que le dix-septième témoin se soit présenté comme un membre du personnel médical, la Défense l'a interrogé sur ses précédentes interactions avec la police finlandaise. Le dix-septième témoin a expliqué qu'il les avait vus à Waterside et leur avait demandé ce qu'ils faisaient là. Ayant appris qu'ils s'intéressaient aux événements de la guerre en 2001 et 2002, le témoin les a emmenés à la biscuiterie qui avait été cambriolée, ainsi qu'à la banque (Housing and Saving Bank) sur Water Street.

La Défense a demandé au témoin s'il avait mentionné la date du 20 juin 2003 lors de son audition par la police finlandaise, ce que le témoin a confirmé.

Le témoin a ensuite décrit ce qui s'était passé lors de sa rencontre avec la police finlandaise : comment il leur avait expliqué qu'il y avait eu des tirs dans la biscuiterie où des civils étaient allés voler. Le témoin a mentionné avoir vu deux cadavres à la Housing and Saving Bank, un cadavre à l'intersection de Mechlin et Water Street, et un cadavre à l'intersection de Randall et Water Street.

Le témoin a ensuite témoigné de ce qu'il avait entendu, vers 2001 et 2002, de ses patients qui avaient été blessés lors de l'incident de Waterside. En pleurant, la plupart de ses patients ont prononcé le nom de « Massaquoi ». Le dix-septième témoin n'a pas connu ou vu « Massaquoi » lui-même, mais chaque fois qu'il traitait une personne blessée, elle disait ce nom. L'un des blessés qu'il a soignés était un commandant, le Major Fokoe, qui a raconté au témoin qu'il protégeait les civils afin qu'ils puissent obtenir davantage de nourriture, et que pendant qu'il les protégeait, un groupe affilié à Charles Taylor était venu et lui avait tiré dessus. Le dix-septième témoin a expliqué qu'il n'y avait pas de nourriture parce que le gouvernement n'en mettait pas à disposition et que « le LURD était de l'autre côté et donnaient du fil à retordre au gouvernement ». Les civils devaient trouver de la nourriture, c'est pourquoi ils s’étaient introduits dans le magasin de biscuits.

La Défense a demandé au témoin s'il pouvait témoigner sur l'année 2003, ce à quoi le témoin a répondu que la guerre était presque terminée et qu'il avait dû passer à côté des corps pour se rendre là où vivait le major Fokoe. Le dix-septième témoin a dit que c'était entre 2002 et 2003. En réponse à une autre question de la Défense sur ce qui s'était passé en 2003, le témoin a mentionné la prise de Waterside par les forces de Charles Taylor, qui, selon les victimes, s'était déroulée vers juin/juillet, entre 2002 et 2003. Le témoin a décrit comment il avait appris des blessés qu'il soignait que l'incident au magasin de biscuits s'était produit entre 2002 et 2003, et que la plupart des patients s'étaient cachés chez eux parce qu'ils avaient peur de sortir.

Lorsque la Défense a demandé si le témoin avait été en contact avec une autre organisation, le dix-septième témoin a mentionné que MSF Belgique (Médecins Sans Frontières) et Merlin (Medical Emergency Relief International) étaient sur le terrain, mais qu'il n'était pas en contact avec eux.

L'Accusation interroge le dix-septième témoin

L'Accusation a commencé en demandant au dix-septième témoin ce qu'il avait entendu à la biscuiterie. Le témoin a précisé qu'il avait reçu des patients blessés par balle lors de l'incident. L'Accusation a demandé au dix-septième témoin si les victimes qu'il aidait avaient mentionné « Massaquoi ». Le témoin a raconté que les victimes lui avaient dit que l'homme était « très méchant » et qu'il avait commencé à leur tirer dessus.

L'Accusation a demandé ce que le Major Fokoe avait dit au témoin pendant qu'il le soignait. Le dix-septième témoin s'est souvenu que Fokoe l'avait appelé à l'aide et qu’un groupe de miliciens lui avait tiré dessus alors qu'il protégeait des civils qui se trouvaient au magasin de biscuits pour acheter de la nourriture. Le témoin a raconté que le seul nom que Fokoe lui avait mentionné était celui de Massaquoi, qui, selon Fokoe, était le commandant. Le témoin a rappelé que Fokoe était venu le voir en tant que patient de 2002 à début 2003, et ce pendant trois mois.

L'Accusation a ensuite demandé où se trouvait la biscuiterie. Le dix-septième témoin a expliqué qu'elle se situait en face du Nouveau Pont (New Bridge) ; en partant de Vai Town et en traversant vers Waterside, la biscuiterie se trouvait sur la droite, près d'un lampadaire.

La Défense reprend l'interrogatoire du dix-septième témoin

La Défense a posé des questions sur la présence de troupes militaires à Waterside. Le témoin a expliqué que le major Fokoe était le commandant de la base de sécurité conjointe du gouvernement en 2001, 2002 et 2003. Il a déclaré que les soldats du gouvernement étaient présents pour protéger les civils et que la milice avait l'habitude de venir harceler les civils puis de partir. Le témoin a déclaré qu'il ne savait pas si la milice avait également une base à Waterside à l'époque, car il était occupé à soigner les gens.

Interrogé par la Défense sur les rebelles du LURD, le témoin a répondu qu'ils lançaient des missiles sur Waterside, y compris sur l'hôpital où il travaillait. Le dix-septième témoin a déclaré que cela s'était produit au cours de « la Première, la Deuxième et la Troisième Guerre mondiale ». Interrogé par la Défense sur la période en question, le témoin a répondu que la guerre s'était réellement intensifiée en 2001, 2002 et 2003.

La Défense a ensuite interrogé le témoin sur le mois de juin 2003. Le témoin a répondu qu'il avait observé des combats des deux côtés, et qu'en juin, il y avait eu une attaque majeure des deux côtés parce que le LURD voulaient traverser. Pendant ce temps, le témoin a continué à soigner des personnes.

La Défense a demandé au témoin si le LURD avaient attaqué Monrovia avant juin 2003. Le témoin a répondu par l'affirmative et a expliqué que c'était ce qu'on appelait la Première, la Deuxième et la Troisième Guerre mondiale. Le témoin a précisé que le gouvernement combattait le LURD pendant ces « guerres ».

La Défense a ensuite interrogé le témoin sur un élément mentionné dans le résumé de la police finlandaise : une lettre que le témoin a écrite en juin 2003 à MSF à Mamba Point pour demander de l'aide. Le dix-septième témoin a précisé qu'il était à West Point lorsqu'il avait écrit la lettre. La Défense a demandé si c'était à l'époque où les patients du témoin parlaient de Massaquoi, ce à quoi le dix-septième témoin a répondu par l'affirmative. En réponse à une question de la Défense demandant si les gens parlaient de Massaquoi au même moment où il avait écrit la lettre, le 20 juin, le témoin a précisé qu'il avait écrit la lettre pour obtenir de l'aide lorsqu'il était à court de médicaments.

La Défense a demandé au témoin s'il savait pourquoi ils tiraient sur les civils, et le témoin a répondu que la seule raison qu'il connaissait était que les civils cherchaient de la nourriture. Interrogé par la Défense sur le fait qu'il avait déclaré dans l'enregistrement que l'armée était en colère contre les civils parce qu'ils se tournaient vers le LURD, le témoin a précisé qu'il avait dit que les civils cherchaient de la nourriture et que les miliciens s'étaient mis en colère et avaient dit qu’ils voulaient se tourner vers le LURD.

La Défense a précisé que le témoin avait déclaré au cours d’un enregistrement que lorsqu'il avait écrit la lettre, les civils cherchaient de la nourriture, l'armée leur tirait dessus et que c'était Massaquoi, et que les six premières personnes avaient été abattues en juillet 2003. Le témoin a précisé qu'il s'agissait du récit des patients.

La Défense a ensuite demandé si le LURD se trouvait à Monrovia lorsque l'incident du magasin de biscuits s'était produit. Le dix-septième témoin a répondu que cet incident s'était produit pendant la Troisième Guerre mondiale, c'est-à-dire entre 2002 et 2003. Le témoin a précisé que le LURD se trouvait à Monrovia au moment de l'incident, car à partir de 2002, le LURD avait attaqué Monrovia, s'était retiré et avait attaqué à nouveau. La Défense a demandé au témoin s'il pensait que l'incident du magasin de biscuits s'était produit lors de la première attaque du LURD, ce à quoi le témoin a répondu que les patients qu'il soignait lui avaient expliqué que cela s'était produit entre 2002 et 2003. Lorsque la Défense a soulevé le fait que le dix-septième témoin avait écrit à MSF pour demander de l'aide en juin 2003, le témoin a déclaré qu'il soignait ses patients en 2002 et 2003 avec ses propres médicaments, et que lorsqu'il fut à court, il avait écrit à MSF.

La Défense a ensuite demandé si le dix-septième témoin avait parlé à la police finlandaise d'un quelconque incident survenu entre 2001 et 2002. Le témoin a répondu qu'il n’avait fait que les emmener au pont et à l'immeuble E.J. Roye où des tireurs embusqués avaient tiré en 2001, 2002 et 2003. La Défense a précisé que dans l'enregistrement, le témoin avait déclaré que six personnes avaient été abattues en juin 2003. Le témoin a expliqué que des patients lui avaient dit en 2003 que cela s’est produit au magasin de biscuits. La Défense a conclu qu'elle aurait besoin de voir l'enregistrement.

A ce moment, le juge a interrompu l'interrogatoire car le témoin devait partir. Le dix-septième témoin continuera son témoignage le mardi 16 mars 2021.

L'audience s’est terminée et reprendra à Monrovia le mardi 9 mars 2021.


+ 09/03/21 (Libéria) Quatorzième jour : Audition des dix-huitième et dix-neuvième témoins

Le quatorzième jour d’audience publique a repris le 9 mars 2021 à Monrovia, au Libéria.

Le dix-huitième témoin est entendu

L'Accusation interroge le dix-huitième témoin

Le dix-huitième témoin a déclaré se souvenir de l'incident survenu à Waterside. Le témoin se rendait souvent à Waterside pour acheter des marchandises entre la « Première Guerre mondiale » et la « Deuxième Guerre mondiale », précisant par la suite que les événements qu'elle avait vécus avec son amie [personne W] s’étaient déroulés au milieu de l'année 2001. Elle a expliqué que lorsqu'elle était arrivée le matin de l'incident, tous les magasins étaient encore fermés. Elle a eu peur et a voulu quitter Waterside, mais ses amies ont insisté pour attendre l'ouverture des magasins. Elles sont restées et ont commencé à entendre ce qui ressemblait à des coups de feu. Le bruit les a poussées à quitter la zone, et elles ont alors vu une foule de personnes rassemblées près du pont. Certaines personnes pleuraient et d'autres étaient mises dans une camionnette et emmenées de l'autre côté du Vieux Pont (Old Bridge), quelque part en direction de Clara Town.

Le témoin a déclaré avoir vu près du pont un homme portant une tenue de camouflage de l'armée et une chemise blanche ouverte. Elle a vu des personnes blessées près du pont et son amie a suggéré qu'elles se rapprochent. Le témoin a décrit un homme debout, tenant un pistolet. Le témoin a précisé plus tard qu'elle avait vu cet homme tirer sur deux garçons, dont elle avait vu les corps près du Vieux Pont. Selon le témoin, l'homme tenant le pistolet avait dit : « Quand vous partirez, dites à Dieu que c'est moi, l'Ange Gabriel, qui vous envoie. » Plus tard dans son témoignage, le dix-huitième témoin a précisé qu’il parlait comme un sierra-léonais.

Le témoin a vu un bâtiment près de la zone où des filles avaient été emmenées. Lorsqu'elle s'est retournée, un garçon l'a frappée à la tête avec la crosse d'une arme et elle s'est effondrée. Lorsqu'elle a repris connaissance, elle a remarqué que tout l'argent qu'elle avait pour acheter des marchandises avait été volé. Après cela, ses amies l'ont emmenée en haut de la colline dans la pharmacie d'un Mandingue. Le témoin a expliqué qu'après s'être occupés d'elle à la pharmacie, elles sont parties et ont vu un pick-up rempli de « militaires » qui avaient dit aux autres combattants de « laisser les gens tranquilles, qu'est-ce que vous faites à ces gens ». Elle a ensuite déclaré qu'à l'exception d'une femme blessée à la main, le dix-huitième témoin ne pouvait reconnaître aucune autre personne blessée au cours de l'incident, car elle-même avait été blessée à la tête et ne se souvenait pas.

Le témoin a déclaré qu'elles avaient réussi à atteindre leur aire de stationnement et avaient quitté Waterside. Depuis ce jour, elle n'est pas retournée à Waterside et n'a commencé que récemment à revenir en ville pour acheter des marchandises.

Enfin, le témoin a expliqué comment la police finlandaise l'avait contactée. Elle était dans un taxi pour aller acheter des marchandises lorsqu'un autre passager, [personne X], lui avait demandé si elle avait été témoin des événements survenus à Waterside. Lorsqu'elle a répondu « oui », il lui a demandé son numéro de téléphone et deux ou trois mois plus tard, [l'employé 1] l'a informée que des personnes de Finlande viendrait lui parler de l'incident. Bien qu'elle ait eu peur, il a fini par la convaincre de parler à la police finlandaise en lui expliquant que ce n'était « pas grand-chose » et qu'on ne lui poserait que des questions. Le témoin a terminé en affirmant qu'elle n'avait parlé à personne de l'incident à l'exception de la police finlandaise.

La Défense interroge le dix-huitième témoin

La Défense a commencé par poser des questions sur la conversation du dix-huitième témoin avec [la personne X]. Lorsqu'on lui a demandé si elle connaissait le nom de famille de [la personne X], le témoin a répondu qu'elle ne l'avait pas demandé. Lorsque la Défense lui a demandé comment une conversation sur l'incident de Waterside avait démarré avec un étranger dans un taxi vingt ans après les faits, le témoin a précisé qu'elle parlait de ce qui s'était passé à Waterside, et qu'il y avait d'autres passagers en plus de [la personne X] dans la voiture - cependant, elle ne savait pas si [la personne X] en avait parlé à quelqu'un d'autre. Le témoin a déclaré qu'elle ne parlait généralement de l'incident de Waterside qu'avec l'amie avec laquelle elle était ce jour-là. La Défense a demandé pourquoi le témoin a déclaré qu'elle ne connaissait pas le nom de famille de [la personne X], alors qu'elle l'avait dit à la police finlandaise lors de l'entretien précédent. Elle a précisé qu'elle n'avait pas demandé de nom de famille ce jour-là dans la voiture ; c'est [l'employé 1] qui lui avait dit plus tard qu’elle lui avait donné son numéro, mentionnant le nom complet de [la personne X].

La Défense a ensuite soutenu que l'affirmation du témoin selon laquelle elle avait vu l’Ange Gabriel tuer les garçons était incompatible avec son audition par la police, au cours de laquelle le témoin avait déclaré que des soldats en uniforme avaient tué les garçons. Le témoin a contesté l'incohérence de ses déclarations, affirmant qu’elle avait témoigné que l'homme qui avait tué les garçons portait un uniforme avec un t-shirt blanc en dessous.

La Défense a également demandé au dix-huitième témoin pourquoi elle avait déclaré à la Cour que l'incident s'était produit au milieu de l'année 2001, alors qu'elle avait dit à la police finlandaise qu'il s'était produit en janvier/février 2001, pendant la Première Guerre mondiale. Le témoin a expliqué que l'incident s'était produit il y a longtemps et qu'en quittant l’entretien avec la police, elle avait réalisé que l'incident s'était produit en avril et en mai, car c'était à cette époque qu'elle était allée au marché pour acheter des marchandises.

Interrogé sur le LURD, le témoin a reconnu avoir entendu dire que des rebelles du LURD se trouvaient au Libéria au moment de l'incident. Elle a précisé qu'elle avait entendu dire que le LURD était à Monrovia, mais qu'elle se trouvait à Nimba.

Enfin, le dix-huitième témoin a également évoqué la Première, la Deuxième et la Troisième Guerre mondiale. Le dix-huitième témoin a également expliqué le terme « Taylor Normal Day », qui fait référence au moment où les gens pouvaient quitter leur maison et sortir, comme en 2003 et 2004, après le départ de Charles Taylor.

L'Accusation interroge le dix-huitième témoin à nouveau

L'Accusation a posé deux autres séries de questions. Tout d'abord, elle a demandé si la marque sur le front du témoin était due au fait que l'enfant soldat l'avait frappé avec une arme à feu à Waterside. Le témoin a répondu par l'affirmative et, à l'invitation de la Cour, a montré la marque à cette dernière. Le témoin a déclaré avoir vu un homme âgé dont la tête était couverte de sang, ce qui indiquait que son visage avait été coupé au niveau de la mâchoire.

Lorsque le juge a demandé si elle avait vu une femme blessée à la jambe, le témoin a répondu qu'elle avait vu une femme saignant d'une blessure, mais qu'elle n'avait pas vu qui était responsable.

Le dix-neuvième témoin est entendu

L'Accusation interroge le dix-neuvième témoin

Le dix-neuvième témoin a parlé d'un incident survenu lorsqu'il était détenu à Waterside. Le témoin a ensuite précisé, à la demande de l'Accusation, que l'incident avait eu lieu au début de la Première Guerre mondiale, en 2001, mais qu'il ne pouvait pas dire à quel moment précis de l'année l’incident s’était produit en raison de son niveau d'éducation. Le témoin a décrit comment lui et son grand frère, [la victime 15], avaient l'habitude d'aller à Waterside pour acheter du riz à vendre. Au moment où il a réalisé qu'il avait perdu l'argent qu'on lui avait donné pour acheter du riz, et se demandant comment il allait le dire à son frère, le dix-neuvième témoin a entendu un bruit lourd et a vu des gens se précipiter vers un magasin pour prendre du riz. Le témoin dit s'être joint à la foule, pour prendre du riz et l'apporter à son frère comme s'il l'avait acheté.

Le témoin a déclaré qu’une fois dans le magasin, il avait entendu un autre bruit sourd et certaines personnes dire que « l’Ange Gabriel » et ses hommes arrivaient. Alors que le témoin quittait le magasin avec un sac de riz, il avait vu un groupe armé arriver dans un véhicule. Le dix-neuvième témoin a déclaré avoir vu « l’Ange Gabriel » sauter du véhicule et ordonner à ses soldats de tirer sur toute personne transportant du riz. Les hommes, y compris l’Ange Gabriel, ont ouvert le feu pendant ce que le témoin estime être une minute et demie. Au cours de cette fusillade, certaines personnes ont été blessées et d'autres ont été tuées. Le témoin a laissé tomber le sac de riz qu'il portait et s'est caché.

Le témoin a expliqué plus tard qu'il avait pensé que l'Ange Gabriel dirigeait les hommes armés pendant la fusillade au magasin et qu'il connaissait son nom parce qu'il avait entendu des gens là-bas dire : « l’Ange Gabriel et ses hommes arrivent ! ».

Après l'arrêt des tirs, le témoin a dit avoir entendu l’Ange Gabriel ordonner à ses soldats de fouiller le magasin et de voir qui était encore en vie « ou faisait semblant d'être mort ». Les soldats ont amené quelques garçons plus âgés à l'extérieur, les mains attachées dans le dos, dont son frère. Les soldats ont également amené le dix-neuvième témoin et d'autres personnes à l'extérieur, ainsi que des femmes et des jeunes filles qui se trouvaient dans le magasin ; certaines portaient des bébés dans le dos. Le témoin a été placé avec d'autres personnes, dont les femmes et les enfants, dans une camionnette. Alors qu'ils plaçaient les personnes plus âgées dans une autre camionnette, un garçon, les mains attachées dans le dos, a tenté de résister et s'est disputé avec un soldat. Le dix-neuvième témoin a déclaré avoir vu l’Ange Gabriel abattre le garçon avec un pistolet et l'avoir entendu dire aux soldats : « Prenez ces gars et tuez-les ! Quand ils partiront, ils diront que c'est moi, l’Ange Gabriel, qui les ai envoyés. » Le dix-neuvième témoin a précisé plus tard que, d'après la façon dont l'Ange Gabriel parlait, il avait l'impression qu'il n'était pas un Libérien.

Le témoin a décrit comment son groupe avait été conduit dans un bâtiment inachevé à côté du Vieux Pont (Old Bridge), avait reçu l'ordre de sortir du camion et de s'asseoir au sol. Le témoin a déclaré que l'Ange Gabriel avait d'abord pris une fille et avait dit qu'elle était sa femme, puis avait dit aux soldats de choisir des femmes et de « s'amuser ». Une fille a résisté, se battant avec l'homme qui essayait de la prendre et lui mordant la main. Le témoin dit avoir vu l'Ange Gabriel se retourner et tirer sur la fille. Elle est tombée sur les genoux du témoin. L'Ange Gabriel s'est approché et a demandé au dix-neuvième témoin : « Veux-tu voir Dieu ? ». Le dix-neuvième témoin a déclaré avoir secoué la tête, effrayé. Les filles ont été emmenées dehors. Le témoin dit qu'il n'a pas pu voir ce qui s'était passé ensuite, mais il a entendu des pleurs, des cris et un coup de feu. Il dit avoir demandé à une dame à côté de lui qui était la personne qui commandait. Selon le témoin, la dame avait répondu : « Cette personne que vous voyez là, on l'appelle l'Ange Gabriel ». Le témoin a demandé : « Pourquoi appellent-ils une personne comme celle-ci Ange Gabriel alors qu'elle ne fait rien de bien ? » La dame a répondu : « Il s'appelle Gabriel Massaquoi, mais le nom d'Ange Gabriel est son nom de guerre ». Le témoin a déclaré que, pendant qu'il était là, il avait également entendu le nom « Zizack », « Zayzay Massaquoi », ou quelque chose de similaire.

À la suite de la demande de l'Accusation de donner plus de détails, le témoin n'a pas pu se prononcer exactement, mais a estimé que onze à treize personnes avaient été tuées. Il a confirmé avoir vu [la victime 16], qui avait résisté, être mise dans le pick-up et abattue, et a estimé que la victime avait vingt-sept ou vingt-huit ans, mais qu'elle avait peut-être dix-huit ou dix-neuf ans. Le témoin n'a pas non plus été en mesure de dire quel type d'armes les soldats utilisaient, car il n'était pas soldat lui-même et n'avait jamais porté d'arme, mais il les reconnaîtrait s'il voyait des photos.

Le témoin a déclaré qu'après un certain temps, un homme en tenue de camouflage était arrivé avec quelques soldats. Le dix-neuvième témoin a déclaré que l'homme en uniforme avait dit avec un accent libérien : « Mais que faites-vous tous ici, ce n'est pas l'endroit où je m'attends à vous voir. Ce n'est pas la raison pour laquelle je vous ai tous amenés ici. Je vous ai amenés ici pour m'aider, je ne vous ai pas amenés ici pour tuer des innocents. Que faites-vous avec ces enfants ? » Le dix-neuvième témoin a précisé par la suite que cet officier s'adressait à l'Ange Gabriel. Le témoin a entendu d'autres personnes appeler cet homme en uniforme « Chef 50 » et « Général 50 ». Après l'arrivée de l'homme en uniforme, les captifs ont été sortis. C'est ainsi que le témoin a pu partir.

L'Accusation a ensuite évoqué l'entretien du dix-neuvième témoin avec la police finlandaise. Le témoin a déclaré que lui et un ami, [personne Y], regardaient un match de football dans un centre de divertissement lorsque quelqu'un a commencé à discuter de la Commission Vérité et Réconciliation et de la nécessité de créer un tribunal pour les crimes de guerre au Libéria. Alors qu'un homme préconisait de passer à autre chose, le dix-neuvième témoin a dit qu'il avait parlé de la guerre et de son expérience à Waterside. [La personne Z] s'est approchée du témoin et lui a demandé si ce qu'il disait était vrai. Lorsque le dix-neuvième témoin a confirmé, [la personne Z] lui a demandé son numéro de téléphone, lui disant qu'elle ou quelqu'un d'autre l'appellerait. Quelques jours plus tard, le témoin a reçu un appel de [l'l’employé 1], qui lui a dit que certaines personnes pourraient vouloir parler avec lui. Le témoin a déclaré qu'il n'avait parlé de l'incident à aucune organisation.

Pour conclure, le dix-neuvième témoin a déclaré qu'il pensait que l'incident de Waterside s'était produit en 2001.

La Défense interroge le dix-neuvième témoin

La Défense a commencé en interrogeant le témoin sur la période de l'incident et sa relation avec [la personne Z]. Le témoin a répondu que l'incident s'était produit en 2001, qu'il avait probablement quatorze ans et qu'il n'était pas proche de [la personne Z], ne l'ayant rencontrée qu'une fois. Le témoin a insisté sur le fait que [la personne Z] ne lui avait pas parlé de sa propre expérience à Waterside et n’avait pas mentionné le nom « Ange Gabriel Massaquoi ».

Le témoin a ensuite déclaré que, lorsque la police finlandaise l'avait interrogé, il connaissait l'homme qui donnait des ordres lors de l'incident de Waterside sous le nom « Ange Gabriel », mais qu'il avait appris de la femme à côté de lui pendant l'incident que son nom était Gabriel Massaquoi. Cependant, le nom qu'il a entendu le plus souvent était « Ange Gabriel ».

La Défense a réitéré ses questions précédentes concernant l'heure de l'incident et l'âge du témoin à ce moment-là. Le dix-neuvième témoin a répété qu'il avait quatorze ans à l'époque, mais qu'il ne se souvenait pas du mois ou de la saison de l'incident. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait donné un âge différent à la police finlandaise, le témoin a répondu qu'il était jeune au moment de l'incident de Waterside et que son entretien avec les Finlandais était la première fois qu'il était interrogé par des Blancs. Le témoin a insisté sur le fait qu'il était sûr que l'incident s'était produit en 2001.

La Défense a ensuite présenté des enregistrements de l’audition du dix-neuvième témoin par la police finlandaise. Au cours de l’enregistrement, le témoin a déclaré à la police finlandaise que son ami, [la personne Z], avait donné son numéro à [l'employé 1], qui avait organisé la rencontre entre le témoin et la police finlandaise. Le témoin a dit à la police que [la personne Z] cherchait des témoins de l'incident de Waterside. Le dix-neuvième témoin a ajouté que [la personne Z] lui avait dit que Gabriel Massaquoi était le suspect ; le témoin a dit à la police finlandaise que le seul nom qu'il avait entendu au moment de l'incident du Waterside était Ange Gabriel et qu'il ne savait pas si le nom Ange Gabriel était Gabriel Massaquoi. Le témoin a confirmé que [la personne Z] avait mentionné le nom « Gabriel Massaquoi » dans leur conversation. La police finlandaise a demandé au témoin d'oublier le nom « Massaquoi » et de poursuivre avec ses souvenirs concernant « l’Ange Gabriel ».

À ce stade, les juges ont mis l'enregistrement en pause pour permettre à la Défense et à l'Accusation de s'entretenir avec la Cour. La Défense a fait valoir que si [la personne Z] avait précisé au témoin le nom de Massaquoi, tel qu'il avait été dit à la police finlandaise, en contradiction avec les déclarations du témoin devant la Cour, alors [la personne Z] pouvait également avoir dit au témoin ce qui s'était passé à Waterside, et le dix-neuvième témoin pouvait ne pas avoir été témoin de l'incident lui-même.

La Cour a alors repris l’écoute de l'enregistrement. Le témoin a informé la police finlandaise que lui et [la personne Z] avaient parlé deux jours avant l'entretien et que [la personne Z] lui avait dit : « Je viendrai te voir pour t'aider à expliquer ce que tu as vécu ». [La personne Z] a également amené le dix-neuvième témoin à l’entretien avec la police. Le témoin a confirmé le nom de [la personne Z] à la police finlandaise, mais ne pouvait pas épeler le nom de famille de [la personne Z] et ne savait pas s'il avait déjà été interrogé.

À ce stade, la Défense a mis l'enregistrement en pause pour demander au témoin si [la personne Z] lui avait dit que Gabriel Massaquoi était le suspect dans l'enquête. Le témoin a répondu que la personne qui l'avait appelé était [l'employé 1] et qu'ils n'avaient pas parlé « de ce genre de choses ». Lorsque la Défense a demandé si [la personne Z] avait dit au dix-neuvième témoin qu'il allait enquêter sur Gibril Massaquoi, le témoin a répondu que [la personne Z] avait dit que, en tant que témoin de l'incident du Waterside, il était à la recherche de personnes comme le dix-neuvième témoin.

La Défense a ensuite repris l’écoute des enregistrements de l’audition par la police. Dans la dernière partie, le témoin a confirmé qu'il n'avait pas discuté de l'affaire avec [l'l’employé 1]. Le témoin a également confirmé sur l'enregistrement que [la personne Z] lui avait dit le nom de Gabriel Massaquoi, mais qu'il (dix-neuvième témoin) connaissait mieux « l'Ange Gabriel » de l'incident de Waterside.

A la fin de l'enregistrement, la Défense a de nouveau demandé au dix-neuvième témoin quel âge il avait au moment de l'incident. Cette fois, le témoin a répondu qu'il avait 15 ou 16 ans et que l'incident s'était produit en 2000 ou 2001. Le témoin a répété qu'il avait dit à [la personne Z] que le nom qu'il avait entendu lors de l'incident était Ange Gabriel ; le témoin a également confirmé que [la personne Z] avait dit que l'Ange Gabriel s'appelait aussi Gibril. Le témoin a déclaré avoir dit à [la personne Z] que ce nom ne lui était pas familier, mais [la personne Z] a insisté sur le fait que le dix-neuvième témoin avait mentionné le nom plus tôt et avait expliqué que « l'Ange Gabriel » de l'incident de Waterside était Gabriel Massaquoi. Le dix-neuvième témoin a tenté de clarifier la situation en disant que [la personne Z] ne faisait que répéter tout ce que le témoin avait dit lors de leur première rencontre au club vidéo.

Dernières questions au dix-neuvième témoin

Le témoin a confirmé le nom de la [victime 15] et a déclaré qu'il avait vu son frère, les mains liées, monter dans une camionnette depuis le magasin de Waterside. Il n'a pas vu son frère depuis.

L'audience s'est terminée et reprendra à Monrovia le mercredi 10 mars 2021.


+ 10/03/21 (Libéria) Quinzième jour : Audition des vingtième et vingt-et-unième témoins

La quinzième journée d'audience publique a repris le 10 mars 2021 à Monrovia, au Libéria.

Le vingtième témoin est entendu

L'Accusation interroge le vingtième témoin

Le témoin se souvient d'un incident au cours duquel elle a été capturée par des soldats à Waterside. Avant que la guerre n'éclate, le témoin vendait des vêtements. Une fois la guerre commencée, les vêtements ne se vendaient plus, alors elle a commencé à vendre de la nourriture. Elle avait l'habitude d'aller à Waterside avec sa petite sœur, [victime 17], afin d'acheter des produits pour les vendre de « l'autre côté ». Le témoin a précisé par la suite qu'elle faisait référence au Red Light, et a pointé dans la direction du Red Light lorsqu'on lui a demandé de quel côté du Vieux Pont (Old Bridge) il se trouvait. Elle a expliqué qu'à l'époque, il était possible de se rendre en toute sécurité du Red Light à Waterside, et que c'était la raison pour laquelle elle et sa sœur avaient été assez « courageuses » pour entreprendre ce voyage.

Le vingtième témoin a expliqué que lorsque les soldats ouvraient les magasins, le témoin et d'autres personnes allaient y acheter de la nourriture. C’était ainsi qu’elle faisait des affaires au magasin le jour de l'incident. À un moment donné, elle a vu un autre groupe de soldats s’approcher en voiture, portant le même uniforme que les soldats qui ouvraient habituellement les magasins et vendaient des choses aux civils. Lorsque ce deuxième groupe de soldats est arrivé, ils ont commencé à tirer sur la foule. Le vingtième témoin a confirmé qu'elle avait personnellement vu les soldats ouvrir le feu sur des civils. Elle a également vu leur commandant leur donner des ordres. Elle a précisé par la suite qu'il avait donné l'ordre de tirer alors que lui et ses hommes s'approchaient en voiture. Elle se souvient qu'un soldat avait clairement appelé le commandant « Ange Gabriel ». Le témoin a également expliqué que chaque fois que le commandant tuait quelqu'un, il disait qu'il l'envoyait à Dieu. Le témoin a ensuite déclaré que l’« Ange Gabriel » ne parlait pas l'anglais libérien, mais l'anglais sierra-léonais.

Selon le témoin, de nombreuses personnes étaient présentes lors de l'incident ; certaines avaient été tuées, d'autres violées ou ligotées, et d'autres encore avaient été enlevées. Lorsqu'on lui a demandé si elle avait vu quelqu'un mourir dans le magasin, le témoin a raconté que lorsque les soldats avaient commencé à tirer, elle avait appelé sa petite sœur, [victime 17]. Alors que sa sœur courait vers elle, elle a été tuée par balle.

Le vingtième témoin a poursuivi la description de sa capture. Elle a déclaré que ses ravisseurs les avaient emmenés vers West Point, à un endroit situé après le Vieux Pont, vers LEC Junction. Sur le trajet, ils ont croisé de nombreux corps, des enfants et des personnes attachées. Le témoin était persuadé que les soldats l'auraient tuée s'ils étaient arrivés à cet endroit. Cependant, elle connaissait l'un des soldats, identifié plus tard comme étant le [soldat 8], qui l'a sauvée. C'est ainsi qu'elle a pu s'échapper.

Elle ne sait pas ce qui s'est passé au pont car elle n'y est jamais arrivée.

Le témoin pense que l'incident s'est produit entre la Première et la Deuxième Guerres mondiales, qu'elle situe en 2001 et 2002, lorsque la guerre était « à son point fort » à Monrovia. Elle ne s’en souvenait pas avec certitude en raison du temps écoulé, mais pensait que l'incident s'était produit au milieu de l'année. Invoquant son manque d'éducation, le vingtième témoin n’a pas réussi à se souvenir de la différence d'âge entre sa jeune sœur et elle-même, ni de son propre âge à l'époque.

L'Accusation a conclu en interrogeant le témoin sur son entretien avec la police finlandaise. Le vingtième témoin a expliqué qu'elle était entrée en contact avec eux indirectement par l'intermédiaire de [l'employé 1]. Le père de ses enfants, [personne A4], l'a appelée et lui a dit qu'il avait rencontré [l’employé 1] dans le comté de Lofa et qu'il parlait à des personnes présentes lors de l'incident de Waterside. Le témoin a déclaré qu'elle n'avait jamais parlé personnellement avec [l'employé 1] et qu'elle n'avait pas discuté de l'incident avec d'autres organisations.

La Défense interroge le vingtième témoin

La Défense a interrogé le témoin sur sa famille. Elle a dit que le père de ses enfants, [personne A4], savait qu'elle avait été blessée lors de l'incident de Waterside et que sa sœur était morte pendant l'incident. Elle a dit qu'elle avait trois enfants et a indiqué l'année de leur naissance.

Interrogée sur l'homme qui donnait des ordres, le témoin a déclaré qu'il portait un uniforme de soldat libérien, qu'elle a qualifié d'uniforme des forces armées du Libéria. Elle a montré du doigt une personne dans la salle d'audience qui portait une montre verte, en disant qu'elle était presque de la même couleur.

Quant à savoir si la route entre le « Red Light » et Waterside était sûre, le vingtième témoin a répété qu'elle n'était pas dangereuse, car il y avait des forces gouvernementales de ce côté du pont. Cependant, elle a entendu dire que les forces des Liberians United for Reconciliation and Democracy - Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD) étaient présents dans la zone de Duala, de l'autre côté du pont.

La Défense a mis en avant des incohérences dans les déclarations du témoin, indiquant que lorsque la police finlandaise l'avait interrogée, elle avait déclaré que le commandant portait des vêtements ordinaires, mais qu'au cours du procès, elle l'avait décrit comme portant un uniforme vert. Le témoin a expliqué qu'il portait des vêtements de camouflage par-dessus des vêtements ordinaires et qu'elle considérait que « camouflage » et « uniforme » avaient la même signification. Le témoin a déclaré que l'homme portait une tenue de camouflage par-dessus son t-shirt lorsqu'elle avait été emmenée.

Le témoin a déclaré qu'elle ne savait pas quand la guerre avait pris fin, car elle était retournés dans le comté de Nimba.

Lorsqu'on lui a demandé les noms des personnes qu'elle connaissait et qui était présentes lors de l'incident de Waterside, le vingtième témoin a mentionné le soldat qui l'a sauvée, [soldat 8], et un ami appelé [personne A5]. Le témoin a également déclaré qu'elle connaissait d’autres personnes qui avaient été présentes, mais qu'elle ne se souvenait pas de leurs noms. Le témoin a appris plus tard que l'un de ses amis était mort au cours de l'incident. Deux autres ont réussi à s'échapper, mais elle ne savait pas comment.

Le vingt-et-unième témoin est entendu

L'Accusation interroge le vingt-et-unième témoin

L'Accusation a commencé par interroger le témoin sur Foday Sankoh et le RUF.

Le témoin a commencé son témoignage en expliquant que Foday Sankoh était l'ancien chef rebelle du RUF et que RUF était l'abréviation de Revolutionary United Front of Sierra Leone - Parti du front révolutionnaire uni de la Sierra Leone. Le témoin a précisé que le RUF était un groupe qui se battait contre le gouvernement de la Sierra Leone. Bien qu'il n'ait pas été membre du RUF au début du conflit, le vingt-et-unième témoin a expliqué qu'il avait ensuite rejoint le groupe. Au cours de son engagement auprès du RUF, le témoin est devenu le garde du corps de Foday Sankoh. Vers 1999, au moment de la signature de l'accord de paix de Lomé, le vingt-et-unième témoin a été chargé de recevoir des membres du RUF dans une maison d'hôtes à Monrovia. Lorsqu'on lui a demandé s'il se souvenait de l'un des invités, le vingt-et-unième témoin a mentionné plusieurs noms, dont Sam « Mosquito » (Moustique) Bockarie, Gibril Massaquoi, Ibrahim Bah, Abdul Razak, Kenneth McCauley et Issa Sesay. Il a expliqué qu'ils étaient des « hauts responsables » du RUF à l'époque, Issa Sesay étant le commandant en chef lorsque Foday Sankoh était absent. Il a également expliqué que Gibril Massaquoi était le porte-parole du RUF à l'époque, mais ne se souvenait pas de son rang.

Vers 2000, le témoin s'est souvenu que Massaquoi était arrivé à la maison d'hôtes. C'était à l'époque où Foday Sankoh avait un problème avec Mosquito (Moustique) et avait nommé Issa Sesay pour le remplacer comme commandant. Le témoin a déclaré à la Cour qu'Issa Sesay s'était rendu à Monrovia pour une mission diplomatique avec Gibril Massaquoi, Kenneth McCauley et Abdul Razak ; Sesay avait lui-même déclaré au vingt-et-unième témoin qu'il avait amené ces personnes en particulier avec lui.

Le groupe est resté à la maison d'hôtes pendant ce séjour et leurs déplacements étaient organisés par Benjamin Yeaten, qui faisait sortir les individus de la maison pour qu'ils se déplacent. Le témoin a précisé que « faire le tour » signifiait que les individus de la maison d'hôtes se rendaient dans des endroits comme Kolahun et Voinjama « pour aider lors des combats et à maîtriser la situation. » Le vingt-et-unième témoin a également précisé que le groupe se rendait parfois à White Flower, où vivait Charles Taylor, pour le voir et obtenir des armes. Le témoin a précisé que Yeaten emmenait certains de ces hommes, dont Massaquoi, sur la ligne de front, soit par la route, soit par hélicoptère.

Le témoin a expliqué qu'il savait que Yeaten emmenait Massaquoi et d'autres personnes sur la ligne de front parce que les hommes planifiaient tout à la maison d'hôtes et se rendaient parfois à l'aérodrome de Monrovia pour prendre un hélicoptère. Le vingt-et-unième témoin était également au courant des voyages auxquels il ne participait pas personnellement, puisqu'il était le chef de base de la maison d'hôtes et qu'il connaissait les allées et venues de chacun, ainsi que les dates d'utilisation des véhicules et des hélicoptères. Le témoin ne s'est rendu que deux fois à Voinjama avec Massaquoi et les autres au début de l’année 2001. Le témoin a ajouté que le groupe avait effectué d'autres voyages en 2000, mais qu'il ne les avait pas accompagnés à cette époque.

Interrogé sur l’objectif de ces voyages, le témoin a déclaré : « L'objectif était d'aller se battre parce que les ennemis étaient présents dans ces régions. L'objectif était d'aller se battre. » Il y avait des « calibres 50 » chargés dans un pick-up, et tout le monde avait une arme, y compris Massaquoi. Lors de ces déplacements, le vingt-et-unième témoin a non seulement assisté à des combats, mais il a également vu Massaquoi prendre part aux combats. Bien que le vingt-et-unième témoin ne se souvienne pas des dates précises des déplacements effectués par Massaquoi lorsqu'il était à Monrovia, il sait que Massaquoi se rendait avec Yeaten dans le comté de Lofa, parfois à Kolahun. Le témoin a précisé que Benjamin Yeaten emmenait parfois Massaquoi et d'autres personnes dans des régions que le témoin ne connaissait pas, y compris en dehors de Monrovia.

Le témoin se souvient que Massaquoi était resté à Monrovia jusqu'en 2001, date à laquelle on leur avait demandé de quitter la maison d'hôtes. Massaquoi et les autres ont loué une nouvelle résidence, où ils ont vécu jusqu'à ce qu'ils retournent tous en Sierra Leone. Le témoin a déclaré que lorsque le groupe, y compris Massaquoi, avait quitté le Libéria, il avait pris la route de Gbarnga à Voinjama, puis de Foya à Koindu, en Sierra Leone. Le témoin a confirmé qu'il était avec eux au moment où ils avaient quitté le Libéria.

En février 2002, le vingt-et-unième témoin est retourné à Monrovia, mais ne se souvient pas si Massaquoi était également revenu. Il a déclaré que lorsqu'il était à Monrovia, Massaquoi passait du temps avec Abdul Razak. Massaquoi passait également du temps avec sa petite amie, [personne A1]. Le témoin a ajouté que Massaquoi avait une autre petite amie, qu'il a ensuite identifiée comme étant [la personne A2]. Le témoin a déclaré que [la personne A1] était avec Massaquoi à Monrovia et qu'elle y était restée après le départ de Gibril Massaquoi pour la Sierra Leone en 2001, ajoutant qu'elle était enceinte à l'époque. Le témoin se souvient que lorsqu'il partait sur la ligne de front, Massaquoi s'y rendait avec son autre petite amie, [personne A2]. Le témoin se souvient d'un voyage avec Massaquoi et [la personne A2] à Voinjama, où ils rencontraient des troupes de l'ULIMO venant du côté guinéen. Lorsqu'on lui a demandé s'il se souvenait d'autres noms utilisés pour désigner [la personne A2], le témoin a répondu par la négative. Il a toutefois ajouté qu'Abdul Razak avait une petite amie du nom de [personne A3] et que les deux petites amies les accompagnaient sur la ligne de front.

Le témoin s'est souvenu que les voyages qu'il faisait avec Yeaten vers la ligne de front duraient trois à quatre jours, et que les voyages qu'il ne faisait pas avec Yeaten et Massaquoi duraient parfois jusqu'à une semaine. Le témoin a expliqué que le groupe transportait du matériel vers la ligne de front, notamment des AK-47, des grenades, des bombes, des RPG et d'autres armes. Le vingt-et-unième témoin le savait car il était avec le groupe lorsqu'ils s’étaient rendus à l'armurerie du Président Charles Taylor à White Flower. Il a également expliqué qu'il existait un accord entre le RUF et Charles Taylor et que parfois, ils payaient le matériel et les munitions avec des diamants. Lorsqu'on lui a demandé si Massaquoi avait joué un rôle dans le transport des diamants pour payer le matériel, le témoin a expliqué qu'Ibrahim Bah avait l'habitude de travailler avec Massaquoi et Issa Sesay sur cette question, en disant que « tous s'asseyaient ensemble et savaient ce qu'il fallait faire ». Ils transportaient ensuite le matériel de White Flower à la ligne de front, soit par véhicule motorisé, soit par hélicoptère. Le témoin a confirmé qu'ils avaient transporté du matériel lors du voyage auquel il avait participé.

L'Accusation a ensuite demandé quelle était la distance entre la maison d'hôtes et White Flower. Le témoin a expliqué que la maison d'hôtes était située à Congo Town, qui se trouve à environ cinq minutes de White Flower en voiture. Lorsqu'il lui a été demandé quelles personnes présentes dans la maison d'hôtes avaient rencontré Charles Taylor, le témoin a répondu que Gibril Massaquoi, Issa Sesay et Abdul Razak l'avaient rencontré. Le témoin a expliqué que pendant leur séjour à Monrovia, ils participaient « sous l’égide de la sécurité de Benjamin Yeaten » et qu'ils pouvaient se déplacer en toute sécurité dans la ville.

Le témoin a expliqué que le RUF était venu de Sierra Leone pour aider Charles Taylor et que certains d'entre eux étaient basés dans le comté de Lofa. Lorsqu'on lui a demandé s'il était au courant d'activités impliquant le RUF à Monrovia, le témoin a expliqué que lorsque Mosquito (Moustique) était arrivé à Monrovia avec des soldats du RUF, il les avait affectés à une unité appelée « ATU » (Unité antiterroriste). Le témoin a précisé que lorsque des combats avaient lieu à Monrovia et dans ses environs, les soldats étaient envoyés sur place pour combattre et que de nombreux soldats du RUF y participaient. Le témoin ne se souvenait pas si Massaquoi était impliqué dans les « activités » de Monrovia, mais a confirmé que Massaquoi s'était rendu à Lofa en 2000 ou 2001.

Il a ensuite été demandé au témoin s'il se souvenait de la façon dont la police finlandaise l'avait contacté. Il a expliqué que, alors qu'il se trouvait à Freetown, il avait commencé à recevoir des appels lui demandant de rencontrer des personnes venues de Finlande, mais qu'il ne l'avait pas fait. Lorsqu'il est venu à Monrovia l'année dernière pour rendre visite à sa famille, il a reçu un appel d'un certain « Thomas ». Au cours de l'appel, Thomas a expliqué qu'il n'avait pas réussi à joindre le vingt-et-unième témoin à Freetown. Thomas a dit qu'il avait obtenu le numéro d'un certain « Alain Werner ». Le témoin a dit à Thomas qu'il connaissait Alain Werner depuis 2007, lorsque M. Werner était procureur au Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Au cours de l'appel, Thomas lui a parlé d’un procès à l’encontre de Gibril Massaquoi et expliqué que ce dernier avait demandé à ses avocats de demander au vingt-et-unième témoin de témoigner pour lui. Le témoin a indiqué qu'il était prêt à dire la vérité sur ce qui s'était passé. Ils ont ensuite organisé un entretien avec l'avocat de Gibril Massaquoi par vidéoconférence.

Invité à en dire plus sur Alain Werner, le vingt-et-unième témoin a dit qu'il était un avocat qui avait travaillé pour le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, mais a précisé qu'il ne savait pas où Alain travaillait actuellement. Il a ensuite été demandé au témoin s'il connaissait Civitas Maxima ou s'il existait un lien entre Civitas Maxima et Alain Werner. Le témoin a répondu par l'affirmative aux deux questions. Interrogé sur le rôle d'Alain Werner au cours de l’entretien du vingt-et-unième témoin avec la police finlandaise, le vingt-et-unième témoin a expliqué qu'il avait travaillé avec Alain pendant un certain temps sur des questions sans rapport avec Gibril Massaquoi, et qu'ils n'avaient jamais parlé de M. Massaquoi. Il a ajouté qu'il travaillait avec M. Werner sur d'autres questions qu'il ne pouvait pas divulguer sans le consentement de M. Werner. L'Accusation a ensuite conclu en lui demandant s'il avait parlé de l'affaire évoquée aujourd'hui avec quelqu'un, ce à quoi le témoin a répondu qu'il n'avait « discuté avec personne ici, à l'exception de l’entretien avec la police finlandaise » et que la dernière fois qu'il avait rencontré Massaquoi, c'était en 2007 à Freetown.

La Défense interroge le vingt-et-unième témoin

La Défense a commencé par interroger le témoin sur les événements de 1999. Le témoin a expliqué qu'il était venu à Monrovia en 1999, au moment de la signature de l'accord de paix de Lomé. Il a ajouté que des groupes militaires avaient l'habitude de traverser la frontière entre la Sierra Leone et le Libéria et a expliqué que les soldats du RUF étaient envoyés pour aider Charles Taylor lorsqu'il rencontrait des difficultés au cours des combats. À l'époque, ces troupes étaient dirigées par un commandant appelé Karmoh « War Eagle » Kanneh, qui avait l'habitude d’« aller et venir » au Libéria entre 1999 et 2000. Le témoin a déclaré que les forces de Kanneh avaient l'habitude de combattre entre Voinjama et Kolahun ; Gibril Massaquoi ne voyageait pas avec les forces de Kanneh, mais il venait de Monrovia.

Interrogé sur l'itinéraire le plus naturel de Monrovia à la Sierra Leone en voiture, le témoin a expliqué qu'en venant de Sierra Leone, on passait par Foya, Kolahun, Voinjama, Zozor, puis Gbarnga ; de là, on traversait d'autres villes pour arriver à Monrovia. Il existait une autre route vers le sud depuis la Sierra Leone : si vous étiez basé à Vahun, vous pouviez atteindre Bomi, et le principal point de passage entre le Libéria et la Sierra Leone se trouvait à Koidu et Foya. Le vingt-et-unième témoin a précisé qu'il n'y avait pas d'itinéraire alternatif de Monrovia à la Sierra Leone.

Il a été demandé au témoin si Sam Bockarie était avec le RUF lorsqu'ils étaient entrés en Sierra Leone. Il a répondu que Sam Bockarie avait quitté le RUF et s'était rendu à Monrovia avec des soldats du RUF. Le témoin a précisé que Massaquoi n'était pas allé avec le groupe de Bockarie. Le témoin a expliqué que Sam Bockarie vivait dans la maison d'un ami à Elwa Junction lorsqu'il était à Monrovia. C'était en 1999, et les relations entre Sam Bockarie et Gibril Massaquoi n'étaient pas très cordiales. Le témoin a expliqué qu'après le départ de « Mosquito » (Moustique) et la prise en charge par Issa Sesay, Sesay et Massaquoi s’étaient rendus à Monrovia avec d'autres délégués pour une mission diplomatique. À l'époque, Benjamin Yeaten était le commandant et les troupes du RUF qui arrivaient devaient informer Yeaten de l'opération pour laquelle elles étaient présentes. Issa Sesay a dit à tout le monde que Gibril Massaquoi devait être le porte-parole. Parfois, Benjamin Yeaten venait et « faisait le tour » avec Gibril Massaquoi, Issa Sesay et d'autres. La Défense a demandé au témoin s'il connaissait des personnes que Massaquoi aurait rencontrées dans le cadre de ses fonctions diplomatiques et la date de ses rencontres. Le vingt-et-unième témoin s'est souvenu qu'il avait l'habitude de voir certains représentants officiels de Charles Taylor à la maison d'hôtes et que Yeaten ou d'autres personnes lui rendaient visite.

La Défense a demandé au témoin ce qu'il savait de la CEDEAO et si Massaquoi y était lié de quelque manière que ce soit. Le témoin a déclaré qu'il savait que Massaquoi était venu au Libéria à cette époque et que Sesay lui avait dit que Massaquoi était là à des fins diplomatiques. Le témoin n'était pas présent lors de ces rencontres.

Le témoin a ensuite été interrogé sur une livraison d'armes impliquant Benjamin Yeaten à Lofa. Il s'est souvenu qu'ils disposaient de jeeps et d'un pick-up sur lequel était monté un calibre 50. Le témoin a ajouté que lorsqu'ils transportaient des armes par hélicoptère, ils en utilisaient un ou deux, et que jusqu'à trente personnes pouvaient monter à bord. Les armes étaient livrées dans le comté de Lofa au commandant en charge, appelé Tamba, qui représentait l'ATU. Le RUF était également là pour aider ; ils recevaient des instructions de Tamba. Le vingt-et-unième témoin a reconnu qu'il avait été présent à deux reprises lors de la livraison des armes.

(A ce stade, la Cour a demandé à l'interprète de dire au témoin que : « La Cour veut vous avertir que vous n’êtes pas obligés de répondre à des questions qui peuvent vous incriminer »).

Le témoin a déclaré qu'il n'avait pas pris part aux combats. Il a dit que pendant que les autres combattaient, il restait à la base. Le témoin se souvient que la première bataille à laquelle il avait assisté s'était déroulée lorsqu'ils s’étaient rendus à Voinjama et se trouvaient à la base que commandait Tamba. Pendant ce temps, les factions de l'ULIMO attaquaient les villages autour de Voinjama, près de la frontière guinéenne. Massaquoi, Yeaten et d'autres étaient allés riposter, mais Yeaten avait dit au témoin de rester à la base dans la ville de Voinjama. Le témoin a déclaré que la bataille avait duré environ trois heures avant qu'ils ne reviennent. Le vingt-et-unième témoin a déclaré ne pas avoir vu l'utilisation d'armes, mais avoir entendu des bruits d’armes.

(La Cour a rappelé au témoin qu'il avait le droit de ne pas répondre à des questions qui pouvaient l’incriminer).

La Défense a interrogé le témoin sur le deuxième voyage qu'il avait effectué. Le témoin a déclaré qu'ils avaient emmené des armes et des munitions à Kolahun et étaient restés trois jours à la base, avant de revenir. Il a ajouté qu'il n'y avait pas eu d'attaques pendant ce voyage, précisant que certaines troupes patrouillaient simplement autour du camp.

Le témoin a expliqué que les troupes du RUF étaient là pour aider Charles Taylor ; il ne savait pas pourquoi le RUF payait des armes pour combattre pour Taylor. Le témoin savait seulement qu'Issa Sesay, Gibril Massaquoi et Ibrahim Bah venaient de Freetown avec des diamants et qu'ils « s'asseyaient et décidaient de ce qu'il fallait faire ».

Ensuite, le témoin a été interrogé sur les déplacements de Gibril Massaquoi entre Monrovia et la Sierra Leone en 2000 et 2001. Le témoin a déclaré qu'il savait qu'ils étaient tous rentrés en Sierra Leone au milieu de l'année 2001, mais qu'il ne savait pas si Massaquoi était retourné en Sierra Leone à cette époque.

La Défense lui a ensuite demandé s'il se souvenait de la saison à laquelle il avait déclaré à la police finlandaise qu'il était retourné en Sierra Leone. Le témoin a répondu qu'il ne s'en souvenait pas.

À ce stade, la Cour a diffusé un extrait de l’audition par la police finlandaise, dans lequel le témoin a déclaré que Gibril Massaquoi était à Monrovia de début 2000 à début 2001, mais qu'il ne se souvenait pas du mois de son départ pour la Sierra Leone. Lorsqu'on lui a demandé si Massaquoi faisait beaucoup de déplacements, le témoin a répondu « oui » et que Benjamin Yeaten était le commandant de la sécurité.

Après la fin du clip, le témoin a répété que Gibril Massaquoi était au Libéria au début de 2001, et non qu'il était parti à ce moment-là.

(Débats de la Cour en finnois)

La Défense a repris l'interrogatoire pour demander au témoin s'ils étaient retournés ensemble en Sierra Leone en 2001. Le vingt-et-unième témoin a répondu que oui, mais qu'une fois de retour en Sierra Leone, « chacun a vaqué à ses occupations. »

(Débats de la Cour en finnois)

Interrogé par la Défense sur le moment où ils avaient occupé la maison d'hôtes au Libéria, le témoin a précisé qu'ils y avaient vécu de 1999 à 2001. Ensuite, parce que le gouvernement libérien leur avait dit qu'ils « devaient déménager à cause de l’attention portée sur le RUF », Gibril Massaquoi et les autres ont loué une propriété, qui était située à seulement trois cent - quatre cent mètres de la maison d'hôtes.

La Défense a continué à obtenir d’autres informations du témoin, notamment que Gabriel Massaquoi avait un nom de guerre, bien qu'il ne pouvait pas se rappeler l'indicatif radio de Massaquoi. Il a également été précisé que le vingt- et-unième témoin avait été initialement contacté pour parler avec les Finlandais par un homme qu'il connaissait à Freetown, dont il ne se souvenait pas du nom. Il a précisé qu'il connaissait cette personne parce qu'ils étaient tous deux Sierra-Léonais, mais qu'ils n'avaient pas travaillé ensemble.

La Défense a demandé au témoin s'il avait travaillé pour une organisation et s'il avait participé à des activités avec Civitas Maxima, comme les aider à obtenir des témoins. Le témoin a déclaré qu'il avait déjà travaillé avec Civitas Maxima, mais « pas sur l’affaire de Gibril Massaquoi relative au Libéria ». Lorsqu'on lui a demandé s'il avait aidé Civitas Maxima dans d'autres affaires, le vingt-et-unième témoin a répondu qu'il était présent devant la Cour pour cette affaire, et non pour d'autres.

Il a été demandé au témoin pourquoi il ne voulait pas être auditionné en Sierra Leone, puisqu'il en était originaire. Il a déclaré qu'il était au Libéria parce qu'il rendait visite à sa famille et qu'il avait « enfin décidé de parler ». La Défense a demandé si le témoin avait envoyé un message à quelqu'un pour dire qu'il avait peur ou qu'il ne voulait pas être entendu en Sierra Leone. Le vingt-et-unième témoin a répondu qu'il avait dit à Thomas, l'officier de police qui l'avait contacté, qu'il voulait témoigner à huis clos pour des raisons de sécurité. La Défense a ensuite demandé si le témoin en avait parlé à quelqu'un d'autre avant d'en parler à Thomas, et si le témoin pouvait expliquer pourquoi Alain Werner avait contacté Thomas au sujet des préoccupations du témoin concernant son témoignage en Sierra Leone. Le témoin a répondu que Freetown était son domicile, mais qu'il était inquiet pour sa sécurité là-bas et qu'il en avait parlé à Thomas. La Défense a demandé qui avait alors parlé à Alain Werner, car la police finlandaise a informé la Défense que M. Werner avait contacté Thomas au sujet des préoccupations du témoin concernant sa sécurité. Le vingt-et-unième témoin a déclaré qu’ « Alain et moi pouvons parler. Mais nous n'avons rien dit sur cette affaire ».

L'audience s'est terminée et reprendra à Monrovia le 16 mars 2021.


+ Point hebdomadaire - Cinquième semaine

Présentation des audiences et des témoins de la cinquième semaine

La cinquième semaine du procès de Gibril Massaquoi s'est terminée le 10 mars 2021, après trois jours d'audience à Monrovia, au Libéria. Les audiences étaient dédiées aux dépositions de sept témoins, dont six ont raconté leurs expériences pendant et après une attaque au marché Waterside de Monrovia. Le septième témoin, un ancien membre du RUF, a fourni des informations sur le contexte, le mouvement et les activités de Gibril Massaquoi au Libéria de 1999 à 2001. Comme pour les témoins précédents, leurs noms n'ont pas été divulgués.

Les témoins ont été entendus dans l'ordre suivant et peuvent être décrits comme suit :

Treizième jour de l'observation du procès (8 mars 2021)

• Quinzième témoin : témoin de la Défense ; femme ; ~18-20 ans au moment de l'incident ; s'est rendue à Waterside pour vendre aux enchères ; a été capturée, battue et a vu des gens se faire tuer.

• Seizième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; âgé de 10 à 12 ans au moment de l'incident ; s'est rendu à Waterside pour obtenir des marchandises ; a été capturé, détenu dans un bâtiment et a entendu des coups de feu après que d'autres détenus aient été emmenés à l'extérieur du bâtiment.

• Dix-septième témoin : témoin de la Défense ; homme ; ~30-32 ans au moment de l'incident ; travaillait à Monrovia en tant que personnel médical traitant les personnes blessées par les combats à Waterside (entre 2001 et 2003) ; des patients lui ont raconté les détails d'un incident dans un magasin de biscuits à Waterside. Son témoignage reprendra le 16 mars. Quatorzième jour de l'observation du procès (9 mars 2021)

• Dix-huitième témoin : témoin de l’Accusation ; femme ; ~19-21 ans au moment de l'incident ; s'est rendue à Waterside pour acheter des marchandises ; a été capturée et a vu des personnes se faire tuer.

• Dix-neuvième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; ~13-15 ans au moment de l'incident ; s'est rendu à Waterside avec son frère aîné pour acheter du riz ; a été capturé et a observé des personnes se faire tuer.

Quinzième jour de l'observation du procès (10 mars 2021)

• Vingtième témoin : témoin de l'Accusation ; femme ; âge inconnu ; s'est rendue à Waterside avec sa petite sœur pour acheter des marchandises ; a été capturée et a vu des personnes, dont sa sœur, se faire tuer.

• Vingt-et-unième témoin : témoin de l’Accusation ; homme ; âge inconnu ; Sierra-Léonais ; ancien membre du RUF et garde du corps de Foday Sankoh ; a travaillé de 1999 à 2001 dans la maison d'hôtes de Monrovia où Gibril Massaquoi et d'autres membres du RUF séjournaient .

Points communs entre les témoignages

Plusieurs points communs ont émergé concernant l'incident de Waterside, ainsi que les interactions de ces témoins avec la police finlandaise :

L'incident de Waterside

• Au moment de l'incident, les gens venaient à Waterside pour acheter de la nourriture ou des marchandises.

• La plupart des magasins de Waterside étaient fermés le jour de l'incident, mais l'un d'entre eux était en train d’être pillé, et les gens s’approvisionnaient dans le magasin lorsque les soldats ont commencé à tirer sur les civils. Des témoins ont continué à affirmer que l'Ange Gabriel parlait avec un accent sierra-léonais.

• Les soldats ont tiré sur certains civils, en ont battu d'autres et en ont ligoté beaucoup. Ils ont également amené des civils à un poste de contrôle près du Vieux Pont (Old Bridge). • Les dix-huitième et dix-neuvième témoins ont déclaré avoir vu l’Ange Gabriel tirer et tuer des gens avec un pistolet.

• Les récits des témoins concernant la tenue vestimentaire de l’Ange Gabriel le jour de l'incident varient, mais présentent certaines similitudes : le quinzième témoin l'a décrit comme portant un uniforme gris et noir avec une chemise blanche ; le dix-huitième témoin l'a décrit comme portant un uniforme de camouflage de l'armée avec une chemise blanche, qu'elle a décrit pendant le contre-interrogatoire comme un t-shirt ; et le vingtième témoin l'a décrit comme portant un « uniforme de soldat libérien » vert par-dessus un t-shirt.

• Le dix-huitième témoin a corroboré la déposition des témoins précédents selon laquelle les hommes de l'Ange Gabriel avaient capturé et emmené des filles dans un bâtiment situé près du Vieux Pont. Le dix-neuvième témoin a corroboré le témoignage antérieur selon lequel, dans ce bâtiment, l’Ange Gabriel avait pris une femme et avait dit à ses soldats de choisir des femmes pour eux-mêmes.

• Les témoins de cette semaine ont fourni d'autres témoignages selon lesquels certains soldats avaient aidé certains civils à échapper à la violence.

• Les témoins ont corroboré les témoignages antérieurs selon lesquels, quelque temps après le début des violences, un autre groupe de soldats dirigé par un Libérien en uniforme était arrivé, demandant à l'Ange Gabriel pourquoi il faisait du mal aux civils et lui disant de les laisser partir.

Identification des remarques qui se sont poursuivies depuis les témoignages de la semaine dernière

• Les témoins de cette semaine ont également témoigné de phrases courantes prononcées par l'Ange Gabriel. Par exemple :

• « Quand vous partirez, dites à Dieu que c'est moi, l'Ange Gabriel, qui vous envoie. »

• « Moi, l’Ange Gabriel, je les ai envoyées au ciel ! Quand vous partirez, dites à Dieu que c'est moi qui vous envoie. »

• « Prenez ces gars et tuez-les ! Quand ils partiront, ils diront que c'est moi, l’Ange Gabriel, qui les ai envoyés. »

• « Allez dire au papay que je vous ai envoyés. »

• Comme indiqué ci-dessus, les témoins ont continué à affirmer que l'Ange Gabriel parlait comme un Sierra-Léonais, et non comme un Libérien.

• Les dix-septième et dix-neuvième témoins ont déclaré avoir entendu le nom « Massaquoi » en relation avec le commandant responsable de l'incident de Waterside :

• Le dix-septième témoin, un professionnel de la santé, a déclaré avoir entendu le nom « Massaquoi » prononcés par des patients qu'il a traités pour des blessures subies lors de l'incident de Waterside.

• Le dix-neuvième témoin, une victime de l'incident de Waterside, a été retenu en captivité par les hommes de l'Ange Gabriel. Il a témoigné qu'une femme en captivité avec lui avait expliqué : « Il s'appelle Gabriel Massaquoi, mais le nom d'Ange Gabriel est son nom de guerre ». Lors du contre-interrogatoire, la Défense a diffusé des enregistrements de l’audition du dix-neuvième témoin par la police finlandaise, qui semblent indiquer que le dix-neuvième témoin ne connaissait pas le nom « Massaquoi » jusqu'à ce que [la personne Z] lui révèle ce nom.

Groupes armés présents dans la zone pendant cette période du conflit

• Le quinzième témoin avait précédemment déclaré à la police finlandaise que le LURD opéraient de l'autre côté du Vieux Pont dans la ville de Vai, que le RUF opérait avec des troupes libériennes et que l'Ange Gabriel était le commandant du RUF. Au cours du procès, cependant, le quinzième témoin a déclaré qu'elle ne savait pas quels groupes opéraient dans la région et qu'elle ne connaissait pas d'autres commandants que l'Ange Gabriel.

• Le dix-septième témoin a déclaré que la milice et les troupes gouvernementales étaient toutes deux présentes à Waterside, et que les rebelles du LURD avaient tiré des missiles depuis l'autre côté du pont à Waterside. Le témoin a également déclaré que les rebelles du LURD étaient présents à Monrovia avant juin 2003.

• Le dix-huitième témoin a déclaré avoir entendu dire qu'il y avait des rebelles du LURD au Libéria.

• Le vingtième témoin a déclaré qu'à l'époque, elle avait entendu dire que les forces du LURD se trouvaient dans le quartier de Duala à Monrovia.

Établissement d'un contact entre les témoins et la police finlandaise

• Comme indiqué dans les témoignages entendus les semaines précédentes, [l'employé 1] était le point de contact entre la plupart des témoins et la police finlandaise : les quinzième, dix-huitième, dix-neuvième et vingtième témoins ont tous rencontré la police finlandaise par l'intermédiaire de [l'employé 1].

• Le seizième témoin a déclaré qu'un de ses amis, [personne V], lui avait parlé de l'enquête finlandaise.

• Le dix-septième témoin a déclaré avoir vu la délégation finlandaise à Waterside et s'être dit qu'elle avait l'air étrange, alors il s'était approché d'elle pour voir ce qu'elle cherchait.

• Le vingt-et-unième témoin a été contacté par un membre de la police finlandaise qui avait obtenu son numéro de M. Alain Werner, directeur de Civitas Maxima. Le témoin a déclaré qu'il avait travaillé, et continuait de travailler, avec M. Werner et Civitas Maxima sur d'autres affaires, mais pas sur celle-ci. Il a également déclaré qu'il n'avait jamais discuté de cette affaire avec M. Werner.

Thèmes supplémentaires

Références aux enfants soldats

• Le dix-huitième témoin a déclaré qu'un « petit garçon » l'avait frappé avec la crosse de son arme, et l'Accusation a ensuite décrit ce garçon comme un enfant soldat, ce que le dix-huitième témoin a confirmé.

Références à la profanation de restes humains

• La Défense a demandé plusieurs fois au quinzième témoin si elle avait vu « l’Ange » faire quelque chose aux corps. Bien qu'elle ait initialement déclaré que non, après avoir entendu la Défense lire sa déclaration antérieure à la police finlandaise, elle s'est souvenue que l'Ange avait pris les intestins d'un corps et les avait placés en travers de la route, afin de créer une ligne que les gens ne devaient pas franchir.

Thèmes émergents pour l'Accusation et la Défense

Comme la semaine dernière, l'Accusation a continué à essayer de corroborer la chronologie des événements entourant l'incident de Waterside, ainsi que la présence de M. Gibril Massaquoi sur les lieux. L'Accusation a obtenu des estimations sur l'année de l'incident de la part des cinq témoins qui ont déclaré avoir été présents sur les lieux de l'incident ; chacun d'entre eux a indiqué l'année 2001, bien que le quinzième témoin l’ait placé à la fin de l'année 2000, début de l'année 2001 et le vingtième témoin à l'année 2001-2002. Ces cinq témoins ont également déclaré avoir entendu le nom « Ange Gabriel », et le dix-neuvième témoin a ajouté qu'une autre personne présente à Waterside avait déclaré que le véritable nom de cet « Ange Gabriel » était « Gabriel Massaquoi ». Le dix-septième témoin, appelé par la Défense, a déclaré que le nom « Massaquoi » avait été mentionné par ses patients en 2001/2002, et fin 2002-début 2003.

Une fois de plus, l'Accusation et la Défense ont cherché à clarifier la chronologie des événements, et en particulier, la façon dont ces événements étaient liés à la Première, la Deuxième et la Troisième Guerres mondiales.

Au cours de l’interrogatoire du vingt-et-unième témoin, l'Accusation a cherché à établir que M. Massaquoi se trouvait à Monrovia au moment où, selon la plupart des témoins, l'incident de Waterside avait eu lieu, et à mettre en évidence la participation de M. Massaquoi aux combats dans le comté de Lofa à la même époque. Le vingt-et-unième témoin a déclaré que M. Massaquoi avait séjourné, de 2000 à 2001, dans une maison d'hôtes à Monrovia, qui avait été donnée à Foday Sankoh par Charles Taylor. Le vingt-et-unième témoin a fourni des détails sur les mouvements et les activités de M. Massaquoi lorsqu'il était à Monrovia, notamment l'achat d'armes à White Flower, à la résidence de Charles Taylor, et divers voyages dans le comté de Lofa et ailleurs. Le témoin a déclaré qu'il avait accompagné M. Massaquoi à deux reprises dans le comté de Lofa, et que M. Massaquoi avait participé activement aux combats et au transport de diamants.

La Défense a poursuivi sa stratégie consistant à mettre en doute la crédibilité des témoins, à la fois en soulignant les incohérences apparentes entre leur témoignage devant la Cour et les déclarations antérieures enregistrées qu'ils avaient faites à la police finlandaise, ainsi qu'en interrogeant les témoins sur la manière dont ils étaient entrés en contact avec la police finlandaise. Ces incohérences portaient sur des détails tels que le souvenir du vingtième témoin de la couleur d'un uniforme, ou l'année où l'incident de Waterside aurait eu lieu. Les témoins ont souvent attribué ces incohérences à leur nervosité lors de l’audition avec la police finlandaise, et ont affirmé que leur témoignage devant la Cour était exact.

La Défense a explicitement attiré l'attention sur les liens qu'elle percevait entre les témoins et des organisations externes, y compris, Civitas Maxima en particulier. La Défense a soutenu que le dix-neuvième témoin pourrait avoir été coaché sur ce qui s'était passé à Waterside, et qu'il n'avait pas vu l'incident lui-même. La Défense a également souligné le lien entre le vingt-et-unième témoin et Civitas Maxima, le témoin ayant expliqué qu'il travaillait actuellement avec l'organisation sur un projet sans rapport avec la présente affaire et qu'il connaissait M. Alain Werner, son directeur, depuis 2007. La Défense a également affirmé que le vingt-et-unième témoin avait parlé avec M. Werner au sujet de cette affaire, déclarant que M. Werner avait informé la police finlandaise que le témoin avait des inquiétudes quant à sa sécurité s’il témoignait en Sierra Leone. Le dix-neuvième témoin a maintenu qu'il s'était rendu à Waterside, et le vingt-et-unième témoin a indiqué que, bien que lui et M. Werner étaient en contact, ils n'avaient pas parlé de la présente affaire. Enfin, les autres témoins qui ont été entendus cette semaine ont nié avoir parlé avec une quelconque organisation de leur expérience à Waterside ou de cette affaire en général.


+ 16/03/21 (Libéria) Seizième jour : Audition des dix-septième (suite), vingt-deuxième, vingt-troisième et vingt-quatrième témoins

La seizième journée d'audience publique a repris le 16 mars 2021 à Monrovia, au Libéria.

Le dix-septième témoin est entendu

La Défense interroge le dix-septième témoin

L'audience a débuté avec la deuxième partie de l’audition du dix-septième témoin, qui a commencé le 8 mars 2021 (treizième jour). Le témoin est un professionnel de la santé, il s’est occupé de patients de l'incident de la biscuiterie de Waterside, qui, selon le témoin, ont mentionné le nom « Massaquoi ».

La Défense a repris son interrogatoire et a cherché à clarifier l'année au cours de laquelle l'incident de la biscuiterie s’était produit. Le témoin a expliqué que, d'après ce qu'il avait compris des victimes et des patients, cela s'était produit en 2002/2003.

Le témoin a commencé à traiter les personnes souffrant de blessures par balle et d'autres blessures liées à la guerre en 2001 - lorsque les soldats de Charles Taylor avaient commencé à attaquer les civils - et a poursuivi cette activité en 2002 et 2003. La Défense a demandé spécifiquement si le témoin avait entendu des patients dire que l'incident du magasin de biscuits s’était produit en 2003, plutôt qu'en 2000 ou 2002 ; le témoin a confirmé que c'était le cas. Revenant sur l’audition du témoin par la police finlandaise dans le cadre de l'enquête préalable au procès, le dix-septième témoin a précisé qu'il n'avait pas parlé à la police de ce qui s'était passé en 2001 ou 2002, car le jour où il les avait rencontrés, des « criminels » avaient volé les téléphones de la police finlandaise et le témoin avait eu peur pour sa vie. Il leur a toutefois parlé de l'incident de la biscuiterie parce qu'il savait que ce qui s'y était passé était un « crime contre l'humanité », d'après la description faite par les patients, à savoir qu'ils étaient à la recherche de nourriture et que six personnes étaient mortes.

Le témoin a rappelé que lorsque les victimes qu'il traitait lui avaient parlé de l'attaque, le nom qu'elles lui avaient donné était « Massaquoi ». Il a précisé à la Défense qu'il avait bien raconté à la police finlandaise l'incident de la biscuiterie. Le témoin a déclaré que la victime lui avait parlé de l'incident en juin 2003. Le témoin a ensuite expliqué qu'il soignait des personnes blessées dans différents incidents, et que certaines lui avaient parlé d'un incident survenu dans le magasin de biscuits. Le témoin a déclaré que cet incident s'était produit avant qu'il n'écrive la lettre à MSF, le 20 juin 2003. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait des informations sur les rebelles du LURD, le témoin a répondu que la seule chose qu'il savait était que tout le monde se battait pour traverser le pont. Le témoin n'a pas précisé si le LURD se battait sur le pont avant ou après qu’il ait écrit la lettre à MSF.

La Défense a ensuite posé des questions sur les patients qui avaient été évacués par MSF. Le témoin a expliqué que les patients de la clinique « Small Catholic » de West Point avaient été amenés à la clinique Medlink de Mamba Point. Le témoin a rappelé qu'il avait administré un traitement d'urgence à des patients dans son magasin de médicaments à Waterside, [Place 2], qui disposait de lits pour les patients. Le juge est intervenu, rappelant que le témoin avait parlé d'un incident dans un magasin de biscuits en juin 2003, et a demandé si les patients avaient dit au témoin quand l'incident s'était produit ; le témoin a répondu par la négative.

La Défense a poursuivi son interrogatoire et a demandé au témoin si les blessures qu'il soignait étaient récentes. Le témoin a expliqué que les blessures n'étaient pas récentes, car beaucoup de ses patients se cachaient dans leurs maisons à cette époque, et a précisé que certaines des blessures qu'il soignait dataient de deux, trois, voire plus de trois mois.

La Défense a ensuite lu un extrait du rapport de police, dans lequel il est écrit que le témoin a dit que les civils essayaient de traverser le pont parce que la nourriture et l'eau étaient rares, et que les gens parlaient d'un homme appelé Massaquoi. Le témoin a confirmé que cette histoire lui avait été racontée par les patients qu'il soignait, et a précisé qu'ils avaient dit que les forces de Charles Taylor leur avaient tiré dessus parce qu'ils essayaient de traverser le pont. La Défense a interrogé le témoin sur le LURD, et le témoin a confirmé que les patients lui en avaient parlé. Le témoin a également affirmé que les milices avaient tiré sur les civils qui cherchaient de la nourriture.

La Défense a affirmé qu'il semblait, d'après le résumé, que tout s'était déroulé en même temps, et a demandé si le témoin était d’accord. Le témoin n'était pas d'accord et a précisé qu'il y avait des dizaines de milliers de résidents à Waterside et qu'il recevait de nouveaux patients toutes les quelques minutes. Il a expliqué qu'il n'avait pas eu le temps d'aller voir ce qui se passait à l'extérieur jusqu'à ce qu'il soit appelé par Fokoe, qui disait avoir été blessé par balle par la milice et avoir besoin d'aide. Le témoin s'est souvenu que lorsque nous étions sortis pour aller voir Fokoe, il avait vu les cadavres. Le témoin n'a pas pu déterminer si le LURD avait attaqué, car il n'a pas pu identifier de quelle force il s'agissait, et a déclaré que s'il avait dit le contraire à la police, c'était une erreur. Le témoin a indiqué qu'il avait soigné des personnes souffrant de blessures causées par des balles et des roquettes, mais qu'il pouvait seulement dire que des personnes étaient blessées, et si les blessures étaient récentes ou anciennes. Il ne pouvait pas dire quel type de balle avait causé une blessure particulière. Lorsque le Procureur lui a demandé s'il se souvenait de la date de l'attaque à la roquette, le témoin a répondu que c'était pendant les attaques de la Première Guerre mondiale, mais qu'il ne pouvait pas dire quand précisément, car il avait traité des patients de 2001 à 2003. Le témoin a précisé qu'après la guerre, il avait changé le nom de son magasin de médicaments, en raison du risque de représailles par certains anciens pour son traitement des patients, et l'avait cédé à son fils.

La Défense a ensuite demandé au témoin s'il se souvenait avoir marqué des lieux sur une carte lors de l’audition préalable au procès, ce à quoi il a répondu par la négative. La Défense a ensuite montré une carte au témoin. Le témoin s'est souvenu que, lorsqu'il était allé voir Fokeo, ils étaient partis du magasin de biscuits, vers les Housing and Saving Banks, Mechlin et de Randall Street, et que c'était là que vivait Fokoe. Il a déclaré que c'était là qu'il avait vu les corps, et a répété que c'était la première fois qu'il sortait. Le témoin a déclaré qu'il connaissait le magasin de biscuits avant la guerre, car il avait l'habitude d'y faire ses courses.

Le témoin a clairement indiqué qu'il avait vu des cadavres dans les banques, mais pas à la biscuiterie, car il n'avait entendu parler de la biscuiterie que par ses patients. La Défense a rappelé que le résumé indiquait que le témoin avait vu six cadavres à la biscuiterie. Le témoin a été catégorique sur le fait qu'il avait dit à la police qu'il avait vu six cadavres : deux à la Housing and Saving Bank, deux sur Mechlin Street et deux sur Randall Street. La Défense a demandé si le témoin avait lui-même vu les six cadavres, et le témoin a précisé que le témoin oculaire lui en avait parlé. La Défense a fait écouter un enregistrement au cours duquel lequel le témoin avait déclaré avoir vu six cadavres à la biscuiterie, un cadavre à la Housing and Saving Bank, un cadavre au coin de Michelin et Water Street, et un cadavre au coin de Randall et Water Street. Le témoin a précisé qu'il était nerveux lorsqu'il avait dit cela, et a clairement indiqué qu'il n'était pas allé à la biscuiterie, mais que ses patients lui avaient parlé des six cadavres qui s'y trouvaient. Le témoin a admis qu'il faisait confiance aux témoignages de ces patients et qu'il avait donc expliqué la situation à la police finlandaise comme s'il avait été sur place. La Défense a demandé au témoin s'il était commun dans la culture libérienne de raconter une histoire que l'on a entendue comme si on l'avait vécue soi-même, ce à quoi le témoin a répondu par la négative.

Le vingt-deuxième témoin est entendu

L'audience est ensuite passée de l'incident de Waterside à un incident survenu dans le village de Kiatahun.

Le vingt-deuxième témoin de l'Accusation

Le témoin a commencé par évoquer un incident au cours duquel il avait été capturé par un groupe de soldats dans le village de Kiatahun, où il résidait. Il n'a pas pu préciser le mois, mais s'est souvenu que l’incident s'était produit en 2001. Le groupe comprenait des combattants du RUF et de Charles Taylor. Ce groupe a capturé le témoin, mais celui-ci a réussi à s'échapper et à se cacher dans la brousse. Après cet incident, le témoin et de nombreuses autres personnes ont vu un autre groupe en provenance de Sierra Leone. Ce groupe a également capturé des personnes, dont le témoin. Ce dernier a déclaré qu'il avait tenté de s'échapper à nouveau et que les Sierra-Léonais avaient essayé de leur tirer dessus, mais que l'arme ne voulait pas tirer. Le témoin a expliqué que « lorsque Dieu n'est pas d'accord pour que votre vie soit prise, cela ne fonctionne pas. »

Le témoin a déclaré que certains des Sierra-Léonais parlaient le mende, et qu'ils avaient dit qu'ils allaient tous les brûler parce qu'ils pensaient que les personnes capturées étaient protégées (charme magique). Le témoin a déclaré qu'après tout cela, ils étaient retournés dans la brousse. Il a identifié [le soldat 12], [le soldat 15] et ZigZag Marzah comme faisant partie du groupe. Le témoin a répété que les soldats leur avaient dit qu'ils brûleraient toutes les personnes qu'ils avaient capturées. Il a ensuite déclaré qu'ils avaient tué un homme, [la victime 18], devant tout le monde avant de partir. Il s'est souvenu qu'ils avaient enterré l'homme en ville, à côté de la maison de son oncle. Le témoin a déclaré que le tueur s'appelait « Gibril man » et un autre nom, qui étaient les deux noms utilisés par l'homme. Il a ensuite déclaré qu'il ne connaissait pas le nom de l'assassin de [la victime 18], mais qu'il savait que le tueur parlait mende, et a noté qu'il y avait une différence entre les tribus Mende et Gbandi. L'Accusation a demandé au témoin si le tueur de [la victime 18] avait dit quelque chose après l'avoir tué. Il a déclaré que le tueur avait dit : « J'ai le pouvoir aujourd'hui ».

Interrogé par l'Accusation sur la capture de personnes, le témoin a précisé que les soldats qui étaient venus à Kiatahun avaient capturé des personnes. Selon le témoin, ils avaient capturé plus de 20 personnes. Parmi elles, la femme du témoin, [la victime 19], son beau-frère, [la victime 20], sa mère, [la victime 21], et [la victime 36]. Les militaires les ont tués à Kiatahun après les avoir capturés. Selon le témoin, les soldats les ont brûlés dans une maison après que le fusil n'ait pas fonctionné. Le témoin a précisé qu'il n'avait pas vu personnellement la maison en feu, mais que sa sœur l'avait vu et le lui avait dit.

L'Accusation a ensuite demandé au témoin de fournir davantage d'informations sur le « Gibril » qu'il avait mentionné précédemment. Le témoin a déclaré que « Gibril Massaquoi » était un commandant des rebelles du RUF. Il était avec le RUF qui était venu à Kiatahun et avait capturé le témoin et d'autres personnes. Il a déclaré avoir pris connaissance du nom de « Gibril Massaquoi » lorsque les rebelles étaient arrivés en ville, car c'était ainsi que les gardes du corps de Gibril l'appelaient. Le témoin a également déclaré que Gibril parlait mende avec ses gardes du corps. Le témoin a pu identifier cette langue car la ville où il habitait n'était qu'à trois heures de Sierra Leone. Le témoin a déclaré que Gibril était le commandant et qu'il avait entendu Gibril Massaquoi dire qu’« il était aux côtés de Dieu » lorsqu'ils avaient capturé les civils.

Le Procureur a cherché à savoir si le témoin avait d'autres membres de sa famille. Le témoin a mentionné [la personne A6], la jeune sœur de sa mère, [la personne A7], et sa fille, [la personne A8]. Le Procureur a demandé ce qu'il était advenu de sa femme capturée, [victime 19], et de sa sœur, [victime 28]. Le témoin a confirmé qu'elles avaient été capturées et tuées. Il a précisé qu'après la capture de sa femme, celle-ci avaient été emmenée et n'étaient jamais revenue. Il a déclaré qu'il avait un enfant avec elle, qui était un jeune enfant à l'époque et qui était avec sa grand-mère. Il a dit que sa fille allait actuellement à l'école à Monrovia.

Lorsqu'on lui a demandé comment il se souvenait que l'incident s'était produit en 2001, le témoin a répondu que la guerre était en cours et que s'il ne se souvenait pas du mois, il pouvait se rappeler de l'année. Le témoin s'est ensuite rappelé que la saison sèche approchait, mais il ne se souvenait pas du mois.

L'Accusation a ensuite demandé s'il se souvenait de son interaction avec la police finlandaise. Le témoin a répondu que le chef local lui avait dit que des personnes de Monrovia étaient venues le voir. Le témoin a déclaré qu'il avait ensuite rencontré les policiers et qu'à part eux, il n'avait parlé de l'incident à aucune autre organisation.

La Défense interroge le vingt-deuxième témoin

La Défense a commencé par interroger le témoin sur la visite de la police finlandaise. Le témoin s'est souvenu que le chef local lui avait dit, ainsi qu'à d'autres personnes, que des étrangers étaient venus s'informer sur le déroulement de la guerre, mais que le témoin et d'autres personnes n'étaient pas en ville lors de leur visite.

Le témoin a déclaré que des mois s'étaient écoulés entre la première visite des étrangers dans la ville et leur retour. Le témoin a précisé par la suite qu'il s'était écoulé trois mois entre leur première visite et l'arrivée du virus. Le témoin a affirmé que les villageois ne s'attendaient pas à les revoir, et que lorsque les étrangers étaient revenus, les villageois ne l'avaient pas su à l'avance, ils étaient simplement arrivés en ville. Le témoin a indiqué à la Défense que six personnes les avaient interrogés.

La Défense a ensuite interrogé le témoin sur l'identité et la nationalité des étrangers. Le témoin a expliqué qu'il n'était pas là pour les voir la première fois qu'ils étaient venus. On lui a seulement dit que des inconnus étaient venus chercher des témoins. Le témoin a ensuite expliqué comment il était entré en contact avec la police. Il a déclaré que la deuxième fois que les étrangers étaient venus, ils avaient rassemblé tous les témoins. La troisième fois qu'il avait été contacté, c'était pour qu'il vienne à Monrovia. Il a expliqué qu'il était venu à Monrovia en voiture, et qu'un chauffeur était venu le chercher à Kiatahun. La police finlandaise avait organisé le transport, en lui indiquant l'heure à laquelle il serait pris en charge. Il y avait quatre personnes dans la voiture, dont le chauffeur. Le témoin a précisé qu'elles avaient été prises en charge à des endroits différents. Le chauffeur est d'abord passé prendre le témoin à Kaitahun, puis les autres à Kolahun.

Le témoin a confirmé à la Défense que personne ne lui avait parlé de l'incident depuis 2019. La Défense a ensuite demandé au témoin s'il se souvenait de quelqu'un appelé [l'employé 1]. Le témoin a déclaré qu'il avait entendu parler de ce nom, mais qu'il ne connaissait pas [l'employé 1] et qu'il ne l'avait jamais rencontré. Il ne savait pas non plus si [l'employé 1] avait joué un rôle dans son transport à Monrovia.

Après cette interaction, la Défense a interrogé le témoin sur les divergences entre ce qu'il avait dit pendant l’entretien avec la police et ce qu’il avait dit aujourd’hui. La Défense a souligné que le témoin avait mentionné le lundi 13 août comme étant la date exacte de l'incident de Kiatahun, et a ensuite demandé au témoin où il avait trouvé cette date. Le témoin a expliqué que sa mémoire avait changé, mais il a répété qu'il avait dit 2001. La Défense a fait remarquer que si le témoin avait dit à la police que l'incident s'était produit en 2001, celle-ci l'aurait écrit. Le témoin a maintenu qu'il leur avait dit 2001.

La Défense a de nouveau fait référence à l’audition de la police, notant que le témoin avait dit que personne n'avait été tué. Le témoin a répondu que la police finlandaise avait vu la tombe. Interrogé à nouveau sur la date du 13 août, et si quelqu'un avait pu l'écrire, le témoin a répondu que, oui, son frère l'avait écrit sur un morceau de papier.

La Défense s'est souvenue que le témoin avait mentionné sa femme, [la victime 19], et a voulu savoir si elle avait accouché avant l'incident. Le témoin a confirmé qu'elle avait accouché et que l'enfant avait un mois. Il a également confirmé que le bébé était avec la mère du témoin et non avec sa femme au moment de sa capture. La Défense a mentionné l’audition par la police, notant que le témoin avait déclaré que sa femme avait accouché seulement deux semaines avant d'être capturée avec le bébé. Le témoin a réitéré que seule sa femme avait été capturée et que le bébé était mort alors qu'il était avec lui dans la brousse.

Le témoignage a pris fin.

Le vingt-troisième témoin est entendu

L'Accusation interroge le vingt-troisième témoin

L'Accusation a commencé son interrogatoire en demandant au témoin s'il se souvenait de ce qui s'était passé dans son village le jour des funérailles de son fils. Le témoin a déclaré que, le 7 avril, des soldats étaient entrés dans Kiatahun et avaient tué un vieil homme nommé [victime 25]. Il a ajouté qu'ils étaient partis, puis qu'ils étaient revenus le lendemain et avaient brûlé des maisons et des cuisines. Après ces événements, il était en deuil, car son fils était mort et des funérailles avaient été organisées en son honneur. Le témoin a indiqué qu'après les funérailles, ils étaient allés en ville et avaient vu arriver un groupe d'hommes armés. Il a déclaré que ces hommes avaient capturé le vingt-troisième témoin et certains de ses amis, bien que l'un des hommes armés ait montré de la compassion au témoin.

Le témoin a décrit comment certains des hommes parlaient soit le mende, soit le créole, soit l'anglais libérien. Comme le témoin parle lui-même le mende, il a pu comprendre l'un des hommes dire en mende « nous allons tous vous tuer, vous qui êtes ici ». Le témoin a précisé que certains d'entre eux étaient des hommes de Charles Taylor, et que les hommes étaient tous ensemble. Il a expliqué comment ils avaient attaché certains de ses amis ensemble, « les avaient commandés tous ensemble, de la manière dont ils avaient l'habitude de transporter les esclaves », et leur avaient dit qu'ils devaient aller à Kamatown.

Le témoin a ajouté qu'il avait omis de mentionner quelques détails à la police finlandaise lors de son audition préalable au procès. Tout d'abord, qu'après leur capture, l'un des hommes l'avait frappé à la tête avec un pistolet, ce qui lui avait causé une blessure. Le témoin a noté qu'il avait encore une marque sur la tête et l'a montrée à la Cour. Le témoin a ajouté qu'en route vers Kamatown, la peur s'était emparée de lui et de ses amis, car l'un des hommes lui avait dit qu'ils allaient tous les tuer. Le témoin a indiqué qu'ils avaient emprunté l'étroite route de brousse menant à Kamatown, et non la route destinée aux voitures, et qu'ils avaient marché de ville en ville avant d'arriver à Kamatown. Il a noté que de nombreux hommes appelaient le témoin et ses amis par leur nom afin de les intimider. Il s'est souvenu que lorsqu'ils étaient arrivés à Kamatown, ils n'étaient pas en bonne condition, un homme s'était approché et s'était présenté comme étant [le soldat 10] de la faction du RUF. Le témoin a déclaré avoir été séparé de ses amis ; ils ont été gardés dans une maison tandis que le témoin dormait avec les soldats. Le témoin a déclaré qu'ils avaient passé une journée entière comme cela, puis qu'ils avaient été réunis « dans un forum » lorsque les soldats étaient sur le point de les tuer. Le témoin se souvient que certains soldats les appelaient par leur nom, mais qu'il était impossible de les reconnaître en raison de leur tenue vestimentaire. Le témoin a raconté comment lui et ses amis avaient été appelés dans une maison ; il était le dernier, alors qu'il avait mis le pied à l'intérieur, l'un des collègues du soldat lui avait demandé pourquoi il emmenait le témoin dans la maison, car il était important pour eux. En effet, il savait lire et écrire, ce que le témoin a indiqué avoir découvert ce jour-là. Le témoin s'est souvenu qu'après avoir fait entrer toutes les personnes dans la maison, les soldats y avaient mis le feu.

À ce moment-là, le témoin s’est mis à pleurer et la Cour a fait une pause pour lui permettre de se recueillir.

Le témoin a poursuivi son témoignage, déclarant que 75 personnes avaient été capturées à Kiatahun, mais que certaines s'étaient échappées. Parmi celles qui étaient restées, le témoin a déclaré qu'il était le seul à avoir survécu, les autres ayant été « brûlées ». Plus tard au cours de l'audience, le Procureur a demandé au témoin s'il se souvenait de certains des noms de ceux qui avaient été capturés, ce à quoi le témoin a répondu qu'il pourrait écrire certains de leurs noms si on lui donnait un stylo et du papier. Le témoin a commencé à écrire des noms, et après en avoir écrit 16, a demandé s'il devait écrire tous les noms dont il se souvenait, ce à quoi le Procureur a répondu « peut-être pas maintenant ». Le témoin a ensuite noté un détail supplémentaire qu'il n'avait pas mentionné au cours de l’audition : après avoir brûlé la maison avec des personnes à l'intérieur, ils lui ont donné des munitions à transporter jusqu'à Fokolahun.

Le témoin se souvient avoir rencontré Zig Zag Marzah et d'autres personnes à Fokolahun, et a précisé qu'il était capable de distinguer les hommes les uns des autres par leur façon de parler. Selon le témoin, une attaque contre le RUF et les forces gouvernementales avait eu lieu à Fokolahun le jour où ils s'y trouvaient. Ensuite, le témoin est retourné avec eux à Kamatown. Le témoin a déclaré qu'il y avait beaucoup de gens et qu'il ne se souvenait pas de leurs visages, mais il se souvenait des noms qu'on leur donnait. Le témoin a déclaré qu'il était parti avec eux à Vahun, puis en Sierra Leone, pour vendre un bidon d'huile, mais que lorsqu’ils lui avaient demandé de rentrer avec eux, il avait refusé et était resté en Sierra Leone.

Le témoin se souvient que de nombreux massacres avait eu lieu. Il a vu des soldats du RUF demander aux gens s'ils avaient besoin de manches longues ou de manches courtes ; la réponse déterminait qu'ils allaient leur couper la main, et ils ont utilisé une scie électrique pour tuer quelqu'un à Vahun.

Interrogé par l'Accusation, le témoin a déclaré que l'incident au cours duquel un soldat avait dit en mende que « nous allons tous vous tuer » s'était produit en 2001. Il ne se souvenait pas du nom de ce soldat en particulier, mais il se rappelait que de nombreuses personnes appelaient d'autres soldats par leur nom à Kamatown. Il se souvient avoir entendu les noms des [soldat 11], [soldat 10] et de l’ange Gabriel. L'Accusation a demandé au témoin s'il se souvenait de la personne qui avait donné l'ordre de mettre le feu à la maison. Le témoin a répondu que c'était l'ange Gabriel. Il a rappelé que, bien que ce fou n'ait pas mentionné son nom au moment où le témoin les avait rencontrés, le témoin savait qu'il était le commandant en chef car les soldats avaient l'habitude de le saluer et de lui rendre la politesse. Lorsque l'Accusation lui a demandé quels mots exacts l'ange Gabriel avait utilisés pour donner l'ordre de mettre les gens dans la maison et de la brûler, le témoin s'est souvenu que les soldats avaient dit que si les fusils ne pouvaient pas les tuer, le feu le ferait. Le témoin a noté que l'Ange Gabriel était originaire de Sierra Leone et parlait créole. Lorsque le Procureur lui a demandé qui l'avait frappé avec une arme à feu, le témoin a répondu qu'il ne savait pas.

Le Procureur a ensuite demandé si le témoin avait entendu parler de violences à l'encontre des femmes. Le témoin a déclaré que le jour où il avait été capturé, il les avait vus avoir des relations sexuelles avec une petite fille sur la route alors qu'ils étaient en train de partir. Le témoin a précisé qu'il avait entendu parler de viols, mais qu'il n'en avait pas été témoin lui-même. L'Accusation lui a demandé s'il y avait une raison particulière pour laquelle il se souvenait aussi clairement de la date de l'incident, ce à quoi le témoin a répondu que de nombreuses choses lui permettaient de se souvenir de cette date. Lorsqu'on lui a demandé quand les soldats étaient revenus, le témoin a répété qu'ils étaient revenus le lendemain pour mettre le feu aux maisons et aux cuisines, puis qu'ils étaient revenus pour les emmener tous le lundi 13 août. Le témoin a déclaré qu'il s'en souvenait parce qu'il avait écrit la date sur le mur le jour où ils avaient été capturés. Le témoin a expliqué qu'il était enseignant, qu'il savait lire et écrire, qu'il était le « s2 » des rebelles LURD et qu'il était la personne qui rédigeait les laissez-passer pour les personnes entrant dans les zones rebelles contrôlées par le LURD. Le témoin a déclaré que lorsqu'il était revenu de Sierra Leone, la date était toujours écrite sur le mur.

La Défense interroge le vingt-troisième témoin

Le témoin a commencé par répondre aux questions de la Défense en expliquant d'abord pourquoi il n'avait pas inclus certains détails dans sa déclaration initiale à la police finlandaise. Il a expliqué que cela était dû au fait qu'il avait peur au début. Le témoin a expliqué que lorsque la police finlandaise était arrivée, la plupart des habitants de sa ville avaient peur d'eux, car ils étaient blancs. Il s'est souvenu que la plupart des gens n'étaient pas disposés à parler aux Blancs, et certains ont même dit que si vous le faisiez, ils vous emmèneraient quelque part. Malgré cela, le témoin s'est porté volontaire, parmi quatre autres personnes, mais l'un de ses amis est parti. Le témoin a raconté qu'ils avaient été emmenés quelque part pour une audition, et c'est ainsi qu'il a rencontré la police finlandaise. Le témoin a affirmé qu'il n'avait discuté de cette affaire avec personne d'autre que la police finlandaise. Il a rappelé que, lorsque la pandémie de coronavirus a commencé, ils pensaient que la police ne reviendrait pas. Le témoin et la Défense sont revenus sur les dates que le témoin avait mentionné à la police finlandaise. Le témoin a déclaré que l’audition avait eu lieu fin 2018, tandis que la Défense a précisé que le résumé indique qu'elle avait eu lieu en 2019 ; ce à quoi le témoin a répondu : « tout être vivant qui boit de l'eau peut oublier. »

La Défense a demandé au témoin quand on lui a demandé de venir au tribunal, ce à quoi le témoin a répondu que c'était après l’audition ; un homme nommé [personne A9] l'avait appelé et lui avait donné les informations. La Défense a demandé qui avait coordonné le voyage du témoin à Monrovia, et si c'était [la personne A9]. Le témoin a affirmé qu'un véhicule avait été envoyé pour le conduire de Voinjama à Monrovia. Le témoin a confirmé que [la personne A9] avait organisé la voiture pour le conduire de Voinjama à Monrovia. Il a ajouté qu'il y avait quatre personnes dans la voiture qui l'avait emmené de Voinjama à Monrovia.

La Défense a interrogé le témoin sur le nom Ange Gabriel, précisant que le témoin avait mentionné le nom de « Massaquoi » à la police finlandaise, mais qu'il disait maintenant Ange Gabriel dans son témoignage. Le témoin a expliqué qu'il n'avait pas utilisé le nom Ange Gabriel avec la police finlandaise parce qu'il avait peur d'entrer dans trop de détails, et qu'Ange Gabriel était son surnom, et qu'il avait entendu les hommes l'appeler par d'autres noms. La Défense a voulu insister sur la raison pour laquelle il avait mentionné le nom de Massaquoi pendant l’audition mais avait utilisé le nom Ange Gabriel aujourd'hui devant la Cour. Le témoin a répondu que « dans ma langue, si on dit d'attacher la chèvre ici ou là, c'est la même chèvre », et a répété que Massaquoi et Ange Gabriel étaient la même personne. Il a déclaré que certains l'appelaient Massaquoi, et d'autres l'appelaient Ange Gabriel, qui était aussi le nom qu'il se donnait. La Défense a ensuite demandé au témoin pourquoi il n'avait pas peur de mentionner d'autres soldats tels que Zig Zag Marzah. Il a répondu que tout le monde connaissait Zig Zag Marzah, notamment parce qu'il avait témoigné à La Haye. Selon le témoin, il avait vu Zig Zag Marzah la première fois à Fokolahun. Il s'est souvenu que c'était la première fois qu'il le voyait et qu'il ne l'avait plus revu depuis. La Défense a demandé au témoin pourquoi il avait peur de mentionner le nom de l’Ange Gabriel mais pas celui des [soldat 12] et [soldat 10]. Le témoin a répondu qu'il y avait des problèmes dans ce qu'il avait dit à la police finlandaise, comme il l'avait déjà dit, mais qu'il leur avait dit ce qu'il avait vu.

Revenant sur un détail du témoignage, la Défense a voulu savoir comment les soldats étaient entrés dans la ville le 13 août. Le témoin a expliqué que la guerre n’était pas la même qu'en Europe, et qu'en Afrique, les soldats approchent « buisson par buisson » jusqu'à ce qu'ils entrent dans la ville. Le témoin a précisé que cela signifiait que les soldats étaient entrés dans la ville à pied.

La Défense a noté que le résumé de l'entretien mentionnait que le témoin avait dit que l'ordre de brûler la maison avait été donné à Zig Zag. Le témoin a indiqué qu'il n'avait pas vu Zig Zag avant Fokolahun. La Défense a demandé au témoin si Zig Zag était le premier commandant qu'il avait vu. Le témoin a précisé que le groupe était large et qu'il évitait de sortir à découvert. Le témoin a précisé qu'il était jeune et effrayé, et qu'il ne voulait pas attirer l'attention des autres soldats, aussi avait-il l'habitude de rester près du soldat qui l'aidait.

Le témoin a répété qu'il avait vu Zig Zag pour la première fois à Fokolahun et a déclaré que, si Zig Zag avait été à Kamatown, il ne l'avait pas vu. L'Accusation a demandé au témoin s'il se souvenait d'un incident au cours duquel seules des femmes avaient été brûlées, et le témoin a répondu qu'il avait entendu parler de nombreux incidents, mais qu'il se contentait de dire ce qu'il avait vu, car il ne voulait pas fournir des ouï-dire ou des informations de seconde main.

Le vingt-quatrième témoin est entendu

L'Accusation interroge le vingt-quatrième témoin

Le témoin commence par évoquer un événement au cours duquel des soldats étaient venus dans son village et où elle avait été capturée. Elle a déclaré que, bien qu'elle ne se souvienne pas de la date, elle se rappelle que de nombreux soldats étaient arrivés dans le village. Elle était avec sa mère et son père en ville lorsqu'ils avaient été capturés tous les trois. Ils ont été saisis et menacés par une arme, et on leur a dit de ne pas trembler. Ils ont tué sa mère et son père devant elle. Le témoin a ensuite précisé que l'un des garçons du groupe de l'Ange Michael, qui était sierra-léonais, avait tué ses parents. Le témoin a indiqué que le garçon suivait l'ordre du commandant de les tuer.

Après cela, ils ont quitté le village et ont atteint un autre village appelé Kamatahun. Une fois arrivés au village, le témoin a déclaré qu'ils ne l'avaient pas tuée, mais qu'elle avait été battue. Lorsqu'ils sont arrivés, il y avait beaucoup de monde et ils ont été placés dans une maison. Le matin, ils ont été emmenés hors de la maison, menacés par une arme. Un des garçons a dit que ces gens ne mourraient pas même si on leur tirait dessus avec un fusil. À cela, le chef a répondu qu'il avait une solution pour cela ; qu'ils devaient les mettre à l'intérieur de la maison. Les soldats les ont mis à l'intérieur de la maison et y ont mis le feu. Le témoin a fait référence à une personne ayant dit « Je suis la deuxième personne après Dieu ».

Le témoin a déclaré plus tard que ce chef était l'ange Gabriel. Interrogée par l'Accusation sur le fait de savoir si elle avait entendu son nom au moment des faits, elle a déclaré qu'ils se trouvaient à Kamatahun, que le chef parlait créole, qu'il disait qu'il avait été envoyé là-bas pour tuer, qu'il tuerait toute personne qui lui donnerait une raison de le faire, et qu'il était « l’Ange Michael » et n'était pas de là-bas. Interrogé par l'Accusation sur les deux noms, Ange Gabriel et Ange Michael, le témoin a déclaré qu'il s'agissait de la même personne. Lorsqu'on lui a demandé si elle avait vu si le chef avait une arme, le témoin a répondu qu'il avait une petite arme accrochée à lui. Elle a rappelé qu'ils se cachaient et que s'il vous voyait sortir, il ordonnait à ses hommes de vous tuer.

Lorsqu'ils ont quitté Kamatahun, d'autres combats ont eu lieu. Le témoin a déclaré qu'ils étaient ensuite allés à Foya. Elle a déclaré que, depuis cette époque, elle ne pouvait plus aller à l'école, que personne ne l'aidait et qu'elle souffrait. Le témoin a également indiqué qu'elle n'y était pas retournée car on lui avait dit qu'ils tueraient tous les habitants de la ville et feraient venir de nouvelles personnes pour y vivre. Le témoin a déclaré que chaque jour, elle maudit l'homme qui avait donné l'ordre de tuer sa famille. Elle a déclaré qu'elle ne pouvait pas écrire comme les autres personnes de son âge, car elle n'avait pas pu aller à l'école, ce qu'elle aurait fait si son père avait été en vie.

L'Accusation a ensuite posé des questions supplémentaires. Le témoin a déclaré que, comme c'était la guerre, elle ne se souvenait pas de l'âge qu'elle avait au moment de l'incident. Plus tard, elle a précisé qu'elle avait l'habitude de cuisiner à cette époque, et que les enfants apprenaient généralement à cuisiner vers 15 ans, et qu'à 17 ans ils étaient capables de bien cuisiner ; elle devait donc avoir à peu près cet âge. Après avoir été interrogée sur le nom de son village, elle a répondu que c'était Gbeawuhun. L'Accusation a ensuite demandé au témoin si elle savait si des personnes étaient été tuées à Kamatahun autrement que par le feu. Le témoin a répondu qu'une fois que le feu avait été allumé, elle s’était enfuie et s’était cachée dans la brousse.

Lorsqu'on lui a demandé si elle se souvenait avoir parlé avec la police finlandaise, elle a répondu par l'affirmative. Le témoin a expliqué que le chef local avait facilité le contact avec la police finlandaise. Elle a dit qu'elle vivait dans une ferme et que lorsqu'ils étaient arrivés en ville, le chef local lui avait parlé car il savait qu'elle n'avait ni père ni mère. Lorsque l'Accusation lui a demandé si elle avait parlé de cet événement à quelqu'un d'autre que le chef local, elle a répondu que « cela faisait un an que je n'avais vu personne. » Lorsqu'on lui a demandé si elle avait parlé à d'autres organisations que la police, elle a répondu que « depuis la fin de la guerre, nous n'avons vu personne d'autre que les personnes qui sont entrées là », précisant qu'il s'agissait des personnes qui l'avaient interrogée.

La Défense interroge le vingt-quatrième témoin

La Défense a commencé son interrogatoire en demandant qui était le chef local qui avait contacté le témoin au sujet de l'enquête de la police finlandaise. Le témoin a déclaré qu'il était le chef local du district de Bolahun Wahassan. Le chef local lui a dit que les gens étaient venus pour savoir ce qui lui était arrivé pendant la guerre. La Défense a ensuite posé des questions pour clarifier ce que le témoin avait dit au chef local sur ce qui lui était arrivé pendant la guerre. Le témoin a expliqué qu'elle lui avait dit les mêmes choses qu'elle a dites à la Cour aujourd'hui, et a précisé qu'elle avait dit au chef local que l'Ange Michael avait donné l'ordre de tuer ses parents, et que c'était le seul nom qu'elle lui avait dit. Elle a ajouté qu'elle avait entendu beaucoup d'autres noms, y compris Zig Zag Marzah, mais qu'elle ne pouvait pas se souvenir des autres noms. La Défense a demandé si elle avait entendu parler du [soldat 12] ou de « Charge the Bush » (Chargez le buisson), ce à quoi elle a répondu qu'elle avait entendu ces noms, mais qu'ils ne faisaient pas partie du groupe de Sierra-Léonais qui avait tué son peuple.

La Défense a ensuite rappelé que dans sa déclaration à la police finlandaise, le témoin avait dit que c'était le garde du corps de Gabriel, « Charge the Bush » (Chargez le buisson), qui avait mis le feu à la maison sur ordre de Gabriel. Le témoin a précisé qu'il y avait de nombreux soldats sur place et qu'il était donc difficile de savoir lequel avait mis le feu à la maison. Elle a précisé qu'elle avait vu le feu de ses propres yeux et a ajouté que les soldats avaient quelque chose appelé « charge » qu'ils ont enflammé et placé sur le toit de la maison. La Défense a mentionné sa déclaration à la police finlandaise, dans laquelle elle avait dit que « Charge the Bush » (Chargez le buisson) avait décidé de la garder comme femme. Le témoin a nié cette affirmation, disant qu'ils ne faisaient que battre et tuer son peuple. La Défense a déclaré qu'au cours de l’audition, le témoin avait dit que cela ne s'était pas produit pendant une longue période et qu'ils entendaient des bruits d'armes à feu, ce à quoi le témoin a répondu qu'ils étaient dans la brousse et qu'ils entendaient des bruits d'armes à feu, affirmant que cela s'était peut-être produit.

Interrogé par la Défense, le témoin a déclaré avoir vu l’Ange Gabriel pendant une semaine lorsqu'ils étaient à Kamatahun, après quoi il était parti. La Défense a interrogé le témoin en détail sur les noms qu'elle a utilisés pour se référer à l’Ange Gabriel lorsqu'elle a parlé à la police finlandaise. Le témoin a répété qu'il avait dit s'appeler Ange Gabriel. La Défense a demandé, en particulier, si le témoin avait connaissance de la partie « Ange » de son nom avant d'être interrogée par la police finlandaise, car elle avait dit qu'il utilisait le nom Chef Gabriel. La Défense a demandé si elle n'avait utilisé le nom complet « Ange Gabriel » qu'après que la police finlandaise lui ait demandé si elle avait entendu ce nom. Le témoin a répondu que, au moment où la police lui avait posé la question, comme cela s'était passé il y a longtemps, elle ne savait pas s'il s'agissait d'Ange Gabriel ou d'Ange Michael. La Défense a demandé à nouveau si elle avait utilisé le nom « Ange » avant d'être interrogée à ce sujet, et elle a répété qu'elle se souvenait du nom « Ange », et qu'elle avait mentionné l’Ange Gabriel avant de mentionner l’Ange Michael.

La Défense a ensuite posé des questions sur l'enregistrement dans lequel le témoin a déclaré que « son peuple » avait été abattu, et a demandé à qui elle faisait référence en disant « son peuple ». Le témoin a précisé qu'ils avaient tué son père et sa mère et qu'ils avaient emmené différents groupes à Kamatahun. Elle a ajouté qu'ils avaient tué de nombreuses personnes, mais qu'avant de le faire, ils avaient tué son père et sa mère. Lorsqu'on lui a demandé où elle se trouvait et pourquoi elle pensait qu'ils avaient tué les siens, le témoin a répondu qu'ils étaient dans la maison lorsque des gens étaient arrivés et l'avaient encerclée. La Défense a déclaré que, sur l'enregistrement, le témoin avait dit que les siens avaient été abattus et qu'elle se trouvait sous le lit à ce moment-là, qu'elle avait entendu le coup de feu et qu'elle avait ensuite vu les corps. Le témoin a confirmé que lorsqu'elle avait entendu le coup de feu, elle avait couru dehors, où elle avait vu les corps de ses parents avec des blessures par balle et du sang coulant des blessures.

L'Accusation interroge le vingt-quatrième témoin

L'Accusation est revenue sur sa question précédente concernant ce qui s'était passé à Kamatahun en dehors de l'incendie et a demandé au témoin si elle se souvenait avoir parlé d'autres événements avec la police finlandaise. Le témoin a répondu qu'elle ne s'en souvenait plus car cela faisait longtemps que cela s'était produit. L'Accusation a déclaré que, lors de l’audition, la police avait noté une déclaration du témoin selon laquelle « Gabriel avait une femme qui cuisinait pour lui. Un matin, Gabriel a appelé la femme et lui a dit qu'elle serait mangée » et « il a dit qu'aujourd'hui tu serais ma soupe ». Après cela, le témoin et les autres femmes ont commencé à s'enfuir, déclarant que si elles n'avaient pas vu le meurtre proprement dit, elles avaient toutes vu les parties du corps qui étaient vendues. Le témoin a également déclaré que Zigzag Marzah et [le soldat 12] étaient présents au moment des faits. L'Accusation a alors demandé si cela s'était produit, ce à quoi le témoin a répondu que lorsqu'on lui avait demandé si elle avait vu Zigzag Marzah, elle avait répondu non. L'Accusation a précisé qu'elle voulait savoir si Gabriel avait appelé la femme et lui avait dit qu'elle allait être mangée. Le témoin a déclaré qu'elle n'avait pas dit que Gabriel avait appelé les femmes, et qu'elle était parmi ce groupe ; elle a précisé qu'elle avait dit qu'il avait tué son père et sa mère et brûlé les autres personnes.

L'audience s'est terminée et reprendra le 17 mars à Monrovia, au Libéria.


+ 17/03/21 (Libéria) Dix-septième jour : Audition des vingt-cinquième, vingt-sixième et vingt-septième témoins

La dix-septième journée d'audience publique a repris le 17 mars 2021 à Monrovia, au Libéria.

Le vingt-cinquième témoin est entendu

L’Accusation interroge le vingt-cinquième témoin

Le vingt-cinquième témoin a témoigné de l'arrivée de soldats dans sa ville natale du comté de Lofa et des événements qu'elle a vécus par la suite. Le témoin a déclaré que ces événements s’étaient produits en 2001, pendant la saison sèche, et qu'ils impliquaient des personnes qu'elle a décrites comme étant des Sierra-Léonais dirigés par « l’Ange Gabriel Massaquoi ». Le témoin se souvient qu'elle se trouvait à Kotuhun lorsqu'elle avait appris que des soldats étaient arrivés, et qu'elle était donc partie rejoindre sa famille à Babahun, un village voisin. À leur arrivée, le témoin et sa famille ont été menacé par un grand groupe de personnes armées qui avaient encerclé Babahun. Ces personnes ont commencé à prendre des biens et des marchandises dans la maison du père du vingt-cinquième témoin, et lorsque le témoin a protesté, l'un des soldats lui a frappé l'oreille, lui causant des lésions auditives permanentes. Les soldats ont commencé à brûler des maisons, et ont déclaré qu'ils ne faisaient qu'obéir aux ordres. Ils ont ensuite rassemblé les villageois et les ont obligés à transporter les biens pillés sur leur tête sur la route en dehors de la ville. Le vingt-cinquième témoin a ensuite expliqué que s'ils ne voulaient pas porter les biens volés pour les soldats, ils seraient tués.

Le témoin a expliqué que, sur le chemin, les soldats avaient attaché son fils et lui avaient demandé de porter les affaires de son père. Lorsque le témoin a refusé, un homme a dit : « Vous connaissez mon nom ? Je suis Quick-to-Kill (Rapide à tuer) oh ! » et lui a ordonné de faire ce qu'il disait. Lorsque le témoin a refusé une deuxième fois, Quick-to-Kill (Rapide à tuer) lui a poignardé l'épaule avec son couteau.

Les soldats ont arrêté les villageois à un carrefour sur la route de Kundo Bendu, et c'est à ce moment-là que les soldats ont tiré et tué le fils du vingt-cinquième témoin. Le témoin a commencé à pleurer après avoir témoigné de la perte de son fils, et la Cour lui a donné plusieurs minutes pour se calmer avant de poursuivre l'audience. L'Accusation a souligné que si le témoin avait besoin d'une pause, il lui suffisait d'en informer la Cour.

Le témoin a poursuivi en expliquant qu'après que les soldats aient tué son fils, ils avaient commencé à se disputer entre eux au sujet de l'argent. Profitant de cette distraction, le vingt-cinquième témoin a échappé aux soldats et s'est enfui dans la brousse en empruntant un détour entre Kolahun et Kortohun. Le témoin a retrouvé son père et sa mère dans la brousse.

Le témoin se souvient que, chaque jour, alors qu'ils se cachaient dans la brousse, des soldats attaquaient et capturaient des personnes. Finalement, le témoin et sa mère ont été capturés et amenés à Babahun, où l'un de leurs ravisseurs leur a expliqué qu’ils ne faisaient qu’obéir aux ordres et que, si leur commandant leur ordonnait de tuer tout le monde, ils le feraient. Le témoin a déclaré que son ravisseur, [le soldat 9], voulait lui couper l'oreille entière, mais qu'il en avait été empêché par un autre soldat qui avait dit au premier que cela ne faisait pas partie de leurs ordres. Au lieu de cela, [le soldat 9] lui a coupé un morceau de l'oreille.

Pendant sa détention à Babahun, le vingt-cinquième témoin a vu les soldats tuer [la victime 22, la victime 23 et la victime 24] et mettre le feu à la maison de son père. [Le soldat 9] a annoncé que leur commandant était en route et tous les soldats s’étaient rassemblés pour le voir. Le témoin se souvient que le commandant s'était présenté en disant « Moi, l’Ange Gabriel Massaquoi », et le témoin a ajouté que son nom était Gibril Massaquoi. Elle a également déclaré qu'il parlait en krio avec ses soldats. Il a dit à ses soldats de faire tout ce qu'il disait, et a annoncé : « Je ne veux voir aucun être vivant ». Il a ensuite dit aux soldats de « lui donner de la lumière », et les soldats ont ouvert le feu sur les villageois.

Le vingt-cinquième témoin a ensuite expliqué que c'était la première fois qu'elle voyait l’Ange Gabriel Massaquoi, et qu'il était arrivé à Babahun dans une jeep. Le témoin a répété que l'Ange Gabriel donnait des ordres et qu'à un moment donné, elle l'avait entendu dire : « L'ordre que je vais donner, il ne doit y avoir aucun être vivant par ici. » En outre, le vingt-cinquième témoin a déclaré que, bien que l'ange Gabriel n'était pas présent lorsqu'ils transportaient les marchandises, c'était son groupe qui lui avait dit de le faire, en suivant ses ordres. Le témoin a indiqué qu'on lui avait demandé de transporter les marchandises de Babahun à Kundo Bendu (vers la frontière entre le Libéria et la Sierra Leone), et a déclaré plus tard que cela représentait moins d'une heure de marche.

Enfin, le vingt-cinquième témoin a répondu à plusieurs questions sur la façon dont elle avait été interrogée par la police finlandaise. Le témoin a déclaré qu'elle n'était pas en ville lorsqu'ils étaient arrivés, mais qu'elle avait entendu dire que des étrangers étaient venus à Kotuhun pour parler avec des victimes de la guerre. Le vingt-cinquième témoin s'est porté volontaire pour leur parler car son fils avait été tué. Elle a déclaré qu'elle n'avait parlé à personne de ce qui lui était arrivé pendant la guerre depuis son audition.

La Défense interroge le vingt-cinquième témoin

La Défense a commencé par poser des questions sur les interactions entre le vingt-cinquième témoin et la police finlandaise. Le témoin a précisé qu'elle se trouvait juste à l'extérieur de la ville lorsque les étrangers étaient arrivés. Le chef local lui a dit que ces étrangers voulaient parler à toutes les personnes touchées par la guerre et qu'ils reviendraient plus tard. Le témoin les a décrits comme deux hommes blancs et une interprète féminine, et a expliqué qu'ils avaient d'abord demandé à tous les habitants du village s'ils avaient été blessés ou victimes de la guerre. Lorsque la Défense lui a demandé si elle avait discuté de ce qui s'était passé en ville, le vingt-cinquième témoin a répondu par la négative, mais qu'elle s'était rendue avec eux à Voinjama, où elle avait été interrogée. Elle a déclaré que, lorsqu'elle s'était rendue à Voinjama, elle était la seule personne qu'ils y avaient emmenée, et qu'elle ne savait pas à qui d'autre ils avaient parlé.

Ensuite, la Défense a posé des questions sur le nom du commandant. Le témoin a déclaré que le commandant, qui ne voulait voir aucun être vivant, avait dit : « Je suis Gibril Massaquoi. Je suis l’Ange Gabriel Massaquoi, je suis le second de Dieu ! » La Défense a souligné que, lorsque le témoin avait parlé avec la police finlandaise, elle avait seulement mentionné le nom « Ange Gabriel Massaquoi », et non « Gibril Massaquoi ». Le témoin a expliqué que, que l'on dise « Gibril Massaquoi », « Ange Gabriel Massaquoi » ou « Gabriel Massaquoi », il s'agissait « du même Massaquoi ». La Défense a insisté sur ce point, demandant au témoin si la police avait commis une erreur en ne notant que « Ange Gabriel Massaquoi », ce à quoi le vingt-cinquième témoin a répondu que ce n'était pas elle qui avait pris des notes.

Enfin, la Défense a identifié plusieurs divergences dans le témoignage du vingt-cinquième témoin par rapport à ce qu'elle avait dit à la police. Lors de l’audition par la police, le vingt-cinquième témoin a déclaré avoir vu pour la première fois l’Ange Gabriel Massaquoi à Kotuhun, alors qu'elle affirme maintenant que c'était à Babahun. Le vingt-cinquième témoin est fermement convaincu qu'il s'agissait de Babahun, car, bien qu'elle ait pu dire Kotuhun, elle était retournée à Babahun pour être avec ses parents lorsque la guerre approchait. Elle a également déclaré que, lorsqu'elle avait vu l’Ange Gabriel Massaquoi à Babahun, il était en tenue de camouflage et était arrivé en jeep avec un chauffeur, alors que le reste des soldats se déplaçait à pied dans la brousse. Ensuite, la Défense a mentionné que le vingt-cinquième témoin avait initialement déclaré que cet événement avait eu lieu en 1997, mais qu’au cours de l'audience, elle avait affirmé qu'il avait eu lieu en 2001. Le témoin a expliqué qu'au moment où elle avait été interrogée, elle n'était pas sûre de l'année. Enfin, la Défense a demandé pourquoi le témoin n'avait pas mentionné sa blessure à l'oreille. Elle a expliqué que, lors de l'interrogatoire, elle était uniquement concentrée sur la mort de son fils et sur son coup de couteau, mais qu'elle avait depuis eu le temps d'y réfléchir. Elle a ajouté qu'elle n'avait pas été violée par les soldats.

Enfin, lorsqu'on lui a demandé si le témoin se souvenait de ce à quoi ressemblait « ce Massaquoi » ou si la police lui avait montré une photo de lui, le vingt-cinquième témoin a répondu qu'elle l'avait vu de ses propres yeux à Babahun et que les enquêteurs ne lui avaient montré aucune photo de l'Ange Gabriel Massaquoi ni de personne d'autre.

Le vingt-sixième témoin est entendu

L'Accusation interroge le vingt-sixième témoin

Le vingt-sixième témoin a commencé sa déposition en évoquant un moment en 2001 où des soldats étaient venus dans son village, Kotohun I, et l'avaient capturé. Le matin où les soldats sont arrivés, la femme du témoin, [victime 29], et sa petite sœur, [victime 30], étaient parties produire de l'huile de palme dans la fosse. Le vingt-sixième témoin a été arrêté par les soldats en ville, qui lui ont dit de ne pas bouger. Il se souvient que les soldats parlaient krio et mende. Il a déclaré qu'ils avaient de nombreux chefs dans le groupe, mais que le principal qui était entré dans le village parlait krio, et le témoin a dit qu'il pouvait le nommer. Les soldats étaient partout dans la brousse et se sont également rendus dans la fosse où se trouvaient la femme et la sœur du témoin. Il a expliqué que sa femme et sa sœur avaient fui les soldats et que, alors qu'elles s'enfuyaient, les soldats leur avaient tiré dessus. Le témoin a précisé que quelqu’un lui avait raconté cet incident, car à l'époque, il était retenu en captivité par les soldats. Après que le témoin ait appris la nouvelle concernant sa femme et sa sœur, les soldats ont commencé à tirer sur la ville.

Ensuite, le témoin a expliqué que lui et d'autres villageois avaient été amenés au centre du village, et que les soldats avaient commencé à entrer dans leurs maisons et à y prendre des objets. Le témoin a déclaré que, lorsque les soldats entraient dans une maison, ils prenaient tous les objets de valeur qu'ils voyaient, comme le riz, les chèvres, les poulets ou les matelas. Après avoir pris des objets dans les maisons, les soldats ont mis le feu à environ sept maisons. Les soldats ont mis les marchandises sur la tête des villageois, puis ils sont tous allés dans un autre village, Kolahun. Une fois là-bas, les soldats ont placé des marchandises sur la tête de tout le monde, et ont commencé à voyager vers une autre ville, Kundo Bendu, puis vers Foya. Lorsqu'ils sont arrivés, les soldats ont pris les biens des villageois et les ont mis en prison, dans un grand et vieux magasin. Le témoin a expliqué que le lendemain matin, tout le monde était en prison ensemble. Le témoin a ensuite déclaré qu'environ 10 à 15 personnes étaient détenues dans la même pièce et qu'elles n'étaient pas libres de se déplacer pendant la journée.

Le témoin a ensuite précisé que les soldats avaient plusieurs chefs, mais que le principal chef parlait krio. Décrivant sa rencontre avec le chef, le témoin a expliqué que, le matin suivant leur détention à Foya, il avait vu un grand homme à la peau claire dans le centre du village. Les soldats ont amené les villageois capturés à cet homme, qui a dit : « Je suis l'ange Gabriel, aux côtés de Dieu. Tous ces gens, vous les gardez ». Le témoin a expliqué que c'était ainsi qu'il connaissait le nom du chef. Il a déclaré qu'il avait également vu ce commandant le lendemain, bien que celui-ci n'ait pas parlé cette fois-ci. Les villageois ont été gardés au même endroit pendant deux jours, et le troisième jour, le témoin s'est échappé. Plus tard, le témoin a précisé qu'il avait pu s'échapper car les soldats l'avaient envoyé chercher de l'eau.

L'Accusation a demandé au témoin s'il s'était passé autre chose à Foya. Le témoin a expliqué que les villageois avaient été battus. Le témoin a précisé que les soldats se rendaient chaque jour dans de nombreux autres villages, mais que la seule fois où il avait été contraint de se rendre dans ces villages, c'était lorsqu'ils l'avaient emmené à Kundo Bendu.

L'Accusation a demandé au témoin si le commandant savait que les villageois étaient obligés de porter les marchandises. Le témoin a répondu par l'affirmative, car il avait vu les villageois en groupe avec des marchandises sur la tête, et a ajouté que les villageois capturés ne portaient ni chemise ni chaussures. Le vingt-sixième témoin a également expliqué qu'il savait qu'il y avait une base pour les soldats à Foya, car il avait vu la base sur la rue principale. Il a expliqué que l'on voyait des civils d'un côté et des soldats de l'autre.

Après s'être échappé, le vingt-sixième témoin est retourné à la fosse d'huile de palme, où il a vu les corps de sa sœur et de sa femme. Il a crié : « Oh Dieu ! Ma vie est finie, oh, je suis détruit ! Je n'ai plus de sœur, et ma femme est partie. » Le vingt-sixième témoin a demandé aux habitants de la ville de l'aider à enterrer sa femme et sa sœur, mais comme leurs corps gisaient sur le sol depuis trois jours, ils n'ont pas pu les ramener en ville. Au lieu de cela, le groupe a défriché une zone dans la brousse et a creusé des tombes pour sa femme et sa sœur. De retour en ville, les familles dont les maisons avaient été brûlées ont été invitées à vivre avec d'autres familles jusqu'à ce que des mesures soient prises.

Après avoir raconté son expérience, l'Accusation a demandé au témoin si le commandant principal était l’Ange Gabriel Massaquoi, nom que le témoin a utilisé pendant son témoignage. La Cour est intervenue pour corriger l'Accusation, le témoin ayant dit « Ange Gabriel » et non « Ange Gabriel Massaquoi ». Le témoin a ensuite confirmé à l'Accusation que l'homme qu'il appelait Ange Gabriel était le commandant principal.

Interrogé sur la police finlandaise, le témoin a déclaré que des Blancs étaient venus lui parler de cet incident il y a environ deux ans. Le témoin a également expliqué que, outre la police finlandaise, des personnes noires étaient venues dans son village pour s'enquérir de l'incident. Le chef local a appelé les anciens, mais ceux-ci n'étaient pas en ville, et les hommes noirs ont donc dit qu'ils reviendraient une autre fois. Le vingt-sixième témoin a expliqué que les hommes noirs étaient revenus, accompagnés de deux Blancs. Ce groupe a demandé : « Qui, dans cette ville, a eu un malheur pendant la guerre ? », et le témoin a levé la main. Il leur a dit que sa femme et sa sœur avaient été tuées, qu'il avait été battu et qu'il avait transporté des marchandises sur la tête.

L'Accusation a demandé au témoin si sa femme avait un bébé au moment de l'incident. Le témoin a expliqué que oui, et a déclaré que, lorsque sa femme a été abattue, la balle a transpercé le bras du bébé, laissant une marque qui est restée sur la main de l'enfant jusqu'à ce jour. Le vingt-sixième témoin a confirmé que le bébé avait survécu à l'attaque.

Le témoin a confirmé que l'événement s'était produit au début de 2001, mais ne se souvient pas de la date ou du mois précis. Lorsqu'on lui a demandé où se trouvaient les femmes du village le jour de l'incident, le témoin a expliqué que beaucoup d'entre elles étaient au marché de Kolahun. Il a précisé que les événements avaient dû se produire un lundi, car les jours de marché à Kolahun étaient tous les lundis, mais a précisé que cela ne lui permettait pas de relier l'incident à une date particulière.

La Défense interroge le vingt-sixième témoin

La Défense a commencé son interrogatoire en lui demandant quels étaient les différents groupes de personnes qui étaient venus dans son village pour se renseigner sur l'incident. Le témoin a expliqué que, vers 2018, des personnes noires étaient venues interroger le chef local. Les personnes noires ont dit qu'un autre groupe allait venir plus tard. La Défense a demandé combien de temps s'était écoulé entre la venue du premier et du deuxième groupe, et le témoin a répondu que cela avait pris beaucoup de temps. Le témoin a expliqué que le deuxième groupe qui était arrivé était composé de deux personnes noires et de deux personnes blanches, ainsi que d'une troisième personne noire qui les conduisait. Cependant, il ne se souvient pas s'ils lui avaient dit leur nom, et le groupe ne lui avait pas dit s’ils représentaient une organisation.

Le témoin a expliqué qu'il avait été contacté parce que le groupe recherchait des personnes touchées par la guerre et qu'il avait levé la main. Plus tard le même jour, il a été convoqué à la mairie et on lui a demandé d'expliquer ce qui s'était passé. Le témoin n'a pas pu se souvenir des noms des personnes qui l'avaient interrogé, ni de la date exacte. La Défense a demandé au témoin pourquoi il avait mentionné la date du 16 août 2002, et le témoin a répondu que c'était parce qu'il pouvait oublier. Il lui a également été demandé s'il connaissait [le vingt-septième témoin], ce à quoi le témoin a répondu par l'affirmative. La Défense a demandé au témoin d'expliquer pourquoi [le vingt-septième témoin] avait également déclaré que l'incident s'était produit à la même date, ce à quoi le témoin a répondu que [le vingt-septième témoin] vivait sur la route.

La Défense a également demandé au vingt-sixième témoin pourquoi il n'avait pas dit à la police finlandaise que sa femme ou sa sœur avait subi des violences. Le témoin a répondu qu'il avait dit à la police finlandaise que sa femme et sa sœur avaient été tuées - cependant la Défense a affirmé que pendant l’audition, le témoin avait dit qu'ils avaient trouvé les corps de deux femmes, sans préciser qui elles étaient pour lui. Le témoin a répondu que, le jour de l'incident, [la victime 29] et [la victime 30] étaient allées traiter de l'huile de palme, et le jour de son audition, il avait parlé d'elles. Le témoin a précisé que l'enfant qui était porté sur le dos de [la victime 29] n'était pas le sien et que sa femme était la tante du bébé.

La Cour a fait une brève pause en raison d'une panne de courant.

Lorsque l'interrogatoire a repris, la Défense a posé des questions sur le nom du commandant du groupe qui lui avait fait porter les marchandises. Lorsque le témoin a déclaré qu'il ne le savait pas, la Défense a fait référence à une déclaration antérieure, dans laquelle il avait nommé « Edward » comme chef du groupe. Le vingt-sixième témoin a expliqué qu'il avait mentionné le nom d'Edward, parce qu'il l'avait rencontré dans le grand magasin (la prison) lorsqu'il avait été transporté à Foya. La Défense a déclaré que, dans l'enregistrement, le témoin avait dit qu'Edward de Sierra Leone dirigeait les personnes qui venaient dans son village. Le témoin a répondu qu'ils étaient venus en groupe et qu'il ne se souvenait pas de leur nom. La Cour a ensuite écouté l'enregistrement, dans lequel le témoin répondait à une question sur le chef du groupe en disant : « Quand ils sont entrés, ils ne faisaient que commander. Mais je me souviens d'un nom, son nom était Edward [...] Il a mentionné son nom. » Après l’'enregistrement, le témoin a déclaré que les soldats étaient arrivés en groupe et qu'il se souvenait maintenant du nom, mais il a néanmoins été ferme sur le fait qu'il n'avait pas dit qu'Edward était le commandant.

L'Accusation et la Défense ont discuté entre eux du nom d'Edward, et de la question de savoir si Edward était un commandant. La Cour a réécouté deux fois le clip audio et a accepté qu'Edward n'était pas le nom d'un commandant, mais simplement un nom lié à l'incident. Ceci conclut la déposition du vingt-sixième témoin.

Le vingt-septième témoin est entendu

L'Accusation interroge le vingt-septième témoin

Le vingt-septième témoin a parlé d’un incident au cours duquel lui et d'autres personnes avaient été emmenés de leur ville natale par un groupe de soldats, pendant la saison sèche au début de 2001. Les soldats sont arrivés de nuit, frappant aux portes et tirant les gens dehors, où ils ont été battus. Ils étaient dirigés par [le soldat 13], un homme Kissi qui, selon le témoin, faisait partie du RUF. Le témoin a précisé qu'il savait que le groupe était le RUF parce qu'il parlait krio et mende.

Le témoin a déclaré que le [soldat 13] était à la recherche d'un « WO2 », un soldat du gouvernement nommé [soldat 14], qui aurait pris un de leurs porcs à Konobo. Le témoin a dit aux soldats qu'il n'avait pas vu l'homme, mais a proposé de se renseigner et de revenir vers eux le lendemain. Les soldats ont accepté, mais ont ajouté que s'ils ne voyaient pas le cochon le lendemain matin à leur retour, la ville serait brûlée. Le vingt-septième témoin a pris la menace pour une blague, mais le lendemain, les soldats sont revenus et ont rassemblé tout le monde dans le centre de la ville. Les soldats ont commencé à retirer les biens des maisons, et le témoin se souvient d'un homme qui a dit : « Après avoir terminé, donnons la lumière aux gens. » Environ cinq enfants de moins de dix ans ont été enfermés sous une véranda pour qu'ils ne puissent pas s'échapper, et les soldats ont commencé à mettre le feu aux maisons.

Le témoin et d'autres personnes de sa ville natale, dont [la victime 32], décédée depuis, [la victime 33], [la victime 34] et [la victime 35], ont reçu l'ordre de prendre les biens de leurs maisons et de partir. Ils sont allés à Kotohun I, puis à Kotohun II, où le témoin a rapporté que les soldats avaient brûlé cinq maisons. Ils ont continué à voyager, et les soldats ont battu le groupe en cours de route. Ils ont traversé Kolahun, où d'autres personnes ont été capturées et obligées de porter des marchandises. Le vingt-septième témoin portait une machine à coudre. Les captifs ont porté ces marchandises à travers Kundo Bendu et ont couru de là jusqu'à Foya. Le [soldat 13] a dirigé le groupe jusqu'à ce qu'il arrive à Foya, où il a remis les captifs à son commandant parlant krio. Le témoin a ensuite identifié le commandant comme étant Gibril Massaquoi. Le vingt-septième témoin a précisé qu'il avait appris ce nom à leur arrivée à Foya, lorsque le [soldat 13] a dit : « C.O. Massaquoi, voici les gens ». Le témoin a déclaré que ce commandant avait vu la marchandise que portait le vingt-septième témoin, mais qu'il n'avait pas commenté.

Le vingt-septième témoin se souvient que la première chose que le commandant lui avait demandée était de savoir pourquoi le [soldat 13] avait amené « ce vieil homme ». Il a ensuite dit au [soldat 13] de mettre le groupe dans une pièce jusqu'au lendemain matin. Le vingt-septième témoin et la [victime 31] ont été placés dans une pièce, tandis que deux jeunes filles mineures et une femme, la [victime 28], ont été placées dans une pièce adjacente. Le vingt-septième témoin a entendu des soldats violer les deux filles mineures et violer collectivement [la victime 28]. Le vingt-septième témoin s'est souvenu qu'il avait dit aux femmes qu'il n'avait aucun pouvoir, et comme ces gens les traitaient vraiment mal, il s'était mis à pleurer.

Le lendemain matin, la [victime 31] et le vingt-septième témoin ont été emmenés dans un autre endroit. Ils ont été gardés pendant deux jours et ont ensuite été libérés. Le vingt-septième témoin n'avait ni chaussures ni chemise et n'avait qu'un short. Le témoin se souvient avoir vu de nombreux soldats du RUF à Foya le jour de sa libération. Lui et [la victime 31] ont commencé à prendre la route pour rentrer chez eux, mais une femme les a prévenus qu'il y avait beaucoup de soldats sur cette route, alors ils se sont enfuis par la brousse. Là, ils ont rencontré les deux jeunes filles mineures qui avaient été violées et les ont emmenées dans une clinique dirigée par un homme appelé [personne A10] pour y être soignées. Le vingt-septième témoin a précisé que [la victime 28] était décédée quelques jours plus tard. Le vingt-septième témoin a déclaré que cet incident l'avait éloigné de sa ville natale pendant cinq jours.

Le vingt-septième témoin a déclaré avoir été contacté par la police finlandaise par l'intermédiaire du chef local, qui lui avait dit, ainsi qu'aux autres villageois, que des personnes étaient venues et voulaient leur parler de leurs expériences pendant la guerre. Le témoin s'est entretenu avec la police finlandaise à Voinjama, et a précisé qu'il n'avait parlé à personne d'autre que la police finlandaise de ce qui lui était arrivé car « comment expliquer cela à d'autres personnes alors qu'elles ont leurs propres problèmes ? »

La Défense interroge le vingt-septième témoin

La Défense a interrogé le témoin sur son expérience avec la police finlandaise. Le vingt-septième témoin a expliqué qu'il vivait à Kotohun II en 2019 lorsqu'il les avait rencontrés pour la première fois. La police s'était rendue à Kotohun I et avait demandé à parler aux gens de ce qui s'était passé pendant la guerre. Le chef de la ville de Kotohun I a alors envoyé un message à Kotohun II, disant que des Blancs étaient venus poser des questions sur la guerre. Lors de la réunion de la ville du samedi, le chef a annoncé que les gens pouvaient volontairement prendre rendez-vous avec la police pour leur raconter ce qu'ils avaient vécu. Les gens étaient sceptiques, mais le vingt-septième témoin a fini par donner son nom, car il voulait dire quelque chose. La rencontre a eu lieu dans le courant de la semaine.

La Défense a demandé si le vingt-septième témoin savait qui était l'[employé(e) 1], et le témoin a répondu par la négative, proposant à la place le nom d'un ami portant le même prénom que l'[employé(e) 1]. Le vingt-septième témoin a noté qu'aucune autre personne n'était venue dans sa ville pour poser des questions sur la guerre avant l'arrivée des Blancs. Interrogé sur un rapport de [l'employé 1] qui plaçait le vingt-septième témoin à Kotuhun pendant la guerre civile, le témoin a répété qu'il ne connaissait pas [l'employé 1].

La Défense a ensuite demandé si le témoin se souvenait de la date à laquelle l'incident s'était produit. Le vingt-septième témoin a expliqué qu'il était dans un état de confusion lorsque la police finlandaise était arrivée, car il ne s'attendait pas à ce que des gens viennent poser des questions sur la guerre. Il a affirmé que, s'il avait été préparé, il aurait pu en dire plus. La Défense a noté que la police avait écrit que le témoin avait dit que le village avait été brûlé le 16 août 2002, mais le témoin a souligné qu'il ne se souvenait pas de la date. La Défense a ajouté qu'un autre témoin, [le vingt-sixième témoin], avait donné cette même date dans son interrogatoire de police, et a demandé au vingt-septième témoin s'il avait discuté de ce qui s'était passé ou de la date à laquelle cela s'était passé avec [le vingt-sixième témoin]. Le témoin a nié l'avoir fait. La Défense a répété que le vingt-septième témoin avait donné à la police exactement la même date, le même mois, la même année et le même jour de la semaine que [le vingt-sixième témoin], et qu'ils avaient fourni la même raison de connaître cette date exacte. Le témoin a répondu qu'il soutenait ce qu'il disait, et que [le vingt-sixième témoin] était « une preuve pour lui-même ». La Défense a poursuivi en rappelant au [vingt-septième témoin] qu'il avait dit qu'il savait que c'était lundi, parce que c'était le jour où la plupart des femmes allaient au marché à Kolahun, le 16 août 2002, mais le témoin a simplement répondu : « Je vous ai dit non. »

Le témoin a terminé son témoignage en précisant que l'homme qu'il avait identifié comme Massaquoi était le commandant du RUF à Foya, mais qu'il ne savait pas combien de temps Massaquoi était dans la région de Foya, car il n'y était pas retourné après sa libération.

L'audience s'est terminée et reprendra le 18 mars à Monrovia, au Liberia.


+ 19/03/21 (Libéria) Dix-huitième jour : Audition des vingt-huitième, vingt-neuvième et trentième témoins

La dix- huitième journée d'audience publique a repris le 19 mars 2021 à Monrovia, au Libéria.

Le vingt-huitième témoin est entendu

Avant de commencer sa déposition, le témoin a demandé quelles mesures la Cour avait mises en place concernant les journalistes afin de protéger la sécurité des témoins. Le juge a assuré au témoin que les vidéos prises à l'intérieur de la Cour ne seront utilisées que par la Cour, et qu'il existe un accord avec la presse selon lequel les témoins ne seront pas nommés dans leurs publications.

L’Accusation interroge le vingt- huitième témoin

Le témoin rendait visite à sa famille à Kolahun, dans le comté de Lofa, lorsqu'une nuit les forces du LURD ont attaqué le village. Ils ont réussi à s'échapper vers Golahun, mais un autre groupe de rebelles se dirigeait de Golahun vers Viahun : ils ont été capturés et forcés de transporter des armes et des munitions pour eux vers la région de Viahun. Après cela, le témoin a expliqué qu'ils étaient arrivés à Kamatahun Hassala et qu'ils avaient été confrontés au groupe de résistance soutenu par le gouvernement, composé de Benjamin Yeaten, du colonel [soldat 12], de Zig Zag Marzah et d'autres personnes. Il a précisé que le groupe avait réussi à s'emparer d'une zone qui était occupée par les forces du LURD. Selon le témoin, le groupe de résistance a demandé des renforts, et un autre groupe est arrivé, présenté plus tard comme le RUF. Le témoin a décrit comment les membres du RUF portaient tous des t-shirts jaunes et parlaient krio : il a expliqué que « le krio est similaire à l'anglais, mais il faut faire attention pour le comprendre ». Ils scandaient également un slogan « we dey kill am all, one seh we dey lef », qu'il a compris comme signifiant « nous allons tous les tuer, nous n'en laisserons pas un seul ». Selon le témoin, le RUF a soutenu les efforts du gouvernement pour maintenir les zones qu'il contrôlait. Il a toutefois précisé que le RUF n'avait jamais combattu sur la ligne de front, mais qu'il attaquait des zones à Kamatahun.

Le témoin a déclaré qu'il avait été arrêté, entre autres, par le RUF parce qu'il était soupçonné d'être un espion. Selon le témoin, « les tortures infligées par le RUF sont très variées » et il a raconté qu'ils lui avaient uriné dans la bouche, qu'ils lui avaient administré des décharges électriques et qu'ils l'avaient soumis à ce qu'on appelle le « sassy-wood », qui consiste à placer les jambes de la victime entre des planches de bois et à poser un pied dessus. Il a précisé plus tard que le bois lui avait comprimé la chair et les muscles, mais qu'il n'avait pas perdu de sang. Le RUF les a torturés afin d'obtenir des aveux. Pendant qu'ils étaient torturés, les commandants des troupes gouvernementales étaient revenus à Kamatahun et avaient demandé aux membres du RUF pourquoi ils faisaient du mal aux civils. Le commandant des troupes gouvernementales, identifié plus tard comme étant Benjamin Yeaten, a alors dit au RUF de les relâcher et a ordonné aux troupes du RUF et du gouvernement d'aller chercher les civils qui s'étaient cachés dans les buissons et de les ramener en ville. Le témoin a précisé que Benjamin Yeaten avait donné l'ordre de ne pas faire de mal aux civils et avait dit que « notre cible est notre ennemi », mais Gibril Massaquoi « est allée plus loin parce qu'il contrôlait plus de troupes ».

Le témoin a rappelé que c'est à ce moment-là que l'un des hommes s'était présenté comme « Gebe » Massaquoi. Le témoin a précisé qu'il s'agissait d'un commandant du RUF et du porte-parole du RUF en Sierra Leone. Il a affirmé qu'ils avaient dit qu'ils allaient « choisir les ‘bitterballs’ pourries parmi les bonnes ».

Selon le témoin, alors qu'ils cherchaient et ramassaient des civils dans les buissons, le RUF a emmené un homme du côté de la ville et l'a massacré parce qu'il était un espion des rebelles. Le témoin a déclaré que Gibril Massaquoi avait autorisé l'exécution. Il a expliqué que les soldats du RUF avaient pris les intestins et d'autres organes internes de cet homme et avaient demandé à une femme de leur préparer une soupe au poivre avec les parties de son corps. Plus loin dans son témoignage, le témoin a confirmé que Gibril Massaquoi avait donné l'ordre d'exécuter et de manger l'homme car ils le soupçonnaient d'être un membre du LURD. Il a également expliqué que l'homme pleurait en dialecte gbandi et disait qu'il n'était pas un rebelle.

Le témoin a rappelé qu'après que les soldats du RUF eurent mangé la soupe au poivre, lui et d'autres civils capturés avaient reçu l'ordre de transporter les armes et les munitions du RUF jusqu'à un village appelé Yallahun, près de Kamatahun. Il a précisé plus tard dans son témoignage qu'il avait fallu moins de 30 minutes pour transporter les armes et les munitions jusqu'à Yallahun, et que c'était Gibril Massaquoi qui leur avait donné l'ordre de transporter les armes de Kamatahun à Yallahun. Il a déclaré : « Toutes les atrocités qui ont eu lieu en ma présence ont été commandées ; elles ont été ordonnées par Gibril Massaquoi ». Il a également précisé, cependant, que la première fois qu'il avait été obligé de transporter des armes et des munitions, ce n'était pas celles du RUF, mais celles des forces du LURD. Lorsqu'elles sont arrivées à Kamahatun, les forces gouvernementales ont attaqué et dispersé les forces du LURD dans la brousse.

Le témoin a expliqué qu'un autre massacre avait eu lieu à Yallahun. Il a décrit comment une femme enceinte marchait vers eux, et qu'une dispute avait éclaté entre les soldats du RUF. Certains pensaient qu'elle était enceinte d'un garçon, tandis que d'autres pensaient qu'elle était enceinte d'une fille. Les soldats, autorisés par Gibril Massaquoi, ont alors décidé d'ouvrir le ventre de la femme enceinte et ont identifié le sexe de l'enfant. L'un des soldats a réaffirmé son pari et a dit : « Je vous le disais, c'est une fille ».

Le témoin a décrit comment il existe une route partant de Yallahun, menant à la Sierra Leone. Il a ajouté que cette route allait jusqu'à Golahun et Foya. Le témoin a déclaré qu'un journaliste, ancien correspondant de la BBC, avait également été exécuté dans la région : une corde avait été attachée autour du cou du journaliste parce que « vous parlez trop ». Selon le témoin, avant d'être exécuté, le journaliste avait dit : « Vous êtes tous venus pour nous libérer. Nous avons peur des rebelles et vous, les forces gouvernementales, vous nous traitez comme ça ? ». Poursuivant son témoignage, le témoin a déclaré qu'un homme nommé [personne A11] leur avait suggéré de partir, sinon ils seraient tués avant que les soldats ne reviennent en Sierra Leone. Ils se sont échappés, et tandis que son ami s'échappait vers Foya, il était parti vers la Guinée et était arrivé à Monrovia. Il a terminé son histoire et a déclaré que c'est ce qu'il avait vécu à Lofa.

A ce stade, l'Accusation a posé des questions supplémentaires. Elle a rappelé que le témoin avait mentionné l'année 2002 et lui a demandé si c'était l'année où il avait été capturé par le RUF. Le témoin l'a confirmé. Plus loin dans sa déposition, il a noté que, bien qu'il se souvienne que les événements s’étaient déroulés en 2002, il ne pouvait pas se souvenir de la période exacte de l'année car « lorsque vous êtes dans une situation où ils tirent au pistolet, vous ne pouvez pas vous en souvenir ».

En outre, l'Accusation a demandé si, au moment où le RUF était arrivé à Kamatahun Hassala, il y avait un chef. Le témoin a répondu par l’affirmative en déclarant que Gibril Massaquoi s'était présenté par son nom et avait dit qu'il était commandant et porte-parole du RUF, et qu'ils étaient là pour aider le gouvernement. Il a mentionné que Gibril Massaquoi s'était présenté avant que Benjamin Yeaten ne puisse les présenter. Selon le témoin, d'autres soldats étaient présents pendant que Benjamin Yeaten était sur les lignes de front à Viahun, et ils parlaient un anglais différent de celui des forces gouvernementales présentes. Benjamin Yeaten a déclaré que c'était lui qui avait appelé les troupes du RUF en aide, et il avait présenté Gibril Massaquoi à d'autres soldats sur le terrain. Le témoin a rappelé qu'il était lui-même présent lorsque le commandant, Gibril Massaquoi, s’était présenté.

Le témoin a précisé que c'était le RUF qui l'avait torturé. Il a réitéré ce qu'il avait précédemment déclaré : que c'était Gibril Massaquoi qui autorisait les soldats à les torturer, et que Massaquoi avait demandé au témoin d'ouvrir la bouche et avait uriné dedans. Lorsqu'on lui a demandé si plusieurs personnes avaient été exécutées à cet endroit, ou seulement l'homme qu'il avait mentionné lors de son témoignage, le témoin a répondu qu'il y avait beaucoup de rumeurs pendant la guerre - il avait entendu dire que Zig Zag Marzah avait mis des gens dans une maison et les avait brûlés, mais il n'en avait pas la preuve.

L'Accusation a demandé au témoin combien de jours il lui avait fallu pour s'échapper. Le témoin a expliqué qu'il leur avait fallu trois jours de Kamatahun Hassala à Yallahun. Selon le témoin, ils ont passé deux jours à Yallahun, et le troisième jour, ils se sont échappés de Yallahun. Il a expliqué que la personne avec laquelle il s'était échappé était [la personne A11], car c'est elle qui avait proposé l'évasion en premier lieu.

L'Accusation a demandé si le témoin avait été blessé par les tortures. Le témoin a déclaré qu'ils l'avaient frappé à l'aide d'un couteau qui avait laissé une marque sur son doigt, qu'il a ensuite montré à la Cour.

L'Accusation a ensuite posé des questions sur l’audition du témoin avec la police finlandaise. Le témoin a expliqué qu'il travaillait lorsqu'il avait reçu un appel téléphonique de [l'employé 1] lui demandant s'il était allé à Lofa entre 2001 et 2003. Le témoin était méfiant et [l'employé 1] lui a dit que [la personne A11] lui avait raconté une partie des événements et lui avait donné le numéro du témoin. Le témoin a dit à [l'employé 1] de ne plus l'appeler, et « je n'étais pas un soldat, je n'avais pas d'arme ». Le témoin s'est souvenu qu'au bout de deux jours, [l'employé 1] l'avait rappelé sur un autre numéro et s'était excusé - il a expliqué qu'il voulait simplement savoir si le témoin avait des informations sur cette période particulière et qu'il l'emmènerait parler avec des personnes qui lui poseraient des questions à ce sujet. Le témoin a informé [l'employé 1] qu'il devait d'abord en parler avec son avocat. Ce dernier l'a encouragé à parler et lui a dit : « Il y a des gens dans le monde entier qui luttent contre le crime et tu ne sais pas pourquoi ils t'appellent, alors va les écouter ». Lorsque l'[employé 1] a rappelé, le témoin a dit qu'il viendrait leur parler, mais qu'il voulait qu'on organise un transport pour lui. L'[employé 1] a toutefois déclaré : « Pour l'instant, je ne peux pas te donner d'argent pour venir, mais si tu peux prendre toi-même l'initiative de le faire. » Le témoin était hésitant, mais a finalement décidé d'y aller. Selon le témoin, ils l'ont invité à [lieu 3], où il est entré dans une maison et a rencontré trois hommes blancs. L'un d'eux s'est présenté comme un officier de police, et l'autre a dit qu'il était un « financier ». Le témoin a déclaré que les policiers lui avaient demandé qui il était et d'où il venait.

La Défense interroge le vingt- huitième témoin

La Défense a commencé son interrogatoire et a demandé si [l'employé 1] avait promis un gain financier au témoin s’il témoignait à l'audience, ce à quoi le témoin a répondu que [l'employé 1] « n’a même jamais expliqué quoi que ce soit concernant l'argent que j'allais recevoir. Et s'il ne s'agissait que d'argent, je ne serais jamais venu témoigner parce que j'ai un emploi bien rémunéré. J'ai un esprit indépendant ; je me fais mon propre jugement. » Il a ajouté que la police l'a seulement interrogé sur ce qui s'était passé à Lofa. La Défense a ensuite demandé si quelqu'un lui avait promis une bourse d'études s'il témoignait. Le témoin a expliqué qu'il avait déjà une bourse d’étude, qu'il était allé en Angleterre où il avait reçu son Master, puis qu'il était revenu. La seule question qui lui avait été posée était « que savez-vous de cette période et êtes-vous prêt à témoigner ? ».

Une courte conversation s'est ensuivie entre l'Accusation et la Défense, après quoi il a été décidé qu'ils écouteraient un enregistrement de l’audition du témoin par la police finlandaise. Dans l'enregistrement, la police a demandé au témoin qui l'avait contacté. Le témoin a répondu que c'était [l'employé 1] qui l'avait appelé au début du mois de décembre 2019, alors qu'il se rendait à Lofa. Selon [l’employé 1], des amis du témoin lui avaient donné son numéro et avaient dit à [l’employé 1] de le contacter. Le témoin a déclaré qu'au début, [l'employé 1] « l'a placé dans un contexte différent. Il s'est basé sur une bourse d'études », ce qui a éveillé les soupçons du témoin. L'[employé 1] a alors dit « des gens veulent te parler, viens à Monrovia pour que vous puissiez tous parler ».

Après cet enregistrement, la Défense a répété sa question et a demandé si une bourse d'études avait été promise au témoin. Le témoin a déclaré que personne ne lui avait offert de bourse, et a ajouté qu'il ressortait clairement de l'enregistrement qu'il s'agissait d'un « contexte psychologique » et qu'ils voulaient qu'il soit présent. A ce stade, les juges ont également demandé au témoin de préciser ce qu'il entendait par « bourse ». Le témoin a déclaré qu'on ne lui avait pas promis de bourse d'études et que [l'employé 1] avait tout fait pour qu'il vienne parler à la police finlandaise. La Défense a alors décidé de poursuivre son interrogatoire. Le témoin a déclaré qu'il se souvenait de ce qu'il avait dit à la police finlandaise, mais « je suis un être humain et si pour une raison quelconque mon cerveau n'est pas un ordinateur dans lequel vous pouvez stocker des documents. » Le juge a demandé si le témoin se souvenait de la date à laquelle il avait parlé à la police. Le témoin a répondu que les atrocités qu'il avait vécues s’étaient déroulées en 2000-2002, et qu'il avait indiqué l'année 2002 à la police finlandaise.

La Défense a cité le résumé de l'entretien dans lequel le témoin déclare que les événements qu'il a décrits s’étaient produits en 2002 et 2003. Le témoin a expliqué qu'il n'était pas présent lors de la plupart des atrocités commises à Lofa, qu'il avait entendu parler de certaines d'entre elles et qu'il en avait vu les conséquences, comme des maisons brûlées. Mais il était là lorsque les forces du LURD avaient frappé Lofa. Il a dit que les événements s’étaient poursuivis jusqu'en 2003, mais qu'il n'était plus là. Il a dit à la police finlandaise qu'en 2001, 2002 et 2003, il avait des « missions internes et externes » à Lofa.

La Défense a ensuite posé des questions sur l'incident au cours duquel un homme avait été transformé en soupe au poivre, et a demandé combien d'hommes avaient été tués à cette occasion. Le témoin n'a pas pu dire combien d'hommes avaient été tués, mais a mentionné qu'un homme accusé d'être un espion avait été tué juste devant lui. Le témoin a déclaré qu'il n'était pas présent lorsque cet homme avait été arrêté, mais qu'il était présent lorsqu'ils l'avaient amené, ligoté et tué.

La Défense a ensuite demandé qui avait tué l'homme qui avait été mangé. A cela, le témoin a répondu qu'il ne savait pas qui avait tué l'homme, mais seulement qui avait autorisé le meurtre : Gibril Massaquoi. Le témoin a dit qu'il avait également expliqué cela à la police finlandaise, mais que s'il avait oublié de leur parler de certains aspects, c'était parce qu'il aurait souligné ce qui lui venait à l'esprit à ce moment-là. La Défense a ensuite cité un extrait du procès-verbal de la police finlandaise : « Je me souviens que Massaquoi a amené deux hommes de la brousse et vous vous souvenez que Massaquoi avait dit ‘je suis l'Ange Gabriel, la dernière personne que vous voyez avant Dieu’ ». Le témoin a répondu qu'il avait effectivement dit « Je suis le messager de Dieu, vous venez me voir avant de voir mon Papay » (Dieu), et selon le témoin c'était l’Ange Gabriel, et partout où il allait c'était son slogan.

Suite à cela, la Défense a demandé au témoin de préciser si l'homme s'était appelé lui-même « Gibril Massaquoi », comme le témoin l'avait déclaré aujourd'hui, ou s'il s'était appelé « Ange Gabriel Massaquoi », comme le témoin l'avait déclaré lors de son audition. Le témoin a expliqué que, avant que Benjamin Yeaten ne vienne présenter l'homme aux autres soldats qui étaient sur le terrain, l'homme s'était présenté comme « Gibril Massaquoi », parce qu'ils ne savaient pas qui il était. Ensuite, Benjamin Yeaten est venu et l'a également présenté. Le témoin a expliqué qu'Ange Gabriel était son double nom, son « nom de méchant », et qu'il utilisait lui-même les deux.

La Défense a alors demandé s'il était vrai que le témoin ne se souvenait pas du nom « Ange Gabriel » jusqu'à ce que la Défense ne le lui rappelle, ce à quoi le témoin a répondu qu'il pourrait même oublier ce qu'il avait dit à son bureau hier ; il a fait cette déclaration avant et la Défense le lui a rappelé, mais il est vrai qu'il l'avait dit avant, donc il n'a rien fait de mal.

La Défense a souligné une incohérence entre la déclaration du témoin à la police finlandaise et le témoignage qu'il a donné aujourd'hui, expliquant que, le témoin avait dit à la police finlandaise que Massaquoi lui-même avait tué deux hommes qu'il avait qualifiés de rebelles, alors qu’aujourd'hui, le témoin a déclaré que Massaquoi avait donné l'ordre de la faire à quelqu'un d'autre. Le témoin a expliqué qu'il est difficile de se faire une idée complète de tout ce qui se passe dans une situation de crise, car on a peur pour sa vie, mais que toutes les atrocités qui avait eu lieu à Kamatahun Hassala avaient été commises par Massaquoi - qu'il l'ait fait personnellement ou qu'il ait demandé à quelqu'un de le faire. La Défense a souligné une incohérences dans le nombre de personnes qu'il avait déclaré avoir été exécutées : aujourd'hui, il a dit qu'il s'agissait d'un homme, alors qu'il avait dit à la police finlandaise qu'il s'agissait de deux hommes. Le témoin a déclaré qu'il avait expliqué que c'était une personne qui avait été exécutée et cuisinée. La Défense a ensuite cité la déclaration de la police dans laquelle le témoin avait dit « après l'exécution, Massaquoi a récupéré certaines parties des corps et a demandé aux femmes du village de cuisiner ces parties. » La Défense a insisté sur ce point, déclarant qu'elle avait compris que le témoin avait déclaré que Massaquoi avait donné l'ordre de couper le corps, et non que Massaquoi l'avait fait lui-même. Le témoin a répondu que son cerveau n'était pas un ordinateur ou une base de données, et qu'il y a beaucoup de choses qui s’étaient passées à Kamatahun et qu'il ne pouvait pas se souvenir de tout.

La Défense a ensuite fait référence à une déclaration antérieure du témoin au cours de laquelle il avait dit que Zig Zag Marzah avait brûlé des gens, et a demandé s'il était présent au moment des faits. Le témoin a répondu que c'était arrivé, et que les gens avaient dit que c'était Zig Zag Marzah qui l'avait fait, mais qu'il ne pouvait pas leur dire quand cela s'était produit parce qu'ils faisaient des missions répétées « internes et externes » pendant des mois.

La Défense a cherché à démontrer que le témoin n'était pas présent, ni dans la pièce, ni dans la maison, et qu'il avait entendu parler de l'incendie par une rumeur. Le témoin a déclaré qu'on lui avait dit, à son arrivée, que leur « propre frère Gbandi » avait enfermé des gens dans la maison et y avait mis le feu.

Il a ajouté qu'il avait dit à la police finlandaise qu'il n'avait rien vu de tel, et qu'il considérait qu'un enregistrement aurait été préférable, car tout peut être écrit de manière incorrecte. La Défense a demandé si le témoin se souvenait de ce qu'il avait dit à la police finlandaise au sujet de l'incident, et le témoin a répondu qu'il avait dit qu'il n'était pas là, mais qu'il était assis non loin de là et qu'il était allé voir l'endroit après. Le témoin a également décrit le contexte en détail : ils se trouvaient à Golahun lorsque les forces du LURD ont attaqué, et on leur a fait porter des munitions du LURD. Une autre troupe se dirigeait vers Kolahun. Les troupes gouvernementales ont pris Kamatahun aux rebelles et, lorsque les forces gouvernementales ont attaqué les rebelles à Kamatahun, le témoin transportait des munitions du LURD à Kamatahun, ils se sont ensuite dispersés. C'est à ce moment-là que Zig Zag a enfermé des personnes dans la maison, bien que le témoin n'ait pas été présent au moment des faits.

Après une courte pause, l’audience a repris avec la diffusion d’un enregistrement. Dans cet enregistrement, le témoin se souvient que Massaquoi se « frappait la poitrine » et disait « Je suis Gabriel Massaquoi, communément appelé Ange Gabriel. Tu dois me voir avant de voir Dieu ». La police finlandaise avait demandé au témoin s'il connaissait les deux personnes qui avaient été tuées, et si elles étaient des rebelles ou non. Le témoin a déclaré qu'il s'agissait de civils, mais qu'il ne pouvait pas déterminer leur âge. Le témoin a expliqué que Gibril Massaquoi était l'une des personnes du côté du RUF qui soutenait Zig Zag Marzah concernant l'incendie de la maison. Le témoin a déclaré avoir entendu l'ange Gabriel dire « vous avez amené les rebelles ici, vous les avez nourris et leur avez donné un endroit pour dormir. Vous allez tous mourir ». Le témoin a répété qu'il était assis à proximité et qu'il les avait vus amener des gens dans la ville. Lorsqu'on lui a demandé, il n'a pas pu estimer combien de personnes avaient été placées dans la maison et brûlées, mais il a dit que c'était « un bon nombre de personnes ».

Après que l'enregistrement ait été réécouté plusieurs fois, la Défense a demandé si le témoin voulait le commenter. Le témoin a déclaré qu'il avait commencé par expliquer à l'officier de police que, lorsqu'on est sous la contrainte, il est possible de se souvenir des choses différemment. Il a expliqué que le fait qu'il avait dit à la Cour que Zig Zag avait mis le feu à la maison « selon une image claire » ne faisait pas référence à une « image » visuelle, mais qu'il était clair pour lui que Zig Zag l'avait fait. Selon le témoin, on pouvait voir que les atrocités étaient associées à Gibril Massaquoi, soutenu par Zig Zag, et que les soldats de Gibril Massaquoi sortant les gens de la brousse par les pantalons et les amenant en ville était un ordre de Benjamin Yeaten aux troupes du RUF et du gouvernement. Tout ce qui s'est passé après l'incendie de la maison par Zig Zag n'était qu'intimidation et menaces de mort. Le témoin a déclaré qu'il ne les avait pas vus tuer des gens à ce moment-là. Le témoin a ajouté que, lorsque les policiers lui avaient demandé s'il avait vu les maisons brûler, il avait répondu qu'il se trouvait à quelques mètres de la maison.

Interrogé sur le mémorial qui a été érigé à Kamatahun en raison de cet incident, le témoin a répondu qu'il en avait entendu parler mais qu'il ne l'avait pas vu, car il ne s'y était pas rendu depuis longtemps.

Le vingt-neuvième témoin est entendu

L’Accusation interroge le vingt-neuvième témoin

Le témoin a commencé par décrire ce qu'il a vécu en 2001 lorsque des soldats étaient entrés dans la ville de Kpokulahun. Le témoin a expliqué que des soldats - des rebelles qui se faisaient appeler forces gouvernementales - étaient entrés dans Kpokulahun à plusieurs reprises. À chaque fois, les soldats arrêtaient des gens, et il arrivait que les habitants s'enfuyaient dans la brousse, ce qui incitait les soldats à chasser les gens dans les fermes et la brousse voisines. À une de ces occasions, les soldats ont capturé le témoin, ainsi que sa tante, [victime 37], et sa femme, [victime 36]. Le témoin a précisé que les soldats faisaient de même dans d'autres villes de la région : ils capturaient des gens et les emmenaient de ville en ville. Le témoin s'est souvenu des noms de certaines villes, affirmant qu'ils étaient allés de Kpokulahun à Polorwu, et aussi à Kiatahun et à Kimbalahun, ainsi qu'à d'autres villes. Les soldats ont emmené toutes les personnes qu'ils avaient capturées à Kamatahun, qui, selon le témoin, ressemblait à un camp de déplacés. Une fois sur place, les soldats ont commencé à les humilier, à les battre, à les tuer, à les torturer et à leur faire porter des marchandises. Le témoin a déclaré qu'il y avait beaucoup de rebelles présents, certains se faisant appeler commandant ou général. Il s'est souvenu des noms de certains de ces hommes : Zig Zag Marzah, [soldat 12], [soldat 19], [soldat 20], Gabriel « Ange Gabriel » Massaquoi, [soldat 21], et [soldat 22]. Il a ajouté que ces hommes faisaient ce qu'ils voulaient, et que certains d'entre eux étaient des RUF de Sierra Leone. Le témoin a expliqué que, lorsque les soldats se rendaient sur la ligne de front, la plupart des Sierra-Léonais derrière, ajoutant qu'ils ne se rendaient jamais sur la ligne de front. Il a déclaré que les soldats sierra-léonais étaient les principaux responsables des « méchancetés » commises à leur encontre.

Le témoin se souvient d'une nuit où lui, sa tante [victime 37] et d'autres personnes étaient assis à côté d'une maison en train de discuter, mais craignaient que les soldats n'arrivent à tout moment et ne les arrêtent, car ils savaient que les combattants croyaient qu'il y avait un vieil homme doté d'un charme magique qui protégeait les gens des balles. Le témoin a remarqué que les hommes étaient la principale cible des soldats, et il a donc dit à sa tante qu'il partait.

Peu après son départ, le témoin a commencé à entendre des gens parler en dialecte mende, disant : « Vous allez à l'intérieur, vous les mettez à l'intérieur. Puisque ces gens disent qu'ils ne peuvent pas mourir, nous allons les brûler » (le témoin dit qu'il comprend et parle le mende). Le témoin a déclaré qu'il se trouvait un peu à l'écart, mais qu'il pouvait encore les entendre. Il a ajouté que c'est dans ce contexte qu'ils avaient mis le feu à la maison, et a déclaré que sa tante, [victime 37], avait été tuée dans l'incendie, ainsi que de nombreuses autres personnes qui avaient été placées dans la maison.

Le témoin a rappelé qu’au cours de la même nuit, sept jeunes femmes avaient été capturées. Le témoin se souvient que Zig Zag Marzah, l’Ange Gabriel et bien d'autres (dont le témoin ne se souvient pas) étaient les commandants qui donnaient les ordres cette nuit-là. Le témoin a ajouté que, même avant la nuit de l’incident, chaque fois que Gabriel Massaquoi tuait, il disait « va dire à Dieu que je t'ai envoyé », et se vantait que personne ne va à Dieu sauf ceux qui passent par lui. Le témoin a déclaré qu'il avait donné l'ordre de conduire les sept femmes, dont sa femme [victime 36], dans le « quartier des forgerons ». Le témoin s'y est rendu pour vérifier, ajoutant qu'il s’est senti courageux parce que sa femme y était présente. L'un des soldats l'a remarqué et lui a demandé ce qu'un civil faisait là. Le témoin a alors été battu et blessé près de l'œil, ce dont il porte encore la marque. Le témoin a déclaré que Dieu était de son côté cette nuit-là, car l'un des petits soldats présents était libérien et de sa même tribu, Gbandi. Après avoir expliqué au soldat que sa femme, [victime 36], avait été capturée, le soldat a accepté de l'aider, et a dit que si Zig Zag Marzah et les autres le voyaient là, il serait tué. Le soldat a néanmoins déclaré qu'il allait aider le témoin et lui a demandé de se lever de l'endroit où il était assis sur le sol. Le soldat a éloigné le témoin comme s'il allait le tuer, et c'est ainsi que le témoin s'est enfui dans le buisson de café autour de la ville.

Le témoin a déclaré que sa blessure avait saigné pendant toute la nuit. Au matin, le témoin a entendu dire que les femmes qui avaient été emmenées dans le quartier des forgerons avaient été violées, mais il n'était pas sûr si elles avaient été emmenées sur la ligne de front. Bien que sa blessure le fasse encore saigner, le témoin s'est enveloppé la tête et s'est rendu à l'endroit où les femmes avaient été emmenées. Il a vu que les sept femmes avaient été tuées, certaines nues et d'autres avec des vêtements déchirés. Après avoir vu les femmes mortes, le témoin a quitté Kamatahun pour se rendre à Yandahun, puis à Vahun, que le témoin a décrit comme une sorte de quartier général pour eux. Il a expliqué qu'en raison des blessures qu'il portait, il s'était caché à Vahun, mais qu'il n'y était pas resté longtemps. Il a traversé la frontière pour rejoindre un camp de réfugiés en Sierra Leone. Le lendemain, il a été recueilli par une voiture d'une ONG qui passait par là. Le témoin a ensuite été emmené de Sierra Leone à Monrovia en passant par BO Waterside, et après avoir été soigné, il est rentré chez lui.

Lorsqu'on lui a demandé s'il se souvenait de Gibril Massaquoi parmi les commandants, le témoin a répondu d'une voix sévère par l'affirmative et a déclaré qu'il se souvenait parfaitement de Gibril Massaquoi et de Zig Zag Marzah. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait lui-même entendu les noms de « Gabriel Massaquoi » et d’« Ange Gabriel », le témoin a répondu : « Oui, l'homme qui a été tué devant moi a dit son nom. »

L'Accusation a demandé si le témoin était présent lorsque la maison avait été incendiée. Le témoin a expliqué à nouveau qu'il ne s'était pas éloigné de la maison lorsqu'elle avait été incendiée, et qu'il avait entendu Zig Zag Marzah et Gabriel Massaquoi donner l'ordre d'incendier la maison, ajoutant que tous deux étaient « très féroces et paradaient en ville ». Il a déclaré que c'était Gabriel Massaquoi qui avait donné l'ordre d'emmener les sept femmes dans le quartier des forgerons pour les tuer. Le témoin a noté que Gabriel Massaquoi se comportait envers les Libériens comme s'ils n'étaient pas des êtres humains, ajoutant que Gabriel Massaquoi était originaire de Sierra Leone et n'avait aucun sentiment envers les Libériens.

L'Accusation a demandé au témoin si sa femme figurait parmi les sept femmes qu'il avait vues mortes dans le quartier des forgerons ; le témoin a répondu par l'affirmative. Il a ensuite été demandé au témoin s'il avait vu d'autres atrocités que celles qu'il avait décrites jusqu'à présent. Le témoin a déclaré avoir vu un homme capturé et accusé d'être un combattant du LURD, bien que l'homme ait affirmé être un civil. Le témoin a déclaré que l'homme a été transporté dans la zone où ils avaient précédemment brûlé la maison. Une fois sur place, l'ange Gabriel a donné un ordre à Zig Zag Marzah, déclarant que « cet homme, ce rebelle du LURD, il faut s'en débarrasser. Mangeons son cœur ». Après avoir reçu l'ordre de l'ange Gabriel, Zig Zag Marzah a tué l'homme : il lui a ouvert l'estomac et en a extrait le cœur et le foie, qui ont été mis dans un seau. Le cœur et le foie de l'homme ont ensuite été apportés à une femme Gbandi, [personne A12], pour qu'elle les cuisine afin que les soldats les mangent. Elle était trop désemparée et n'a pas pu couper le cœur et le foie, qui ont été donnés à un soldat pour qu'il les coupe. Le témoin a indiqué que lui et d'autres personnes observaient la scène de loin, et qu'ils avaient vu tout ce qui se passait, bien qu'il n’était pas retourné voir qui avait mangé la viande.

Des questions ont ensuite été posées au témoin dans le but de préciser le cadre temporel et le lieu des incidents qu'il a décrits. Il a expliqué qu'il ne pouvait pas se souvenir du mois exact, mais a répété qu'ils s'étaient produits en 2001. Il a ensuite expliqué qu'en entrant dans Kamatahun depuis Kolahun, la maison incendiée se trouvait sur le côté gauche de la route en direction du centre de la ville, et que la cuisine du forgeron se trouvait sur le côté droit. Il a déclaré que les sept femmes n'avaient pas été emmenées à l'intérieur de l’atelier du forgeron, mais plutôt derrière. Lorsqu'on lui a demandé où se trouvait Massaquoi lorsque le témoin avait essayé d'aller voir ce qui se passait dans le quartier des forgerons, le témoin a déclaré qu'après avoir donné les ordres, Massaquoi a dit qu'il reviendrait plus tard et qu'il était en ville pour mener leurs « activités clandestines ».

Lorsqu'il a expliqué comment il a été impliqué dans le procès, le témoin a déclaré qu'il était entré en contact avec la police finlandaise par l'intermédiaire d'un homme appelé [employé 1]. Lorsqu'on lui a demandé si [l'employé 1] l'avait appelé à un moment donné, le témoin a répondu que [l'employé 1] ne l'avait pas appelé avant que les deux hommes ne se rencontrent. Le témoin a expliqué qu'il était assis dans un magasin et qu'il parlait de Charles Taylor et de la façon dont Zig Zag Marzah avait parlé de manger des gens pendant le procès de Charles Taylor à La Haye. Quelqu'un dans la boutique a mentionné que c'était le même Zig Zag Marzah qui avait mangé des gens à Kamatahun ; le témoin a répondu que c'était vrai, qu'il avait vu Zig Zag Marzah tuer et manger des gens à Kamatahun. À son insu, [l'employé 1] avait écouté cette conversation, il s'est approché du témoin et lui a demandé son nom. [L'employé 1] a demandé au témoin s'il était sûr d'avoir été présent lors des événements qu'il avait décrits et s'il était prêt à en parler si quelqu'un l’interrogeait. Après avoir répondu par l'affirmative, le témoin a donné son numéro à [l'employé 1]. Environ six mois plus tard, en novembre, le témoin a reçu un appel de [l'employé 1] lui demandant où il se trouvait, ce à quoi le témoin a répondu qu'il était dans le comté de Bong. L'[employé 1] lui a demandé s'il pouvait venir parler aux personnes qu'il avait précédemment mentionnées, précisant seulement qu'il s'agissait de ses « amis ». Le témoin a demandé en plaisantant si [le témoin 1] allait le vendre. L'[employé 1] a répondu que les gens voulaient simplement lui parler des atrocités, et a ajouté qu'ils ne le paieraient pas pour cela. Le témoin n'y est pas allé, mais [l'employé 1] l'a rappelé une semaine plus tard pour lui dire que les gens voulaient poursuivre les responsables des atrocités, le témoin a alors accepté d'aller parler avec les gens.

La Défense interroge le vingt-neuvième témoin

La Défense a commencé par interroger le témoin sur la discussion au magasin au cours de laquelle il avait mentionné ses expériences à Kamatahun. Le témoin a expliqué qu'ils parlaient des personnes qui avaient commis des atrocités dans la région, notamment Sam Bockarie, Liberty, [soldat 12], Gabriel et bien d'autres. Le témoin a déclaré avoir discuté des événements qui s’étaient déroulés à Kamatahun avec d'autres personnes et a ajouté qu'il s'était rendu à Kamatahun en janvier dernier. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait vécu à Kamatahun, le témoin a répété qu'il ne vivait pas à Kamatahun, mais que les rebelles avaient capturé des gens de tous les environs et les avaient emmenés à Kamatahun. La Défense a fait remarquer que cela ne correspond pas à ce que le témoin avait déclaré lors de son premier entretien avec la police finlandaise, au cours duquel il avait affirmé qu'il venait de Kamatahun, dans le comté de Lofa, et que sa famille était originaire de Bopolahun. Le témoin a expliqué que, lors de sa première rencontre avec la police finlandaise, il avait déclaré être originaire du comté de Lofa, district de Kolahun, Kporkulahun.

La Défense a continué à interroger le témoin sur son premier entretien avec la police finlandaise, en lui demandant s'il se souvenait en quelle année il leur avait parlé de la guerre. Le témoin a répondu qu'il ne se souvenait pas exactement, déclarant que « le cerveau n'est pas un ordinateur ». La Défense a souligné que dans l'entretien avec la police, le témoin avait déclaré que le LURD avaient attaqué Lofa en 2000 / 2001. Le témoin a répété que l'année exacte dont il se souvenait était 2001. Après cela, le témoin a expliqué que toutes les personnes qu'il avait précédemment cités comme ayant été présentes à Lofa n'étaient pas toutes là au moment de l'incident.

La Défense a ensuite interrogé le témoin sur les détails de l'incident survenu à l'atelier du forgeron. Le témoin a répété que les sept femmes, ainsi que sa femme, [victime 36], avaient été transportées derrière l'atelier du forgeron, qu'il était allé voir ce qui se passait, et qu'il avait ensuite été capturé et battu. Le témoin a ajouté qu'il avait été détenu et battu pendant environ 30 minutes, et qu'il savait que d'autres femmes avaient été violées dans la ville en plus des sept femmes qui avaient été emmenées à l'atelier du forgeron. Il a conclu qu'il était suffisamment proche des femmes emmenées à l'atelier du forgeron pour pouvoir les reconnaitre. La Défense a soutenu que le témoin avait déclaré lors de l’audition par la police qu'il avait entendu parler des femmes violées près de l'atelier du forgeron. Le témoin a répété qu'il avait vu les femmes et qu'il n'en avait pas entendu parler.

Le témoin a ensuite été interrogé sur sa visite à Kamatahun en janvier 2021. Il a déclaré que c'était la première fois qu'il s'y rendait depuis l'incident de 2001 et que, lorsqu'il y était allé cette année, il n'y avait pas passé plus d'une heure.

(Un enregistrement est diffusé : « À Kamatahun Hassala, étiez-vous présent ou avez-vous entendu parler du viol de femmes dans une maison située derrière l'atelier du forgeron ? Oui, oui, il y avait beaucoup d'atrocités. Les viols étaient courants, ils violaient juste les femmes. Pour nous, nous étions des civils, donc nous ne pouvions pas aller trop près. J'ai passé plus d'un mois à Kamatahun »).

(La Cour réécoute plusieurs fois certaines parties de l’enregistrement)

Le témoin précise que la question posée était de savoir s'il était au courant des viols qui avaient eu lieu derrière l'atelier du forgeron, et qu'il avait répondu qu'il était au courant.

Le trentième témoin est entendu

L’Accusation appelle le trentième témoin à la barre

Le trentième témoin a commencé par décrire la maison d'hôtes du RUF à Congo Town, Monrovia, et l'expérience qu'elle y a vécue. Le témoin a déclaré y avoir passé du temps avec son amie [personne A2], mais qu’elle n'y avait pas dormi, elle retournait chez elle, tandis que son amie y restait. Il y avait beaucoup d'autres gens qui y séjournaient, et l'amie du témoin [personne A2] était amie avec beaucoup de personnes, y compris Benjamin Yeaten, le général Mosquito (Moustique), et son fiancé, Gibril, qu'ils appelaient « oncle Massaquoi ». Le trentième témoin se souvient que la première fois qu'elle était allée à la maison d'hôtes, c'était en 2000, mais ne se rappelait pas le mois exact. Elle a déclaré qu'elle et [la personne A2] suivaient Massaquoi et les autres chaque fois qu'ils quittaient la ville. Le témoin a également déclaré que Massaquoi avait loué un appartement pour son amie en face de la station radio Kiss FM. Elle avait rencontré Massaquoi à plusieurs reprises, car elle avait fini par loger avec son amie dans l'appartement loué.

Le trentième témoin s'est souvenu qu'outre la maison d'hôtes, les autres garçons avaient l'habitude d'aller au « Black Gate », qui se trouvait également en ville. Elle a également déclaré qu'elle savait que Massaquoi, Yeaten et Mosquito (Moustique) avaient été autorisés à rester dans la maison d'hôtes, car elle ne les avait rencontrés que là, et ils avaient également l'habitude de venir à l'appartement de son amie. La maison d'hôtes a expliqué que lorsqu'ils sortaient tous, elle les suivait. Elle voyageait avec eux dans un convoi de trois pick-ups. Ils emmenaient le témoin et son amie à Voinjama, et les laissaient dans une maison de trois chambres, parfois pendant 5-6 jours, avant de revenir. Le trentième témoin et son amie avaient reçu l'ordre de ne pas entrer dans l'une des pièces de la maison. Le témoin se souvient qu'un jour, ils étaient arrivés dans trois camionnettes, dont l'une était couverte de bâches, et ont dit au témoin et à son amie de rentrer à l'intérieur. Trois jours plus tard, le témoin en a parlé à son amie, car elle avait peur et se demandait pourquoi l'homme leur avait ordonné d'entrer dans la maison comme il l'avait fait.

Le trentième témoin a ensuite décrit le jour où l'un des soldats sierra-léonais avait laissé la porte de la pièce interdite ouverte. Elle est entrée dans la pièce à la recherche d'un ustensile de cuisine et a été surprise de voir un gros pistolet « comme celui que l'on voit dans une émission de commando ». Le témoin a appelé son amie pour qu'elle vienne voir, et lorsque Massaquoi a découvert que le garçon n'avait pas verrouillé la porte, il était venu et avait trouvé le témoin et son amie à l'intérieur de la pièce. Il les a battus toutes les deux, au point de laisser une marque sur le témoin. Il a tiré une balle dans la jambe du garçon et l’a apparemment emmené sur la ligne de front. Le témoin n'a pas revu le garçon.

Le trentième témoin a alors révélé que son amie était enceinte de Massaquoi, et que ce dernier les avait enfermées dans la maison et laissées pendant deux jours, avant de les libérer à son retour. Le témoin a convaincu l'un des chauffeurs de Massaquoi, un jeune Sierra-Léonais avec lequel elle s'était liée d'amitié, de les aider à s'échapper, et elles sont revenus à Monrovia. Le témoin a déclaré que, lorsque Massaquoi était revenu à Monrovia, il avait convaincu son amie de le reprendre parce qu'elle portait son enfant. Elles sont retournées à Lofa avec Massaquoi, mais cette fois en hélicoptère - ils ont atterri à Kolahun, puis ont été emmenés à Voinjama. Le témoin a ajouté plus tard que des munitions étaient transportées dans l'hélicoptère, et que Massaquoi était avec eux. Le témoin a déclaré qu'ils avaient voyagé en hélicoptère parce qu'ils disaient qu'il y avait un risque d'embuscade en voyageant par la route.

Le témoin a déclaré qu'un matin, un garçon avait été abattu, mais elle a ajouté : « Je ne sais pas si c'était son chef, Benjamin Yeaten, il a tiré sur un garçon. » Elle a eu peur et a quitté son amie. Le témoin ne sait pas ce qui est arrivé à son amie, car elle ne l'a pas revue, mais elle a appris que son amie avait donné naissance à une petite fille.

L'Accusation a ensuite interrogé le témoin sur les voyages à Lofa et les détails les concernant. Elle a déclaré qu'elle et son amie, [personne A2], s'étaient rendues trois fois à Lofa avec Massaquoi et d'autres personnes. Les deux premières fois, en 2000, des hommes étaient venus les chercher à Black Gate, où ils avaient chargé des objets dans les trois pick-up et les avaient recouverts de bâches noires. Benjamin Yeaten, Mosquito (Moustique), [soldat 24], [soldat 25], et un Sierra-Léonais, Kallon, étaient également avec eux lors du voyage en 2000. Elle a déclaré que, lorsqu'ils arrivaient à Voinjama, le témoin et son amie étaient enfermés dans la maison et les pick-up étaient emmenés pour être déchargés. Le témoin a déclaré que son dernier voyage avait eu lieu en 2001, lorsqu'ils av avaient voyagé hélicoptère, après quoi elle n'y était pas retournée. Elle a dit qu'elle ne se souvenait pas, en raison du grand nombre de personnes, si celles qu'elle avait nommées précédemment faisaient toutes partie du voyage de 2001, mais que les personnes dont elle était proche étaient celles qu'elle avait nommées.

Le trentième témoin a déclaré à l'Accusation qu'elle ne savait pas où les hommes allaient, car elles restaient seules dans la maison, pendant 3 à 7 jours. Parfois, [le soldat 24] revenait des lignes de front avec des soldats blessés, notamment des Sierra-Léonais, et les emmenait à l'hôpital de Voinjama. Le témoin a déclaré qu'un Sierra-Léonais – « oncle Massaquoi » / Gibril Massaquoi - arrivait plus tard et passait du temps avec son amie pendant que le témoin cuisinait dehors.

En réponse à une question du Procureur qui lui a demandé si elle avait fait un voyage lorsqu’elle et son amie étaient revenue de Lofa en moto, le témoin a répondu par la négative - précisant qu'elle n'avait pris qu'une voiture et un hélicoptère. Le Procureur a ensuite demandé si elle savait si Massaquoi avait d'autres petites amies en dehors de [la personne A2]. Elle a répondu qu'elle ne connaissait que [la personne A2] parce qu'elles étaient amies.

L'interrogatoire s’est ensuite tourné vers son entretien avec la police finlandaise et sur la façon dont il avait commencé. Le trentième témoin a décrit un incident où elle était à la frontière à Bo Waterside pour obtenir des marchandises, et avait fini par parler à un homme Sierra Léonais qui avait eu des problèmes à la frontière en raison d’un passeport expiré. Elle a mentionné Benjamin Yeaten, et « Butt Naked », mais n'a pas mentionné le nom de Gibril. Elle a ajouté qu'elle connaissait non seulement Yeaten, mais aussi le nouvel « oncle Gibril Massaquoi », dont elle a dit que son amie était amoureuse. L'homme lui a demandé son numéro, qu'elle a donné, puis il lui a demandé une photo avant de partir.

Quelques jours plus tard, le témoin a reçu un appel du Sierra-Léonais avec lequel elle avait parlé à la frontière. Il a rappelé le lendemain et a dit qu'il avait un ami blanc qui souhaitait la rencontrer. Elle a eu peur d'aller à leur rencontre et a d'abord pensé que l'homme, qui s'était présenté comme [personne A13], voulait la vendre aux Blancs, mais elle a finalement accepté d'aller à l'hôtel pour les rencontrer, et a fini par accepter de leur parler.

Il y avait une femme et un homme blancs, et un homme noir avec eux. Ils lui ont montré des photos et lui ont posé des questions, tout en l'enregistrant. Elle ne comprenait pas la dame blanche, mais l'homme noir qui était là a fait l'interprète. La femme blanche a demandé si le témoin connaissait quelqu'un sur les photos, et le témoin a désigné Gibril. La femme blanche a ensuite expliqué que c'était la raison pour laquelle ils voulaient lui parler : quelqu'un l'avait entendue parler de Yeaten et ils voulaient obtenir des détails.

Le trentième témoin a déclaré que [l'employé 1] l'avait appelée un lundi pour lui dire que les personnes qui l'avaient interrogée voulaient la revoir. Elle a eu peur et a dit qu'elle ne viendrait pas. Cependant, [l'employé 1] l'a rappelée pour apaiser ses craintes et lui a dit qu’elle pouvait donner son numéro à ses parents au cas où il lui arriverait quelque chose.

Le témoin a déclaré qu'elle n'avait parlé à personne d'autre de cette affaire et qu'elle avait rencontré une dame, un homme de petite taille et un homme de grande taille.

La Défense interroge le trentième témoin

La Défense a commencé son interrogatoire en demandant au trentième témoin de parler de la personne qui lui avait parlé de Benjamin Yeaten à la frontière. Le trentième témoin a déclaré que son nom était [personne A13], et qu'elle ne l'avait rencontré qu'une fois. Elle a également dit qu’elle ne l'avait pas vu depuis. Le trentième témoin a également déclaré à la Défense qu'elle n'avait jamais vu [l'employé 1] auparavant et qu'elle ne savait pas s'il/elle était noir ou blanc. Ils se sont seulement parlé au téléphone et c'est tout. Avant de venir témoigner, le trentième témoin a déclaré qu'on lui avait indiqué la direction d'un hôtel, où elle était arrivée la veille.

La Défense a ensuite demandé au témoin quand elle avait rencontré [la personne A13] à la frontière, ce à quoi elle a répondu : en novembre, date dont elle se souvenait car elle venait chercher des produits pour Noël. Elle ne se souvenait cependant pas de la date exacte. Lorsqu'on lui a demandé comment [l'employé 1] avait obtenu son numéro, elle a répondu qu'elle pensait que c'était par les personnes qui l'avaient interrogée. Le trentième témoin a déclaré qu'elle savait pourquoi ils avaient voulu l'interroger, et a répété qu'ils lui avaient montré les photos le jour même où ils l'avaient interrogée. Les photos ont été la première chose qui lui a été montrée au début de l'entretien.

La Défense a ensuite fait référence au résumé de l’audition par la police où il est écrit qu'elle savait que l’audition concernait Gibril Massaquoi avant le début de l’audition. Le trentième témoin a nié cette affirmation, déclarant qu'elle se savait absolument pas qu'il s'agissait de Massaquoi, elle savait seulement qu'un homme blanc voulait la rencontrer et que c'était pour cela qu'elle était venue. L'interrogatoire de la Défense a ensuite porté sur sa relation avec la [personne A2]. Le trentième témoin a déclaré qu'elle avait l'habitude de lui rendre visite et de retourner chez elle, et qu'elles étaient restées ensemble en ville pendant 5 ans. La Défense a demandé qui était la [personne A14], et le témoin a répondu qu'elle ne le savait pas. Elle a dit que les gens avaient des noms et des noms de combattants, et qu'elle était familière avec les noms de combattants. La Défense a souligné une partie de son audition par la police, dans laquelle elle aurait mentionné la présence d'une [personne A15] dans la maison d'hôtes lorsqu'elle y était allée avec son amie. Le trentième témoin a nié l'avoir mentionné. Elle a également nié avoir dit que le nom de son amie était [personne A14]. Le trentième témoin a expliqué que le nom de son amie était [personne A2] et non [personne A14]. Elle a également déclaré qu'elle ne savait pas si la police finlandaise l'avait mal écrit, car elle ne faisait que parler et on ne lui avait pas montré ce qu'ils avaient écrit.

Au cours de la partie suivante, la Défense a diffusé un enregistrement de l’audition par la police, parce qu'un témoin précédent avait mentionné le nom de la [personne A14]. Dans la première partie de l'enregistrement, l'enquêteur a demandé au témoin si elle savait qu'elle était là pour Gibril Massaquoi, ce à quoi elle a répondu par l'affirmative. Le témoin a expliqué que, lorsqu'elle était arrivée à l’audition, on lui avait dit qu'elle avait mentionné le nom de Benjamin Yeaten à la frontière, et on lui a demandé si elle connaissait des gens sous ses ordres, comme Gibril Massaquoi. Elle a répondu qu'elle connaissait Gibril Massaquoi, et c'est ainsi qu'ils ont apporté les photos et lui ont demandé de désigner les personnes qu'elle connaissait. La deuxième partie de l'enregistrement a été diffusée : le témoin a mentionné une personne nommée [personne A15] et, lorsqu'on lui a demandé le nom de son amie, elle a indiqué le nom [variante du nom de la personne A2]. Le trentième témoin a précisé que [la personne A2] avait trois noms, et qu'elle avait mentionné son prénom et son second prénom dans l'enregistrement, et qu'aujourd'hui elle avait mentionné son prénom et son nom de femme. Le témoin a également précisé plus tard que [la personne A15] était son fiancé décédé, avec qui elle a eu un enfant, et dont elle ne voulait pas parler.

La Défense l'a ensuite interrogée sur sa première visite à la maison d'hôtes. Le trentième témoin a répondu que c'était en novembre, mais qu'elle ne se souvenait pas de la date exacte. Elle a déclaré qu'elle n'avait jamais mentionné de date à la police, et qu'elle avait eu peur ce jour-là. La Défense a avancé que le résumé de la police indiquait qu'elle s'était rendue à la maison d'hôtes le 18 mars 2001. Le témoin a précisé qu'elle voulait dire que c'était la première fois qu'elle entrait dans la maison d'hôtes. Avant cela, son amie avait l'habitude de venir à sa rencontre. Le 18 mars 2001, son amie lui a dit qu'elle devait entrer et elles étaient toutes deux entrées dans la maison d'hôtes.

La Défense a ensuite demandé au témoin comment elle se souvenait de la date exacte à laquelle elle s'était rendue à la maison d'hôtes et avait rencontré [la personne A15] et Massaquoi. Le trentième témoin a expliqué qu'il s'agissait de l'anniversaire d'une de ses cousines, que son amie l'avait appelée et que le témoin était allé la retrouver. La Défense l'a ensuite interrogée à ce sujet, et le témoin a précisé le nom de sa cousine, et a ajouté qu'elle était la fille de la tante du témoin. La Défense a de nouveau fait référence à l’audition par la police, précisant que le trentième témoin avait mentionné que cette date était l'anniversaire d'une amie. Le trentième témoin a réitéré que l'amie qu'elle avait mentionnée était sa cousine.

La Défense a ensuite demandé quand elle s'était rendue pour la première fois dans la région de Voinjama, ce à quoi le témoin a répondu que c'était fin 2000, et a précisé qu'ils y étaient allés deux fois fin 2000 et une fois début 2001. La Défense a demandé si elle était allée à Voinjama avant d'être dans la maison d'hôtes. Elle a répondu qu'elle avait eu peur lorsqu'elle rencontrait son amie et qu'elle restait donc dehors. Le témoin a déclaré qu'elle ne se souvenait pas si elle était entrée dans la maison d'hôtes avant de se rendre à Voinjama. Elle a également déclaré qu'elle avait rencontré Massaquoi pour la première fois en personne en 2001. La Défense a demandé comment cela pouvait être vrai alors qu'elle avait déclaré à la police finlandaise qu'elle avait voyagé avec Massaquoi en 2000 par la route. Le témoin a précisé qu'elle était allée avec eux en 2000, mais qu'elle ne connaissait pas le nom de Massaquoi à l'époque, elle ne connaissait que les noms de Benjamin Yeaten et Mosquito (Moustique).

La Défense a de nouveau fait référence au résumé de la police, soulignant une déclaration dans laquelle elle avait dit que, deux semaines après l'avoir rencontré, elle et son amie étaient allés à Lofa avec lui, ce qui, selon elle, était en 2002, et a signalé une apparente incohérence avec son témoignage selon lequel le premier voyage avait eu lieu à la fin de 2000. Le témoin a expliqué que la police avait peut-être fait une erreur, car elle n'avait jamais dit 2002, puisqu'elle était au Nigeria en 2002. Elle a répété qu'elle avait dit 2000 et 2001, puis a noté qu'elle avait peut-être mentionné le début de 2002 car elle était allée à Lofa pour dire à ses parents qu'elle se rendait au Nigeria, mais pas avec Gibril et [la personne A2].

La Défense est revenue sur la maison d'hôtes, demandant combien de fois elle y était entrée, ce à quoi le témoin a répondu qu'elle y était entrée une fois. Elle a déclaré que la première fois qu'elle avait rencontré Massaquoi, c'était lorsque son amie les avait présentés ; il avait dit qu'il s'appelait Massaquoi. Et son amie a dit qu'il était son petit ami. Le témoin a déclaré qu'elle ne se souvenait plus de son nom.

La Défense a interrogé le témoin sur la façon dont elle était revenue de Lofa, soulignant une apparente incohérence dans son récit, ce à quoi le témoin a répondu qu'elle était allée à Voinjama deux fois et à Kolahun une fois. Le témoin a précisé qu'elle n'avait rien dit à la police au sujet d'un hélicoptère. Interrogée sur un voyage à moto, le témoin a expliqué que lorsque Gibril les avait emmenés, c'était le même pick-up qui les avait ramenés - les trois pick-up, et qu'elle était revenue de chez ses parents à Lofa en moto, car la route était mauvaise et qu'elle avait dû rentrer pour aller au Nigeria.

L'interrogatoire s’est ensuite tourné vers la raison pour laquelle elle n'avait pas mentionné sa propre agression dans le résumé. Le trentième témoin a répété que Massaquoi avait battu son amie lorsqu'elle était entrée dans la pièce interdite. Elle a dit qu'elle s'était interposée entre eux, que Massaquoi l'avait poussée et qu'elle s'était cogné le nez contre la porte. Massaquoi a ensuite fait tomber son amie et a commencé à la frapper. Le trentième témoin était parti, et un soldat était venu dire à Massaquoi que la [personne A2] était enceinte. Le témoin a confirmé que son amie avait demandé à Massaquoi pourquoi il avait des armes dans la maison, et que Massaquoi lui avait répondu qu'elle devait venir sur la ligne de front si elle voulait le savoir, mais [la personne A2] n'y était jamais allée. Le témoin a confirmé que c'était à ce moment-là qu'elle avait décidé de s'échapper.

La Défense a ensuite rappelé au témoin qu'elle avait dit qu'elle et son amie avaient volé de l'argent à Massaquoi et s'étaient rendues à Monrovia à moto. Le témoin a suggéré que la police ne l'avait peut-être pas bien entendue et a répété qu'elle avait conduit une moto lorsqu'elle était allée rendre visite à ses parents. Elle a déclaré que, lorsqu'elle et son amie s’étaient échappées, un chauffeur qui était un jeune garçon Mende s'était échappé avec eux. Elle a précisé que son amie ne pouvait pas faire de moto car elle était enceinte.

La Défense a de nouveau fait entendre l’extrait d’un enregistrement dans lequel le témoin a déclaré : « nous n'avons jamais porté l'enfant. Elle a laissé le bébé et ils ont porté une moto Yamaha ».

Le trentième témoin a répondu que son amie et Gibril avaient eu un enfant ; qu'elle était enceinte quand ils y étaient allés, mais que les coups avaient fait bouger le bébé. Le trentième témoin a déclaré qu'elle ne se souvenait pas de l'âge de l'enfant, mais qu'elle avait l'habitude d'aller le voir lorsqu'ils avaient loué l'appartement à Congo Town. La Défense a déclaré qu'on avait demandé au témoin quand l'enfant était né, et qu'elle avait répondu que son amie était tombée enceinte après la première rencontre et que l'enfant était né au début de l’année 2002. Le témoin a répondu qu'elle avait peut-être oublié et qu'elle ne pouvait pas se souvenir de tout.

Le trentième témoin a déclaré que la raison pour laquelle elle n'avait pas dit à la police qu'elle était allée à Lofa était qu'elle ne pouvait pas tout expliquer. Elles s’étaient enfuies deux fois ; après la première fois, il était venu et avait supplié, et son amie avait donné 300 USD au témoin pour qu’elle économise pour le Nigeria afin de partir avec elle, parce que son amie « voulait quelque chose de lui ». Le trentième témoin a expliqué qu'elle n'avait jamais revu Massaquoi après leur fuite. Elle n'a vu la [personne A2] que lorsqu'elle a assisté à son mariage. Elle est ensuite partie à la recherche de la [personne A2], mais certains lui avait dit qu'elle avait déménagé, d'autres qu'elle était en voyage. Elle avait dit à la police pendant l’audition qu'elle la retrouverait, mais elle ne l'a pas trouvée quand elle est allée la chercher.

La Défense a ensuite demandé si Massaquoi ou quelqu'un d'autre avait utilisé un nom de combattant, ce à quoi le témoin a répondu qu'ils l'avaient peut-être dit, mais qu'elle ne l'avait pas entendu. Elle a dit qu'elle ne le connaissait que sous le nom d' « oncle Massaquoi », et que ce n'est que lors de l’audition qu'elle avait appris qu'il s'appelait Gibril.

L'Accusation a ensuite demandé au témoin comment la police finlandaise lui avait montré des photos pendant l’audition, ce à quoi elle a répondu qu'ils lui avaient montré de nombreuses photos au début de l’audition. En réponse à une question sur le fait de savoir si elle avait rencontré Albert lorsqu'elle était arrivée à Monrovia et qu'elle l'avait attendu, le témoin a déclaré que non, qu'elle avait seulement reçu un appel, et qu'elle ne savait pas s'il était noir ou blanc, et a rappelé que la nuit dernière elle l'avait appelé pour payer sa nourriture. La Défense a repris l’interrogatoire et a demandé s'ils avaient arrangé sa nourriture. Elle a répondu qu'ils lui avaient donné du beurre de palme la nuit dernière et du thé et du pain ce matin, et a précisé qu'elle était enceinte. La Défense a demandé si elle connaissait les personnes chez qui elle logeait à Monrovia. Le témoin a déclaré avoir rencontré une femme mais ne pas connaître son nom. Elle a également déclaré qu'il y avait deux hommes dans leur propre appartement, mais qu'elle ne les connaissait pas non plus. Lorsqu'on lui a demandé si elle avait vu des photos après l’audition, le témoin a d'abord répondu qu'elle ne s'en souvenait pas, puis a déclaré qu'on ne les lui avait montrées qu’une fois.

L'audience s'est terminée à 17 h 40 et reprendra le 22 mars 2021.


+ Point hebdomadaire - Sixième semaine

Présentation des audiences et des témoins de la sixième semaine

La sixième semaine du procès de Gibril Massaquoi s'est terminée le 19 mars 2021 après trois jours d'audience à Monrovia, au Libéria. Les audiences étaient dédiées aux témoignages de dix témoins, dont le premier est revenu pour finaliser son témoignage sur son expérience à Waterside pendant la deuxième guerre civile, après avoir fait sa première apparition lors d’une audience de la semaine précédente.

Avec la fin de la déposition du dix-septième témoin, les débats se sont tournés vers les événements qui auraient eu lieu dans le comté de Lofa. Le dernier témoin de la semaine a parlé de ses liens avec le RUF entre 2000 et 2002 - fournissant des informations sur l'implication présumée de M. Gibril Massaquoi dans les événements du comté de Lofa. Les huit autres témoins ont décrit leurs expériences pendant les combats entre groupes rebelles. Comme pour les témoins précédents, leurs identités ont été dissimulées.

Les témoins ont été entendus dans l'ordre suivant et peuvent être décrits comme suit :

Seizième jour de l'observation du procès (16 mars 2021)

• Dix-septième témoin - suite du 8 mars 2021 (treizième jour) : témoin de la Défense ; homme ; ~30-32 ans au moment de l'incident ; travaillait à Monrovia en tant que personnel médical traitant les personnes blessées par les combats à Waterside (entre 2001 et 2003) ; des patients lui ont raconté les détails d'un incident dans un magasin de biscuits à Waterside. La suite de son interrogatoire a été menée par la Défense.

• Vingt-deuxième témoin : témoin de l’Accusation ; homme ; âge inconnu ; a décrit un incident à Kiatahun ; a été capturé et a vu des personnes être tuées en 2001.

• Vingt-troisième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; âge inconnu ; enseignant, a décrit les événements qu'il a vécus, vus ou entendus en 2001 : le meurtre d'un homme, l'incendie de maisons et de cuisines, sa capture et celle d'autres personnes, l'incendie de nombreuses personnes dans une maison et un viol.

• Vingt-quatrième témoin : témoin de l’Accusation ; femme ; âgé de 15 à 17 ans au moment des faits ; a décrit : le meurtre de ses parents par un soldat sous les ordres de l'Ange Michael ; sa capture par un groupe de soldats ; et l'incendie de nombreuses personnes dans une maison.

Dix-septième jour de l'observation du procès (17 mars 2021)

• Vingt-cinquième témoin : témoin de l'Accusation, femme ; ~21 ans au moment de l'incident ; a décrit les événements survenus en 2001 : des soldats ont pillé des maisons du village de Babahun et l'ont forcée, elle et d'autres villageois, à porter des marchandises pour eux ; le meurtre de son fils ; ses propres blessures ; et des villageois abattus par des soldats sur l'ordre de l’« Ange Gabriel Massaquoi ».

• Vingt-sixième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; âgé de 32 ans au moment des faits, a décrit : l'arrivée des soldats dans son village, Kotohun I, le meurtre de sa femme et de sa sœur, sa capture et celle d'autres personnes, le fait d'être forcé par les soldats à transporter des objets de valeur volés dans des maisons incendiées, et sa détention dans un bâtiment à Foya.

• Vingt-septième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; âgé de 56 à 57 ans au moment des faits, a décrit : l'arrivée de soldats dans sa ville natale au début de 2001, l'incendie de son village, le fait d'avoir été forcé par les soldats à transporter des biens volés dans les maisons du village jusqu'à Foya, et un viol.

Dix-huitième jour de l'observation du procès (19 mars 2021)

• Vingt-huitième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; âgé de 31 ans au moment des faits, a décrit : avoir été forcé de transporter des munitions pour différentes forces armées ; avoir été agressé par Gibril Massaquoi et par des soldats sous son commandement ; le meurtre de civils ordonné par Gibril Massaquoi ; un acte de cannibalisme ; et avoir entendu que des personnes avaient été brûlées à l'intérieur d'un bâtiment.

• Vingt-neuvième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; âgé de 31 ans au moment de l'incident ; a décrit l'arrivée de soldats à Kpokulahun, où ils ont capturé des personnes qu'ils ont ensuite battues, tuées et torturées, et ont forcé les villageois à porter des marchandises pour les soldats ; le viol et le meurtre de sept femmes près d'un atelier de forgeron; l'incendie de maisons ; et le meurtre et la dégustation d'un homme par l’Ange Gabriel et Zig Zag Marzah.

• Trentième témoin : témoin de l'Accusation ; femme ; âge inconnu ; a décrit une maison d'hôtes fréquentée par les dirigeants du RUF à Monrovia ; a relaté trois voyages qu'elle a effectués dans le comté de Lofa avec des membres du RUF entre 2000 et 2001 ou 2002, à la fois par la route et par hélicoptère ; a vu des armes dans une maison du RUF à Voinjama ; et a décrit un incident au cours duquel « l’oncle Massaquoi » les a battues, elle et son amie.

Audition du dix-septième témoin (suite)

La Défense a repris l’interrogatoire du dix-septième témoin - le seul témoin qui a parlé des événements survenus à Waterside, Monrovia, au cours de la sixième semaine. La Défense a poursuivi ses efforts pour clarifier le moment de l'incident à la biscuiterie, visant à établir que les patients du dix-septième témoin avaient commencé à parler de cet incident en juin 2003 ou autour de cette date. Le témoin a clarifié d'autres aspects de son témoignage, précisant que les blessures qu'il avait traitées en relation avec cet incident dataient d'au moins deux mois, et que ses patients ne lui avaient pas dit quand l'incident s'était produit. En ce qui concerne ce que le témoin a vu personnellement, le dix-septième témoin a précisé qu'il n'avait pas vu de corps à la biscuiterie, mais que ses patients lui avaient simplement parlé de l'incident.

Témoignage concernant le comté de Lofa

Les témoins ont témoigné sur différents événements survenus dans le comté de Lofa, entre 2000 et 2003, en relation avec plusieurs chefs d'accusation. Il y avait plusieurs points communs entre leurs témoignages, et certains témoins ont fourni des détails distincts et notables, qui sont apparus au fur et à mesure qu'ils parlaient des événements et de leurs interactions avec la police finlandaise :

Description des événements dans le comté de Lofa

L'incendie de maisons avec des personnes à l'intérieur (meurtre)

• Le vingt-troisième témoin a déclaré que plusieurs personnes qui avaient été capturées à Kamatown avaient été rassemblées et placées dans une maison qui avait été incendiée. Le vingt-quatrième témoin a également vu de nombreuses personnes à Kamatown forcées à entrer dans une maison à laquelle les soldats avaient ensuite mis le feu. Alors qu'il s'échappait, le vingt-neuvième témoin a entendu des personnes, dont sa tante, être placées dans des maisons à Kamatahun, qui ont ensuite été incendiées.

• Deux témoins ont mentionné des incidents au cours desquels des personnes auraient été brûlées dans des maisons, dont ils ont entendu parler mais qu'ils n'ont pas vus personnellement. Le vingt-deuxième témoin s'est échappé avant que des personnes ne soient brûlées dans une maison de Kiatuhun, mais il a appris plus tard ce qui s'était passé par sa sœur, qui se trouvait sur place. Le vingt-huitième témoin a vu des personnes capturées par des soldats, et a appris par la suite qu'elles avaient été placées dans une maison qui avait été incendiée.

• Les vingt-deuxième, vingt-troisième, vingt-quatrième et vingt-neuvième témoins ont déclaré que les gens étaient brûlés dans les maisons soit parce que les fusils ne tiraient pas, soit parce que les soldats pensaient que les villageois ne pouvaient pas être tués par des balles. Le vingt-neuvième témoin, par exemple, a précisé que les soldats pensaient qu'un vieil homme du village avait un charme magique qui le rendait imperméable aux balles, et le témoin a entendu les soldats dire, « puisque ces gens disent qu'ils ne peuvent pas mourir, nous allons les brûler. »

• Le vingt-huitième témoin a déclaré avoir entendu une rumeur selon laquelle Zig Zag Marzah aurait donné l'ordre de brûler la maison. Le vingt-neuvième témoin a déclaré que Zig Zag Marzah et Gibril Massaquoi étaient tous deux présents lorsque la maison avait été brûlée.

• Plusieurs autres témoins ont déclaré que les soldats brûlaient les maisons après les avoir pillées, mais n'ont pas précisé si des personnes s'y trouvaient à ce moment-là.

Cannibalisme (atteinte à la dignité des personnes décédées)

• L'Accusation a rappelé la déposition du vingt-quatrième témoin auprès de la police, dans laquelle elle a déclaré que « Gabriel » avait une femme qui cuisinait pour lui, et qu'un jour il avait fait venir cette femme et lui avait dit qu'elle serait mangée dans sa soupe. Dans sa déposition, le vingt-quatrième témoin a nié avoir dit que Gabriel avait fait venir cette femme.

• Le vingt-huitième témoin a décrit un homme qui a été tué parce qu'il était un espion, sur ordre de Gibril Massaquoi. Le vingt-huitième témoin a déclaré que des soldats avaient retiré les intestins et les organes internes de cet homme et qu'une femme avait reçu l'ordre de préparer une soupe au poivre avec les parties du corps, que les soldats avaient ensuite mangées.

• Le vingt-neuvième témoin a décrit l'Ange Gabriel ordonnant à Zig Zag Marzah de tuer un homme parce qu'il était membre du LURD, et a déclaré qu'ils avaient prélevé le cœur et le foie de l'homme, et apporté les organes à une femme pour qu'elle les cuisine. Le vingt-neuvième témoin n'est pas resté pour voir qui avait mangé les restes humains.

Viols et violences sexuelles

• Sur la route de Kamatown, le vingt-troisième témoin a vu des soldats avoir des relations sexuelles avec une fille. Il a également déclaré qu'il avait entendu parler de viols, mais qu'il ne les avait pas vus.

• Alors qu'il était détenu par des soldats à Foya, le vingt-septième témoin a entendu des soldats violer deux jeunes filles mineures et violer collectivement une femme.

• Le vingt-neuvième témoin a vu des femmes être emmenées dans le quartier des forgerons. Il s'est enfui dans la brousse, mais a appris le lendemain matin que les femmes avaient été violées. Il est retourné dans la zone et a vu leurs cadavres, certains nus et d'autres avec des vêtements déchirés.

Travail forcé

• Les vingt-troisième, vingt-cinquième, vingt-sixième, vingt-septième et vingt-huitième témoins ont déclaré avoir été capturés et forcés par des soldats à porter et transporter des munitions ou des biens pillés à Foya.

Agressions aggravées

• Le vingt-huitième témoin a décrit avoir été capturé par le RUF et accusé d'espionnage. Il a ensuite été soumis à des chocs électriques et à la méthode de torture appelée « sassy-wood », et a déclaré que Gibril Massaquoi lui avait uriné dans la bouche.

Chronologie des événements

De nombreux témoins ont déclaré que les événements du comté de Lofa s’étaient déroulés en 2001, bien qu'il y ait quelques divergences entre ce qui a été dit dans les déclarations initiales à la police et lors du procès. Le vingt-quatrième témoin était le seul à ne pas se souvenir de la date des événements, et n'a pas identifié d'année ou de saison.

• Le vingt-troisième témoin a mentionné deux dates précises auxquelles les événements s’étaient produits à Kiatahun. Tout d'abord, il a déclaré que, le 7 avril 2001, des soldats étaient entrés à Kiatahun et avaient tué un homme, puis étaient revenus le lendemain et avaient brûlé des maisons. Il a ensuite déclaré que, le 13 août, les soldats étaient revenus et avaient capturé les villageois.

• Lors de son interrogatoire par la police, le vingt-cinquième témoin a déclaré que les événements avaient eu lieu en 1997. Il a cependant affirmé au cours du procès qu'ils s'étaient produits pendant la saison sèche de 2001.

• Le vingt-sixième témoin a rappelé que les événements s'étaient également produits au début de 2001.

• Le vingt-septième témoin a également situé les événements au cours de la saison sèche de 2001, au début de l'année.

• Le vingt-neuvième témoin a également mentionné que les événements s'étaient produits en 2001, mais n'a pas été en mesure d'être plus précis.

• Le vingt-huitième témoin a déclaré qu'il avait été capturé par le RUF en 2002, et qu'il faisait sec à l'époque, tout en maintenant que, lors d'événements traumatisants, il est difficile de se souvenir de dates précises. Il a ajouté que les attaques des rebelles dans la région s’étaient poursuivies de 2001 à 2003.

• Le trentième témoin a déclaré avoir accompagné des soldats, dont Gibril Massaquoi, dans le comté de Lofa à trois reprises : deux fois en 2000 et une fois en 2001. Bien qu’il soit fait référence à l'année 2002 dans sa déclaration à la police, le témoin a déclaré qu'il s'agissait d'une erreur de la part de la police.

Liens avec des personnalités éminentes

• Six des témoins de cette semaine (les vingt-deuxième, vingt-troisième, vingt-quatrième, vingt-huitième et vingt-neuvième témoins) ont évoqué la possible implication de Joseph « Zig Zag » Marzah dans les événements. Le vingt-neuvième témoin se souvient que M. Marzah et « l'ange Gabriel » avaient donné des ordres la nuit où une maison avait été incendiée. Lau cours du sixième jour de ce procès, l'Accusé, M. Massaquoi, avait déclaré à Tampere qu'il avait peut-être rencontré M. Marzah et avait reconnu que son manuscrit, The Secret Behind the Gun, faisait référence à une discussion avec M. Marzah.

Remarque : M. Marzah était membre du National Patriotic Front of Liberia (Front national patriotique du Liberia - NPFL) et a témoigné dans le procès de Charles Taylor devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

• Quatre témoins (les vingt-deuxième, vingt-quatrième, vingt-huitième et vingt-neuvième témoins) ont mentionné qu'ils savaient qu'une personne appelée [soldat 12] se trouvait parmi les combattants. Le vingt-troisième témoin a fait référence au [soldat 12] dans son entretien avec la police, mais pas dans son témoignage.

• Deux témoins ont fait référence à Benjamin Yeaten. Le vingt-huitième témoin a désigné M. Yeaten comme faisant partie du groupe de résistance du gouvernement. Le trentième témoin a déclaré avoir rencontré M. Yeaten à la maison d'hôtes de Monrovia et avoir pensé qu'il pouvait être le « patron » de Massaquoi. Le trentième témoin a déclaré que M. Yeaten était présent lors des voyages qu'elle avait effectués dans le comté de Lofa, et qu'elle l'avait vu tirer sur un garçon à Voinjama. La semaine dernière, le vingt-et-unième témoin a déclaré qu'il était accusé d'avoir reçu des membres du RUF, dont M. Yeaten, dans une maison d'hôtes à Monrovia.

• Le trentième témoin a également déclaré avoir rencontré « Mosquito » (Moustique) (remarque : Mosquito était le pseudonyme de Sam Bockarie, un ancien commandant du RUF) et un petit homme Kissi nommé [soldat 24] dans la maison d'hôtes de Monrovia. La semaine dernière, le vingt-et-unième témoin a déclaré que des armes avaient été livrées au commandant en charge du comté de Lofa, qu'il a identifié comme étant [même nom que le soldat 24], un représentant de l'ATU.

Identification des remarques

Les témoins de cette semaine ont apporté un témoignage supplémentaire permettant l'auto-identification de l'Ange Gabriel.

• « Je suis Gabriel Massaquoi, communément appelé [sic] Ange Gabriel. Tu dois me voir avant de voir Dieu . »

• « Je suis Gibril Massaquoi. Je suis l’Ange Gabriel Massaquoi, je suis le second de Dieu ! »

• « Je suis l'ange Gabriel, aux côtés de Dieu. »

Tout au long de son témoignage, le trentième témoin a fait référence à « Gibril Massaquoi », un nom qu'elle a admis avoir appris lors de son audition avec la police. Elle a toutefois déclaré qu'elle le connaissait sous le nom d'« oncle Massaquoi » au moment des faits, et qu'elle ne connaissait pas son nom de guerre.

Les témoins ont utilisé des noms multiples et différents pour désigner l'Accusé dans leur témoignage ou lors de leurs entretiens avec la police.

• Le vingt-deuxième témoin a fait référence à « Gibril », un commandant du RUF dont il avait appris le nom en entendant parler ses gardes du corps.

• Le vingt-troisième témoin a utilisé le nom de « Massaquoi » au cours de son audition par la police mais a fait référence à « Ange Gabriel » dans son témoignage. Il a déclaré que l'homme se faisait appeler « Ange Gabriel » et qu'il s'agissait d'un surnom. Le vingt-neuvième témoin a également déclaré que « l’Ange Gabriel était un surnom pour « Gabriel Massaquoi ».

• Le vingt-quatrième témoin a déclaré que l'homme utilisait à la fois « Ange Gabriel » et « Ange Michael » comme nom de combat.

• Le vingt-septième témoin a déclaré avoir entendu un soldat faire un rapport à son commandant, « C.O. Massaquoi ».

Les témoins ont déclaré avoir entendu des soldats, y compris le commandant, parler le créole sierra-léonais (krio) et mende. Le vingt-deuxième témoin a déclaré que l'homme parlait mende avec ses gardes du corps. Les vingt-troisième et vingt-neuvième témoins ont également entendu des soldats parler en mende tout en menaçant de tuer des civils.

Interactions avec la police finlandaise

• Contrairement aux personnes qui ont parlé des événements de Monrovia, la majorité des témoins entendus cette semaine sont entrés en contact avec la police finlandaise par l'intermédiaire de leurs chefs locaux (vingt-deuxième, vingt-troisième, vingt-quatrième, vingt-cinquième, vingt-sixième et vingt-septième témoins).

• Les vingt-huitième et vingt-neuvième ont été contactés par [l'employé 1], soit par téléphone, soit en personne.

• Le trentième témoin a rencontré un homme à la frontière du Libéria et de la Sierra Leone qui l'avait entendu parler de Benjamin Yeaten et l'avait ensuite mis en contact avec la police.

Thèmes émergents pour l'Accusation et la Défense

Au cours de la sixième semaine, le procès s'est orienté vers une série d'événements différents, en rapport avec les crimes qui auraient été commis dans le comté de Lofa. Comme les semaines précédentes, l'Accusation et la Défense se sont concentrées sur l'établissement de la chronologie des événements, bien qu'il semble y avoir moins de confusion quant à l'année parmi ces témoins, comparé à ceux qui ont parlé des événements à Monrovia, et il y a eu des références limitées à la Première, Deuxième ou Troisième Guerre mondiale.

L'Accusation a commencé son interrogatoire en demandant aux témoins de décrire l'arrivée de soldats dans différents villages du comté de Lofa. Les témoins ont déclaré que les soldats pillaient et brûlaient les maisons des villages, puis forçaient les villageois à transporter les biens pillés ailleurs, plusieurs témoins indiquant que les soldats leur avaient ordonné de se rendre à Foya. En plus de la description des actes de travail forcé, pertinents pour l'Accusation, les récits des témoins comprenaient également des faits pertinents pour les chefs d’accusation de meurtre, de viol, d'agression aggravée et d'atteinte à la dignité des personnes décédées par le cannibalisme.

L'Accusation a tenté d'établir le rang de l'Accusé en tant que commandant impliqué dans les événements, et de fournir des éclaircissements sur les raisons des variations dans les noms utilisés pour décrire le commandant. Cinq témoins ont entendu le nom de « Gibril Massaquoi », soit parce que la personne s'était présentée ainsi, soit parce qu'une autre s'était adressée à lui par ce nom. Deux autres témoins ont déclaré que le commandant s'était présenté en tant que l’« Ange Gabriel ». D'autres témoins ont reconnu les noms « Gibril Massaquoi », « Gabriel Massaquoi », « Ange Gabriel », « Ange Michael » et « Ange Gabriel Massaquoi ». Les témoins ont expliqué ces variations en déclarant que la personne dont ils parlaient était appelée par plusieurs noms, en soutenant que chacun de ces noms faisait référence à la même personne.

L'Accusation a également mis l'accent sur la connaissance de l'Accusé, notamment en ce qui concerne le chef d’accusation de travail forcé. Les vingt-sixième et vingt-septième témoins ont tous deux déclaré que le commandant de Foya avait vu les personnes transportant des marchandises, et le vingt-sixième témoin a ajouté que les personnes transportant des marchandises se distinguaient par le fait qu'elles ne portaient ni chaussures ni chemises. Le vingt-sixième témoin a identifié ce commandant comme étant l’« Ange Gabriel », tandis que le vingt-septième témoin a déclaré que le soldat qui l'avait amené à Foya rendait des comptes au « C.O. Massaquoi ».

Le trentième témoin a fourni un témoignage unique, déclarant qu'elle avait été une amie proche d'une des anciennes petites amies de M. Massaquoi, et qu'elle était donc en contact avec des membres du RUF à Monrovia au moment des crimes présumés. Par son témoignage, l'Accusation a cherché à établir les déplacements de M. Massaquoi entre Monrovia et le comté de Lofa. Le trentième témoin a déclaré avoir passé du temps dans une maison d'hôtes à Monrovia avec M. Massaquoi et d'autres membres du RUF, et s'être rendue avec eux dans le comté de Lofa à trois reprises : deux fois en 2000 et une fois en 2001. Elle a raconté qu'on lui avait dit, ainsi qu'à son amie, de rester dans une maison à Voinjama pendant que les hommes partaient pour trois à six jours, revenant parfois avec des soldats blessés. Elle a également déclaré qu'elle avait vu des armes dans la maison du comté de Lofa.

Comme pour les témoins de l'incident de Waterside, la Défense a soulevé des incohérences et souligné des divergences dans les détails fournis entre leurs déclarations à la police et leur témoignage. La Défense a également cherché à clarifier si les témoins avaient vu personnellement ou seulement entendu parler des événements particuliers qu'ils décrivaient.

La Défense a remis en question l'identité du commandant qui aurait donné les ordres pour les actes décrits. L'avocat de la Défense a semblé suggérer que d'autres commandants avaient donné l'ordre de commettre les actes allégués. Par exemple, la Défense a demandé au vingt-troisième témoin si Zig Zag Marzah avait ordonné l'incendie d'une maison, et au vingt-sixième témoin si le commandant s'appelait en fait « Edward », à la suite d’une confusion sur la signification de la déclaration à la police du vingt-sixième témoin. Pour étayer davantage la position selon laquelle l'Accusé n'était en fait ni présent ni responsable de l'un quelconque des actes allégués, la Défense a soulevé plusieurs incohérences concernant les noms déclarés par les témoins dans leurs interrogatoires de police et au cours du procès.

Dans la lignée des questions précédentes, la Défense a continué à suggérer qu'il pourrait y avoir eu des failles dans l'enquête de police qui ont conduit certains des témoins à identifier par erreur l'Accusé comme la personne responsable des événements qu'ils ont décrits. Par exemple, la Défense a suggéré que le vingt-quatrième témoin n'a utilisé le nom « Ange Gabriel » qu'après qu'il ait été mentionné par la police. De même, l'avocat de la Défense a demandé si le trentième témoin avait été informé avant son interrogatoire par la police qu'il lui était demandé de fournir des informations sur Gibril Massaquoi, et a cherché à clarifier à quel moment la police lui avait montré des photographies dans le but d'identifier l'homme qu'elle a décrit.

La Défense a également continué à poser des questions sur la façon dont les témoins avaient été amenés à participer à l'enquête finlandaise et à ce procès. Plus précisément, l'avocat de la Défense a demandé au vingt-huitième témoin si on lui avait promis un gain financier pour témoigner, car sa déclaration de police faisait référence à un lien entre son témoignage et une bourse d'études, mais le témoin a nié avoir une quelconque motivation financière pour témoigner. La Défense a également noté que le nom du vingt-septième témoin était mentionné dans un rapport rédigé par l'employé 1, suggérant ainsi que le vingt-septième témoin et l'employé 1 se connaissaient, ce que le vingt-septième témoin a nié.

En ce qui concerne les témoins qui ont été mis en contact avec la police par l'intermédiaire de leur chef local, l'avocat de la Défense a cherché à clarifier les différents groupes de personnes qui se sont rendus dans les villages pour s'enquérir de ces événements, le temps écoulé entre le moment où les chefs locaux ont été contactés et celui où les témoins ont été interrogés, et si les témoins ont discuté des événements qu'ils décrivaient avec d'autres villageois ou organisations. La Défense a souligné le fait que les vingt-sixième et vingt-septième témoins avaient donné à la police la même date précise pour un incident, semblant suggérer que ces témoins avaient pu échanger sur cette date.

Comme pour les témoignages précédents, les témoins ont fréquemment attribué les incohérences entre leurs entretiens avec la police et leur témoignage devant la Cour à la nervosité, au passage du temps ou à l'occasion de réfléchir à leurs expériences de sorte qu'ils pouvaient maintenant se souvenir de détails supplémentaires.

Le procès reprendra à Monrovia pour sa septième semaine le 22 mars 2020.


+ 22/03/21 (Libéria) Dix-neuvième jour : Audition des trente-et-unième, trente-deuxième et trente-troisième témoins

La dix- neuvième journée d'audience publique a repris le 22 mars 2021 à Monrovia, Liberia.

Le trente-et-unième témoin est entendu

L'Accusation interroge le trente-et-unième témoin

Le témoin a commencé son témoignage en rappelant des événements qui se sont déroulés à Kamatahun, où il vivait pendant la guerre. Il a expliqué qu'ils étaient en ville et que, lorsque les forces du LURD étaient arrivées, le témoin et d'autres personnes avaient fui dans la brousse. Ils y sont restés jusqu'à ce que les forces gouvernementales arrivent et les ramènent en ville. Les forces gouvernementales ont alors quitté la ville afin de lancer une offensive contre les forces du LURD, mais elles n'ont pas réussi à les repousser et sont ensuite revenues en ville.

Le témoin se souvient d'un jour où les forces gouvernementales avaient appelé « leurs amis » à leur venir en aide ; les renforts qui étaient arrivés parlaient krio. Ils ont rejoint les forces gouvernementales lors d'une attaque ultérieure et sont revenus avec des personnes. Ces personnes ont été divisées par les forces gouvernementales et les renforts, qui ont tué certains d'entre eux et épargné les autres.

Après trois jours, le groupe a de nouveau quitté de la ville et a ramené d'autres personnes, qui ont été placées dans un bâtiment. Le lendemain après-midi, l'un des commandants, qu'ils appelaient « Général Gabriel », a donné un ordre aux « enfants » (jeunes soldats), en disant : « mettez le feu à cette maison pour qu'elle brûle ». Tout le monde est resté dans la maison et a été brûlé vif. Le témoin a déclaré avoir eu peur à ce moment-là.

Il a expliqué avoir vu les soldats capturer sept femmes et les attacher. Le même Général Gabriel a dit à ses soldats : « Faites leur tout ce que vous voulez ». Lorsque les femmes ont été emmenées, le général Gabriel les a suivies. Le lendemain, toutes les femmes ont été retrouvées nues et mortes. En voyant les femmes, le témoin se rappelle avoir pensé que les soldats les avaient violées et que c'était pour cela qu'elles étaient nues.

L'un des soldats nommé [soldat 17] a demandé au témoin de venir avec lui chercher de la nourriture. Précisant qu'il avait eu très peur après avoir vu les soldats tuer des gens, il s'était enfui lorsqu'ils étaient arrivés dans la brousse. Le témoin se souvient que ces incidents avaient eu lieu en 2001, mais ne connaissait pas la date. Il a précisé qu'il y avait deux Kamatahun mais que celui auquel il faisait référence était Kamatahun Hassala.

Le témoin a ensuite expliqué que les personnes étaient enfermées dans une maison près de la mosquée au centre de Kamatahun Hassala, qui se trouve sur le côté gauche en allant vers Viahun. Il a précisé que Gabriel était le commandant des soldats, et a répété que c'était le général Gabriel qui avait donné l'ordre de mettre les gens dans la maison et d'y mettre le feu, ainsi que d'attacher les femmes. Il a précisé qu'il avait entendu le général Gabriel donner ces ordres, car il se trouvait à proximité et pouvait entendre tout ce qu'ils disaient, et également les voir.

Le témoin a expliqué qu'il savait que l'homme s'appelait Général Gabriel car les soldats l'appelaient ainsi. Le témoin a ajouté qu'il ne les avait pas entendus désigner l'homme par un autre nom. Le témoin a déclaré qu'il avait vu l'endroit où les femmes avaient été emmenées et qu'il s’en rappelait encore aujourd'hui. Il a expliqué qu'elles avaient été emmenées derrière l'atelier du forgeron, dans une maison qui s'est effondrée depuis. Le témoin se souvient avoir vu Gabriel suivre les soldats qui emmenaient les femmes dans la cuisine. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait vu Gabriel entrer dans la cuisine avec elles, le témoin a répondu qu'elles étaient restées là toute la nuit et qu'il ne savait donc pas exactement ce qui s'était passé. Le lendemain matin, le témoin a vu les corps des femmes dans la cuisine, et il a eu tellement peur qu'il a décidé de se cacher. Il a expliqué que toutes les femmes étaient nues et que certaines d'entre elles avaient été tuées avec un couteau, tandis que d'autres avaient été battues.

Lorsqu'on lui a demandé combien de personnes se trouvaient dans la maison incendiée, le témoin a estimé qu'elles étaient environ 35. L'Accusation est ensuite revenue sur les questions concernant les femmes qui avaient été emmenées dans la cuisine du forgeron. Le témoin a déclaré qu'il n'était pas sûr de l'âge des femmes, précisant que certaines d'entre elles étaient « mûres ». Il a expliqué qu'il y avait trop de soldats qui accompagnaient les femmes pour qu'il puisse les compter, et a répété qu'après avoir donné l'ordre, le Général Gabriel avait dit : « Allez-y et faites-leur tout ce que vous voulez ».

L'Accusation a ensuite demandé au témoin comment il était entré en contact avec la police finlandaise. Le témoin a déclaré qu'un jour, après que lui et d'autres personnes étaient revenus de la brousse, on leur avait dit que des gens étaient venu leur demander ce qui s'était passé pendant la guerre. Le témoin a déclaré que, six mois plus tard, des Blancs étaient venus et avaient commencé à les interroger, et il leur a raconté les incidents qu'il décrit aujourd'hui. Il a conclu en faisant remarquer qu'il n'avait pas vu les personnes qui étaient venues la première fois et qu'il ne pouvait donc pas dire si elles étaient blanches ou noires, et que personne d'autre que la police finlandaise n'était venue les interroger sur la guerre.

La Défense interroge le trente-et-unième témoin

La Défense interrogé le témoin sur la façon dont il était entré en contact avec la police finlandaise. Le témoin a répété qu'il n'était pas présent lorsque les gens étaient arrivés, et a déclaré qu'ils avaient rencontré les chefs locaux, qui lui avaient ensuite transmis l'information. Il a précisé qu'il n'avait pas demandé si c'étaient des Noirs ou des Blancs qui avaient d'abord contacté les chefs locaux. Le témoin a précisé que la première fois qu'il avait rencontré des Blancs, ils étaient simplement arrivés, l'avaient interrogé le même jour et étaient partis. La Défense a demandé au témoin si des membres de sa famille avaient été interrogés avant lui, ce à quoi le témoin a répondu qu’il n’était pas au courant. La Défense a précisé que le rapport de police indiquait que le frère du témoin avait été interrogé la veille et que c'est lui qui avait amené le témoin à la police finlandaise. La Défense a ensuite demandé au témoin s'il savait que deux autres personnes avaient été interrogées le même jour que lui, comme cela est également indiqué dans le rapport de police. Le témoin a répondu « oui », et que les personnes n'avaient pas dormi sur place, qu'ils les avaient simplement interrogées et étaient repartis. La Défense a de nouveau demandé au témoin s'il savait qu'ils avaient interrogé son frère la veille, ce à quoi il a répondu qu'ils ne savaient pas que les gens allaient venir avant d'arriver. Il savait seulement ce que les anciens leur avaient dit après leur première visite. Lorsqu'on lui a demandé à nouveau s'il savait que les gens allaient venir ce jour-là, le témoin a répondu que les gens leur avaient dit qu'ils reviendraient, puis que six mois plus tard, ils avaient oublié qu'ils reviendraient. Lorsqu'on lui a demandé qui leur avait dit que les gens reviendraient, il a donné le nom du chef local, [personne A17]. La Défense a demandé s'ils avaient l'habitude d'appeler le chef local [personne A9], ce à quoi le témoin a répondu qu'il connaissait [personne A9] depuis l'arrivée des Blancs.

La Cour a demandé une pause pour clarification, après que la Défense ait été interrompue par l'Accusation. La Défense a également eu un problème avec le traducteur Gbandi du témoin suivant, affirmant qu'il y avait un conflit d'intérêt car le traducteur travaille ou a travaillé pour la police finlandaise, et qu'il était également présent au tribunal pendant le témoignage.

La Défense a interrogé le témoin sur la dernière fois qu'il avait vu [la personne A9]. Le témoin a déclaré qu'il ne savait pas si [la personne A9] avait été présente dans la salle d'audience, et a noté qu'il n'avait pas vu [la personne A9] ce jour-là. La Défense a demandé au témoin s'il avait vu [la personne A9] dans sa ville natale, ce à quoi le témoin a répondu qu'il n'y avait pas de personne portant ce nom dans sa ville natale. Il a ajouté qu’il avait rencontré [la personne A9] pour la première fois le jour où les Blancs étaient arrivés et que, depuis, il ne l'avait pas revue. Le témoin s'est souvenu que [la personne A9] était venue avec les Blancs et qu'elle était partie avec eux également. La Défense a ensuite demandé au témoin s'il connaissait [l'employé 1], le témoin a répondu qu'il n'avait jamais vu [l'employé 1].

La Défense a demandé au témoin si son audition par la police finlandaise avait été enregistrée, ce à quoi le témoin a répondu qu'il ne savait pas s'il avait été enregistré. La Défense a précisé qu'il avait été enregistré et que le témoin avait déclaré au cours de l’audition qu'il avait rencontré [la personne A9] avant l'arrivée de la police finlandaise et que [la personne A9] lui avait dit que des hommes blancs allaient venir l'interroger sur la façon dont la guerre s'était terminée. Le témoin a nié avoir dit cela, répétant que les gens avaient rencontré les anciens et que [la personne A9] ne lui avait pas parlé de la venue des gens.

(L'enregistrement est diffusé)

La Défense a précisé que, dans l'enregistrement, le témoin avait déclaré qu'il avait rencontré [la personne A9] avant que la police finlandaise ne soit là. Le témoin a expliqué qu'il y avait peut-être eu un malentendu, car il n'avait pas parlé « face à face » avec [la personne A9], mais que cette dernière avait parlé avec les habitants de la ville. La Défense a également précisé que la police avait également dit au témoin qu'elle avait parlé avec son frère. Le témoin a déclaré que plusieurs personnes étaient venues et qu'il était donc possible que, pendant qu'une personne lui parlait, d'autres personnes parlaient à d'autres.

La Défense a ensuite interrogé le témoin sur la maison qui a été incendiée et sur les femmes qui ont été emmenées derrière la cuisine du forgeron. Le témoin a déclaré que ces incidents ne s'étaient pas produits le même jour, mais qu'il ne savait pas exactement combien de temps s'était écoulé entre les deux, car cela s'était produit pendant la guerre. Le témoin a ajouté que « la chose s'est produite après une semaine », car les soldats se reposaient un peu après être partis au combat. Le témoin a rappelé que toutes les maisons de Kamatahun Hassala avaient été incendiées, à l'exception de la cuisine du forgeron et d'une autre maison. Il a expliqué que les soldats n'avaient pas brûlé toute la ville le jour même où ils avaient mis le feu à la maison avec des gens à l'intérieur, parce que les soldats vivaient eux-mêmes dans certaines des maisons. Il a précisé que lui et d'autres personnes étaient retournés dans le village après la fin de la guerre pour la trouver brûlée. Le témoin a de nouveau indiqué que c'était en 2001 qu'il se trouvait à Kamatahun Hassala et qu'il avait été témoin des incidents, après quoi il ait fui le village, également en 2001. Par conséquent, il a déclaré qu'il ne pouvait pas dire ce qui s'y était passé en 2002 et 2003.

La Défense a indiqué au témoin qu'il avait dit à la police finlandaise que les soldats avaient brûlé toute la ville en 2003, ce à quoi le témoin a répondu qu'ils restaient dans la brousse parce que les forces du LURD « allaient et venaient ». Il a également répété que les seules maisons restantes après l'incendie de la ville étaient la cuisine du forgeron et une autre maison. La Défense a ensuite demandé au témoin s'il avait vu ou entendu parler de l'incendie de la maison. Le témoin a répété que les événements s’étaient produits près de sa maison et qu'il avait vu de ses propres yeux quand ils avaient mis le feu à la maison. Il a précisé que, lorsque les gens avaient commencé à pleurer, il était parti ; il ne pouvait pas rester là à regarder. Il a également précisé que les incidents qu'il a décrits s’étaient produits entre 2001 et 2002.

(Un enregistrement est diffusé)

Dans l'enregistrement, le témoin a déclaré que tout le village avait été incendié en 2003 et que les autres incidents avaient eu lieu entre 2001 et 2003. Il a expliqué que les soldats avaient dit que les esprits des personnes qu'ils avaient tuées les hantaient dans les maisons, alors ils avaient brûlé tout le village et étaient partis en 2003.

La Défense a demandé au témoin d'estimer combien de fois il avait vu le commandant qui donnait les ordres. Le témoin a déclaré qu'il pensait l'avoir vu six fois, et a répété que l'endroit où il vivait n'était pas loin de celui où ils se trouvaient. Le témoin s'est souvenu que [le soldat 13], Benjamin Yeaten et « Superman » étaient en ville, et a précisé qu'ils étaient également des commandants. Interrogé sur le nom Zig Zag Marzah, le témoin a déclaré qu'il était également présent pour faire de mauvaises choses, et qu'il était originaire du Libéria. La Défense a ensuite demandé au témoin s'il avait vu si le commandant était arrivé à pied ou en voiture, ce à quoi le témoin a répondu qu'il les avait tous vus marcher, et qu'ils n'étaient pas dans une voiture.

L'Accusation a posé une dernière question : si le témoin savait d'où venaient les autres personnes, comme le général Gabriel. Le témoin a répondu qu'ils parlaient tous en krio, et qu'il savait que le krio était originaire de Sierra Leone.

Le trente-deuxième témoin est entendu

L'Accusation interroge le trente-deuxième témoin

Le trente-deuxième témoin a commencé son témoignage en rappelant des événements qui se sont produits à Kamatahun Hassala (appelé simplement « Kamatahun »), où il était le chef local pendant la guerre et où il l'est toujours. Le trente-deuxième témoin a commencé à raconter les événements qui s'y sont déroulés pendant la guerre, déclarant qu'un commandant du gouvernement l'avait d'abord appelé et lui avait demandé d'emmener leur moto cassée à Kolahun. Ce faisant, le témoin et les autres personnes avec lesquelles il était ont rencontré des soldats qui couraient vers eux depuis Kolahun, en direction de Kamatahun Hassala. Les soldats leur ont dit que les forces du LURD avaient déjà attaqué Kolahun, alors le témoin et les autres ont fait demi-tour pour emmener la moto à Kamatahun Hassala. Le lendemain, le témoin a vu Benjamin Yeaten passer devant la ville dans une jeep, et il s'est arrêté pour leur demander de réparer un pont cassé. Le lendemain, les forces du LURD ont attaqué Kamatahun Hassala vers 11 heures, alors qu'ils réparaient le pont.

Selon le trente-deuxième témoin, toute la ville était « sens dessus dessous » car il y avait environ 5000 soldats des forces gouvernementales. Il a déclaré que tout le monde était « mélangé » pendant toute la journée - les civils et les soldats courant. Les gens essayaient de retrouver leurs familles, et ont fini par se réunir avec elles dans leurs fermes. Au début, ils n'ont pas pris la situation au sérieux, mais ils ont fini par rester dans la brousse pendant un mois, jusqu'à ce que les forces gouvernementales les appellent et leur disent qu'ils pouvaient revenir. Le témoin a pris un moment pour expliquer qu'il n'est pas difficile pour les gens d'oublier après un certain temps. Il a ensuite déclaré que tout le monde était retourné vivre à Kamatahun Hassala ; personne n'était retourné vivre dans les villes voisines.

Il a ensuite expliqué que, quelques mois plus tard, une autre attaque des forces du LURD venant du côté de Viahun avait eu lieu. Les combats ont duré plus de 3 heures, et vers 18-19 heures, les forces gouvernementales ont décidé de se retirer à Popalahun. Le témoin a déclaré qu'il était resté avec elles pendant près de deux mois. Il estime que cela se serait passé vers juillet ou août 2001, s'il ne se trompe pas.

Ensuite, le témoin a décrit un matin où ils étaient assis et avaient vu des personnes s'enfuir de Kiatahun en disant « les rebelles ont capturé beaucoup de gens ». Il a expliqué que la raison pour laquelle ils étaient appelés « rebelles » était parce que les troupes gouvernementales avaient tué des gens. Les « rebelles » sont arrivés à Popalahun et ont fini par capturer de nombreuses personnes, dont certains membres de leur famille. Le témoin a déclaré qu'ils avaient même poursuivi son adjoint qui se trouvait à Kiatahun à ce moment-là, mais qu'il avait réussi à s'enfuir. Après que les personnes venues de Kiatahun leur eurent raconté que des rebelles avaient capturé des membres de leur famille et les avaient emmenés à Kamatahun, le témoin et d'autres personnes ont décidé de faire le tour de la ville dans l'espoir de revoir certains membres de leur famille. Cependant, alors qu'ils étaient en route, ils ont été capturés. Le témoin a précisé qu'il ne pouvait pas dire s'il s'agissait du même groupe, mais qu'il s'agissait de soldats. Il a indiqué qu'ils étaient restés avec les soldats pendant un certain temps, puis qu'ils avaient été emmenés à Kamatahun par la brousse. Le témoin a déclaré qu'il y avait beaucoup de gens à Kamatahun, et qu'ils étaient tous entassés dans le centre de la ville.

Le trente-deuxième témoin a expliqué que le commandant était venu et avait dit : « Je suis l’Ange Gabriel. Ces gens, nous allons les brûler. Je vous ai dit de ne pas tirer, on va les brûler ». Le trente-deuxième témoin a déclaré qu'il y avait une grande maison où vivaient plus de 100 femmes, et que c'était dans cette maison qu'ils avaient mis les gens et les avaient brûlés. Il a précisé par la suite que la maison était proche de l'hôtel de ville. Le témoin a décrit ce qui s'est passé : les rebelles sont entrés dans la maison, ont placé les lits contre les murs, ont versé de l'essence à l'intérieur, ont fait entrer des gens dans la maison et ont fermé les issues avant de mettre le feu à la maison. Il se souvient que les personnes à l'intérieur pleuraient, jusqu'à ce que le toit s'effondre dans les flammes. Un vieil homme nommé [victime 38], qui venait d'une ville voisine, s'est battu pour sortir du feu, et est sorti en disant « s'il vous plaît, aidez-moi, je veux vivre, je ne peux pas mourir déjà », mais il a été repoussé et enfermé par un soldat. Le feu a commencé à s’éteindre, et c'est ainsi que certaines personnes ont réussi à s'échapper. Après cela, le témoin les a vus emmener sept femmes, qui étaient nues, derrière l’atelier du forgeron. Il a précisé que c'était la seule maison qui était encore debout dans la ville à ce moment-là. Le témoin a reçu l'ordre d'aller chercher de l'eau pour cuisiner, et lorsqu'il s'y est rendu, il a réussi à se cacher dans la brousse et est retourné à Popalahun. Il s'est souvenu qu'ils étaient en exil depuis moins d'un an et que les gens de Monrovia leur avaient dit de retourner à Kamatahun Hassala. Le témoin a décrit que, si vous y étiez allé à l'époque, vous n'auriez pas cru que des gens pouvaient y vivre ; des femmes et des enfants avaient été tués ; ils ont vu 27 corps entassés dans la maison. Ils les ont examinés, mais les corps étaient pourris. Le témoin a précisé qu'il y avait beaucoup d'ossements dans la ville qu'ils ont rassemblé. Le témoin se souvient avoir trouvé des os attachés ensemble devant la maison d'un « grand homme » qui avait l'habitude d'attacher les gens ensemble et de les tuer.

Le témoin a ensuite raconté qu'un matin, alors qu'ils étaient assis, une ONG était arrivée, disant qu'elle appartenait à une organisation humanitaire, et avait présenté ses condoléances pour ce qui s'était passé. Il a déclaré qu'ils s’étaient rendus ensemble à l'endroit où les ossements avaient été rassemblés ; ils avaient pris de nombreuses photos et avaient passé toute la journée sur place, et lorsque les membres de l'ONG étaient partis, ils ont suggéré que les habitants de la ville enterrent les ossements, ce qu'ils ont fait, à côté de la tombe d'un de leurs « grands hommes ».

Le trente-deuxième témoin a précisé qu'un autre groupe était venu leur rendre visite et leur avait dit qu'ils étaient venus célébrer les morts et qu'ils allaient faire trois grands sacrifices, car certaines personnes étaient des « Zoes » (traditionalistes), d'autres des chrétiens et d'autres encore des musulmans. Ils sont partis et sont revenus après une semaine, et ont dit qu'ils allaient construire une hutte palava en ville sur une tombe avec tous les ossements.

L'ONG a amené un pasteur, un imam et le « Zoe » pour commémorer les morts. Le témoin s'est souvenu que la hutte palava au-dessus du charnier était le seul aménagement qu'ils avaient fait pour eux. Plus loin dans sa déposition, le témoin a expliqué que l'ONG « n'était pas venue pour enquêter », mais uniquement parce qu'elle avait entendu parler de l'incendie de Kamatahun Hassala : il n'a pas discuté de l'incident avec elle. Il ne s'est pas souvenu du nom de l'organisation.

Après le récit du trente-deuxième témoin, l'Accusation a demandé de quel côté de la route se trouvait la maison où les gens avaient été brûlés, en allant vers Viahun. Le témoin a indiqué qu'elle se trouvait sur la gauche, et qu'à sa place se trouvait maintenant une belle maison construite par les fils du vieil homme.

La Défense a ensuite interrogé le témoin sur l'incident au cours duquel des personnes avaient été enfermées dans la maison et brûlées. Le trente-deuxième témoin a répété qu'avant que les gens ne soient enfermés à l'intérieur, le commandant, Ange Gabriel, avait donné l'ordre de « mettre les gens dans la maison et de la laisser brûler. » Le témoin a précisé qu'il était « juste là » lorsque l’Ange Gabriel avait donné cet ordre.

Le témoin a ensuite été interrogé sur ce qui avait été fait aux sept femmes nues, ce à quoi il a répondu qu'il avait seulement vu les soldats emmener les femmes jusqu'à la maison située derrière l’atelier du forgeron, qui était leur « quartier général » où ils étaient basés. Lorsque la Défense a demandé si le témoin s'était rendu dans la maison en question après l'incident, il a répondu « non », et que c'était le même jour où il avait quitté Kamatahun et n'y était pas retourné.

Lorsqu'on lui a demandé de donner une estimation du nombre de personnes placées dans la maison à brûler, il a indiqué qu'il y en avait beaucoup, y compris des enfants, mais qu'il ne pouvait pas en estimer le nombre. La Défense a rappelé que le témoin avait mentionné que l'incident s'était produit en juillet ou en août, et lui a demandé s'il se souvenait de quelle année, ce à quoi il a répondu 2001.

Le Procureur lui a ensuite demandé s'il se souvenait des mots utilisés par l’Ange Gabriel lorsqu'il a verrouillé la maison. Le trente-deuxième témoin a déclaré que l’Ange Gabriel avait dit « Je vous avais dit de ne pas tirer sur ces gens, amenez-les, brûlons-les ». Il a décrit l’Ange Gabriel comme un homme mince, pas grand, qui parlait krio et portait un chapeau rond.

Les dernières questions de l'Accusation portaient sur l’audition par la police finlandaise. Le trente-deuxième témoin s'est souvenu que l'année dernière, en revenant de son jardin, des habitants du village lui avaient dit que des personnes étaient venues le voir. Les villageois lui ont dit que les visiteurs étaient des Blancs à la recherche de personnes qui pourraient partager leurs expériences pendant la guerre - ils ont parlé avec l'adjoint du témoin, [personne A18], quand ils étaient venus.

La Défense interroge le trente-deuxième témoin

Le trente-deuxième témoin a répété que lorsque des blancs étaient venus, il n'était pas présent. Il a également ajouté qu'aucun Noir n'était venu en ville s'enquérir de la même question depuis la fin de la guerre.

L'interrogatoire a porté sur la présence de l'ONG qui avait visité la ville. Le trente-deuxième témoin a déclaré qu'il ne se souvenait pas du nom de l'organisation. La Défense s’est ensuite concentrée sur les personnes qui ont créé le mémorial pour les morts. Le témoin a déclaré que le mémorial était toujours là et que les gens le visitaient régulièrement. Bien qu'il ne se souvienne pas de l'année exacte, il a déclaré que cela faisait plus de 3 ans que le mémorial avait été érigé. Le trente-deuxième témoin a déclaré à la Défense que les personnes n'avaient interrogé personne et n'avaient recueilli aucune information. Interrogé, le témoin a expliqué que sa ville n'avait pas connu Ebola.

La Défense s'est ensuite référée au résumé de police afin de souligner une apparente divergence dans les dates mentionnées par le trente-deuxième témoin. La Défense a attiré l'attention sur le fait que le trente-deuxième témoin avait mentionné 2002. Celui-ci a cependant déclaré qu'il devait s'agir d'une erreur, car il se souvenait que l'année était 2001. Il se souvient également que les mois étaient juillet/août, car ils récoltaient des cacahuètes. La Défense a posé des questions sur la période de récolte du riz, et le témoin a expliqué qu'il pouvait être récolté en juillet ou en août, mais que tout le monde le faisait généralement en septembre. Les dernières questions de la Défense portaient sur l'incendie de la maison et les sept femmes. La Défense a mentionné que le trente-deuxième témoin avait indiqué septembre 2002 comme étant le mois et l'année où les deux incidents s’étaient produits. Le trente-deuxième témoin a répondu qu'ils avaient quitté Kamatahun Hassala pour Kpanhun avant d'aller régulièrement à Kolahun. Il a expliqué ces divergences par le fait que les incidents s’étaient produits il y a plus de 10 ans et qu'il ne s'attendait pas à ce que quelqu'un lui pose des questions. Le trente-deuxième témoin a clarifié sa déclaration à la police finlandaise concernant le riz et la période de récolte. Il a expliqué qu'ils ne vivaient pas à Kamatahun Hassala. Ils étaient à Popalahun pendant cette période. Il a également expliqué que le riz mûrit habituellement, et que septembre est le moment où le riz est habituellement sec et prêt à être récolté.

L'Accusation a posé une dernière question avant la fin du témoignage. Le trente-deuxième témoin a déclaré qu'il ne se souvenait pas où se trouvait l’Ange Gabriel lorsque les femmes avaient été emmenées derrière la maison du forgeron.

Le trente- troisième témoin est entendu

L'Accusation interroge le trente-troisième témoin

Le témoin a commencé son témoignage en rappelant ce qui s'était passé à Kamatahun Hassala pendant la guerre. Le trente-troisième témoin a expliqué qu'il se trouvait à Kamatahun Hassala et s'est souvenu que les forces du LURD étaient venues attaquer les troupes gouvernementales. Le témoin a déclaré qu'ils avaient couru dans la brousse et étaient finalement arrivés dans un village appelé Selahun. Alors que les troupes gouvernementales retournaient à Kamatahun Hassala, l'un des commandants gouvernementaux, « No Monkey », était allé dans la brousse et avait amené le témoin et d'autres personnes aux autres commandants. Le témoin a déclaré que les autres commandants s'appelaient [soldat 12], Zig Zag Marzah et [soldat 23]. Il a indiqué qu'il y avait d'autres commandants, mais qu'il ne se souvenait pas de leurs noms. Le témoin a déclaré que cela s'était produit à peu près au moment où le RUF était venu de Sierra Leone pour aider les troupes gouvernementales ; Sam Bokarie (Mosquito) et l’Ange Gabriel étaient avec eux. Le témoin se souvient qu'ils avaient amené des gens des villages voisins à Kamatahun Hassala, et que l’Ange Gabriel avait pris pour épouse la « sœur » du témoin, [victime 39].

Le témoin se souvient d'un incident où les soldats avaient rassemblé les gens devant l'hôtel de ville. Il se souvient que l’Ange Gabriel avait donné l'ordre aux autres soldats de faire entrer les gens dans une maison et d'y mettre le feu. Il a précisé qu'il avait l'habitude de laver leur vaisselle, et qu'il était également censé être à l'intérieur de la maison qui avait été incendiée, mais son ami [victime 39] l'avait empêché d'y entrer. Plus tard dans son témoignage, il a précisé que cela s'était produit autour de la saison sèche, entre 2000 et 2001.

Deux jours plus tard, les soldats ont capturé des femmes, les ont emmenées près de l’atelier du forgeron et les ont violées. Plus tard dans son témoignage, le témoin a confirmé qu'il avait lui-même vu les soldats emmener les femmes derrière l’atelier du forgeron et que l’Ange Gabriel avait donné l'ordre. Il a également indiqué qu'il n'avait pas vu les femmes se faire tuer, mais qu'il avait vu leurs corps plus tard. Il a ajouté qu'ils avaient dit qu'ils violeraient les femmes avant même de les emmener derrière l'atelier de forgeron. Le témoin a précisé que les femmes avaient été emmenées dans un autre bâtiment derrière l’atelier du forgeron, situé à gauche en venant de Vahun et à droite en venant de Kolahun.

Deux jours après les événements survenus chez le forgeron, les forces du LURD sont revenues, et les femmes se sont à nouveau enfuies dans la brousse pour se rendre à Yandehun. Le témoin a déclaré que l’Ange Gabriel avait tué la [victime 39] dans la maison qu'ils partageaient à Yandehun. Il a également précisé que [la victime 39] était la « femme » de l’Ange Gabriel et que ce dernier l'avait tuée avec un couteau, mais qu'il ne savait pas pourquoi il l'avait tuée. Le témoin a déclaré qu'il avait été blessé en s'échappant de Yandehun. Il se souvient qu'il s'était échappé vers une zone occupée par le LURD, où il était resté jusqu'à la fin de la guerre. Selon lui, après la fin de la guerre, ils étaient retournés à Kamatahun Hassala.

L'Accusation a posé quelques questions d'éclaircissement. Le témoin a expliqué que lui et son amie [victime 39] n'avaient pas les mêmes parents, mais qu'il l'avait appelée sa sœur parce qu'ils parlaient tous deux la même langue et étaient tous deux Gbandi. Il a ensuite déclaré qu'il y avait de nombreux commandants à la mairie, mais que c’était l’Ange Gabriel qui avait donné l'ordre de mettre le feu à la maison, et a confirmé l'avoir entendu lui-même. Le témoin a précisé que l’Ange Gabriel disait habituellement « Je suis aux côtés de Dieu » lorsqu'il donnait des ordres. Le témoin ne savait pas exactement combien de personnes se trouvaient à l'intérieur de la maison, car « parfois, on peut regarder, à cause de la peur, on tourne la tête » ; il a toutefois estimé qu'il y avait environ 50 personnes. Plus loin dans son témoignage, il a également précisé que la maison était située en face de la mairie, près d'une mosquée, et que la maison était peinte en jaune. L'Accusation a ensuite interrogé le témoin sur sa fuite vers Yandehun. Il a expliqué qu'il s'était enfui avec les commandants et la [victime 39] à Yandehun, et qu'il les avait aidés dans la maison.

L'Accusation a demandé au témoin comment la police finlandaise l'avait contacté. Le témoin a expliqué que le chef local savait qui était resté dans la ville jusqu'à la fin de la guerre, et c'est ainsi que la police finlandaise l'avait trouvé, lui et d'autres.

Enfin, l'Accusation a demandé au témoin quelle langue parlait l’Ange Gabriel. Le témoin a expliqué que l’Ange Gabriel parlait krio, et a ajouté que « c'était le son du pistolet qu'ils utilisaient pour nous parler ».

La Défense interroge le trente-troisième témoin

La Défense a commencé son interrogatoire en demandant au témoin d'indiquer quel groupe de personnes était venu en ville pour poser des questions sur la guerre. Le témoin a expliqué que le chef local leur avait dit qu'un groupe de Blancs était venu au village pour poser des questions sur la guerre. La Défense a demandé au témoin combien de temps s'était écoulé entre le premier contact et l’audition. Le témoin s'est souvenu que c'était l'année dernière, mais ne pouvait pas se rappeler quand précisément. La Défense a informé le témoin que, selon le résumé, il avait été interrogé le 28 novembre 2019.

La Défense a rappelé que le témoin avait dit avoir fui Kamatahun Hassala et avoir vu des femmes emmenées derrière l’atelier du forgeron. Le témoin a précisé que cela s'était produit lorsqu'ils étaient partis de Selahun et étaient arrivés à Kamatahun Hassala. En outre, le témoin a confirmé qu'il se trouvait à Kamatahun Hassala lorsque la maison avait été incendiée et que les soldats avaient emmené les femmes derrière l’atelier du forgeron. Toutefois, le témoin a déclaré qu'il n'était pas présent lorsque le reste de la ville avait été incendié, mais qu'il avait entendu dire que cela s'était produit. Le témoin a déclaré qu'ils avaient été les premiers à revenir à Kamatahun Hassala après le cessez-le-feu. La Défense a souligné que, dans le rapport de police, le témoin avait déclaré que la ville avait été incendiée quelques jours après que les femmes aient été tuées dans la maison. La Défense a demandé si un mémorial avait été construit à Kamatahun Hassala, et le témoin a expliqué qu'une hutte palava avait été construite et mise en place. Il a indiqué qu'il avait participé à la construction de la hutte palava, mais qu'il ne se souvenait pas de la date exacte à laquelle elle avait été construite et qu'il ne savait pas non plus qui étaient les personnes qui avaient construit le mémorial. Ils n'avaient jamais parlé avec ces personnes, et d'autres personnes ont interagi avec elles.

Enfin, la Défense a demandé si des photos avaient été montrées au témoin pendant l'interrogatoire de police, et à quel moment cela avait été fait. Le témoin a déclaré qu'ils lui avaient montré de nombreuses photos après le début de l’audition, et qu'ils avaient continué à parler après qu'il ait vu les photos.

L'audience s'est terminée et reprendra à Monrovia le mardi 23 mars 2021.


+ 23/03/21 (Libéria) Vingtième jour : Audition des trente-quatrième et trente-cinquième témoins

La vingtième journée d'audience publique a repris le 23 mars 2021 au Libéria.

Le trente-quatrième témoin est entendu

L'Accusation interroge le trente-quatrième témoin

Le trente-quatrième témoin a témoigné sur les attaques à Kamatahun Hassala. Le témoin se trouvait à Nyewoihun, un village proche de la frontière sierra-léonaise, lorsqu'il est retourné dans la ville voisine de Kamatahun Hassala. Pendant la deuxième guerre, alors que Charles Taylor était déjà président, plusieurs groupes armés étaient actifs à Kamatahun Hassala, notamment les soldats et les rebelles de Charles Taylor ainsi que le RUF. Les forces du RUF attaquaient fréquemment Kamatahun Hassala, puis se retiraient. De nombreux commandants supérieurs du RUF et des forces de Charles Taylor étaient présents dans la ville, notamment « 5050 », le colonel Stanley et Zig Zag Marzah. Comme Kamatahun Hassala était une grande ville avec beaucoup de gens, les commandants se la sont divisée entre eux et supervisaient leurs propres groupes. Ils quittaient Kamatahun Hassala pour diverses missions de combat, puis revenaient, ramenant souvent des civils capturés avec eux.

Le témoin se souvient d'un jour où les forces avaient amené un groupe d'une trentaine de personnes à Kamatahun Hassala ; elles venaient de villes comme Kpengbelahun, Kimbalahun et Kiatahun. Les ravisseurs ont amené le groupe dans une maison. Le trente-quatrième témoin a entendu un commandant se faisant appeler « Ange Gabriel » ordonner que la maison soit brûlée. Le témoin a précisé par la suite qu'il avait entendu l’Ange Gabriel dire en krio : « vous mettez le feu à la maison ». Le témoin a vu la maison incendiée.

Le trente-quatrième témoin a précisé par la suite qu'il avait été témoin de deux incendies. Dans le premier, des « grosses personnes » ont été brûlées vives. Dans le second, également ordonné par l’Ange Gabriel, environ 20 à 25 « petits enfants » ont été mis dans un atelier de cuisine et brûlés par l'Ange Gabriel et son groupe. Il a estimé que les enfants étaient âgés de dix ans et moins.

Le témoin s'est également souvenu que ce jour-là, l'Ange Gabriel avait ordonné à ses soldats de transporter un groupe de sept femmes dans la cuisine d'un forgeron. Elles avaient été ligotées. Le trente-quatrième témoin a déclaré plus tard qu'il se souvenait que l’Ange Gabriel avait dit : « Emmenez ces femmes et faites-leur tout ce que vous voulez », puis il a suivi les soldats jusqu'à la cuisine. Le trente-quatrième témoin n'est pas entré dans la cuisine ; il se cachait. Pourtant, il entendait les femmes pleurer, mais il ne se souvient pas pendant combien de temps. Il a vu leurs corps le lendemain et a ensuite aidé à les enterrer. Certains portaient des marques de couteau et d'autres avaient des os brisés, comme si elles avaient été battues à mort.

Interrogé, le témoin a fermement affirmé qu'il avait lui-même entendu et vu ces événements. Il a également précisé que la cuisine se trouvait sur la droite si l'on se dirigeait vers Vahun. Le trente-quatrième témoin a précisé qu'après la guerre, les gens venaient en ville et enterraient les ossements de ceux qui étaient morts dans les incendies. Une hutte palava, qu'ils appelaient également « hutte à squelettes », a été construite sur le site. Le témoin a déclaré plus tard que la hutte se trouvait sur la gauche si l'on entrait dans Kamatahun Hassala depuis Kolahun.

Après, le témoin s'est rendu à Hembeh, dans le comté de Lofa, avec un groupe de huit personnes, où il est resté jusqu'au désarmement. Lorsqu'il est revenu à Kamatahun Hassala, la brousse avait envahi la ville. Chaque jour, en coupant l'herbe, les habitants découvraient des cadavres qu'ils enterraient. Le témoin a déclaré que la plupart des gens avaient été tués dans les maisons : après la guerre, ils ont vu les ossements et les ont rassemblés. Certaines personnes ont pris des photos des ossements.

Le trente-quatrième témoin pense que ces événements se sont produits en 2001. Il s'est souvenu qu'ils étaient en train de semer à ce moment-là, ce qu'ils font vers avril et mai. Il a reconnu qu'il ne connaissait pas l'année en question lui-même, mais qu'il l'avait entendu de la bouche d'autres personnes en ville, où cela semblait être de notoriété publique.

Après son retour à Kamatahun Hassala, le témoin a déclaré que les autres habitants de la ville et quelques personnes de Monrovia avaient fait un sacrifice. Il a ensuite précisé qu'il y avait eu plusieurs sacrifices. Le premier a été effectué uniquement par des habitants de Kamatahun Hassala et n'avait aucune affiliation avec des ONG ou le gouvernement libérien. Certaines familles ont effectué des sacrifices individuels. En 2004, une ONG est venue dans la ville pour aider à construire la hutte palava et ils ont à nouveau fait un sacrifice. Le témoin ne se souvient pas du nom de l'ONG. Il a également déclaré que l'un de ses oncles, [personne A21], était journaliste et qu'il était venu filmer l'événement.

Le témoin a déclaré qu'il avait parlé des événements de 2001 avec des amis. Il a confirmé que personne associé au gouvernement ou à d'autres organisations, à l'exception des Blancs qui étaient venus à Kamatahun Hassala, n'était jamais venu lui poser des questions sur ces événements.

La Défense interroge le trente-quatrième témoin

La Défense a commencé son interrogatoire en posant des questions sur les femmes tuées dans la cuisine du forgeron. La Défense a précisé que le témoin avait déclaré à la police qu'il était seul et qu'il avait enterré les femmes le lendemain. Le témoin n'a pas pu se souvenir de la date exacte à laquelle elles avaient été enterrées mais a déclaré que c'était quelques jours après leur mort, que les corps étaient presque pourris ; il a également déclaré qu'il n’était pas seul et que plusieurs personnes avaient aidé à enterrer les corps. En outre, le trente-quatrième témoin a indiqué qu'il avait vu l’Ange Gabriel emmener une femme en pleurs dans la maison. Le témoin a répété qu'il n'était pas entré dans la maison.

Le témoin a ensuite déclaré que l’Ange Gabriel était le nom commun utilisé à Kamatahun Hassala et que s'il utilisait un autre nom, le témoin ne l'avait pas entendu. Il n'a pas pu confirmer la fréquence de la présence de l’Ange Gabriel dans le village car il allait et venait. Le témoin s'est souvenu que l’Ange Gabriel avait passé trois mois à Kamatahun Hassala après l'intensification des conflits. Après le départ de l’Ange Gabriel, il ne se souvient pas l'avoir revu jusqu'à la fin de la guerre.

Se référant à la hutte palava, le témoin a confirmé qu'une plaque commémorative s'y trouvait. Comme il ne sait pas lire, il ne sait pas ce qu'elle dit, ni quand elle a été posée, ni qui l'a apportée. Il se souvient que deux personnes à la tête de l'ONG, [personne A22] et [personne A23], étaient présentes. Le témoin se souvient qu'ils avaient dit aux citoyens de Kamatahun Hassala d' « oublier tout ce qui s'est passé, travaillons ensemble ». Le témoin ne leur a pas parlé des événements, mais il se souvient que [la personne A19] et [la personne A20] avaient parlé au nom du village.

La Défense a ensuite interrogé le trente-quatrième témoin sur ses contacts avec la police finlandaise, que le témoin qualifiait de blancs. Le témoin a confirmé qu'il ne savait pas s'il y avait un accord avec la police concernant les dates de leur présence dans le village. D'autres habitants du village savaient que le témoin avait séjourné à Kamatahun Hassala pendant la guerre, ils l'ont donc retrouvé et lui ont dit de ne pas se rendre à sa ferme ce jour-là car certaines personnes voulaient lui parler. Le témoin ne savait pas si la police finlandaise avait parlé avec la [personne A19] ou la [personne A20], mais il se souvenait que la [personne A22] avait parlé avec eux. Il a confirmé avoir parlé avec [la personne A9], mais il ne connaissait pas [l'employé 1]. Il se souvient que [la personne A9] avait traduit pour la police finlandaise car le témoin ne parle pas anglais.

Le trente-cinquième témoin est entendu

L'Accusation interroge le trente-cinquième témoin

Le trente-cinquième témoin, un villageois de Kamatahun Hassala, a décrit un incident où des soldats avaient attaqué sa ville natale et où des personnes avaient été capturées. Il a déclaré qu'il se trouvait à Kamatahun pendant la guerre, où étaient également stationnées les troupes de Charles Taylor. Un jour, les forces du LURD sont venues et ont attaqué la ville. Les troupes gouvernementales sont parties, et le LURD l’a capturé et emmené à Kpokulahun. À Kpokulahun, les troupes gouvernementales ont attaqué les forces du LURD, qui ont pris la fuite. Le témoin a ensuite été ramené à Kamatahun.

Sur le chemin du retour à Kamatahun, le témoin a rencontré un Sierra-Léonais qui se faisait appeler « Ange Gabriel ». Le trente-cinquième témoin a déclaré plus tard que l’Ange Gabriel parlait krio. L’Ange Gabriel a donné l’ordre de tuer un homme et a dit qu'il mangerait le cœur de cet homme. Le trente-cinquième témoin a déclaré plus tard que l'homme était un civil. Il a vu le garde du corps de l’Ange Gabriel couper la gorge de l'homme ; l'homme a été dépecé et son cœur retiré. Le témoin a précisé qu'il n'avait pas vu l’Ange Gabriel manger le cœur.

Ensuite, l’Ange Gabriel a placé des personnes dans une maison au centre de Kamatahun et a dit : « Je suis l’Ange Gabriel, je suis proche de Dieu. Je vais brûler ces gens. » Le trente-cinquième témoin ne savait pas exactement combien de personnes se trouvaient dans la maison, mais a déclaré qu'il y en avait plus de 10. L’Ange Gabriel a donné l'ordre de brûler la maison et a dit aux soldats d’encercler la maison jusqu'à ce qu'elle brûle. Le témoin a déclaré que la maison se trouvait sur le côté droit de la route en venant de Vahun, près de la mosquée et de la mairie.

Après l'incendie de la maison, sept femmes ont été amenées à l’Ange Gabriel, qui a ordonné qu'elles soient attachées. Le témoin a vu les femmes, qui étaient déshabillées, être emmenées dans une cuisine située autour de l’atelier du forgeron. Le témoin a décrit la cuisine comme une hutte comportant deux pièces où les gens avaient l'habitude de dormir, située sur le côté droit de la route en venant de Vahun. Le témoin a été envoyé chercher de l'eau et n'a pas vu si l’Ange Gabriel suivait les femmes. Le témoin a déclaré que les femmes avaient été violées par de nombreux soldats. Le témoin a entendu les femmes pleurer et a dit avoir vu le lendemain que les femmes étaient mortes. Lorsque l'Accusation lui a demandé quelles étaient les blessures spécifiques subies par les femmes et comment elles avaient été tuées, le témoin a hésité. Il a déclaré que lorsque des femmes étaient violées et tuées, il ne fallait pas « aller trop loin dans les détails». Le témoin a finalement précisé que certaines des blessures sur les femmes mortes ressemblaient à des coups de couteau, et que d'autres semblaient avoir été frappées avec des bâtons. Il a expliqué que c'était le commandant qui avait ordonné que les femmes soient emmenées dans la cuisine.

Le lendemain matin, on a fait mettre des munitions sur la tête du témoin et le groupe s'est rendu à Vahun. Le témoin a déclaré que les soldats avaient l'habitude de brûler les maisons une par une, ou parfois deux maisons à la fois. Ils ne brûlaient pas toutes les maisons en même temps. Le témoin a eu peur de la façon dont les soldats tuaient les gens et s'est caché . En réponse à une question, le témoin a précisé qu'il avait vu de nombreuses autres personnes se faire tuer. Pour les personnes tuées, il n'y avait pas d'enterrement et les corps restaient là et pourrissaient. Le témoin a également expliqué que ces événements s'étaient produits entre 2001 et 2002, précisant que les personnes brûlées dans la maison avaient été tuées en 2001, pendant la saison sèche.

Enfin, le témoin a été interrogé sur son expérience lorsqu'il avait parlé de l'incident à la police finlandaise. Le témoin se souvient avoir vu des personnes blanches, mais ne savait pas s'il s'agissait de policiers. Il a expliqué qu'il se trouvait à Kamatahun lorsque deux hommes étaient arrivés. L'un d'eux était [la personne A9], et le témoin ne se souvenait pas du nom de l'autre. Les hommes ont demandé à voir le chef local, qui était absent, et on les a donc conduits au chef local adjoint. Les hommes ont expliqué au chef adjoint qu'il y avait des Blancs qui venaient s'enquérir des expériences des villageois pendant la guerre. Le témoin en a été informé par le chef adjoint, mais il n'a pas parlé aux hommes avant leur départ. [La personne A9] est ensuite revenue avec des Blancs, et c'est à ce moment-là que le témoin lui a été présenté. Le témoin a expliqué que les Blancs avaient demandé aux villageois ce qu'ils avaient vécu et que plusieurs d'entre eux, dont lui-même, leur avaient raconté ce qui s'était passé. Les villageois leur ont également montré les endroits où les soldats avaient violé et brûlé des personnes. Plus d'un an plus tard, [la personne A9] est revenue au village et a dit que des Blancs voulaient parler aux villageois. À l'époque, le témoin se trouvait en Sierra Leone. Après avoir reçu le message du chef adjoint, le trente-cinquième témoin est revenu.

La Défense interroge le trente-cinquième témoin

La Défense a commencé par préciser que le témoin avait vu l’Ange Gabriel à Kamatahun, son domicile, et non en se rendant à Kamatahun, comme indiqué précédemment dans son témoignage. Le témoin s'est souvenu d'une zone commémorative dans sa ville natale où ils avaient construit la hutte palava, mais il ne se souvenait pas qui l'avait amenée là ni quand. Il a expliqué qu'elle avait été construite à cause des personnes décédées, afin que les villageois puissent commémorer les événements. Les hommes en charge du projet de la hutte palava étaient [la personne A19] et [la personne A20]. Lorsqu'on lui a demandé si les Blancs avaient interrogé [la personne A19] et [la personne A20], le trente-cinquième témoin a expliqué qu'ils n'étaient pas à Kamatahun lorsque l'incident s’était produit et qu'ils n'avaient donc pas été interrogés.

Le trente-cinquième témoin s'est également souvenu de l'identité d'autres soldats présents aux côtés de l’Ange Gabriel, notamment [le soldat 12], Zig Zag Marzah, Mosquito (Moustique) et un homme originaire de Sierra Leone appelé Cobra. La Défense a demandé à plusieurs reprises si quelqu'un d'autre que l’Ange Gabriel avait ordonné aux soldats de brûler des maisons. Le témoin a répondu que les soldats étaient « méchants » et suivaient immédiatement ces ordres ; il a également précisé qu’en sa (le trente-cinquième témoin) présence, c'était l’Ange Gabriel qui donnait les ordres. Il ne savait pas si quelqu'un d'autre donnait des ordres à d'autres moments.

La Défense a ensuite interrogé le témoin sur sa déclaration antérieure à la police finlandaise selon laquelle Zig Zag Marzah avait brûlé des personnes dans des maisons la même année. Le témoin a expliqué qu'il n'avait parlé que de l’Ange Gabriel et avait ensuite été interrogé sur ces autres personnes. Après la tentative de la Défense de préciser si Zig Zag Marzah avait brûlé des gens, le témoin a expliqué qu'il avait entendu parler de Zig Zag Marzah brûlant des gens mais qu'il ne l'avait pas vu lui-même ; il a estimé qu'il devait parler de ce qu'il avait vu. Le témoin a également expliqué que lorsqu'il était rentré chez lui, les soldats avaient brûlé toutes les maisons de Kamatahun et qu'il ne restait qu'une cuisine et la forge. L'avocat de la Défense a continué à interroger le trente-cinquième témoin sur son audition par la police, lui demandant pourquoi il n'avait parlé que de l’Ange Gabriel et pas d'autres personnes. Le témoin a répondu qu'on lui avait dit de ne parler que de ce qu'il avait vu, et non de ce qu'il n'avait pas vu.

Lorsqu'on lui a demandé combien de temps l’Ange Gabriel était resté à Kamatahun, le témoin a estimé que l’Ange Gabriel était en ville en même temps que lui pendant une semaine. La Défense a précisé que dans le rapport de police, le témoin avait déclaré qu'ils étaient tous deux présents en même temps pendant deux semaines. Le témoin a déclaré qu'il y avait peut-être eu une erreur dans le rapport. Il a poursuivi en expliquant que lorsque les soldats avaient mis des munitions sur sa tête et celle d'autres villageois, ils avaient dû laisser d'autres personnes derrière dans la ville. Il s'est alors caché. De retour à Kamatahun, les soldats sont restés et ont continué à faire « beaucoup de mauvaises choses ».

En réponse à une question de la Défense demandant si le témoin avait vu quelqu'un d'autre que l’Ange Gabriel « faire de mauvaises choses », le témoin a déclaré que l'homme était le commandant et que si quelqu'un faisait de mauvaises choses, c'était parce qu'il en avait donné l'ordre. Le témoin a répété qu'il ne pouvait pas parler de ce qui s'était passé ou de qui avait donné des ordres après avoir quitté la ville.

Revenant sur le récit du trente-cinquième témoin concernant l'ordre donné à un civil d'être tué par un commandant sierra-léonais, la Défense a demandé si l'homme était un soldat du LURD. Le témoin a expliqué à plusieurs reprises qu'il n'avait pas dit qu'il s'agissait d'un soldat du LURD dans son témoignage. La Défense a précisé qu'il faisait référence à l'entretien avec la police finlandaise, ce à quoi le témoin a répondu qu'il n'avait rien dit sur les soldats du LURD à la police finlandaise. L'avocat de la Défense a répété que le trente-cinquième témoin avait dit à la police que l’Ange Gabriel avait ordonné le meurtre d'un soldat du LURD et que ses hommes lui avaient ensuite apporté le cœur du soldat pour le manger. Le trente-cinquième témoin a nié avoir eu de tels propos.

La Cour a ensuite diffusé un enregistrement de l'entretien du trente-cinquième témoin avec la police, dans lequel le témoin mentionne l’Ange Gabriel et déclare qu' « ils » avaient capturé un soldat des forces du LURD. Dans l'enregistrement, il a également déclaré que lorsqu'ils capturaient des soldats des forces du LURD, ils enlevaient le cœur ; l’Ange Gabriel avait dit qu'il le mangerait. Après la diffusion de l'enregistrement, le témoin a demandé s’il pouvait donner des explications. Il a déclaré que lorsque les soldats capturaient des civils, ils les appelaient des soldats du LURD car c'était eux qu'ils tuaient. Le témoin a déclaré que c'était la raison pour laquelle il avait fait référence aux soldats du LURD dans l'enregistrement. La Défense a continué à demander si l'homme était un soldat ou un civil, ce à quoi le trente-cinquième témoin a répété que c’était ainsi qu'ils appelaient la victime. A la question de savoir pourquoi il n'avait pas dit à la police finlandaise que l'homme était un civil, le témoin a répondu que c’étaient les soldats de Charles Taylor qui avaient dit que l'homme était un civil.

Le témoin a également déclaré qu'il avait quitté la ville après qu'une dizaine de maisons aient été brûlées, et qu'après son départ, les soldats avaient brûlé toute la ville. Il a rappelé à la Cour que de nombreuses personnes comme lui avaient quitté la ville après que des munitions aient été mises sur leurs têtes. La Défense a demandé au témoin s'il était présent lorsque l’Ange Gabriel avait donné l'ordre de brûler la ville. Le trente-cinquième témoin a déclaré en parlant de la Défense, « Je pense qu'il veut juste que je mente ». La Cour est intervenue et a demandé au témoin s'il avait entendu de ses propres oreilles l’Ange Gabriel donner l'ordre de brûler Kamatahun. Le témoin a répondu par l'affirmative et a déclaré l'avoir entendu en 2001. Interrogé sur ce qui s'était passé après que l'ordre ait été donné, le témoin a répondu qu'il n'était pas présent et qu'il ne le savait donc pas. Il a expliqué qu'au début, les soldats avaient brûlé les maisons petit à petit. Mais au moment où les soldats était partis, ils ne voulaient pas que les forces du LURD s’emparent de la ville et en fassent une base, alors ils avaient tout brûlé.

Les témoignages se sont terminés pour la journée. L'audience reprendra le 26 mars 2021.


+ 24/03/21 (Libéria) Vingt-et-unième jour : Audition des trente-sixième, trente-septième et trente-huitième témoins

La vingt-et-unième journée d'audience publique a repris le 26 mars 2021 à Monrovia, Libéria.

Le trente-sixième témoin est entendu

La Défense interroge le trente-sixième témoin

Le témoin a commencé par déclarer qu'il était soldat pendant la guerre civile de 1999 à 2000. Il faisait partie du personnel de l'ATU et a été formé à Gbatala (comté de Bong) ; de là, il a été envoyé dans le comté de Lofa à la fin de 1999. Son commandant était [FNM-126]. La troupe dans laquelle il se trouvait était un groupe de soldats mixtes, des soldats libériens et des combattants du RUF qui sont venus s'entraîner avec eux. Des troupes sont venues les aider depuis la Sierra Leone au début de l'année 2000 ; leur commandant était Sam Bockarie. Il y avait beaucoup de commandants, mais c'est Sam Bockarie qui commandait. Lorsqu'on lui a demandé s'il se souvenait des noms des autres commandants, le témoin a répondu qu'il se souvenait d'Issa Sesay, de Johnny Paul Koroma et de [FNM-161]. Plus tard au cours de l'audience, le témoin a déclaré qu'il se souvenait également du nom de Superman.

Interrogé par la Défense, le témoin a reconnu qu'il se souvenait effectivement d'un certain Massaquoi. Il a fait une pause pendant un moment, essayant de se rappeler son nom complet : incertain, il a dit que cela aurait pu être « Jumbeh ». Le témoin a également ajouté que le nom de guerre de Massaquoi était « Ange Michael ». Il l'a décrit comme un homme mince originaire de Sierra Leone, qui parlait mende. Plus tard, la Défense a posé des questions sur l'anglais de Massaquoi, et le témoin a répondu qu'il ne parlait pas très bien l'anglais, qu'il a comparé au krio. Il a ajouté que Massaquoi avait un interprète. La Défense a demandé si le témoin savait ce qui était arrivé à Sam Bockarie pendant la guerre. À cela, le témoin a répondu que Sam Bockarie était avec eux pendant la guerre et qu'après avoir arrêté des troupes indiennes en Sierra Leone, ils n'avaient pas assez d'armes et avaient donc désarmé les soldats indiens. Bockarie a ensuite envoyé les armes et les personnes au Libéria. Interrogé sur ce sujet, le témoin a déclaré que Sam Bockarie n'était pas vivant ; selon lui, il était mort au Libéria « à 5 heures du soir », mais il ne se souvient pas de la date. Il a déclaré qu'avant de mourir, il avait déployé plusieurs commandants dans différentes zones de Lofa.

Le témoin a déclaré que Sam Bockarie avait été tué par Benjamin Yeaten, leur général. Selon lui, Bockarie avait été tué « parce que la plupart des commandants qu'il avait déployés faisaient du mal aux Libériens ». Ils ont transporté son corps à Monrovia par un hélicoptère militaire, où il a été embaumé et conservé. [FNM-127] était l'un des généraux qui se trouvait à bord de l'hélicoptère qui a transporté le corps. Le témoin a déclaré qu'il le savait parce qu'il était affecté à l'ATU, et que tout ce qui concernait le pays était connu. Il n'a pas été impliqué dans le transport du corps, il ne l'a vu que lorsqu'ils ont amené le corps devant « le Président » pour qu'il le voie. Seuls les soldats de l'ATU étaient présents à cette occasion, la plupart des soldats sierra-léonais était affectée à « 50 », et ne voulait pas voir le corps. La Défense a ensuite demandé si le témoin se souvenait de quelqu'un appelé « Second Dieu ». Le témoin a répondu qu'il y avait quelqu'un qui utilisait ce nom, mais il était mort avec Johnny Paul Koroma.

La Défense a demandé au témoin comment la police finlandaise était entrée en contact avec lui. Le témoin a répondu qu'un homme nommé Sweet Candy, qui était l'un des commandants à Lofa, lui avait dit que des personnes voulaient venir leur parler. Sweet Candy a été le premier à leur parler et a donné le numéro du témoin à la police finlandaise. Le témoin a été contacté quelques semaines plus tard, mais il ne comprenait pas leur anglais. Sweet Candy, qui avait leur numéro, a fait en sorte que le témoin les rencontre dans un hôtel. Lorsqu'il s'y est rendu, il a rencontré deux officiers de police qui l'ont interrogé sur la raison pour laquelle Sam Bockarie avait été tué. Le témoin leur a alors dit que l'un des commandants affectés à Lofa, Jumbeh, était très méchant. Ils voulaient le tuer « pour la même raison qu'ils avaient tué Johnny Paul Koroma ». Selon le témoin, Jumbeh Massaquoi avait commis un massacre à Kamatahun, après quoi le témoin avait été envoyé pour l'arrêter, mais il s’était échappé. Certains soldats sierra-léonais ont ensuite été arrêtés par [FNM-126]] et remis à « 50 » - il ne sait pas ce qu'il est advenu de ces soldats. Se référant à une déclaration antérieure du témoin, la Défense lui a demandé s'il avait dit à la police finlandaise que « Gibril Massaquoi » avait tué des gens à Kamatahun, ce à quoi le témoin a répondu par l'affirmative.

Lorsqu'il lui a été demandé si le nom de l’[employé 1] lui rappelait quelque chose, le témoin a répondu qu'il connaissait le nom, mais qu'il n'avait pas vu la personne. La Défense a ensuite demandé si [l’employé 1] avait mené une enquête à Lofa, ce à quoi le témoin a répondu qu'il y était en 2000 et 2001 et qu'il ne l'avait pas vu.

L'Accusation interroge le trente-sixième témoin

L'Accusation a demandé au témoin s'il se souvenait d'autres noms pour désigner Massaquoi que celui d'Ange Michael. Le témoin a répondu qu'à part Jumbeh Massaquoi, c'était tout. L'Accusation s’est ensuite référée à une section du résumé de la police finlandaise : « parce que les Libériens l'appelaient Jumbeh Massaquoi, c'est là qu'il a commencé à se faire appeler Ange Gabriel ». Le témoin a expliqué qu'il n'a jamais voulu que les gens l'appellent par son vrai nom, et qu'il avait donc utilisé le nom de guerre Ange Gabriel. Le témoin a déclaré que Massaquoi était un commandant au Libéria, un colonel, et qu' « il avait des hommes ». Après l'attaque du LURD, ils ont combattu pendant trois mois. Décrivant l'apparence de Massaquoi en tant que soldat, le témoin s'est souvenu qu'il était bien habillé, portait un pistolet sur le côté et avait un fusil. Il portait différents uniformes, tant sierra-léonais que libériens.

À Lofa, le témoin était à Kolahun. De là, ils ont été envoyés à Masambolahun. Ils sont également allés à Babahun, Nyangolahun et dans de nombreuses autres villes. Il y avait une grande ville sur la route principale appelée Vezala qui était la ville de combat pour tous : quand ils avaient fini de se battre, ils y retournaient. Massaquoi était avec eux quand ils étaient dans ces villes. Quand ils attaquaient les villes, ils emmenaient les civils et les laissaient avec les autres habitants de la ville. Lorsqu'on lui a demandé si Massaquoi était toujours à Lofa ou s'il allait ailleurs, le témoin a répondu qu'il ne restait pas toujours à Lofa. Charles Taylor a fait venir ces hommes à Monrovia et il a envoyé Sam Bockarie à « 12 Houses » . Le témoin a souligné que Massaquoi avait également été amené à Monrovia et qu'il vivait derrière Kiss FM. Le témoin a expliqué que lorsqu'une personne reste longtemps sur le front, par exemple pendant trois mois, elle est amenée en ville pour se reposer, parfois pendant deux semaines. Lorsque Massaquoi se rendait à Monrovia, il conduisait un camionnette Nissan Hardbody qui lui avait été donnée. Le témoin a ajouté que Massaquoi se déplaçait également en hélicoptère car le LURD avait commencé à tendre des embuscades à leur convoi à plusieurs reprises.

L'Accusation a interrogé le témoin sur l'année qu'il avait passée avec Massaquoi à Kolahun. Le témoin a déclaré que c'était entre fin 2000 et 2001, précisant que c'était l'époque où il avait commis les atrocités et où ils le recherchaient. Ils étaient basés à Kamatahun à l'époque, qui n'est pas proche de Foya. Le témoin a déclaré qu'après l'évasion de Massaquoi, il ne savait pas où il était allé, ni s'il était allé à Monrovia, en Sierra Leone ou en Guinée. La dernière fois qu'il avait vu Massaquoi, c'était à la fin de 2001 dans un camp de combat à Vezala, mais il n'était pas sûr du mois.

La Défense interroge à nouveau le trente-sixième témoin

La Défense a demandé au témoin comment il avait entendu le nom « Gabriel » puisque le témoin avait dit « Jumbeh Massaquoi » lors de l’audience. Il a répondu qu'il s'était trompé parce que beaucoup d'années s'étaient écoulées - cependant, il avait utilisé le nom « Gabriel » lors de son entretien avec la police. La Défense a rétorqué que le nom « Gabriel » n'avait pas été mentionné au cours de l’audition par la police, mais que le témoin était certain d'avoir dit « Gabriel Massaquoi », qu'il avait également décrit. Selon le témoin, Massaquoi avait changé de nom parce qu'il ne voulait pas que les gens l'appellent par son vrai nom. Sam Bockarie a également changé son nom par « Mosquito » (Moustique). La Défense, insistant sur la mention de Jumbeh, a interrogé le témoin sur l'origine de ce nom. Le témoin a attribué cette origine au fait que la police l'avait mal entendu, mais la Défense a rappelé au témoin qu'il avait mentionné Jumbeh plus tôt au cours de l’audience. Le trente-sixième témoin a répondu qu'il avait utilisé Jumbeh parce qu'il ne se souvenait pas de ce nom au départ, mais « en parlant, je me suis rappelé du nom ». Il a ensuite affirmé que l’Ange Gabriel s'appelait ainsi, « personne ne lui a donné ce nom ».

Selon le témoin, Massaquoi n'était pas présent lorsque le corps de Sam Bockarie avait été transporté à Monrovia, car « Jumbeh » était en fuite. La Défense a souligné l'incohérence de cette déclaration, affirmant que le témoin avait dit à la police qu'il était avec Massaquoi lorsque le corps de Sam Bockarie avait été transporté. Le témoin a répondu qu'il s'agissait d'une erreur, qu'il avait seulement dit à la police qu'il était à Monrovia pour recevoir le corps et le porter au Président. Le témoin a également expliqué qu'au cours de son séjour de 4/5 mois à Voinjama, Charles Taylor avait découvert que l'ONU recherchait Bockarie. Craignant que Bockarie ne révèle ses secrets, Taylor avait dit à Benjamin Yeaten qu'il espérait que l'ONU ne trouverait pas Bockarie.

La Cour a ensuite diffusé un enregistrement. On entend le témoin dire à la police que Charles Taylor avait dit à Benjamin Yeaten de se débarrasser de Bockarie pour que l'ONU ne le trouve pas. Le témoin a également mentionné que comme ils ne pouvaient pas tuer tous les hommes, Taylor avait donc ordonné à Jumbeh et Issa Sesay d'amener les autres hommes à Kolahun. Le témoin a également déclaré à la police que Benjamin Yeaten avait ordonné de tuer Sam Bockarie car il était « le général quatre étoiles pour nous, il contrôlait tout le pays ». Le témoin a également décrit comment Sam Bockarie avait été tué. L'enregistrement a continué à décrire les derniers moments de la vie de Bockarie, et comment le témoin était avec Issa Sesay et Jumbeh lorsque l'hélicoptère était arrivé et qu'ils avaient porté le corps au funérarium.

Après l'enregistrement, la Défense a interrogé le témoin sur ses déclarations concernant le transport du corps de Sam Bockarie. Le témoin a confirmé que ce qui est dit dans l'enregistrement s'est produit, mais que seul Issa Sesay était présent, Jumbeh étant en fuite. Selon le témoin, lorsque Sesay avait transporté le corps en Sierra Leone, « il a été arrêté, envoyé devant la cour pénale du Rwanda, il y est resté et est mort ». Le témoin a affirmé que Bockarie était mort en 2001. Un autre enregistrement a été diffusé, dans lequel on entend le témoin dire que « Jubli », en tant que « gars » de l'opération, avait été chargé de prendre « d'autres gars et de les emmener à Kolahun ». Dans l'enregistrement, le témoin dit que les troupes avait été divisées, Jubli Massaquoi avec Second God (Second Dieu), et Sesay avec d'autres personnes, et qu'elles s’étaient rendues à Kotohun. Une fois sur place, « ils ont décidé de forcer les civils à creuser des diamants pour eux ».

Une fois l'enregistrement arrêté, le témoin a précisé que Jubli avait été envoyé à Kotohun par M. Taylor, mais que le rôle du témoin et celui de Jubli étaient différents. Il a ajouté que la base de Jubli était Kolahun.

La Défense a ensuite cherché à savoir comment le témoin était entré en contact avec la police. Le témoin a répété que c'était par l'intermédiaire de Sweet Candy : ils se sont connus avant la guerre, et pendant la guerre ils avaient combattu ensemble avant que Sweet Candy ne soit envoyée à Foya. Sweet Candy lui a donné le numéro des personnes concernées et l'a dirigé vers elles. Le témoin est arrivé la veille de l'audience, mais Sweet Candy ne l'attendait pas sur place.

Le trente-septième témoin est entendu

La Défense interroge le trente-septième témoin

Le témoin a commencé par déclarer qu'il avait pris part à la guerre civile libérienne de 1999 à 2003 en tant que membre de l'ATU, la force de garde présidentielle. Il a ajouté qu'il s'était rendu dans le comté de Lofa, à Bomi, au Sud du Libéria et à Grand Gedeh en tant que soldat.

Interrogé sur la mort de Sam Bockarie, le témoin a déclaré que Bockarie avait été envoyé du Libéria en Côte d'Ivoire, et a indiqué qu'il était recherché et qu'il avait commencé à se cacher dans une caravane. Il a expliqué que Sam Bockarie avait été envoyé à Troplay, en Côte d'Ivoire, via l'autoroute de San Pedro, auprès d'un commandant du nom de [FNM-128]. Le témoin a précisé que Sam Bockarie était un étranger en Côte d'Ivoire et qu'il était resté à Troplay pendant un mois avant que la BBC ne révèle qu'il se trouvait en Côte d'Ivoire. Après la révélation de son emplacement, il a ordonné à la moitié des soldats du RUF - qui se battaient avec les forces gouvernementales - de venir le voir. Après l'arrivée des soldats, Sam Bockarie et [FNM-128] sont entrés en conflit, et [FNM-128] a été tué alors qu'il tentait d'arrêter Bockarie. Le témoin a décrit les soldats arrivés en Côte d'Ivoire comme étant des mercenaires, et a déclaré qu'après la mort de [FNM-128], les mercenaires étaient entrés en conflit avec les forces révolutionnaires. Il a précisé que les soldats révolutionnaires pensaient que les mercenaires n'étaient pas venus pour les aider parce qu'ils venaient de tuer leur chef. Le témoin a décrit la présence de trois commandants à ce moment-là : Sam Bockarie pour le RUF, [FNM-128] pour les Ivoiriens et [FNM-129] pour les forces de l'ATU.

Alors que ce conflit se déroulait, Benjamin Yeaten, qui était le commandant de la sécurité spéciale, a envoyé un message demandant pourquoi ils perdaient du territoire. Yeaten a également demandé à Sam Bockarie de retourner au Libéria, plus précisément à Buutuo, dans le comté de Nimba. Après l'arrivée de Bockarie, on lui a dit qu'il devait capturer toutes les zones qui avaient été perdues : Bockarie a répondu que ce serait impossible. Le témoin a déclaré qu'il s'agissait d'une ruse à l'encontre de Sam Bockarie, car il était venu au Libéria avec près de sept camions d'hommes armés, ce qui était considéré comme un effectif important. Bockarie a reçu l'ordre d'emprunter un itinéraire spécifique pour se rendre à Tabou, en Côte d'Ivoire, afin de recevoir sa nouvelle affectation. Tous les soldats de l'ATU de Buutuo ont ensuite été conduits à Toweh Town, au domicile du vice-président. Il est ensuite entré dans la ville de Toweh avec quelques-uns de ses gardes du corps, et Yeaten a été informé de l'arrivée de Bockarie par un ancien chef suprême, [FNM-095]. Les soldats ont commencé à battre Bockarie, et Yeaten a dit « ne le battez pas, abattez-le ». Après la mort de Sam Bockarie, les soldats ont reçu l'ordre d'emmener son corps en Côte d'Ivoire et de l'y laisser. Le témoin a expliqué qu'il était présent à Buutuo lorsque Sam Bockarie était arrivé, mais qu'il n'était pas présent lorsqu'il avait été emmené en Côte d'Ivoire. Il a précisé qu'il était également présent lorsque Sam Bockarie avait été battu et tué, suffisamment près pour voir ce qui se passait. Il a déclaré que de nombreux commandants étaient présents en plus de Benjamin Yeaten, y compris un commandant des forces spéciales appelé « God Father ».

La Défense a ensuite demandé au témoin s'il avait entendu parler d'une personne du nom de Gibril Massaquoi. Le témoin a répondu par l'affirmative, disant qu'il lui avait parlé deux fois. Il a précisé que la première fois qu'il avait vu Gibril Massaquoi, c'était dans un camp de l'USC à Kumgbo, à la frontière de la Sierra Leone et du Libéria, puis qu'il l'avait vu une deuxième fois à Fissiebu, dans le comté de Lofa. Le témoin a déclaré que Gibril Massaquoi n'était pas présent à la réunion où Sam Bockarie avait été tué, et qu'il n'était pas venu plus tard non plus car il se cachait parce que les autorités étaient en colère contre tout le groupe. La dernière fois que le témoin a rencontré Massaquoi, c'était à Fissiebu, après quoi il ne l'avait vu que dans une voiture. Il a ajouté qu'il n'avait pas vu Gabriel Massaquoi au domicile du Vice-président.

L'Accusation interroge le trente-septième témoin

L'Accusation a poursuivi en demandant au témoin quand il avait vu Gabriel Massaquoi à Fissiebu. Le témoin avait vu Massaquoi dans le camp de l'USC en 2000, et en 2001 à Fissiebu. Il a précisé qu'ils avaient l'habitude de venir s'approvisionner sur la vieille route de Tarr Town en 2001 également. Le témoin s'est souvenu qu'ils avaient l'habitude de se rendre dans un bâtiment jaune situé entre la station-service de Kailondo et Nigeria House pour effectuer des transactions avec le Président. Il a ajouté qu'un conseiller du RUF originaire de Sierra Leone, du nom de Mark Lamin, était également impliqué dans ces transactions. Les marchandises étaient apportées depuis le manoir et étaient ensuite recouvertes d'une bâche, puis les hommes montaient dans une voiture le matin et se rendaient à Voinjama. Il a expliqué qu'ils transportaient principalement du carburant, des munitions et des cigarettes à Voinjama, et a précisé que ce transport avait pris fin après que les forces du LURD avaient perturbé la zone et les avaient empêchés de former une base appropriée. Lorsqu'on lui a demandé s'il savait en quoi consistaient les transactions avec le Président, le témoin a déclaré qu'il n'était pas là pour voir les livraisons, et a précisé qu'il avait entendu des gens dire que de l'or et des diamants étaient impliqués.

L'Accusation a demandé si le témoin avait vu Massaquoi participer au transport de ce matériel. Le témoin a déclaré que, bien qu'il n'ait pas vu Massaquoi dans la cour lorsque le matériel avait été apporté ; lorsqu'ils s’étaient rencontrés à Fissiebu, une voiture y était venue pour apporter du matériel à Massaquoi. Il a ajouté qu'un commandant supérieur du nom de [FNM-130] était présent. Le témoin a également indiqué que Fissiebu était la frontière entre la Sierra Leone et le Libéria et qu'ils étaient chargés de repousser toute attaque survenant au-delà de Fissiebu. Il a conclu en déclarant qu'après la mort de Sam Bockarie, ils s’étaient cachés et n'avaient refait surface que lorsqu'ils avaient été appelés.

Le témoin a été interrogé sur ses souvenirs de Massaquoi. Le témoin a déclaré que Massaquoi représentait le RUF et qu'il parlait l'anglais à la manière sierra-léonaise ou britannique, et qu'il parlait parfois mende. Il a précisé que Massaquoi était également appelé « Gabriel l’Ange » ou « l’Ange Gabriel », ce qui, selon lui, signifiait que lorsqu'il passait près d'une personne sans la tuer, elle était en sécurité.

Lorsqu'on lui a demandé si Massaquoi commandait des soldats, le témoin a déclaré que Massaquoi « partout où il apparaissait, il avait la parole, car il faisait preuve d'autorité. »

Le témoin a rappelé que Massaquoi était en contact direct avec le président Charles Taylor, de même que Sam Bockarie. Il a déclaré que Sam Bockarie avait un grade supérieur à Massaquoi, mais a précisé que lorsqu'ils voulaient quelque chose du Président, la demande était faite par Massaquoi. Le témoin a poursuivi en expliquant qu'en décembre 2000, les forces de l'ATU avaient perdu Voinjama et que, par conséquent, Massaquoi s'était rendu à Kailahun pour rassembler des forces supplémentaires afin d'envahir Voinjama. Une fois sur place, ils ont appelé les forces gouvernementales ; le témoin a précisé que Sam Bockarie n'était pas présent à ce moment-là.

La Défense interroge à nouveau le trente-septième témoin

La Défense a poursuivi en interrogeant le témoin sur Fissiebu, et sur l'année où il avait rencontré Massaquoi. Le témoin a expliqué que tout le monde était allé à Fissiebu au début de 2001, vers janvier ou février, après avoir perdu Voinjama en décembre 2000. La Défense a précisé que le témoin avait précédemment déclaré avoir vu Massaquoi à Fissiebu à la fin de 2001. Le témoin a répondu qu'il l'avait vu en 2001, au début de la saison des pluies.

La Défense s'est ensuite concentrée sur Sam Bockarie et les événements liés à la Côte d'Ivoire. Le témoin a expliqué que la Côte d'Ivoire avait été attaquée, et qu'il n'avait pas vu Massaquoi pendant le conflit en Côte d'Ivoire. La Défense a précisé que le témoin avait précédemment déclaré que la Côte d'Ivoire avait été attaquée en 2002 et que le « chef Massaquoi » et Salami y avaient participé. Après avoir nié cette version des faits, il a réaffirmé que Sam Bockarie avait été envoyé là-bas en tant que commandant et qu'il n'avait pas vu Massaquoi prendre part à cette attaque. Il se souvient que les autorités étaient en colère contre Massaquoi à peu près au moment où Sam Bockarie avait été tué, et a ajouté que lorsque Sam Bockarie était mort, il n'avait pas vu Massaquoi sur les lieux.

(Une partie de la transcription d'une interview antérieure du témoin a été lue, dans laquelle il a déclaré que Sam Bockarie avait été invité à une réunion dans la maison du Vice-président à Nimba, et que Benjamin, le Vice-président et le chef Massaquoi étaient présents. Il a ajouté qu'en réalité, la raison principale de cette réunion était de tuer Sam Bockarie).

Le témoin a répété que les personnes présentes étaient [FNM-161], [FNM-095] et Benjamin Yeaten ; Massaquoi ne pouvait pas être présent car le RUF se cachait à ce moment-là. Il a ajouté que 700 soldats sierra-léonais avaient été tués à Sacleapea. Après qu'on lui ait demandé s'il avait déjà déclaré avoir vu Massaquoi après la mort de Sam Bockarie, le témoin a répondu que lorsque Bockarie avait été tué, il n'avait pas vu Massaquoi. Il a expliqué qu'il avait rencontré Massaquoi à la résidence du Vice-président et à Fissiebu, ajoutant qu'il avait l'habitude de voir Massaquoi dans la caravane. Le témoin s'est souvenu que Sam Bockarie avait été tué un jour de 2002. Il avait déclaré à la police finlandaise qu'il n'avait pas vu Massaquoi à cet endroit, car leur groupe était accusé de connivence.

La Défense a précisé que le témoin avait utilisé le nom « Ange Gabriel » lors de l'audience, alors qu’au cours des entretiens précédents, il ne s’était référé qu’à « Gabriel Massaquoi » et « Chef Massaquoi ». Le témoin a expliqué que le nom complet de l'homme était Gabriel Massaquoi, et qu'ils avaient simplement l'habitude de mettre « Chef » devant son nom. Il a poursuivi en expliquant qu’ « Ange Gabriel » était son nom de combat et que la police ne lui avait pas demandé de citer tous les noms de l'homme. Il a conclu en affirmant que la plupart des combattants avaient des noms différents, et a pris pour exemple le fait que la plupart des gens ne savaient pas que le nom du directeur de la sécurité spéciale « 50 » était Benjamin Yeaten.

(Un enregistrement a été diffusé décrivant le piège qui avait été tendu pour tuer Sam Bockarie. Dans l'enregistrement, le témoin a déclaré que le groupe comprenait le directeur et Massaquoi, et que le Vice-président était parti dans un village).

Après avoir déclaré qu'il ne se souvenait pas que Massaquoi était présent lorsque le piège avait été mis en place, un autre enregistrement a été diffusé.

(Dans cet enregistrement, le témoin décrit le chef Massaquoi arrivant avec des forces supplémentaires, et précise que le chef Salami et [FNM-161] étaient les principaux commandants à ce moment-là. Le témoin a déclaré qu'une attaque a ensuite été lancée contre la Côte d'Ivoire).

Après que la Défense ait précisé que l’entretien précédent du témoin donnait l'impression que Massaquoi avait pris part aux combats en Côte d'Ivoire, le témoin a répété que Massaquoi n'était pas présent.

La Défense a ensuite interrogé le témoin sur la façon dont il a été impliqué dans le processus avec la police finlandaise. Il a déclaré qu'il avait été mis en contact avec la police après que [FNM-131] eut donné son numéro à [l'employé 1]. Après cela, on lui a dit que la police voulait le rencontrer, et il a été impliqué dans le processus.

Le trente-huitième témoin est entendu

L'Accusation interroge le trente-huitième témoin

Le témoin a commencé en disant dire qu'il était le garde du corps spécial de [FNM-161], qui était le commandant régional de Lofa et avait été envoyé par Charles Taylor. [FNM-161] était un Libérien, et le témoin l'a accompagné à Lofa et à Monrovia. [FNM-161] n'a jamais eu de problèmes avec les civils dans cette région ; en revanche, de nombreux autres officiers ont eu des problèmes avec les civils chaque fois qu'ils venaient à Lofa. Le témoin a cité les noms de Sam Bockarie « Mosquito » (Moustique) Superman, Johnny Paul Koroma, Ange Gabriel et Sierra Leone Devil (Le Diable de la Sierra Leone). Selon le témoin, des civils avaient été tués par ces hommes ; ils avaient qualifié les civils de soldats de l'armée sierra-léonaise (SLA) et les avaient tués : ils avaient également tué des réfugiés. Le Procureur a ensuite interrogé le témoin sur ses rencontres avec l’Ange Gabriel. Le témoin a déclaré l'avoir rencontré à plusieurs reprises et le connaître personnellement. Il a rencontré l’Ange Gabriel à Yandohun, Kamatahun Hassala et Vahun. Le témoin a commencé à rencontrer l’Ange Gabriel au début de l'année 2000 et a cessé à la fin de 2001. Il a décrit l’Ange Gabriel comme l'un des « grands hommes » qui apportaient des paquets à [FNM-161] pour qu'il les remette ensuite à Charles Taylor. Ils n'ont découvert que plus tard le contenu du paquet. Il s'agissait de diamants et d'or, qui étaient échangés contre des armes et des munitions. Les armes achetées ont été envoyées dans des villes du Liberia extrêmement proches de la Sierra Leone, « presque à l'intérieur de la Sierra Leone » : Kamatahun, Yandohun et Memolahun. Les armes ont été remises à la fois à Sam Bockarie et à l’Ange Gabriel ; cependant, c'est principalement l’Ange Gabriel qui les a reçues car il était le porte-parole du RUF. Il était également connu du témoin et d'autres Libériens sous le nom de « Maître du vendredi noir » car il avait l'habitude de tuer régulièrement le vendredi.

L’Ange Gabriel s'exprimait en anglais ou en mende. Il parlait mende lorsque le témoin l'a vu tuer [FNM-043]. [FNM-043] et [FNM-093] apportaient le paquet à l’Ange Gabriel. Selon le témoin, l’Ange Gabriel avait accusé [FNM-043] d'avoir modifié le contenu du paquet. C'est ainsi qu'ils ont découvert ce qu’il contenait. La Défense a ensuite demandé au témoin comment [FNM-043] appelait l’Ange Gabriel : il a dit qu'il l'appelait « Ngor » Massaquoi, ce qui signifie « grand frère ».

L'Accusation a voulu savoir quand le témoin avait vu l’Ange Gabriel à Monrovia. Le témoin a déclaré que c'était en février 2001, lorsque l’Ange Gabriel avait livré un colis à Charles Taylor. Le témoin a décrit l’Ange Gabriel comme étant calme à chaque fois qu'il se rendait à Monrovia, venant parfois dans un cortège avec une escorte présidentielle. La dernière fois qu'il a rencontré l’Ange Gabriel, c'était en 2001 ; cependant, le témoin ne se souvenait pas du mois - il a ajouté que la dernière fois qu'il l'avait vu, c'était « presque la saison des pluies ». Le témoin a poursuivi sa description en rappelant que c'était à peu près au moment où « ils ont dégagé la route de Voinjama » : à l'époque, les rebelles du LURD étaient basés à Voinjama.

Le témoin a rappelé qu'il avait été présent à de nombreuses reprises lorsque l’Ange Gabriel avait tué des gens le vendredi. Avec les autres soldats, il chuchotait : « le maître du vendredi noir est là ». Le témoin a ensuite mentionné deux endroits importants où des meurtres avaient lieu : le premier était le camp de combat, et le second Kamatahun, où il avait amené des personnes de Nimhalhun pour les brûler. Le témoin a déclaré que c'était l’Ange Gabriel et Superman qui avaient brûlé les gens, ce qui avait eu pour conséquence de vexer [FNM-161].

Le témoin a déclaré qu'il n'était pas présent lorsque l’Ange Gabriel avait brûlé des personnes. Il était avec [FNM-161] à Golahun lorsque l’Ange Gabriel avait attrapé ces personnes : il les a enlevées d'une ville après qu'un « papay » de la ville ait rêvé qu'ils prenaient un médicament qui les empêchait d'être tués par un fusil. Le témoin et [FNM-161] en ont entendu parler lorsqu'ils avaient atteint Masambula. Lorsqu'ils sont arrivés à Kamatahun, l’Ange Gabriel avait déjà rassemblé les gens dans une maison, y compris les enfants, et avait mis le feu au bâtiment. Le témoin a indiqué que cela avait provoqué un désaccord entre les forces libériennes et les membres du RUF, car ces derniers étaient censés aider, au lieu de tuer cruellement les gens. Le témoin et [FNM-161] ont rencontré Mosquito (Moustique), en présence de l’Ange Gabriel.

Selon le témoin, [FNM-161] a confronté l’Ange Gabriel et lui a dit : « Vous tuez mon peuple, il faut que vous arrêtiez. » l’Ange Gabriel a ensuite qualifié les gens de « collaborateurs », puis a remis un paquet à [FNM-161]. De là, le témoin l'a accompagné jusqu'à Monrovia. Il a répété que l’Ange Gabriel était le commandant qui avait ordonné l'incendie et la personne contre laquelle [FNM-161] était en colère.

L'Accusation a ensuite demandé au témoin comment il s'était souvenu que c'était un vendredi. Il a expliqué qu'ils avaient rencontré des gens en train de prier dans la mosquée sur le chemin de Sosohalun, qu'ils étaient passés à côté d'eux et ne leur avaient rien fait. Le témoin s'est souvenu que c’était l'année 2001 mais n'a pas pu se rappeler du mois.

L'interrogatoire est ensuite passé à la police finlandaise. Le témoin a déclaré à l'Accusation qu'il se souvenait avoir discuté du même incident avec la police l'année précédente. Un jour, alors qu'il travaillait, [l'employé 1] l'avait appelé et lui avait dit que [FNM-132] leur avait parlé et leur avait dit que le témoin était au courant des transactions entre le RUF et les soldats gouvernementaux. [L’employé 1] a ajouté que la police finlandaise voulait lui parler. Il s’est alors organisé avec [l'employé 1], et lorsqu'il est arrivé à l'endroit précis, [l'employé 1] l'a présenté à la police finlandaise. Le témoin a déclaré qu'il n'avait pas vu [l’employé 1] depuis lors, mais que la police l'avait appelé deux fois. Le témoin a répété que c'était [FNM-132], avec qui il avait combattu pendant la guerre, qui avait donné son nom à [l'employé 1].

Enfin, le témoin a déclaré au Procureur qu'à l'exception de la police finlandaise, personne d'autre n'était au courant en raison de sa peur d'être arrêté.

La Défense interroge le trente-huitième témoin

La Défense a commencé par interroger le témoin sur [l'employé 1]. Le témoin a déclaré que c'était [l'employé 1] qui l'avait dirigé vers le lieu de la réunion, mais qu'il ne l'avait pas vu. Le témoin a déclaré avoir rencontré un homme et une femme d'une organisation d'aide aux victimes et aux témoins. Il leur a parlé sur place : ils l'ont encouragé à dire la vérité et lui ont dit de ne pas s'inquiéter, mais ils ont évité de manger avec lui.

L'interrogatoire a ensuite porté sur l'incident de Kamatahun Hassala. Le témoin a déclaré que l'une des raisons pour lesquelles des personnes étaient tuées était le RUF : ils capturaient des civils et les accusaient d'être des soldats du SLA, puis les tuaient au camp de combat. Il a également réexpliqué que certaines personnes à Kamatahun Hassala avaient été incendiées parce que quelqu'un avait rêvé qu'elles avaient pris un médicament les empêchant d'être tuées par une arme à feu.

La Défense a demandé au témoin s'il avait parlé à la police de l'incident de Kamatahun Hassala. Le témoin a expliqué qu'il avait parlé à la police des meurtres qui s'y étaient produits, notamment au camp de combat. Il a également ajouté qu'il pensait avoir parlé à la police du fait que des personnes avaient été brûlées dans la maison, mais qu'il ne s'en souvenait plus. La Défense a déclaré que le témoin avait dit à la police qu'il y avait eu un massacre, mais qu'il n'était pas présent : selon le résumé, le témoin a décrit des corps égorgés, d'autres découpés en morceaux, d'autres blessés par balle. Le témoin a expliqué que ces choses s’étaient produites, et que même s'il n’avait pas dit à la police que les gens avaient été brûlés, cela s’était quand même produit.

Le témoin a expliqué que ce qui s'était passé à Kamatahun Hassala n'était pas un événement isolé : des meurtres ont été commis de manière continue jusqu'à la fin de la guerre. A la suite de l’insistance de la Défense sur les incohérences, le témoin a répondu que s'ils vérifiaient le résumé de la police, ils verraient qu'il avait mentionné les incendies. La Défense a rétorqué que le témoin avait mentionné des lieux en rapport avec l’Ange Gabriel mais pas Kamatahun Hassala : il a répondu qu'il venait de s'en souvenir et qu'il avait décidé de le dire, rappelant qu’il était un « homme soldat ».

La Défense est revenue sur l’Ange Gabriel et l’incendie de personnes au camp de combat. Le témoin a expliqué que l’Ange Gabriel « avait l'habitude de tuer des gens et de frotter le sang sur son juju ». La Défense a fait référence au résumé de la police et a déclaré que le témoin avait mentionné des maisons incendiées pendant les nuits froides, mais c’était au camp de combat qu’ils avaient mis des gens dans une maison et les avaient brûlés. Le témoin a expliqué ses propos en disant que les incendies ne se produisaient pas seulement dans le camp de combat mais aussi à Kamatahun. Il s'en est souvenu en raison de la question posée par le Procureur plus tôt à l'audience. Le témoin a également déclaré à la Défense que, bien qu'il ne se souvienne pas du jour où ils avaient brûlé des gens à Kamatahun Hassala, il se rappelait avoir dit qu'il y avait des meurtres à Kamatahun où Superman et Bockarie égorgeaient les gens.

La Défense a demandé des éclaircissements sur la dernière fois que le témoin avait vu l’Ange Gabriel : selon le résumé, c'était sur une montagne à Lisco en 2002, où des généraux s'étaient réunis pour attaquer Foya et Voinjama. Le témoin a reconnu que cela s'était produit en 2002, mais que la dernière fois qu'il avait eu un contact avec le chef Ange Gabriel était en 2001. Il a également déclaré que l’Ange Gabriel n'était pas avec lui lorsqu'il avait été transporté en hélicoptère et qu'il ne savait pas où il se trouvait. Il ne se souvenait pas d'avoir dit à la police s'il avait vu l’Ange Gabriel à cet endroit. Le témoin ne se souvenait pas non plus avoir dit à la police s'il avait vu l’Ange Gabriel. Il a déclaré que les personnes présentes étaient des « personnes haut placées ». Il a ajouté que [FNM-161] avait été tué en 2002, lorsque Sam Bockarie avait été emmené en Côte d'Ivoire avec des hommes du RUF.

La Défense a ensuite interrogé le témoin sur la période de meurtres la plus intense de la guerre. Il a expliqué que c'était lorsque Charles Taylor avait déclaré que quiconque était vu à Lofa était un rebelle, quelques mois après les batailles de Voinjama. La Défense a de nouveau fait référence au résumé de la police et a déclaré que le témoin avait affirmé qu'il avait souvent entendu l’Ange Gabriel donner l'ordre de tuer des gens, et qu'il l'avait vu tuer, en particulier entre 2002 et 2003. Le témoin a répété que les meurtres étaient continus et que le RUF avait l'habitude d'attraper des réfugiés sierra-léonais et de les qualifier de membres de SLA. Le témoin a ensuite expliqué la déclaration de Charles Taylor concernant les habitants de Lofa, « laissez-moi vous faire comprendre ». Il a précisé que les rebelles du LURD étaient arrivés en premier et qu'ils avaient un chef qu'ils avaient l'habitude d'appeler « Mosquito Spray » (Spray anti-moustique). Le témoin a poursuivi en expliquant que la première fois que le LURD était venu, ils étaient restés une semaine et étaient repartis. La deuxième fois qu'ils sont arrivés, ils sont restés trois mois. Pendant ces trois mois, le LURD a pris le contrôle de Voinjama, Kolahun, Foya, Zorzor et Salayea. Les forces gouvernementales ont fini par les combattre et les déloger. Le LURD a fini par s'enfuir en Guinée, et, selon le témoin, Charles Taylor leur a dit de les poursuivre, et c'est ainsi qu'ils sont entrés en Guinée, où ils ont passé un certain temps.

La Défense a voulu savoir si l’Ange Gabriel était le seul homme à qui Charles Taylor parlait directement, et le témoin a répondu par l'affirmative : il a également ajouté que [FNM-161] avait des contacts directs avec Taylor, ainsi qu'avec Bockarie. Cependant, Taylor les rencontrait toujours avec quelqu'un d'autre.

L'audience s'est terminée et reprendra le 29 mars à Monrovia, au Libéria.


+ Point hebdomadaire - Septième semaine

Présentation des audiences et des témoins de la septième semaine

La septième semaine du procès de Gibril Massaquoi s'est terminée le 26 mars 2021, après trois jours d'audience à Monrovia, au Libéria. Les audiences étaient dédiées aux témoignages de huit témoins. Comme pour les témoins précédents, leurs identités ont été dissimulées.

Les témoins ont été entendus dans l'ordre suivant et peuvent être décrits comme suit :

Dix-neuvième de l'observation du procès (22 mars 2021)

• Trente-et-unième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; âgé de 9 à 11 ans au moment des faits ; a décrit les incidents survenus à Kamatahun Hassala, notamment : des soldats ont brûlé un bâtiment avec environ trente-cinq personnes à l'intérieur et capturé sept femmes qu'ils ont amenées derrière la cuisine du forgeron sur l'ordre du « Général Gabriel » ; le lendemain matin, ils ont vu les femmes nues, tuées de diverses manières ; les soldats ont brûlé le reste du village.

• Trente-deuxième témoin : témoin de l'Accusation; homme ; âge inconnu ; a décrit des incidents survenus à Kamatahun Hassala, où il était et est toujours le chef local ; a décrit les conflits entre le gouvernement et les forces du LURD qui ont conduit à sa capture et à celle d'un grand nombre de ses concitoyens à Kamatahun Hassala ; a ensuite décrit les événements suivants : plusieurs personnes brûlées vives dans un bâtiment ; des soldats transportant sept femmes nues vers un quartier général ; son retour à Kamatahun Hassala des mois plus tard pour y trouver de nombreux cadavres ; ses interactions avec une ONG et la construction d'une hutte palava.

• Trente-troisième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; âge inconnu ; a décrit des incidents à Kamatahun Hassala, y compris : des soldats du RUF venant de Sierra Leone pour soutenir les forces gouvernementales ; des soldats mettant des gens dans un bâtiment et y mettant le feu sur l'ordre de l’Ange Gabriel ; l’Ange Gabriel prenant son amie pour « épouse » et la tuant ensuite avec un couteau ; des soldats disant qu'ils allaient violer un groupe de femmes et les transportant ensuite derrière l’atelier du forgeron où il les a vues mortes plus tard ; une aide à la construction d'une hutte palava.

Vingtième jour de l'observation du procès (24 mars 2021)

• Trente-quatrième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; âgé de 25 à 27 ans au moment des faits ; a décrit les incidents survenus à Kamatahun Hassala, notamment l'incendie des bâtiments avec des personnes à l'intérieur, y compris des enfants, sur ordre de l’Ange Gabriel, et les soldats transportant des femmes dans une cuisine derrière l’atelier du forgeron avec l’Ange Gabriel ; a ensuite décrit le nettoyage ultérieur de la brousse envahissante autour de Kamahatun Hassala et l'enterrement des cadavres qu'ils y trouvaient ; a décrit la construction d'une hutte palava, avec un sacrifice et une plaque commémorative.

• Trente-cinquième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; âge inconnu ; a décrit avoir été emmené à Kamatahun Hassala et avoir vu en chemin l’Ange Gabriel ordonner à ses soldats de : tuer une personne et lui servir le cœur à manger ; brûler des personnes dans des bâtiments ; transporter sept femmes dans une cuisine derrière l’atelier du forgeron où elles ont été violées et tuées. Le témoin a ensuite décrit avoir été forcé de transporter des munitions pour les soldats et décrit la hutte palava construite dans la ville.

Vient-et-unième jour de l'observation du procès (26 mars 2021)

• Trente-sixième témoin : témoin de la Défense ; homme ; âgé d'environ 25 à 27 ans au moment de l'incident, ancien soldat de l'ATU pendant la guerre civile en 1999-2001, décrit ses interactions avec une personne qu'il a d'abord appelée « Jumbeh (sic) Massaquoi », qu'il a également appelée « Ange Michael » puis « Ange Gabriel » ; a également décrit la mort de Sam Bockarie et a indiqué si Massaquoi était présent à ce moment-là.

• Trente-septième témoin : témoin de la Défense ; homme ; âgé de 28 à 30 ans au moment de l'incident, ancien soldat de l'ATU pendant la deuxième guerre civile, a décrit sa rencontre avec Massaquoi à deux reprises, la mort de Sam Bockarie et ce qu'il savait des contacts et des déplacements de Massaquoi en 2000-2001.

• Trente-huitième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; âge inconnu ; garde du corps spécial du [soldat 12], un commandant régional de haut rang ; a décrit l’ « Ange Gabriel » apportant de l'or et des diamants au [soldat 12] pour qu'il les livre à Charles Taylor en échange d'armes et de munitions ; a également déclaré que l’ « Ange Gabriel » avait tué un homme soupçonné d'avoir trafiqué un paquet d'or et de diamants ; a décrit l' « Ange Gabriel » comme responsable de l'incendie de Kamatahun Hassala, Libériens, à la grande frustration de [FNM-161].

Points communs des témoignages

Les témoins ont témoigné sur différents événements survenus dans le comté de Lofa en 2001. Les points communs suivants sont apparus concernant les événements et les interactions de ces témoins particuliers avec la police finlandaise :

Événements dans le comté de Lofa

Maisons brûlées avec des personnes à l'intérieur

• Le trente-troisième témoin a estimé que cinquante personnes avaient été tuées dans le bâtiment ; le trente-quatrième témoin en a estimé plus de trente. Le trente-cinquième témoin a estimé qu'il y en avait plus de dix.

• Le trente-deuxième témoin a décrit que les soldats avaient ordonné aux gens d'entrer dans le bâtiment, avaient tapissé les murs de matelas, versé de l'essence, verrouillé et fermé les issues au marteau, puis qu'ils avaient mis le feu au bâtiment.

• Le trente-quatrième témoin a décrit que de nombreuses personnes provenant de plusieurs villages avaient été amenées dans le bâtiment pour y être brûlées.

• Les témoins ont désigné la personne qui a donné l'ordre comme une variante de l' « Ange Gabriel » et l'ont décrit comme donnant des instructions similaires.

• Le trente-et-unième témoin a déclaré que le « Général Gabriel » avait dit : « mettez le feu à cette maison pour qu'elle brûle ».

• Le trente-deuxième témoin a déclaré que le commandant avait déclaré : « Je suis l’Ange Gabriel. Ces gens, nous allons les brûler. Je vous ai dit de ne pas tirer, on va les brûler » ou dit « Je vous avais dit de ne pas tirer sur ces gens, amenez-les, brûlons-les ».

• Le trente-quatrième témoin a déclaré que l’ « Ange Gabriel » avait dit : « vous mettez le feu à la maison ».

• Le trente-cinquième témoin a déclaré que l' « Ange Gabriel » avait déclaré : « Je suis l’Ange Gabriel, je suis proche de Dieu. Je vais brûler ces gens. »

• Le trente-deuxième témoin a déclaré qu'un homme de grande taille s'était échappé brièvement avant d'être repoussé dans le feu par les soldats.

• Le trente-quatrième témoin a déclaré que les personnes âgées avaient été brûlées dans un autre bâtiment que les enfants ; peut-être 20 ou 25 enfants de moins de dix ans avaient été brûlés dans un « atelier de cuisine ».

• Le trente-huitième témoin a déclaré que les personnes avaient été brûlées parce qu'un vieil homme avait rêvé que les balles ne pouvaient pas le tuer.

Atteinte à la dignité des personnes décédées

• Le trente-cinquième témoin a décrit un homme que les soldats avaient appelé rebelle du LURD pour qu'il soit tué sur l'ordre de l'Ange Gabriel. Le témoin a ensuite déclaré que l’Ange Gabriel avait ordonné à son garde du corps de découper le cœur de la personne afin qu'il puisse le manger ; il n'a pas vu si l’Ange Gabriel avait mangé le cœur.

Violence à l'égard des femmes

• Plusieurs témoins ont décrit avoir vu sept femmes être emmenées par des soldats derrière l’atelier du forgeron sur l'ordre de l'Ange Gabriel. Le trente-troisième témoin ne se souvient pas du nombre exact. Les trente-et-unième , trente-deuxième et trente-quatrième témoins ont déclaré qu'il y avait sept femmes. Le trente-quatrième témoin a déclaré que Gabriel Massaquoi avait rejoint les soldats dans la cuisine avec les femmes. Le trente-cinquième témoin a déclaré que les femmes étaient attachées.

• Les témoins ont décrit un commandant appelé une variante de « l’Ange Gabriel » ordonnant aux soldats de prendre les femmes. Le trente-et-unième témoin a déclaré que le « Général Gabriel » avait dit « Faites leur tout ce que vous voulez ». De même, le trente-quatrième témoin a déclaré que « l’Ange Gabriel » avait dit « Emmenez ces femmes et faites-leur tout ce que vous voulez ».

• Aucun de ces témoins n'a vu ces femmes être violées dans le bâtiment, mais certains (dont le trente-cinquième témoin ) ont précisé que les femmes étaient nues lorsqu'elles y avaient été transportées. Le trente-quatrième témoin a déclaré avoir entendu les femmes pleurer. Le trente-troisième témoin a déclaré avoir entendu les soldats planifier de violer les femmes avant de les emmener. Certains des témoins ont également décrit avoir vu les femmes mortes le lendemain matin.

• Les trente-quatrième et trente-cinquième témoins ont déclaré que certaines semblaient avoir été tuées avec un couteau tandis que d'autres semblaient avoir été battues à mort.

Travail forcé

• Le trente-cinquième témoin a déclaré avoir été forcé à transporter des munitions.

Chronologie des événements dans le comté de Lofa

• Le trente-quatrième témoin a décrit que les gens faisaient généralement référence aux incidents de Kamatahun Hassala comme ayant eu lieu en 2001.

• Le trente-quatrième témoin a situé les événements au début de l'année (avril à mai), à la saison des plantations. Le trente-cinquième témoin se souvient de la saison sèche.

• Le trente-troisième témoin a déclaré que les sept femmes avaient été transportées derrière le bâtiment deux jours après que celui-ci ait été incendié (voir ci-dessus). Le trente-et-unième témoin a déclaré que cela s'était produit dans la semaine suivant l'incendie du bâtiment.

Identification

Les témoins de cette semaine ont fourni d'autres témoignages concernant le commandant qui s'est présenté sous le nom d' « Ange Gabriel » :

• Plusieurs témoins ont déclaré qu'il se faisait appeler « Ange Gabriel ».

• « Il dit généralement 'je suis aux côtés de Dieu' ». (Trente-troisième témoin)

Les témoins ont utilisé des noms multiples et différents pour désigner l'Accusé dans leur témoignage ou leurs auditions par la police.

• Le trente-et-unième témoin a fait référence au « Général Gabriel ».

• La plupart des témoins a parlé d' « Ange Gabriel ».

Plusieurs témoins, dont les trente-et-unième, trente-deuxième, trente-troisième, trente-quatrième et trente-cinquième témoins, ont décrit Massaquoi comme parlant krio. Certains (trente-sixième, trente-septième et trente-huitième témoins) ont déclaré que Massaquoi parlait mende, le trente-septième témoin ayant déclaré qu'il parlait comme un « Britannique ».

Les témoins ont fourni des détails supplémentaires sur la langue parlée par Massaquoi et son apparence. Le trente-troisième témoin a décrit Massaquoi comme étant « dur dans sa façon de parler », le trente-deuxième témoin et le trente-sixième témoin ont décrit Massaquoi comme étant « un homme mince ».

Le trente-deuxième témoin a également décrit Massaquoi comme un homme qui « portait un chapeau rond » et « n'était pas une personne de grande taille ».

Le trente-huitième témoin a déclaré que Gibril Massaquoi était connu pour tuer les vendredis, et qu'on l'appelait donc « le maître du vendredi noir ». Le témoin a également déclaré qu'un homme tué par Gibril Massaquoi l'avait appelé « Ngor Massaquoi ». Il a également ajouté que « Ngor » signifiait « grand frère ».

Liens avec des personnalités

• Comme dans le témoignage de la semaine précédente, plusieurs autres commandants ont été mentionnés, notamment Benjamin Yeaten (« 5050 »), [FNM-161], Sam Bockarie (« Mosquito » (Moustique)), Zig Zag Marzah, Cevelee, « No Monkey » et Koblah.

• Le trente-sixième témoin et le trente-septième témoin ont déclaré que Benjamin Yeaten avait agi sous la direction de Charles Taylor pour tuer Sam Bockarie, dans le but de l'empêcher de témoigner au procès de Charles Taylor devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Les témoins ont décrit Benjamin Yeaten et [FNM-161] comme étant frustrés par le fait que Sam Bockarie et ses collègues commandants tuaient des civils. Il y a eu quelques confusions concernant la présence de Massaquoi au moment de la mort de Sam Bockarie.

• Le trente-huitième témoin a décrit Massaquoi livrant des paquets d'or et de diamants à Charles Taylor, directement ou par l'intermédiaire d'autres personnes, en échange d'armes et de munitions.

Interactions avec la police finlandaise

Comme pour les témoignages de la semaine dernière, la plupart des témoins de cette semaine venant du comté de Lofa sont entrés en contact avec la police finlandaise par l'intermédiaire de leurs chefs locaux.

Thèmes émergents pour l'Accusation et la Défense

Au cours des deux premiers jours de témoignage, l'Accusation et la Défense ont adopté des stratégies similaires à celles des semaines précédentes. L'Accusation a appelé une série de témoins civils qui avaient une connaissance et une expérience de première main de plusieurs atrocités commises à Kamatahun Hassala. Les trente-et-unième, trente-deuxième, trente-troisième et trente-cinquième témoins ont évoqué des meurtres et des viols, tandis que le trente-quatrième témoin a décrit des meurtres. L'Accusation a cherché à obtenir de ces témoins la preuve que Gibril Massaquoi avait ordonné la perpétration de ces crimes et qu'il en avait lui-même perpétré certains. Le trente-troisième témoin a déclaré que l' « Ange Gabriel » avait tué une femme qu'il avait prise pour épouse et plusieurs autres témoins avaient vu le commandant suivre ses hommes alors qu'ils emmenaient sept femmes nues dans un lieu appelé « cuisine de forgeron », où elles avaient été violées et finalement tuées. Les témoins ont tous décrit un « Gabriel » comme ayant ordonné les meurtres et ordonné, ou du moins autorisé, les viols. Le trente-et-unième témoin s'est souvenu d'un « Général Gabriel » donnant des ordres, tandis que les autres témoins ont parlé d'un « Ange Gabriel ». Tous les témoins ont déclaré que cette personne parlait le krio.

L'Accusation s'est également efforcée d'établir que les événements de Kamatahun Hassala s’étaient produits en 2001. Les témoins ont uniformément témoigné en ce sens, s'appuyant souvent sur les cycles de plantation et de récolte pour situer l'époque quelque part au printemps ou à l'été 2001. Plusieurs témoins ont également décrit la venue d'une ONG à Kamatahun Hassala pour mettre en place un projet de justice réparatrice, notamment en construisant une hutte palava sur le site d'un incendie collectif. L'Accusation a également établi comment chaque témoin est entré en contact avec la police finlandaise.

La Défense a passé une grande partie des deux premiers jours d’audience à souligner les incohérences dans les témoignages. Elle a utilisé des résumés de la police finlandaise et des enregistrements d’auditions antérieures pour montrer que les trente-et-unième et trente-deuxième témoins avaient initialement donné des années autres que 2001 lorsque la police leur avait demandé quand les événements s'étaient produits, bien que devant la Cour ces témoins aient réaffirmé qu’ils étaient convaincus que 2001 était l'année correcte. La Défense a également souligné des incohérences concernant le niveau d'implication de divers commandants du RUF et d'autres groupes, ainsi que des détails sur le placement des troupes du RUF et d'autres détails. Les témoins civils ont constamment maintenu leur témoignage, expliquant les incohérences par la difficulté de se souvenir des détails après tant d'années.

La Défense a également mis l'accent sur la manière dont les témoins civils avaient été contactés. Beaucoup de témoins civils ont eu affaire à [FNM-078], qui, selon la Défense, est impliqué d'une certaine manière dans le procès en cours. La Défense a également posé des questions sur l'ONG qui a construit la hutte palava, en demandant la nature de son implication dans les enquêtes finlandaises ou autres. Les témoins ont indiqué de manière constante que l'implication de l'ONG à Kamatahun Hassala se limitait à la construction de la hutte palava et à l'organisation de quelques cérémonies multiculturelles en l'honneur des morts.

Le troisième jour de témoignage a donné lieu à des stratégies différentes pour les deux parties. La Défense a appelé les trente-sixième et trente-septième témoins, tous deux anciens soldats de l'ATU, dans le but de montrer qu'il y avait un autre Massaquoi actif dans les rangs supérieurs du RUF. La Défense a interrogé ces deux témoins sur la mort de Sam Bockarie, un chef du RUF, en 2003 cherchant à établir qu'un Massaquoi était présent lorsque Bockarie avait été tué, ou alternativement lorsque son corps avait été remis à Charles Taylor. La Défense n'a finalement pas été en mesure d'établir ce point. Le trente-sixième témoin a eu du mal à se souvenir du prénom du Massaquoi dont il parlait. Le trente-septième témoin a déclaré que Massaquoi n'était pas présent lors de la mort de Bockarie ; il a déclaré qu'il avait rencontré Gibril Massaquoi en 2000 et 2001. Les deux témoins se souviennent que Massaquoi parlait mende. Enfin, les deux témoins ont été mis en contact avec la police finlandaise par l’intermédiaire d’anciens soldats.

L'Accusation a interrogé un autre ancien soldat, le trente-huitième témoin, qui a témoigné de certaines des actions de Gibril Massaquoi en 2000 et 2001. Ces actions comprenaient également l'échange d'or et de diamants avec Charles Taylor contre des armes et des munitions, ainsi que des actes de violence contre des Libériens, à la grande frustration de [FNM-161]. Par l'intermédiaire du trente-huitième témoin, l'Accusation a pu corroborer des faits essentiels, notamment le rôle de Massaquoi en tant que porte-parole du RUF et son rôle dans l'incendie de Kamatahun Hassala en 2001. La Défense a de nouveau soulevé des divergences entre le témoignage du jour et ce que le trente-huitième témoin avait dit à la police finlandaise (en particulier le fait qu'il n'avait pas mentionné l'incendie de Kamatahun Hassala ou l'année 2001) ; le témoin a de nouveau attribué la faiblesse de sa mémoire au passage du temps.


+ 29/03/21 (Libéria) Vingt-deuxième jour : Audition des trente-neuvième, quarantième et quarante-et-unième témoins

La vingt-deuxième journée d'audience publique a repris le 29 mars 2021 à Monrovia, Libéria.

Le trente-neuvième témoin est entendu

(Numéro d’identification finlandais du témoin: Soldat 13)

L'Accusation interroge le trente- neuvième témoin

Le témoin a commencé par déclarer qu'il était soldat dans la Marine à Lofa et que son grade militaire était celui de colonel. Il a expliqué qu'il avait été affecté à Lofa en février 2001 et transféré à Monrovia la même année où les forces du LURD étaient venues de Bomi et avaient attaqué Monrovia. Il était basé à Foya, mais ils s’étaient également rendus dans d'autres endroits du comté de Lofa. Pendant cette période, son commandant était Roland Duo. Lorsqu'on lui a demandé s'il y avait des soldats du RUF à Lofa, le témoin a expliqué que les casques bleus se dirigeaient vers les positions du RUF en Sierra Leone et que le général Solo avait demandé à ses troupes de se déplacer vers la frontière, car on lui avait dit que le RUF arrivait. C'est là que le témoin a vu Sam Bockarie, Salami et le porte-parole du RUF, identifié plus tard comme le Général Massaquoi. Il a dit qu'ils avaient beaucoup d'effectifs. Le témoin a ensuite expliqué que le Général Benjamin Yeaten avait dit que les hommes du RUF devaient rester à Lofa, où ils étaient restés 2 ou 3 mois.

Le témoin a mentionné qu’un massacre avait été commis dans une ville vers Vahun, près de la frontière sierra-léonaise. Ce dernier a été commis par le RUF qui a ensuite été arrêtés par les forces gouvernementales : plus tard, Yeaten a été rappelé de Monrovia. Le témoin a poursuivi en expliquant comment, après cet incident, Benjamin Yeaten avait fait venir Sam Bockarie, Salami, Massaquoi et le soldat FNM-135 à Monrovia. En 2001, les forces du LURD sont venues de Bomi et ont attaqué Monrovia. Selon le témoin, le Président a dit à Roland Duo d'ordonner aux hommes de retourner à Monrovia pour contrer l'attaque du LURD : c'est ainsi que le témoin s'est rendu à Monrovia. Il se souvient qu'ils ont combattu les forces du LURD à partir de Po River jusqu'à l’épuisement de leurs munitions et leur retrait à Waterside. Plus tard dans son témoignage, il a précisé qu'ils étaient basés à Waterside car Via Town était sous le contrôle du LURD.

L'Accusation est ensuite revenue sur les événements de Foya. Le témoin a déclaré que le Général Massaquoi s'était présenté comme le porte-parole du RUF et qu'il avait appelé pour dire qu'il voulait parler à la BBC. Le témoin a déclaré avoir vu Massaquoi lui-même, et qu'ils s’étaient rencontrés plusieurs fois à Foya et à Vahun pour « discuter et planifier ». Le RUF avait l'habitude de venir en aide aux forces gouvernementales, mais des conflits entre les groupes sont survenus après la commission de meurtres. Après le massacre, ils ont fait venir Bockarie, Salami et Massaquoi à Monrovia - avant que le témoin ne soit lui-même appelé à les rejoindre. Le témoin a donné plus de détails sur le massacre et a déclaré que de nombreux civils avaient été tués par le RUF à Konia, une petite ville située près de la frontière guinéenne. Le témoin a déclaré que les commandants étaient Massaquoi, qui était le « tout-puissant », Johnny Paul Koroma, qui était le chef de l'Etat à l'époque avant que les casques bleus ne le forcent à se retirer au Libéria, et Sam Bockarie, qui était le commandant sur le terrain.

L'Accusation a commencé à demander des éclaircissements sur le RUF à Monrovia. Le témoin a expliqué qu'ils se trouvaient près d'Elwa Junction. Il a indiqué qu'il avait vu Salami et Massaquoi à Waterside mais qu'il n'y avait pas vu Sam Bockarie. Le témoin a déclaré que Salami avait été tué près de la même zone à Via Town. Il n’a plus vu « Gubeh » Massaquoi après un massacre qui a eu lieu dans un magasin un soir. À cette époque, les civils pillaient les magasins, et Salami et les forces de Massaquoi étaient allés les tuer. Il a ensuite précisé que ce massacre s'était produit une seule fois, et qu'il s'agissait d'un « vrai massacre ». Lorsque l'Accusation lui a demandé s'il avait lui-même vu Massaquoi sur place, il a répondu que Massaquoi était toujours présent à West Point et qu'ils avaient donné un pick-up à Salami pour qu'il puisse utiliser son « gros fusil ». Le témoin a expliqué que plusieurs magasins avaient été pillés car les gens cherchaient de la nourriture. Il a expliqué qu'il se souvenait encore du magasin où le massacre avait eu lieu. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait vu des civils se faire tirer dessus, le témoin a répondu : « Ils ont tiré sur des civils ! Nous avons emmené les corps pour les enterrer, puis nous sommes allés nous plaindre à Benjamin Yeaten. Si vous mettez une Bible ici, je le jure sur elle ! » L'Accusation a demandé comment Yeaten avait réagi, et le témoin a répondu qu'il n'avait pas revu Massaquoi après, et qu'ils avaient pris la camionnette et l'avaient conduite à l'autre pont. Le témoin a précisé que lorsque Massaquoi était venu de Lofa à Monrovia, il était resté longtemps, mais il ne se souvient pas exactement combien de temps.

Lorsqu'on lui a demandé quand le massacre de Waterside avait eu lieu, le témoin a répondu que c'était en 2001, pendant la saison des pluies. Il n'a pas pu se rappeler combien de personnes avaient été tuées, mais a estimé que sept personnes avaient été blessées et emmenées au centre médical John F. Kennedy. L'Accusation a demandé qui avait donné l'ordre de tuer, et le trente-neuvième témoin a expliqué que c'était le RUF, qu'ils étaient venus avec leur pick-up et que Salami était dans le pick-up avec son arme ; cependant, le témoin n'était pas présent lorsque l'ordre avait été donné.

Il a précisé que « Gubeh » Massaquoi était le porte-parole du RUF, et que les troupes du RUF étaient basées à Lofa pendant 2 à 3 mois, mais qu'elles continuaient à se déplacer : il a répété que Yeaten les avait fait venir à Monrovia. Le trente-neuvième témoin a ajouté que c'était Gubeh Massaquoi qui avait ordonné l'assassinat de Johnny Paul Koroma et que cela s'était produit le jour même du massacre. L'Accusation a demandé au témoin s'il avait vu Massaquoi donner l'ordre, ce à quoi il a répondu : « Je connais trop bien l'homme ! » et a ensuite décrit comment Massaquoi portait un uniforme militaire noir et avait une arme. Selon le témoin, l'ordre de tuer Johnny Paul Koroma a provoqué des tensions au sein du groupe. Il a ajouté que Massaquoi parlait mende et krio.

L'Accusation a ensuite demandé si le témoin était allé dans une ville appelée Klay pendant la guerre. Le témoin a répondu qu'en 2001, les forces étaient venues à Bomi et avaient combattu le LURD jusqu'à Klay et Po River, mais qu'elles n'y étaient pas basées.

L'Accusation a posé des questions sur la police finlandaise. Le témoin a rappelé qu'il leur avait montré les lieux en question à Waterside, et lorsqu'on lui a demandé s'il avait montré le magasin où le massacre avait eu lieu, il a répondu que lorsque la police s'y était rendue, les gens leur en avaient parlé. Il a expliqué qu'un de ses amis lui avait dit que certaines personnes voulaient parler au témoin. Il a ensuite été appelé par [l'employé 1] qui lui a demandé de venir à Monrovia : c'est là qu'il a parlé avec la police finlandaise, qui lui a posé des questions.

La Défense interroge le trente-neuvième témoin

La Défense a commencé son interrogatoire en demandant au témoin combien de fois la police finlandaise l'avait interrogé, ce à quoi le témoin a répondu qu'il avait été interrogé deux fois. Il a déclaré qu'il n'avait discuté du contenu de ces entretiens avec personne. La Défense lui a demandé s'il se souvenait de ce qu'il avait dit sur le rôle de Massaquoi pendant l'interrogatoire, et le témoin a déclaré qu'il leur avait dit qu'il était le porte-parole du RUF. La Défense a souligné qu'il avait utilisé l'expression « chef des opérations » pendant l'interrogatoire. Le témoin a réfuté cette affirmation et a affirmé qu'il avait dit « porte-parole ». La Défense a répondu en déclarant qu'il avait utilisé le terme « porte-parole » et que, dans l'enregistrement, le témoin avait également déclaré qu'il avait parlé à son frère, qui l'avait corrigé et lui avait dit d'utiliser « porte-parole ». Le trente-neuvième témoin a répondu qu'aucun de ses frères n’était au courant de son interrogatoire. La Cour a diffusé l'enregistrement en question.

Dans cet enregistrement, le témoin décrit Massaquoi comme un porte-parole. Les policiers soulignent que lors de l'entretien précédent, il leur avait dit que Massaquoi était le chef d'état-major. Le témoin a répondu qu'il s'était trompé et que quelqu'un lui avait rappelé que Gubeh était le porte-parole : « N'est-ce pas Gubeh qui se rendait en Sierra Leone, au Nigeria et ailleurs pour des pourparlers de paix ? »

La Défense a demandé à quelle personne le témoin faisait référence pendant l'enregistrement, et il a répondu qu'il s'agissait d'une autre personne qui avait été interrogée par la police, [FNM-097]. Ils étaient tous deux originaires de Lofa, mais ils avaient échangé à Monrovia. Le témoin n’est pas retourné à Lofa entre les deux entretiens. Il a précisé que l'autre personne ne lui avait pas dit qu'il avait été interrogé et qu'ils avaient juste eu une conversation. La Défense a demandé quelle année il avait mentionné à la police finlandaise, ce à quoi le témoin a répondu 2001 : c'est l'année même où il avait quitté Lofa et s'était rendu à Monrovia.

La Défense a noté que dans le résumé, le témoin avait dit qu'il avait été transféré dans les troupes de Charles Taylor pour combattre l'ULIMO à Lofa, et qu'il y était resté jusqu'en 2003, après les événements de 2001. La Défense a précisé que la transcription de l'entretien indiquait que Massaquoi avait tué des civils à Waterside en 2003, mais le témoin a répondu : « Je n'ai jamais dit 2003, c'est faux et trompeur ». La Défense a ensuite posé des questions sur les Première, Deuxième et Troisième Guerres mondiales, et le témoin a expliqué qu'elles avaient eu lieu respectivement en 2001, 2002 et 2003. La Défense a ensuite informé le témoin qu'elle allait lui faire écouter un enregistrement où il avait déclaré que le massacre avait eu lieu pendant la Troisième Guerre mondiale, en 2003. Le témoin a répété qu'il n'avait pas dit à la police que le massacre avait eu lieu en 2003.

Dans l'enregistrement, on entend le témoin dire que Salami et Gubeh Massaquoi avaient tué des civils et que « nous étions vexés et nous disions pourquoi vous tuez des gens alors que vous n'êtes pas libériens ». Le témoin a déclaré que cela s'était produit en 2003. Le témoin a expliqué que dans l'enregistrement, il avait dit que 2003 était la date du départ de Charles Taylor et que 2001 était la date du massacre. La Défense a voulu savoir pourquoi le témoin avait dit 2003 à la police, et le témoin a répondu « mais vous savez, le cerveau humain ». L'enregistrement a été diffusé une nouvelle fois. Le témoin a suggéré que si « vous pouviez écouter cette déclaration, j'ai dit que la plupart des meurtres avaient été commis par Gubeh Massaquoi et Salami dès le début de la guerre pendant la Troisième Guerre mondiale. Et que beaucoup de gens étaient heureux lorsque Salami avait été tué en 2003 par une roquette ». L'enregistrement a ensuite été réécouté plusieurs fois et l'Accusation, la Défense et le Juge ont discuté de l'enregistrement en finnois.

La Défense a poursuivi son interrogatoire et a demandé si le témoin se souvenait de la mort de Johnny Paul Koroma et si Massaquoi avait un lien avec celle-ci. Le témoin a déclaré que cela s'était produit en 2001 lorsque le RUF avait été chassé de Freetown par les casques bleus. Il a ajouté que Benjamin Yeaten était venu de Monrovia et avait rencontré le RUF, mais que Johnny Paul Koroma ne voulait pas se rendre à Monrovia, mais plutôt en Guinée. Le témoin a précisé que Koroma n'avait pas été tué à Foya. La Défense a demandé si le témoin était au courant que Johnny Paul Koroma s’était présenté aux élections en Sierra Leone en 2002. Le témoin a répondu qu'il ne le savait pas, et a ajouté qu'il ne pensait pas qu'ils parlaient du même « Koroma » : celui auquel il faisait référence était la personne qui avait renversé Ahmad Tejan Kabbah et s'était ensuite enfui au Nigeria.

La Défense s’est de nouveau référé au résumé, où il est dit que Koroma avait été attiré de Foya vers une ville frontalière en 2002, et qu'il n'avait plus été revu par la suite. Le témoin a également déclaré à la police qu'il avait demandé à son commandant, Zor, où se trouvait Koroma, et que celui-ci lui avait répondu que Koroma avait été tué par le RUF. Le témoin a déclaré que cela s'était produit en 2001 et que 2002 devait être une erreur - il a confirmé que Zor lui avait effectivement dit que le RUF avait tué Koroma. Il a répété qu'il ne savait pas que Koroma était candidat à la présidence.

La Défense a ensuite posé des questions sur le LURD. Le témoin a déclaré que c'est en 2001 que le LURD était entré dans Monrovia et qu'ils les avaient repoussés. Il a ajouté que des combats avaient eu lieu à Duala, Logan Town, Iron Gate et Brewerville, sur l'autoroute de Bomi.

Revenant sur les auditions avec la police finlandaise, la Défense a demandé des éclaircissements sur ses discussions avec [FNM-096]. Le témoin a précisé qu'il ne connaissait pas [l'employé 1], et que c'était [FNM-096] qui les avait mis en contact. Depuis lors, il ne l'avait pas revu. Le témoin a toutefois rencontré [FNM-097] à Monrovia.

Le quarantième témoin est entendu

(Numéro d’identification finlandais du témoin: Soldat 11)

L'Accusation interroge le quarantième témoin

Après avoir écarté certaines incohérences concernant la date de naissance du témoin, l'Accusation a commencé par demander au quarantième témoin quelle était sa relation avec le RUF. Il a expliqué que le RUF était originaire de Sierra Leone, que son père en était membre et que, lorsque les troupes gouvernementales avaient commencé à les attaquer, il avait lui-même rejoint le RUF.

Le quarantième témoin était dans le comté de Lofa entre 2001 et 2003, puis s'était rendu à Monrovia en 2002-2003 lorsque les rebelles avaient commencé à attaquer le gouvernement de Charles Taylor. Il s'est souvenu d'un incident qui s'était produit à Waterside : des personnes avaient été tuées par le RUF parce que, selon eux, elles étaient en train de piller. Le témoin a précisé que le RUF brûlaient des civils et qu'ils leur tiraient dessus avec une mitrailleuse à grenade. Cela avait bouleversé le témoin car il était à moitié libérien. Il a précisé qu'il se souvenait que cela avait eu lieu en 2003 parce qu'à l'époque, ils avaient « dit à Charles Taylor de partir » - c'est la raison pour laquelle le RUF avait commencé à tuer. Il n'était pas sûr du mois au cours duquel l'incident s'était produit, peutêtre entre avril et septembre. À l'époque, Mosquito (Moustique) était leur « grand commandant » et Rambo était leur commandant de première ligne. Le témoin a ensuite énuméré d'autres commandants dont il se souvenait qu'ils appartenaient au RUF, et a précisé son régiment.

On a ensuite demandé au témoin s'il connaissait Benjamin Yeaten ; il a répondu que Yeaten était « un homme important pour le gouvernement du Libéria » et qu'il l'avait vu à la frontière entre la Sierra Leone et Vahun. Il l'avait également vu à Monrovia, lorsque Yeaten était venu à Waterside en raison des troubles créés par le RUF. Le quarantième témoin a raconté que Yeaten était avec Salami et « trois pick-ups pleins » de soldats, dont le soldat [FNM-109] qui avait tiré sur des civils au magasin.

Interrogé par l'Accusation, le témoin a déclaré qu'à l'époque, Gube Massaquoi était le porte-parole du RUF. Il l'avait vu, mais ne lui avait jamais parlé parce que « les grands étaient d'un côté et nous de l'autre ». Le témoin a poursuivi en précisant que les personnes comme Massaquoi, Mosquito et Superman étaient des « gros bras ». Il avait vu Massaquoi à deux reprises, en 2001, une fois à Manamen et une autre fois à Tenneh. Quand il l'a vu, il avait un fusil sur le côté et il avait dit en krio « Messieurs, je vais parler pour nous. Je vais encore parler pour nous ». Le témoin a précisé qu'habituellement, les « gros bras » n'allaient pas sur la ligne de front ; cependant, à Tenneh, ils avaient attaqué des civils et brûlé toute la ville. Le témoin a précisé que Massaquoi « a dit que nous devions continuer à tuer les gens ».

Le témoin a confirmé que le RUF disposait d'une unité appelée « Escadron de la mort », dirigée par Salami - il a également ajouté que « s'ils disent qu'ils vous veulent vous attraper aujourd'hui, ils feront en sorte de vous attraper aujourd'hui ». Le témoin a précisé qu'il n'avait pas servi sous les ordres de Massaquoi et qu'il ne l'avait pas vu pendant la guerre à Monrovia. Le témoin a ensuite précisé que Massaquoi était le « commandant général » et le porte-parole du RUF ; Sam Bockarie était le commandant du témoin. Le témoin ne recevait pas d'ordres directs de Massaquoi, mais « il les donnait à nos commandants de combat ». L'Accusation a souligné que, dans le résumé de police, le témoin avait déclaré que Massaquoi l'avait dirigé dans « de nombreuses missions ». Il a répondu que « nous recevions les ordres des grands, nous ne faisions rien de différent. Quand ils nous disaient d'aller quelque part, on y allait ». L'Accusation a demandé si Massaquoi était l'un des « grands qui vous donnaient des ordres » - le témoin a confirmé non verbalement. Plus loin dans sa déposition, interrogé par la Défense, le témoin a précisé que Massaquoi donnait des ordres à des gens comme Rambo et Superman, et qu' « il donnait des ordres aux états-majors qui les faisaient descendre jusqu'à nous, les enfants ».

Le témoin a raconté qu'il avait 10 ans lorsqu'il avait rejoint le RUF ; il n'était pas allé à l'école car il était agriculteur avec son père. Le quarantième témoin s'est souvenu avoir dit à la police qu'il allait dans une école communautaire lorsqu'il vivait avec sa mère ; il avait 8 ans lorsqu'il a commencé à y aller. L'Accusation a déclaré que, selon le rapport de police, il leur avait dit qu'il avait commencé à aller à l'école à 6 ans et qu'il avait rejoint le RUF à 8 ans. Interrogé à ce sujet, le témoin a déclaré que le rapport de police était plus précis que ce qu'il avait déclaré plus tôt dans son témoignage.

Lorsqu'on lui a demandé s'il se souvenait de ce qu'il avait dit à la police finlandaise au sujet de Massaquoi à Monrovia, le témoin a répondu qu'il avait dit que Massaquoi était « un gros bras du RUF » lorsqu'ils avaient incendié la ville de Tanneh à Lofa, et que lorsque « 50 » était venu à Waterside, Massaquoi était avec lui. Le quarantième témoin avait également dit à la police que Massaquoi avait donné un ordre à l' « Escadron de la mort », bien que le témoin ne l’ait pas entendu lui-même. Le soldat FNM-109 a déclaré au témoin que Massaquoi avait dit qu'il fallait abattre tous ceux qu'ils attrapaient dans les magasins, ce qu'il avait déjà fait dans deux autres magasins. Le témoin a déclaré que cela avait marqué certains d'entre eux « parce qu'ils avaient tué des civils et qu'ils étaient entassés les uns sur les autres ». Il a ajouté qu'il se trouvait sur les lieux lorsque la fusillade avait eu lieu. Le témoin a précisé que même si Salami était le commandant de l' « Escadron de la mort », Massaquoi était le porte-parole de l'ensemble du RUF, et qu'il était donc un « homme important » pour Salami lui-même.

La Défense interroge le quarantième témoin

La Défense a demandé au témoin contre qui il était venu se battre lorsqu'il avait déménagé de Lofa à Monrovia ; le témoin a précisé qu'il s'agissait du LURD, car ils combattaient Charles Taylor.

La Défense a ensuite tenté de déterminer si Michael Highgray et Marcus High Grade étaient la même personne - selon le témoin, c'était le cas, il faisait partie des troupes gouvernementales de Charles Taylor et il avait entendu dire que cet individu contrôlait la zone de Waterside. Le témoin avait entendu dire que le soldat FNM-109, qui faisait partie de l'Escadron de la mort, avait déclaré que des civils pillaient, et que c'était « pour cela qu’il les avait tués ».

La Défense a demandé comment Massaquoi avait pu donner cet ordre alors que le témoin avait déclaré dans son témoignage qu'il ne l'avait pas vu à Monrovia. Le quarantième témoin a dit qu'il avait oublié, mais que la première chose qu'il avait dite était qu'en 2003, Massaquoi était venu avec « 50 » à Waterside. Il a précisé que c'était à ce moment-là « que les gens ont dit que Charles Taylor devait partir ».

Le témoin a ensuite été interrogé sur les guerres mondiales. Il a expliqué que la Première guerre mondiale s'était produite à la fin de 2001, la Deuxième en 2002, la Troisième lorsque Charles Taylor avait été prié de partir et la Quatrième lorsque les rebelles du LURD avaient tenté d’arrêter le vice-président.

Le quarante-et-unième témoin est entendu

(Numéro d’identification finlandais du témoin: Soldat 15)

La Défense interroge le quarante-et-unième témoin

Le témoin commence par expliquer qu'il avait rejoint la « révolution » en 1992 et qu'en 1997, après les élections, il avait rejoint les troupes gouvernementales ; il était basé à Cemenco. Roland Duo était le chef d'état-major de la division de la marine. Il se souvient des noms des autres commandants - ils étaient nombreux, car il y avait six bataillons. Lorsqu'on lui a demandé si le nom de Massaquoi lui disait quelque chose, le témoin a répondu qu'il y avait deux personnes du nom de Massaquoi : l'une était le commandant de bataillon Mohammed Massaquoi, qui était mort à Foya entre fin 1999 et 2000. Il a précisé que l'autre Massaquoi était Gibril Massaquoi.

Le témoin s'est rappelé avoir été envoyé à Foya en 2000 par Chuckie Taylor pour une « mission spéciale » : accompagner le RUF de Buedu, en Sierra Leone, à Komadu. Il a expliqué qu'après la Première et la Deuxième Guerre mondiale, il se trouvait à Foya lorsque les forces du LURD avaient attaqué Monrovia depuis Bomi. Le témoin a déclaré que les combats avaient eu lieu pendant la Première Guerre mondiale, de 2001 à 2002, et a précisé que la Troisième Guerre mondiale s'était déroulée la même année autour de Duala, Freeport et Vaitown, bien qu'il ne se souvienne pas de l'heure exacte. Il a expliqué qu'après la première guerre, les forces s’étaient repliées à Bomi au cours de la même année, et il a de nouveau précisé qu'il ne se souvenait pas de l'heure précise. Au cours de la Troisième Guerre mondiale, le témoin se trouvait sur Somalia Drive lorsque le Président lui a ordonné, lui et ses hommes, de se rendre au Old Bridge (Vieux Pont) à Waterside. Il a expliqué qu'au cours de la Troisième Guerre mondiale, il avait combattu pour les forces gouvernementales contre les forces du LURD et qu'ils avaient été envoyés pour ériger des barrages sur le Old Bridge afin d'empêcher les forces du LURD d'entrer dans la ville. Il s'est souvenu que des magasins avaient été pillés et que des violences avaient été perpétrées à l'encontre de civils alors qu'ils se trouvaient sur place. Il a également précisé qu'en raison de tirs croisés, des personnes avaient pu être tuées pendant la nuit. Le témoin a expliqué que certains magasins du quartier de Water Street avaient été pillés et que des troupes sierra-léonaises avaient été affectées à Yeaten, qui était le directeur des SS.

Lorsqu'on lui a demandé s'il savait qui faisait partie des troupes sierra-léonaises, le témoin a évoqué Salami, qui est mort sur le pont Waterside, Gibril Massaquoi et « Hard Command ». Il pense que les combats ont pris fin après l'arrivée des Nations Unies, deux semaines plus tard, et a précisé que Gibril Massaquoi, Benjamin Yeaten, Hard Command et Salami étaient tous présents sur les lieux. Il a conclu en déclarant qu'il avait vu Gibril Massaquoi pour la dernière fois dans le bâtiment E.J. Roye après que Yeaten l'ait fait venir en 2001. Après avoir précisé que le bâtiment E.J. Roye était une base spéciale de Yeaten, le témoin a déclaré qu'il ne se souvenait pas avoir vu Massaquoi à Monrovia après 2001, et a affirmé qu'à l'époque tout le monde était très occupé et qu'il ne pouvait donc pas vraiment s'en souvenir.

La Défense a ensuite orienté son interrogatoire vers un incident au cours duquel des personnes avaient été tuées sur le pont de la rivière Maher. Après avoir précisé que l'incident s'était produit sur la route de Bomi, le témoin a expliqué qu'après avoir pris Bomi aux forces du LURD, ils avaient rassemblé des civils pour les amener dans un camp de réfugiés près de Po River. Une fois que les civils avaient atteint Maher Bridge, Yeaten et les soldats sierra-léonais ont mis en place un poste de contrôle et, à leur arrivée, les soldats ont commencé à tuer les civils. Il a précisé que Zigzag Marzah était également impliqué et a déclaré qu'il était affecté à Yeaten avec les autres soldats sierra-léonais. Le témoin a expliqué que les cadavres n'étaient conservés qu'à deux endroits, près du pont principal menant au marché général LEC et près de Water Street.

L'interrogatoire a ensuite porté sur la façon dont le témoin a été impliqué dans le processus avec la police finlandaise. Il a déclaré que son ami [FNM-133], qui était un ancien soldat et possédait une pharmacie à Waterside, leur avait donné son numéro. Alors qu'il était à Buchannan il y a environ 6-7 mois, il a été appelé par la police finlandaise.

L'Accusation interroge le quarante-et-unième témoin

Le témoin a rappelé qu'à l'époque, il n'était pas très proche de Gibril Massaquoi, et a précisé qu'il connaissait mieux Mohammed Massaquoi car ils avaient vécu dans la même maison auparavant. Il a expliqué que Mohammed Massaquoi était originaire de Sierra Leone, qu'il parlait mende et qu'il était mort à Foya alors qu'ils combattaient les forces du LURD. Mohammed Massaquoi et lui ne se déplaçaient qu'entre Foya, Buyedu et Vahun, et le témoin a affirmé que Mohammed Massaquoi allait également combattre dans des villages et des villes sans qu'il soit présent ; toutefois, ils se déplaçaient ensemble lorsqu'il était à Foya. Le témoin a rappelé que Mohammed Massaquoi avait l'habitude de se battre entre la Guinée et le Libéria, notamment à Kpando, Foya, Thingear et Solomba Biler. Le témoin a expliqué que lorsqu'ils étaient en Sierra Leone, Gibril était plus haut gradé, mais que lorsqu'ils étaient entrés à Foya, Mohammed était le commandant des troupes. Lorsqu'on lui a demandé si Mohammed Massaquoi aurait fait quoi que ce soit à des civils à Lofa, le témoin a indiqué qu'il y avait peu de civils là où ils se trouvaient, mais beaucoup de soldats. Le témoin a poursuivi en expliquant qu'il ne connaissait aucun nom de guerre pour Mohammed Massaquoi ou Gibril Massaquoi, et a précisé qu'il avait rencontré Gibril par l'intermédiaire de Superman.

On a demandé au témoin s'il avait entendu parler de l' « Escadron de la mort », et il a expliqué qu'il s'agissait d'une unité qui avait été formée par le directeur SS, Benjamin Yeaten, et qu'elle était composée de forces sierra-léonaises affectées à Yeaten. Le quarante-et-unième témoin a nommé Salami, Gibril Massaquoi, Hard Command, Gola Red, Action et FNM-134 comme membres de l'Escadron de la mort. Le témoin a déclaré qu'il avait vu l'Escadron de la mort avec Yeaten près de White Flower à Congo Town, et a précisé que la maison de Yeaten était proche de celle de Charles Taylor. Il a expliqué que l'Escadron de la mort était resté au même endroit, car, à l'époque, les Nations Unies recherchaient Sam Bockarie. Il avait vu certains membres de l'Escadron de la mort à Waterside pendant la nuit, et le lendemain matin, ils avaient vu des corps. Il se souvient de trois personnes présentes cette nuit-là : le Haut Commandement, Gibril Massaquoi et Gola Red. L'Escadron de la mort recevait des instructions de Yeaten.

Le témoin a expliqué qu'il avait parlé avec Gibril Massaquoi à ce moment-là - il lui avait demandé pourquoi il y avait tant de meurtres, et Gibril Massaquoi avait répondu que le directeur leur avait donné des instructions, en déclarant qu’ « ils devaient tuer toute personne qu'ils voyaient ». Ils n'ont pas parlé longtemps car les roquettes ont commencé à tomber sur eux. Le témoin a déclaré qu'il ne se souvenait pas du moment exact où il avait vu Massaquoi à Waterside, car tout le monde avait l'esprit occupé par la guerre. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait parlé de Salami avec Massaquoi, le témoin a répondu qu'ils avaient discuté de la mort de Salami une semaine après qu'elle se soit produite, mais qu'ils n'avaient jamais discuté de la question de savoir si le meurtre qui avait eu lieu était lié à la mort de Salami. Le témoin a précisé que ce dernier était mort après que le directeur l'ait envoyé traverser le pont vers la ville de Vai. Le quarante-et-unième témoin a ajouté que Massaquoi parlait le krio, il ne lui a jamais parlé en mende. Il a conclu en déclarant que l'Escadron de la mort se déplaçait autour de Monrovia dans un convoi avec Yeaten.

La Défense interroge à nouveau le quarante-et-unième témoin

La Défense a commencé par demander au témoin s'il savait qui tirait des roquettes sur eux pendant qu'il parlait avec Massaquoi. Le témoin a expliqué qu'elles étaient tirées par les forces du LURD, qui se trouvaient de l'autre côté du pont dans les villes de Vai, Clara et Duala. Lorsqu'on lui a demandé où il avait vu les corps, le témoin a déclaré que certains d'entre eux se trouvaient sur la Water Street, tandis que d'autres étaient sur le marché près de LEC. Après que la Défense ait demandé au témoin s'il savait si Mohammed Massaquoi parlait krio, le témoin a déclaré que Mohammed Massaquoi parlait à la fois krio et mende.

La Défense a ensuite relevé une incohérence, car le témoin avait déclaré à l'audience que Mohammed Massaquoi était mort vers 1999-2001, mais dans son entretien avec la police, il avait dit que Mohammed Massaquoi était mort en septembre 2001 à Foya. Le témoin a expliqué que lorsqu'il était à Foya, les Sierra-Léonais l'avaient rencontré et que c'étaient à ce moment-là que Mohammed était mort.

La Défense a précisé que le témoin avait précédemment déclaré que le LURD avait attaqué Monrovia en passant par Vai Town pour la première fois pendant la Première Guerre mondiale, et que Salami était un membre de l'Escadron de la mort qui avait été tué par une grenade sur le Old Bridge. Le témoin a répondu par l'affirmative, et a ajouté qu'ils avaient vu les corps à Waterside avant la mort de Salami. La Défense a en outre précisé que le témoin avait déclaré qu'il pensait que le LURD étaient en train d’attaquer après avoir entendu le bruit d'AK-47 et qu'après être allé voir ce qui s'était passé, il avait vu au moins quatre cadavres. Le témoin a répondu en déclarant qu'à l'époque, l'absence d'uniformes avait provoqué une certaine confusion, car certains soldats portaient simplement des vêtements ordinaires, et si vous les voyiez, vous pensiez qu'il s'agissait de civils. La Défense a demandé au témoin pourquoi il avait utilisé le terme « 99 Steps » (99 marches) comme étant l'endroit où il avait vu les corps, le témoin a affirmé que « 99 Steps » était pareil que Water Street.

La Défense a conclu en demandant si le témoin avait vu Gibril Massaquoi après avoir vu ces cadavres. Le témoin a répondu par l'affirmative, et a précisé qu’ils ne s'attendaient pas à voir des corps, après les tirs dans la nuit.

L'audience s'est terminée et reprendra le 31 mars à Monrovia, au Libéria.


+ 31/03/21 (Libéria) Vingt-troisième jour : Audition des quarante-deuxième, quarante-troisième et quarante-quatrième témoins

La vingt- troisième journée d'audience publique a repris le 31 mars 2021 à Monrovia, Libéria.

Le quarante-deuxième témoin est entendu

(Numéro d’identification finlandais du témoin: Soldat 07)

L’Accusation interroge le quarante-deuxième témoin

Le témoin a commencé son interrogatoire en expliquant que Benjamin Yeaten était le directeur du Service spécial de sécurité, aujourd'hui appelé EPS de l' « Executive Mansion ». Il a expliqué que lorsque la guerre avait éclaté entre les forces gouvernementales et les rebelles du LURD, Benjamin Yeaten était l'un des commandants supervisant la ligne de front. Pendant la guerre contre les forces du LURD, qui a commencé en 1998, le témoin a rejoint le gouvernement de Charles Taylor et a servi sous les ordres de Benjamin Yeaten. Le témoin a expliqué que parmi les troupes avec lesquelles il se trouvait, il y avait des Sierra-Léonais qui appartenaient au RUF. Il s'est souvenu de certains noms de soldats du RUF, notamment Sam Bockarie, Chuckie, Bomb Blast, Superman, le commandant Mess (Bazar), le commandant Blood (Sang), Gabriel Massaquoi, [FNM-140], Salami, et un garçon qu'ils avaient l'habitude d'appeler Yellow (Jaune).

Le témoin a expliqué qu'il se trouvait à Monrovia au même moment que les soldats du RUF. Lorsqu'il était à Monrovia, les gens se rencontraient à Elwa Junction. Le témoin a expliqué que Sam Bockarie et ses hommes vivaient dans quatre maisons dans le quartier d'Elwa Junction. Le témoin a travaillé avec « 50 » (identifié par le témoin comme Benjamin Yeaten) pendant un certain temps, puis il a rejoint la division de la marine avec Roland Duo. Lorsqu'il était dans la division de la marine, le témoin faisait des allers-retours entre Foya et Monrovia avec les forces navales. Il a expliqué que lorsque le groupe se trouvait à Foya, il se déplaçait en hélicoptère plutôt qu'en voiture, car les forces du LURD contrôlaient la région à cette époque. Le témoin a précisé que les soldats du RUF ne voyageaient pas avec eux dans l'hélicoptère et a précisé qu'il se déplaçait avec des soldats du RUF lorsqu'il était avec Benjamin Yeaten. Il a expliqué que lorsqu'il était avec Benjamin Yeaten, ils se trouvaient dans la région de Vahun en direction de Kolahun. Le quarante-deuxième témoin a confirmé que Massaquoi était avec lui à Vahun ou au pont de Lofa, aux alentours de 2000 et 2001.

Le témoin a également expliqué qu'il avait vu Gabriel Massaquoi à Waterside, Monrovia, à plusieurs reprises au début ou au milieu de l'année 2001. Il a expliqué qu'à cette époque, Gabriel Massaquoi contrôlait le quartier de Waterside, précisant que différentes personnes contrôlaient différentes zones. Le témoin a déclaré que Massaquoi avait tué l'un de ses gardes du corps, Bulldog, sur Water Street, en face des « 99 Steps », en 2001. Le témoin a précisé que Massaquoi n'avait pas tué Bulldog lui-même, mais que [FNM-140] l'avait tué, ainsi que d'autres soldats, parce qu'il avait dit qu'ils pillaient des magasins.

Le témoin a expliqué qu'il s'était rendu à Waterside pour récupérer le corps de Bulldog et qu'il avait vu Gabriel Massaquoi procéder à une exécution. Il se souvient que six civils et cinq militaires ont été exécutés, précisant que les militaires n'étaient plus armés, car ils étaient attachés avec des cordes. Il a expliqué qu'il avait dit à Gabriel Massaquoi de laisser partir les civils et de tuer les soldats, mais que Massaquoi avait refusé et avait dit que les civils étaient la cause du pillage par les soldats. Ils ont commencé à se disputer, à tel point qu'ils ont « presque créé une émeute ». Pendant qu'ils se disputaient, Massaquoi s'est ennervé et a dit à ses soldats de tirer sur les soldats et les civils ligotés. Les soldats ont tardé à exécuter l'ordre, alors Gabriel Massaquoi a pris son fusil et tiré sur les civils. Les corps ont ensuite été jetés dans la rivière. La situation ne s'est désamorcée que parce que Benjamin Yeaten a appelé le quarante-deuxième témoin et lui a dit « de tout oublier ». Le témoin a alors ordonné à ses autres gardes du corps d'oublier aussi, ils ont pris le corps de Bulldog et sont partis. Il a précisé que différents groupes contrôlaient différentes zones, et que Waterside était la zone de Gabriel Massaquoi. Il a également expliqué que cet événement s'était produit en 2001.

L'Accusation a demandé au témoin s'il avait vu Massaquoi à Monrovia après cet incident, mais le témoin a répondu qu'en raison des événements, ils n'étaient pas proches. Il a également ajouté qu'il n'avait pas vu Gabriel Massaquoi faire quoi que ce soit à des civils ou des soldats lorsqu'il était à Lofa.

Enfin, l'Accusation a demandé au témoin comment la police finlandaise était entrée en contact avec lui. Le témoin a expliqué que [FNM-098] avait donné son numéro à [l'employé 1], qui l'avait ensuite appelé. Il a expliqué qu'il avait déjà été interrogé par d'autres personnes, mais que c'était sur un autre sujet.

La Défense interroge le quarante-deuxième témoin

La Défense a demandé au témoin de donner des précisions sur l'entretien qu'il a accordé à des personnes autres que la police finlandaise. Le témoin a expliqué que ces personnes étaient venues pour savoir comment les soldats et les commandants vivaient après la guerre et si les soldats respectaient toujours les commandants. Le témoin n'a pas pu se souvenir de l'organisation qui a mené l'entretien mais a dit à l'avocat de la Défense qu'il pouvait lui apporter leur carte.

Le témoin a également témoigné sur ses interactions avec la police finlandaise, expliquant qu'il avait envoyé deux autres témoins, [FNM-138] et [FNM-137], pour être interrogés. Les deux hommes étaient ses gardes du corps et se trouvaient sur les lieux au moment de l'incident de Bulldog. Il n'était pas certain si la police finlandaise les avait interrogés et a déclaré qu'il avait simplement donné leurs numéros de téléphone. La Défense a souligné que la police avait une liste indiquant que cinq autres témoins avaient été envoyés à la police par le témoin. Le témoin a répondu que peut-être l'un des témoins qu'il avait mentionnés avait amené d'autres personnes qui étaient liées à lui. La Défense et le témoin ont discuté de la question de savoir si le témoin connaissait un homme qui portait le même prénom mais un nom de famille différent de celui de [FNM-138]. Le témoin a déclaré qu'il connaissait l'homme au nom de famille différent, mais lorsqu'on lui a demandé si ces deux hommes étaient en fait la même personne, la réponse du témoin n'était pas claire.

Il a également été demandé au témoin d'identifier plusieurs autres témoins qui, selon la Défense, avaient été envoyés par lui à la police finlandaise. Le témoin a répondu qu'il connaissait certaines personnes par leur nom de guerre et qu'il lui était donc difficile de connaître leurs autres noms. Les personnes mentionnées étaient : [FNM-139], [FNM-140], [FNM-141], [FNM-138] et [FNM-137]. Il a été demandé au témoin s'il avait vu [FNM-139] au cours de l'incident de Waterside. Le témoin a expliqué que non, car il n'était pas l'un des gardes du corps du témoin.

L'avocat de la Défense a également demandé au témoin s'il se souvenait de ce qu'il avait dit à la police finlandaise lors de son entretien, deux ans avant son témoignage, concernant le moment de l'incident, et le témoin a répondu qu'il ne s'en souvenait pas. La Défense a ensuite lu une partie du résumé de la police, dans lequel le témoin était placé à Monrovia à la fin de la guerre en 2002. Le quarante-deuxième témoin a expliqué qu'il avait été placé à Monrovia en 2002 à la fin de la guerre, mais a précisé que, comme il l'avait expliqué précédemment, il faisait des allers-retours entre Foya et Monrovia pendant la guerre. L'avocat de la Défense a demandé pourquoi le témoin n'avait pas dit à la police qu'il voyageait entre les régions, et le témoin a expliqué qu'il avait simplement répondu aux questions posées par la police. Il a précisé que « je ne pouvais pas laisser ma famille à Monrovia pendant 3 à 5 ans et être à Foya sans aller les voir ».

La Défense a également lu une partie du résumé de la police dans lequel le témoin rappelle que les troupes du RUF avaient été déplacées à Monrovia et a demandé si le témoin avait dit que Gabriel Massaquoi était à Monrovia après la mort de Sam Bockarie. Le témoin a répondu que c'était vrai, et a précisé qu'il pensait que Sam Bockarie était mort entre 2002 et 2003. La Défense a précisé qu'il était généralement connu que Sam Bockarie était mort en mai 2003 et a demandé au témoin s'il se souvenait avoir vu Gabriel Massaquoi après cette date. Le témoin a répondu qu'il ne s'en souvenait pas, mais a précisé qu'il n’avait plus vu Gabriel Massaquoi, car ce dernier n'était pas à Monrovia entre la mi-2001 et 2002. Il a toutefois affirmé que Salami, le commandant Blood, le commandant Mess et Yellow étaient restés à Monrovia à cette époque. La Défense a demandé au témoin s'il venait de confirmer qu'il avait vu Gabriel Massaquoi après la mort de Sam Bockarie. Le témoin a répondu qu'il n'avait pas vu Gabriel Massaquoi après la mort de Sam Bockarie, précisant qu'il n'avait pas bien compris la question de la Défense. On lui a également demandé pourquoi il avait dit à la police finlandaise que Gabriel Massaquoi était à Monrovia après la mort de Sam Bockarie et il a répondu qu'il s’était peut-être trompé sur l'année. Il a confirmé qu'après la mort de Sam Bockarie, Gabriel Massaquoi n'était pas présent.

Revenant sur l'incident concernant la mort de Bulldog à Waterside, le témoin a confirmé qu'il s'était rendu à Waterside parce qu'il avait entendu dire que son garde du corps avait été exécuté, et que Bodyman était déjà mort lorsqu'il était arrivé : ils étaient seulement allés récupérer le corps. Le témoin a également expliqué qu'à l'époque, la guerre était en cours contre le LURD, qui contrôlait la région jusqu'au pont de Stockton Creek.

La Défense a précisé que le rapport de la police finlandaise indiquait que le témoin avait été placé à Monrovia entre fin mai et juillet 2003. Le témoin a expliqué qu'il s'agissait de la fin de la guerre, lorsque les forces du LURD avaient capturé tout Lofa et les avaient repoussées vers Monrovia. Il a également précisé que le LURD attaquait Monrovia pendant cette période, qu'ils repoussaient le LURD, et que ce schéma se répétait. La Défense a demandé au témoin combien de fois le LURD avait attaqué Monrovia, et le témoin a répondu qu'il y avait eu la Première, la Deuxième et la Troisième Guerre mondiale. Il a également expliqué que les troupes du RUF contrôlaient Waterside et que « beaucoup de meurtres y été commis». La Défense a demandé au témoin si ces événements s'étaient produits en 2003, mais le témoin n'a pas pu se rappeler l'année.

De manière plus générale, la Défense a demandé quelle était la mission du RUF et s'ils devaient se battre aux côtés des troupes gouvernementales libériennes contre le LURD. Le témoin a répondu que le RUF avait combattu avec les troupes gouvernementales dès son arrivée au Libéria. Il lui a également été demandé si les troupes du RUF tuaient des civils et des soldats qui tentaient de trouver de la nourriture sous prétexte de pillage. Il a expliqué que les soldats passaient la nuit à pénétrer dans des magasins pour s'emparer d'objets, et que s'ils étaient pris, ils étaient tués. Le témoin a précisé que les troupes du RUF étaient restées dans la région de Waterside jusqu'à la fin de la guerre et qu'elles avaient été mélangées avec le Jungle Fire (Feu de la jungle), un groupe contrôlé par « 50 ». Il a été demandé au témoin si Massaquoi était présent jusqu'à la fin de la guerre, et le témoin a déclaré qu'ils contrôlaient la zone depuis 2001, mais a expliqué que, parce qu'il n'était pas affecté à ce groupe, il ne savait pas si Massaquoi était toujours présent à la fin de la guerre.

Revenant sur l'incident, la Défense a indiqué qu'il semblait y avoir un malentendu entre le témoin et la police finlandaise, car dans son entretien, il avait dit que Gabriel Massaquoi avait donné l'ordre aux soldats de tuer les civils. Le témoin a précisé qu'il avait dit que Gabriel Massaquoi avait donné l'ordre aux soldats de tuer les civils et qu'il avait finalement pris l'arme lui-même et les avait tués.

La Défense a également précisé que le témoin avait déclaré à la police qu'il n'était pas présent lorsque Gabriel Massaquoi avait tiré sur les gens. Le témoin, confus par la question de la Défense, s’est tourné vers le traducteur et a dit « Je ne comprends pas ce que cet homme dit ». Le témoin a précisé qu'il n'avait pas assisté à l'exécution de Bulldog. Il a également expliqué que l'un de ses hommes, [le soldat 01], l'avait appelé et lui avait dit de venir rapidement à Waterside car une exécution était sur le point de se produire. Le témoin s'est ensuite rendu sur les lieux et a demandé à Massaquoi pourquoi il avait tué des gens lors de la première exécution, précisant que Gabriel Massaquoi avait tué trois civils en sa présence. Il a ajouté qu'il avait dit cela aux policiers et qu'il ne savait pas pourquoi ils ne l'avaient pas enregistré. Enfin, la Défense a demandé si, selon le témoin, Massaquoi avait tué plusieurs personnes. Le témoin a répondu que Massaquoi et son groupe avaient un pouvoir qui leur était dévolu, même sur les autres soldats. En dehors de Jungle Fire, qui étaient les gardes du corps de Benjamin Yeaten, n'importe quel autre soldat de Waterside pouvait être tué par Massaquoi et ses hommes et cela sans conséquence. Il a noté que même son garde du corps Bulldog avait été tué avec dix autres soldats pour avoir pillé.

L'Accusation pose des questions supplémentaires

L'Accusation a demandé au témoin de préciser ce qui s'était passé lorsque Bulldog avait été tué. Le témoin a expliqué que onze personnes avaient été tuées au total, tant des civils que des soldats, y compris Bulldog. Il a également précisé que [FNM-140] avait procédé à l'exécution et que le témoin n'était pas présent lors de cette exécution. Il a indiqué qu'après avoir été informé de la mort de Bulldog, il s'était rendu à Waterside et avait failli échanger des coups de feu avec Massaquoi et ses hommes. Pendant que le témoin et Gabriel Massaquoi se disputaient, d'autres personnes avaient été amenées à Massaquoi pour être exécutées. Le témoin a dit à Massaquoi qu'il ne pouvait pas exécuter ces personnes, mais Massaquoi a ordonné à ses soldats de les tuer quand même. Comme le témoin était aussi un commandant, les soldats ont eu peur et n'ont pas suivi les ordres de Massaquoi. Cela a conduit Massaquoi lui-même à prendre l'arme et à tirer sur les gens. Bien que le témoin ne se souvienne pas du nombre de civils tués par Massaquoi en raison du temps passé, il a précisé que cinq soldats attachés par des cordes avaient été tués.

La Défense pose des questions supplémentaires

La Défense a demandé au témoin de confirmer qu'il avait reçu l'ordre de se rendre à Lofa de 1999 à 2002, où il s'était rendu dans les collines de Foya, Vahun et Bomi. Le témoin a précisé que c'était à cette époque qu'il avait travaillé sous les ordres de Benjamin Yeaten pour combattre le LURD. Il a expliqué qu'en 2002, il avait quitté les troupes de Yeaten pour rejoindre la marine, mais que cela ne l'avait pas empêché de fréquenter Benjamin Yeaten. Le juge a ensuite mis fin à l’interrogatoire et le témoin a été excusé.

Le quarante-troisième témoin est entendu

(Numéro d’identification finlandais du témoin: Soldat 01)

L’Accusation interroge le quarante-troisième témoin

Le témoin s'est présenté comme un soldat des forces gouvernementales de Charles Taylor pendant la deuxième guerre civile libérienne. De 2000 à 2001, il a servi sur la ligne de front sous le commandement du [soldat 07], qui a témoigné plus tôt dans la journée. Le témoin a indiqué son nom de guerre, et a précisé qu'il avait le grade de général de groupement tactique pour son unité.

Le quarante-troisième témoin a déclaré qu'il avait principalement combattu sur les lignes de front à Lofa, mais qu'il avait été détourné vers Monrovia à un moment donné entre 2000 et 2001 pour combattre les forces entrantes. Il a d'abord été affecté à Stockton Bridge, mais il a également décrit un ordre spécifique du [soldat 07] : il a été envoyé à Waterside pour arrêter les exécutions de civils auxquelles se livrait Gabriel Massaquoi, le témoin a précisé que Gabriel Massaquoi ne l'avait pas écouté. Il s'est rendu à Waterside avec trois de ses gardes du corps ; à son arrivée, il a tenté de faire arrêter Massaquoi. Le témoin a précisé qu'il était courtois lorsqu'il parlait à Massaquoi, car ce dernier était « un officier de rang supérieur ». Il a ensuite indiqué qu'il lui avait demandé : « Permettez-moi, Monsieur ! Que se passe-t-il ? » Mais Massaquoi l'a ignoré. Le témoin a déclaré que Gabriel Massaquoi était « très désespéré, délicat ».

Le témoin a vu Gabriel Massaquoi prendre la mitraillette d'un autre soldat et commencer à tirer sur des civils et quelques soldats. Il se souvient que Massaquoi a exécuté des civils dans un magasin qui était en train d'être pillé. Le témoin a indiqué que l'événement s'était produit sur Water Street, à la sortie de Broad Street, près de la rivière Du. Le témoin a confirmé que ce n'était pas loin des « 99 Steps » (99 Marches) et que l'on pouvait voir le Old Bridge (Vieux Pont) et la rivière depuis la façade du magasin. Il n'a pas pu donner le nombre de civils tués, disant seulement qu'il y en avait « trop ». Le témoin a également précisé que, comme Gabriel Massaquoi était en charge, il avait ouvert le feu sur les civils qu'il avait accusé de piller. Au cours du même incident, il a également vu Gabriel Massaquoi tuer douze enfants soldats combattant pour le Front national patriotique du Libéria (NPFL), dans un groupe appelé « Nyanplan » [sic]. Le témoin a ensuite déclaré qu'après la fusillade, il était retourné voir son commandant et lui avait fait un rapport sur les événements.

Le témoin a brièvement évoqué d'autres incidents impliquant Gabriel Massaquoi. Il a déclaré que Gabriel Massaquoi avait perpétré un massacre à Popalahun, ainsi que dans un autre village, où il avait tué des femmes et des enfants, et les avait « ouverts et rôtis ». Le témoin a déclaré que Massaquoi avait tué son frère à Popalahun, puis a précisé qu'il se trouvait à Belle Fassama lorsqu'on lui avait dit que « l'Ange Gabriel avait tué [son] frère ». Avant que le témoin ne puisse se rendre à Popalahun, l’Ange Gabriel était déjà parti dans une autre région. Lorsqu'il lui a été demandé si ces incidents s'étaient produits avant ou après le meurtre de civils à Waterside, le témoin a semblé confus et n'a pas fourni d'éclaircissements sur la chronologie.

L'Accusation a ensuite posé une question sur la mort d'un soldat appelé « Bulldog ». Le témoin a semblé penser que l'Accusation faisait référence à un « Bulldog » avec lequel il s'était entraîné et qu'il connaissait très bien. Cependant, il ne savait pas comment et quand ce « Bulldog » était mort, car il se trouvait à l'hôpital JFK où il était soigné pour une blessure à la jambe qu'il avait reçue en combattant sur le Old Bridge. L'Accusation a demandé si [le soldat 07] avait fait quelque chose après la mort de Bulldog, et le témoin a déclaré qu'il ne s'en était pas préoccupé pas à l'époque, en raison de sa blessure.

Le témoin a précisé que, lorsque le RUF était arrivé au Libéria, Gabriel Massaquoi était leur porte-parole à la frontière. Il n’est pas clair si le témoin avait rencontré Massaquoi avant l'incident de Waterside, mais il a indiqué qu'il le connaissait. En ce qui concerne les positions du RUF à Monrovia, le témoin a déclaré qu'ils contrôlaient la zone autour du New Bridge (Nouveau Pont). Il s'est également souvenu que Gabriel Massaquoi se faisait appeler Ange Gabriel lorsqu'il était en première ligne, avant toute « performance ». Il a précisé que Gabriel Massaquoi, comme la plupart des membres du RUF, parlait mende.

Enfin, le témoin a parlé de ses interactions avec la police finlandaise. Il se souvient que [le soldat 07] avait donné ses coordonnées à [l'employé 1], qui avait appelé le témoin au travail. Au cours de sa déposition, le témoin s'est référé à un morceau de papier portant le nom de [l'employé 1], qu'il a noté pour ne pas l'oublier. [L’employé 1] a demandé à rencontrer le témoin sans lui fournir aucune information sur le sujet. Après l'avoir rencontré, on l'a envoyé rencontrer des policiers, qu'il a décrits comme « d'énormes hommes blancs ».

La Défense interroge le quarante-troisième témoin

La Défense a commencé par poser des questions sur les interactions du témoin avec [l'employé 1] et la police. Le quarante-troisième témoin a déclaré qu'il avait écrit le nom de [l'employé 1] sur le morceau de papier lors de sa première rencontre avec lui et qu'il l'avait conservé dans ses dossiers, car la police lui avait dit qu'elle reviendrait. Il a déclaré qu'il n'avait pas eu de conversation approfondie avec [l’employé 1], qui l'avait seulement orienté vers la police finlandaise. Il a confirmé que [le soldat 07] n'avait jamais parlé de donner son numéro à [l'employé 1] ni donner des informations sur l'entretien, mais a également dit qu'il ferait tout ce qu'il lui demanderait, car il était son commandant. Il a confirmé qu'il ne savait pas sur quoi portait l'entretien avant de rencontrer la police. À son arrivée, la police lui a montré des photos et lui a demandé s'il connaissait personnellement « un certain Gabriel ». Il a répondu par l'affirmative. La Défense lui a demandé s'il se souvenait du nombre de personnes figurant sur la photo qui lui avait été montrée, il a répondu qu'il n'avait pas vérifié. La Défense a également demandé si la police avait désigné un individu sur les photos et demandé si c'était Gabriel ou si le témoin avait désigné Gabriel lui-même. Le témoin a répondu que la police lui avait demandé s'il connaissait Gabriel avant le début de l'entretien, puis lui avait demandé d'identifier Gabriel sur les photos. Le témoin a précisé que les policiers étaient tous des Blancs, avec un interprète libérien anglais.

La Défense a ensuite précisé que lors de son interrogatoire, le témoin avait dit à la police que le [soldat 07] lui avait dit qu'il allait parler de l'incident de Waterside et de la tâche que le [soldat 07] lui avait confiée. Le témoin a précisé que [le soldat 07] ne lui avait jamais expliqué quoi que ce soit au sujet de l'entretien. La Défense a déclaré que le témoin avait également dit à la police que le [soldat 07] lui avait dit qu'il serait interrogé sur Gabriel Massaquoi. Le témoin a confirmé que le [soldat 07] lui avait dit sur qui porterait l'entretien, mais pas sur ce qu'il devait dire, et a précisé qu'il en savait plus sur Gabriel Massaquoi que le [soldat 07], étant donné qu'il avait combattu avec le RUF, ce qui n'était pas le cas du [soldat 07]. Il a précisé que [le soldat 07] ne lui avait pas expliqué en détail ce à quoi il devait s'attendre lors de l'entretien mais qu'il lui avait dit pourquoi il allait voir la police parce que le témoin avait peur.

La Cour a ensuite fait écouter un enregistrement de l'entretien du témoin avec la police en décembre 2019. Dans cet enregistrement, le témoin a dit à la police que [le soldat 07] lui avait dit que la police voulait en savoir plus sur « l'incident qui a eu lieu à Waterside. Cet individu, ils veulent en savoir plus sur lui. Alors vous allez vous-même leur transmettre l'information ». Dans l'enregistrement, le témoin a confirmé à la police que l'individu en question était Gabriel Massaquoi.

Après l'enregistrement, le témoin a réaffirmé que [le soldat 07] était toujours son général et que, sans ses encouragements, il ne serait pas venu à Monrovia. Il a également déclaré qu'après 2001, il ne savait pas où Gabriel Massaquoi était allé, alors qu’il le recherchait parce qu'il avait tué son frère.

La Défense a changé de sujet et est passé sur les événements de Monrovia. Le témoin a déclaré qu'il était basé à White Flower, près de Paynesville, où vivait le président Taylor, et qu'il combattait le LURD auprès des forces gouvernementales. Il a confirmé que la guerre était en cours à Monrovia à cette époque, mais qu'elle n'était pas très intense. Le témoin a divisé la guerre en trois parties : Première, Deuxième et Troisième Guerre mondiale. Étant donné que, comme l'a déclaré le témoin, les soldats « ont dû faire beaucoup de choses pour rester actifs sur le front », il n'a pas pu se souvenir pendant quelle guerre l'incident de Waterside s'était produit, mais seulement qu'il s'était produit entre 2000 et 2001. Cependant, il a exclu la Troisième Guerre mondiale, dont il a précisé plus tard qu'elle s'était produite en 2003, parce que la guerre avait « vraiment touché » Monrovia à ce moment-là.

La Défense a ensuite fait référence au résumé de la police, qui indique que le témoin se trouvait à Paynesville pendant la Troisième Guerre mondiale lorsque Gabriel Massaquoi avait tué Bulldog, qui, selon la Défense, était sous son commandement. Le témoin a précisé qu'il y avait eu une certaine confusion car il y avait trois soldats appelés Bulldog au sein du NPFL. L'un d'entre eux gardait Charles Taylor, le second était un commandant de la Marine et le troisième était un enfant soldat, membre de la Small Boys Unit, qui était affecté auprès du témoin. Il a précisé que le Bulldog, membre de la marine, était celui qui était mort alors que le témoin était à l'hôpital. Le témoin a mentionné différentes divisions du NPFL, notamment la division de la marine, la Strike Force et la Jungle Fire.

Le témoin a alors compris que la Défense posait des questions sur le troisième Bulldog, l'enfant, qui, selon le témoin, avait été tué par Gabriel Massaquoi pour pillage. Il a déclaré que [le soldat 07] lui avait dit de chercher le corps de ce Bulldog. Il a précisé que ce Bulldog était le garde du corps du témoin, son « petit soldat », et qu'il l'avait pris comme fils après la fuite de ses parents. Interrogé sur le fait de savoir s'il était le garde du corps du [soldat 07], le témoin a indiqué que Bulldog lui était affecté, mais a expliqué que, comme le [soldat 07] était le commandant du témoin, toute personne affectée au témoin l'était également au [soldat 07].

Le témoin a ensuite décrit les forces présente à Monrovia au moment de l'incident du Waterside. Le témoin et d'autres forces gouvernementales combattaient les forces du LURD. La première fois que le LURD a frappé Monrovia, ils étaient à Logan Town, et la deuxième fois, à Vai Town. Le NPFL et le RUF ont créé une zone tampon, avec un groupe de chaque côté de Vai Town, de sorte que seuls les ponts les séparaient. Le témoin a décrit des tirs quotidiens entre les forces. Un jour, il s'est dirigé vers les forces du RUF au port et a tiré sur elles à l'artillerie lourde depuis une camionnette. Il a utilisé cet incident comme cadre de référence pour situer le moment où Bulldog a été tué, confirmant que [le soldat 07| l'avait envoyé chercher le corps de Bulldog avant la guerre au cours de laquelle cette fusillade avait eu lieu. Il n'a pas pu se souvenir du temps écoulé entre cette fusillade et la recherche du corps, précisant que l'ordre de trouver le corps n'était pas très important et qu'il voulait seulement chercher le corps parce qu'ils étaient proches.

La Cour a ensuite diffusé un extrait de l'entretien du témoin avec la police, dans lequel il décrit le meurtre de Bulldog comme s'il avait eu lieu pendant la Troisième Guerre mondiale. Il a déclaré qu'il se trouvait à Gardnersville pendant la Troisième Guerre mondiale lorsque l'Ange Gabriel avait tué Bulldog et que le [soldat 07] lui avait dit de chercher le corps. Le témoin a ensuite dit à la police qu'on lui avait ordonné d'aller à Monrovia, décrivant qu'il avait marché de Lofa à Gbarnga avant de venir à Monrovia pour se battre pendant la Troisième Guerre mondiale.

Après l'enregistrement, la Défense a demandé au témoin de confirmer ce qui avait été dit dans l'enregistrement, et le témoin a déclaré que c'était la fin de la guerre.

La Défense a demandé si le témoin avait déjà vu Gabriel Massaquoi brûler des personnes dans des maisons. Le témoin a répondu qu'il n'avait jamais vu lui-même Gabriel Massaquoi et Zigzag Marzah brûler des gens, « mais c'était leur marque de fabrique » et ils contrôlaient la zone.

Le témoin a également confirmé avoir été blessé à deux reprises, une fois dans le nord à Voinjama et une fois à Monrovia. Les deux fois, il s'est rendu à l'hôpital JFK.

Enfin, la Défense a précisé que le témoin avait déclaré au procès que Gabriel Massaquoi était le porte-parole du RUF, et a demandé s'il avait connaissance de cette information avant l’audience. Le témoin a déclaré que la police ne lui avait jamais posé cette question, et a répété qu'il avait reconnu Massaquoi sur les photos qui lui avaient été montrées.

L'Accusation pose des questions supplémentaires

Le témoin a confirmé avoir cherché le corps de Bulldog sans jamais le trouver. Il a déclaré avoir appris que Bulldog était mort et en avoir parlé au [soldat 07], qui lui avait alors demandé de chercher le corps. Il a précisé que lorsqu'il était allé chercher le corps, il avait reçu un autre ordre, celui de mettre fin à l'incident qui se déroulait à Waterside avec Gabriel Massaquoi. Il a déclaré qu'il n'approuvait pas que des soldats soumettent des civils, répétant qu'il avait vu Gabriel Massaquoi au magasin, où Massaquoi ne lui avait pas parlé. Il a répété que lorsqu'il était arrivé au magasin, les civils n'avaient pas encore été tués, car cela s'était produit sous ses yeux. Il a déclaré que [le soldat 07] n'était pas présent lorsque le témoin cherchait le corps de Bulldog. Il a déclaré qu'il ne savait pas si le [soldat 07] avait visité le site car le témoin lui avait remis le rapport sur l'incident de Waterside et était parti. Il a cependant précisé que [le soldat 07] était très en colère à propos des meurtres de civils et pense qu'il est probable qu'il se soit rendu sur les lieux par la suite. La Cour a ensuite diffusé un enregistrement dans lequel le témoin a déclaré à la police qu'il avait quitté les lieux jusqu'à l'arrivée du [soldat 07]. Le [soldat 07] a demandé à Gabriel Massaquoi « pourquoi vous continuez à tuer des Libériens dans notre propre pays ? ». Les soldats et Gabriel Massaquoi ont alors levé leurs armes les uns vers les autres et ont presque ouvert le feu les uns sur les autres. Après l'enregistrement, le témoin a précisé que cette dispute avait eu lieu au bâtiment E.J. Royce, où était basé Benjamin Yeaten.

Le quarante-quatrième témoin est entendu

(Numéro d’identification finlandais du témoin: Soldat 04)

L'Accusation interroge le quarante-quatrième témoin

Le témoin a commencé par se présenter comme un soldat du NPFL et des forces gouvernementales pendant la deuxième guerre civile. Il était sous le commandement du [soldat 07] et a combattu dans les comtés de Montserrado et de Lofa. Il a déclaré que lorsque les rebelles du LURD étaient arrivés dans le comté de Lofa en 2000 ou 2001, son affectation avait été modifiée de Montserrado au comté de Lofa.

L'Accusation a posé des questions sur le temps que le témoin a passé à Monrovia. Le témoin a expliqué que son groupe contrôlait le pont Gabriel Tucker jusqu'à Waterside. Il a déclaré que de nombreuses troupes du RUF s'y trouvaient également, d'abord sous le commandement de Sam Bockarie et Johnny Paul, puis sous celui de « l’Ange Gabriel », qui était le nom de guerre d'un homme également appelé « Massaquoi ». Le témoin a rencontré Massaquoi au front ainsi que sur la route de Waterside.

Le témoin a ensuite décrit un incident sur le parking de Nimba, qu'il a qualifié de « bataille ». Le [soldat 07] avait envoyé chercher le témoin, le [soldat 01] et un jeune membre de la Small Boys Unit (SBU) qui était mort le même jour. En chemin, ils ont vu des gens à genoux. Le témoin ne se souvenait pas du nombre de personnes présentes, mais lorsqu'on lui a demandé une estimation, il a dit qu'il y en avait plus de six. Il se souvient que certaines d'entre elles étaient attachées, et que deux d'entre elles étaient nues et en tablier. Les autres étaient alignées près de la rive où elles tomberaient dans l'eau si on leur tirait dessus.

Le chauffeur a arrêté la voiture et a demandé qui étaient ces personnes. Le témoin a déclaré qu'on lui avait répondu : « L'Ange Gabriel a dit que ce sont des ennemis, nous devons nous en débarrasser. » Pour le témoin, c'était le « chef Massaquoi » qui avait donné l'ordre de tuer les gens - il ne sait pas si c'est Massaquoi qui a tiré sur eux, mais il a précisé qu'il avait un pistolet à la main. Lorsque l'Accusation a demandé si les personnes étaient des civils ou des soldats, le témoin a expliqué que l'endroit où ils se trouvaient n'était pas un lieu où l'on voyait habituellement des civils. Néanmoins, il a déclaré que certaines des personnes avaient l'air de civils, et non de soldats, et que Massaquoi « insistait pour les tuer ». Le témoin n'a pas vu ces personnes être tuées parce qu'elles passaient par là pour se rendre à une autre mission, mais il a précisé que « c'est sûr qu'il l'a fait ». L'Accusation a demandé quelle était cette autre mission. Le témoin a expliqué qu'ils se rendaient sur la ligne de front en passant par Somalia Drive, mais qu'ils ne pouvaient pas traverser Clara Town, et qu'ils étaient donc passés par Congo Town et Red Light pour se rendre au front. Le témoin a déclaré que lorsqu'il avait rejoint le [soldat 07], il lui avait raconté ce qui s'était passé avec les Sierra-Léonais, qu'ils appelaient les « garçons agba ». Le [soldat 07] a demandé qui était le commandant, et le témoin lui a dit que c'était Massaquoi. L'Accusation a demandé comment le [soldat 07] avait réagi, et le témoin a répondu : « Il se sentait mal, mais que pouvait-il faire. » Le [soldat 07] a dit qu'il allait s’y rendre pour vérifier, mais à ce moment-là, ils étaient déjà sur le front. Le témoin a ensuite déclaré que leur affectation avait changé et qu'ils étaient allés dans le comté de Lofa, après quoi il n'a plus revu Massaquoi.

Invité à préciser le lieu de l'incident, le témoin a affirmé que près du New Bridge (Nouveau Pont), à proximité d'un poste de police, il y avait une large zone, appelée le parking de Nimba. L'Accusation a demandé s'il s'agissait des « 99 Steps », et le témoin a affirmé que c'était le principal endroit où l'incident s'était produit. Il a déclaré que depuis les « 99 Steps », ils avaient utilisé la route pour se rendre dans le quartier de Johnson Street et étaient montés jusqu'à Ashmun Street. Le témoin a précisé qu'il était difficile de se souvenir des détails car ces événements s’étaient produits il y a plusieurs années. Lorsque l'Accusation lui a demandé s'il avait vu autre chose sur le chemin qu'ils empruntaient, le témoin a déclaré avoir vu quelques corps car il s'agissait d'une zone interdite. Il a également déclaré que cette zone était sous le contrôle des Sierra-Léonais, en particulier Salami et « Gibril Massaquoi ».

Le témoin a déclaré que l'incident qu'il a décrit s'était produit entre 2000 et 2001. Il n'a pas précisé la période de l'année mais a dit que c'était à ce moment-là que son affectation avait changé, en 2000. Il a ajouté qu'il était revenu au moment de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale, en 2002, et qu'il n'avait pas revu Massaquoi. Le témoin a déclaré que Massaquoi parlait krio, « il ne parlait pas bien l'anglais ». Interrogé sur le nom de guerre « Ange Gabriel », le témoin a déclaré qu'il ne savait pas comment Massaquoi avait obtenu ce nom et a expliqué que de nombreuses personnes utilisaient des noms de guerre parce qu'elles ne voulaient pas que les gens les identifient.

L'Accusation a ensuite interrogé le témoin sur son entretien avec la police finlandaise. Le témoin a rappelé qu'il avait été interrogé l'année précédente, avant COVID-19. Il a emmené la police finlandaise dans des endroits, dont un où il a reçu une cicatrice. Il a expliqué qu'il avait reçu cette cicatrice lorsque l'aide spécial de Massaquoi avait tiré entre ses jambes pour l'effrayer ; Massaquoi « se concentrait sur les personnes qu'il voulait tuer ». Cet incident s'est produit lorsque [le soldat 07] avait appelé Benjamin Yeaten pour résoudre un différend entre les groupes, les soldats de Massaquoi voulant les désarmer. Les Sierra-Léonais étaient plus nombreux que le groupe du témoin, qui n'était composé que de quelques personnes dans un pick-up. L'Accusation a repris ses questions sur les contacts du témoin avec la police finlandaise. Le témoin a expliqué que [l'employé 1] l'avait appelé chez lui et lui avait dit que [le soldat 07] lui avait donné son numéro. [L'employé 1] a dit au témoin qu'il voulait des informations sur Massaquoi et l'incident des « 99 Steps ». Le témoin a déclaré que le [soldat 07] savait qu'il était présent et qu'il pouvait lui donner des explications, mais qu'il avait « un peu peur ».

La Défense interroge le quarante-quatrième témoin

La Défense a commencé par demander au témoin qui lui avait parlé de Massaquoi et des « 99 Steps ». Le témoin a expliqué qu'il était sur les lieux et qu'il avait vu Massaquoi lui-même. Il a également expliqué que le [soldat 07] savait qu'il était présent et avait donc donné son numéro, notamment parce qu'il n'avait pas les numéros des autres personnes présentes, ou qu'elles étaient décédées depuis.

La Défense a ensuite demandé si le témoin avait discuté de Massaquoi avec quelqu'un d'autre au cours des derniers mois. Le témoin a juré devant Dieu que non, mais a reconnu que parmi les ex-combattants, qui « faisaient le sale boulot au front », il était normal que le nom d'un « homme important » soit évoqué. Il a déclaré qu'il ne savait pas où Massaquoi vivait actuellement. La Défense a souligné que le témoin avait parlé d'un individu, [FNM-142], lors de son entretien avec la police. Le témoin a déclaré qu'il connaissait [FNM-142], qui était également un combattant. La Défense a déclaré que dans le résumé de la police, le témoin avait dit avoir entendu de [FNM-142] que Massaquoi était en Finlande. Le témoin a rejeté cette affirmation et, lorsqu'il lui a été demandé de préciser s'il voulait dire qu'il n'avait pas fait cette déclaration à la police ou qu'il ne l'avait pas entendue, le témoin a déclaré que la Cour devait écouter l'enregistrement de son entretien. Il a également affirmé qu'il n'avait pas fait la déclaration alléguée par la Défense et a affirmé que la localisation de Massaquoi ne le concernait pas.

L'enregistrement de l'entretien du témoin a été diffusé, après quoi la Défense a demandé au témoin de confirmer qu'il s'était entendu dire que [FNM-142] lui avait dit que Massaquoi se trouvait en Finlande. La Défense a demandé comment le témoin avait commencé à parler de Massaquoi, et le témoin a expliqué qu'il était allé à des funérailles pour l'un de leurs défunts généraux, et qu'il s'était retrouvé dans une conversation de groupe, le genre de situation où « vous entrez quelque part et les gens parlent et vous vous joignez à eux. » Il a dit qu'il ne pouvait pas se souvenir de tout ce qui avait été dit sur Massaquoi.

La Défense a ensuite abordé la question des noms. Elle a souligné que le témoin n'avait jamais mentionné « Ange Gabriel » dans son résumé aux autorités finlandaises. Le témoin a répondu qu' « ils n'ont pas demandé ». Il a expliqué que, pendant la guerre, les gens n'utilisaient pas leur vrai nom, et qu'il s'était contenté d'utiliser l'un des noms. La Défense a demandé si, pendant la guerre, le nom « Massaquoi » était utilisé, et non « Ange Gabriel ». Le témoin a expliqué que les gens avaient des prénoms et des noms de guerre, citant en exemple d'autres soldats éminents. Il a déclaré que Massaquoi avait également un nom de guerre, et a demandé si c'était « un crime si je commence à l'appeler par le nom qu'il utilisait ? »

Après cet échange, la Défense a demandé au témoin quand et où il avait vu Massaquoi pour la première fois. Le témoin a déclaré avoir vu Massaquoi pour la première fois en 2000 et pour la dernière fois en 2001. Il l'a vu à Congo Town, derrière la maison de Charles Taylor, où se trouvaient tous les Sierra-Léonais.

La Défense a demandé si le témoin avait été basé à Gardnersville. Le témoin a nié avoir été basé à Gardnersville, et a répété que lorsque son affectation avait changé, il était passé par là et avait vu Massaquoi accomplir son acte. A la question de savoir pourquoi ils avaient besoin de plus d'effectifs sur place, le témoin a répondu qu'ils devaient sécuriser les différents points d'entrée car ils ne voulaient pas que le LURD y pénètre. La Défense a demandé si une guerre était en cours au moment de l'incident de Waterside. Le témoin a déclaré que les gens n'avaient pas besoin de l’excuse des combats pour faire ce qu'ils voulaient. Il a ajouté que les « 99 Steps » était généralement une zone calme, et qu'il était facile d'y amener des personnes capturées et d'y faire le « sale boulot » parce qu'elle était située au bord de l'eau.

La Défense a demandé au témoin quand il avait vu Massaquoi pour la dernière fois, et il a déclaré que c'était au moment où leur patrouille passait et que Massaquoi exécutait son acte. La Défense a précisé que le témoin avait dit à la police qu'il avait entendu le nom « Massaquoi » prononcé par les Sierra-Léonais. Le témoin a déclaré qu'il avait rejoint la révolution à 14 ans et qu'il était resté avec les forces de Taylor pendant toute la durée du conflit. Il a expliqué que lorsque les Sierra-Léonais étaient arrivés, ils avaient essayé de les présenter aux autres soldats sur le terrain, et c'était ainsi qu'il avait appris les noms de personnes comme Sam Bockarie, Johnny Paul Koroma ou Massaquoi. La Défense a cherché à confirmer si le témoin avait dit à la police qu'il avait vu Massaquoi pour la première fois aux « 99 Steps », mais le témoin a expliqué qu'il leur avait dit qu'il avait entendu parler de Massaquoi lorsqu'il était arrivé au Libéria, mais que le témoin l'avait vu « en action » pour la première fois aux « 99 Steps ».

Le témoin a répété que de nombreuses personnes avaient leur propre nom de guerre, et la Défense l'a interrogé sur Bulldog. Le témoin a répondu qu'il connaissait un certain Bulldog, le garde du corps du Président, et qu'il était toujours en vie. La Défense a ensuite souligné que le résumé indiquait que le témoin était parti de Gardnersville pour Waterside parce qu'ils avaient tué son ami, Bulldog. Le témoin a répondu qu'il s'agissait de l'ami du [soldat 01], « mais la république connaît un Bulldog, c'est le garde du corps du Président ». Il a ajouté que Bulldog était un « petit garçon » lorsqu'il avait été tué.

La Défense a ensuite abordé le moment de l'incident, en mentionnant le début de l'année 2003. Le témoin a déclaré qu'en 2003, il n'y avait pas de combats à Monrovia et que Taylor avait quitté le pays. La Défense a soutenu que le résumé disait que c'était au début de 2003, et le témoin a précisé qu'il était difficile de se souvenir de tout aujourd'hui, et que son « cerveau n'est pas un ordinateur ». La Défense a répété que le témoin avait dit avoir rencontré le [soldat 07] en 2002 et être venu à Monrovia en 2003, et a demandé quand le témoin avait rejoint les troupes du [soldat 07]. Le témoin a expliqué qu'il venait de Lofa et que le [soldat 07] avait vu ses performances et l'avait recruté. Il a affirmé que la guerre à Lofa avait eu lieu en 2000 et qu'ils étaient venus à Monrovia pour combattre le LURD en 2001. Il a dit que les combats étaient intenses à Monrovia en 2001-2002, et c'est à ce moment-là qu'il avait rejoint la division de la marine. En 2003, il a quitté le pays.

La Défense a cherché à préciser l'année ou le mois où le témoin avait rejoint la marine, et le témoin s'est souvenu que c'était vers décembre, bien qu'il ne puisse pas se rappeler la date précise. La Défense a précisé que le résumé indique qu'il s'était engagé en décembre 2002, et qu'au début de 2003, les troupes de la marine avaient été transférées à Monrovia. Le témoin a déclaré qu'il avait rejoint la marine en raison de ses performances ; ils battaient en retraite et on avait besoin de lui. Il a décrit une bataille intense et a expliqué qu'ils devaient revenir à Monrovia. La Défense a demandé si le témoin se trouvait alors à Gardnersville. Le témoin a dit à la Défense, « vos questions commencent à m'embarrasser », et a demandé ce qu'il voulait dire par cette question, expliquant qu'ils étaient au front. La Défense a expliqué que le témoin avait dit qu'il était passé de Gardnersville à Waterside lorsque l'ami du [soldat 01] avait été tué. Le témoin a répondu qu'ils avaient reçu un appel téléphonique où ils avaient entendu qu'ils avaient tué le « petit garçon », et le [soldat 07] avait dit qu'ils devaient aller vérifier. La Défense a de nouveau affirmé que dans le résumé, le témoin avait déclaré que cela s'était produit en 2003. Le témoin s'est défendu en disant : « Je suis un être humain, je peux oublier ». La Défense a fait écouter l'enregistrement, puis a souligné que le témoin n'avait mentionné que 2003. Le témoin a répondu : « Je ne peux pas me souvenir de tout ; je me battais pour sauver ma vie. Je ne peux pas dire quelque chose puis revenir et dire exactement la même chose ».

L'audience s'est terminée et reprendra le vendredi 2 avril 2021.


+ 02/04/21 (Libéria) Vingt-quatrième jour : Audition des quarante-cinquième, quarante-sixième et quarante-septième témoins

La vingt- quatrième journée d'audience publique a repris 2 avril 2021 à Monrovia, Libéria.

Le quarante-cinquième témoin est entendu

(Numéro d’identification finlandais du témoin: Soldat 17)

La Défense interroge le quarante-cinquième témoin

L'Accusation a commencé en posant une question au témoin sur la deuxième guerre civile libérienne. L’interrogatoire a principalement porté sur l'Escadron de la mort. Le témoin a expliqué que le premier commandant de l'unité était l’Ange Gabriel, et que le commandant suivant était « Aux côtés de Dieu ». Le témoin a rencontré l'Ange Gabriel pendant la guerre et a ajouté que c'est le garde du corps de l'Ange Gabriel, connu sous le nom de « KB », « Kill the Bitch », qui a estropié la jambe du témoin. Il a raconté que lorsque les ennemis étaient arrivés sur le pont, l'Ange Gabriel avait érigé une barrière et leur avait dit de ne pas la traverser. Lorsque les gens avaient essayé de traverser, KB avait commencé à tirer : une balle a ricoché sur le sol et a touché la rotule du témoin. Le témoin est encore affecté par cette blessure aujourd'hui.

Le témoin a décrit comment les civils de Waterside avaient fui, et que certains avaient commencé à piller les magasins. L'une des premières choses que l'Ange Gabriel et ses troupes ont faites, une fois arrivés, a été d'ouvrir le feu sur les personnes présentes dans les magasins. Le témoin s'est souvenu qu'une fois que les tirs avaient commencé, un soldat nommé « Bodyman » avait couru vers l’Ange Gabriel, une arme à la main. L’Ange Gabriel a ordonné à Bodyman de lâcher son arme ; cependant, Bodyman n'a pas entendu et il a été abattu. Cela s'est produit sur la Water Street, près du quartier des « 99 Steps » (99 Marches). Un groupe d'hommes, qui étaient amis du témoin, a signalé le décès. Le [soldat 07] a demandé au soldat [FNM-136], au témoin et à d'autres hommes d'aller confirmer ce qui s'était passé. Lorsqu'ils étaient arrivés sur les lieux, le témoin a raconté qu'ils avaient voulu ouvrir le feu sur l’Ange Gabriel et ses hommes. Cependant, [le soldat 07] les a arrêtés et a d'abord voulu entendre Benjamin Yeaten, qui était le chef. Yeaten leur a dit de ne pas attaquer, et l’Ange Gabriel s'est enfui à Congo Town, chez Yeaten où il était basé, parce qu'il craignait que les gens soient sur le point de le tuer.

Le Procureur a ensuite évoqué la fusillade dans les magasins et l'emplacement de ces magasins à Waterside. Le témoin a répondu que les magasins n'étaient pas près du Old Bridge (Vieux Pont), mais vers Water Street. Lorsque l'Ange Gabriel est arrivé dans le magasin en question, un magasin de téléphones portables, il a commencé à tirer et a dit que « personne ne devrait piller » et que tant que les gens pillaient, il allait les tuer. Le témoin a vu de ses propres yeux l'Ange Gabriel tirer.

Après quelques demandes d'éclaircissement concernant la personne envoyée par [le soldat 07] pour aller confirmer la mort de Bodyman, l'Accusation a demandé au témoin pourquoi ils voulaient échanger des coups de feu lorsqu'ils étaient arrivés sur les lieux. Le quarante-cinquième témoin a répondu que c'était dû à la colère après avoir vu le cadavre de leur camarade. Selon lui, plus de 15 personnes gisaient mortes ; outre Bodyman, toutes les autres étaient des civils, tués parce qu'ils traînaient dans la zone. Le témoin a déclaré avoir vu l'Ange Gabriel tuer Bodyman, et « massacrer les gens et tout le reste » : il se souvient avoir vu leurs organes être retirés. Il a ajouté qu'il n'avait pas parlé à l’Ange Gabriel parce qu'il voulait le tuer, et que si l’Ange Gabriel n'était pas mort, c'était parce que [le soldat 07] était arrivé alors qu'ils se disputaient. Le témoin a ajouté que cela s'était produit en 2000 ou 2001, pendant la saison des pluies. Il se souvient de cette saison car c'était au moment-où le LURD « frappaient ».

L'Accusation a ensuite orienté l'interrogatoire vers le temps que le témoin a passé à Lofa. Le témoin a fait remarquer qu'il avait été témoin de nombreux actes répréhensibles à l'encontre de civils ; l’Ange Gabriel était impliqué dans certains d'entre eux, mais pas dans tous, car différentes personnes étaient impliquées. Lorsqu'on lui a demandé de décrire ceux auxquels l’Ange Gabriel avait participé, le témoin a expliqué qu'à Kamatahun, l’Ange Gabriel avait tué le chef de la ville et « la moitié des habitants » parce qu'ils n'étaient pas restés en ville, alors que l’Ange Gabriel le leur avait demandé. Selon le témoin, l'Ange Gabriel leur a tranché la gorge avec un couteau. Il a confirmé que c'était le seul incident dans la région dans lequel Ange Gabriel était impliqué, à sa connaissance. Plus tard dans son témoignage, l'Accusation a demandé au témoin s'il se souvenait également que des maisons avaient été incendiées. Le quarante-cinquième témoin a répondu que c'était Zigzag Marzah, envoyé par Yeaten, qui mettait le feu aux maisons, et non l’Ange Gabriel. Lorsque l'Accusation a demandé si l'Escadron de la mort dirigé par l’Ange Gabriel avait quelque chose à voir avec cela, le témoin a répété que Zigzag Marzah et Yeaten « avaient fait cela ».

Le Procureur a ensuite dirigé son interrogatoire vers l'entretien avec la police finlandaise. Le témoin s'est souvenu qu'il vendait quelques articles au Red Light lorsqu'il avait vu le [soldat 07]. Il a donné son numéro de téléphone au [soldat 07], et un jour, le [soldat 07] l'a appelé pour lui dire que des personnes étaient intéressées par les événements qu’il avait vécus, en particulier par ceux qui étaient allés en Sierra Leone et étaient revenus au Libéria, comme le témoin. Le quarante-cinquième témoin a répondu qu'il espérait que le [soldat 07] ne faisait pas cela « pour que les gens viennent nous arrêter », car il avait entendu dire que des gens avaient été arrêtés. Il l'a informé que ce mois-là il était occupé par la récolte, mais qu'il le rappellerait lorsqu'il serait de retour en ville.

C'est ce qu'il a fait, et [le soldat 07] l'a emmené chez lui où le témoin a passé la nuit. Le témoin craignait toujours d'être arrêté. Le [soldat 07] a pris des dispositions pour que le quarante-cinquième témoin puisse parler aux « Blancs ». Lorsqu'il a parlé avec eux, il s'est souvenu qu'ils lui ont montré des photos et lui ont demandé qui il reconnaissait. Il n'a reconnu que l'Ange Gabriel. Lorsqu'ils lui ont demandé comment il le connaissait, le témoin a expliqué qu'ils avaient combattu ensemble en Sierra Leone, mais que l'Ange Gabriel avait un grade supérieur au sien et qu'il était donc le chef du témoin. Il a demandé où se trouvait l’Ange Gabriel, car il ne l'avait pas vu depuis longtemps, et la police a répondu que « cet homme a un problème, nous voulons savoir ce qu'il a fait au Libéria. »

Enfin, l'Accusation a voulu savoir qui avait emmené le témoin au lieu où avait lieu l'audience la veille. Il n'a pas pu se rappeler son nom mais a déclaré qu'il s'agissait d'un « homme noir, petit et épais ».

La Défense interroge le quarante-cinquième témoin

Interrogé, le témoin a expliqué que [le soldat 07] ne lui avait pas révélé de noms, mais lui avait seulement dit que les « gens étaient intéressés par les événements » qu’il avait vécus. Il a ensuite précisé que la police ne lui avait montré la photo qu'après lui avoir demandé où il avait combattu, ce à quoi il avait dûment répondu. Le témoin a répété qu'il y avait beaucoup de personnes sur la photo, et a demandé qui il pouvait identifier, et il n'a reconnu que l'Ange Gabriel parce que c'était la seule personne qu'il connaissait. Le témoin a indiqué à la Défense que les enquêteurs lui avaient montré une vidéo après lui avoir montré la photo ; il a également reconnu l’Ange Gabriel dans la vidéo.

La Défense a demandé au témoin s'il était sûr d'avoir prononcé le nom « Ange Gabriel » lors de l'entretien avec la police. Le témoin a répondu qu'il avait utilisé le nom complet, mais qu'il ne pouvait pas s'en souvenir à ce moment-là. La Défense a souligné que le témoin n'avait pas du tout utilisé le nom Ange Gabriel pendant l'entretien, et que lorsque la police lui a demandé s'il connaissait ce nom, le témoin avait répondu « non ». Lorsqu'on lui a demandé s'il connaissait le nom « Gabriel Wilson », le quarante-cinquième témoin a répondu que oui, que c'était le nom complet de l'Ange Gabriel et que l'Ange Gabriel était son nom de guerre.

La Défense a de nouveau demandé au témoin si [le Soldat 07] lui avait dit quoi que ce soit au sujet de l'enquête ; le témoin a répété qu'il lui avait seulement dit que la police étaient intéressées par les événements survenus pendant la guerre. La Défense a ensuite souligné que le témoin avait précédemment déclaré que [le soldat 07] lui avait raconté une histoire sur Gabriel Wilson et sur le fait qu'il faisait partie de l'Escadron de la mort sous les ordres de Benjamin Yeaten. Le témoin a expliqué que [le soldat 07] lui avait parlé de Gabriel Wilson, c'est-à-dire de l'Ange Gabriel, et qu'il lui avait demandé si c'était le témoin qu'il avait envoyé sur Water Street. Le témoin a ajouté que [le soldat 07] lui avait parlé « de ce qui s'était passé sur Water Street », mais qu'ils avaient appelé « Gabriel Wilson » « Ange Gabriel ». Il ne s'en souvenait pas au début parce que cela faisait longtemps, et que lui et [le soldat 07] avaient parlé de différentes choses. Le [soldat 07] lui avait demandé si l'homme avait tué Bodyman. La Défense a demandé au quarante-cinquième témoin si Bodyman avait d'autres noms, et le témoin a répondu que les gens peuvent avoir plusieurs noms ; quand on lui a demandé, il s'est souvenu que Bulldog était un autre nom pour Bodyman. Il ne se souvient pas de son âge, car ils n'ont pas grandi ensemble, mais il estime qu'il devait avoir entre 20 et 30 ans.

La Défense a demandé si le témoin se souvenait avoir trouvé le corps de Bodyman, ce à quoi il a répondu par l'affirmative. Cependant, la Défense a fait remarquer que dans le résumé de la police, il est dit que malgré les recherches du corps, ils ne l'avaient pas trouvé. Le témoin a répondu que le corps de Bodyman gisait parmi les civils, et qu'il avait dit aux policiers que la première fois qu'ils l'avaient cherché, ils ne l'avaient pas trouvé. Ils ont réussi à récupérer son corps le jour où ils ont repoussé les rebelles du LURD lors d'un combat sur le pont de Vai Town. Il a précisé que les événements survenus dans les magasins s’étaient produits avant et qu'ils sont allés chercher le corps de Bodyman, plus d'une semaine après.

La Défense a ensuite demandé au témoin s'il se souvenait de la date qu’il avait dit à la police finlandaise concernant la survenance de ces événements. Il se souvient avoir dit à la police que cela s'était produit en 2002. La Défense a répondu qu'il avait dit à la police que cela s'était produit en 2003 ; le témoin a répondu qu'il ne pouvait pas s'en souvenir pour le moment, mais qu'il leur avait dit 2000-2002, mais qu'à son avis il avait dit 2002, en octobre ou novembre, parce que c'était la saison des pluies. Le témoin a déclaré qu'il avait été blessé à la jambe sur un pont de Monrovia, mais qu'il ne connaissait pas le nom de ce pont. Il a expliqué que lorsqu'il avait été blessé, « je n'étais pas moi-même », et que lorsque le [Soldat 07] lui avait demandé de se rendre aux « 99 Steps », il n'était pas encore blessé.

La Défense a demandé à la Cour de diffuser un enregistrement. On entend le témoin mentionner le [soldat 07] et l'année 2003 ; on l'entend également dire qu'il ne se souvient pas du mois, mais qu'il a mentionné octobre/novembre en raison des précipitations. A la fin de l'enregistrement, la Défense a demandé au témoin si le [soldat 07] lui avait donné le nom de l'ONG qui était intéressée par l'affaire, ce qu’il a démenti. Le quarante-cinquième témoin a expliqué comment [le soldat 07] lui avait dit qu'ils lui auraient donné une prothèse.

La Défense a demandé à nouveau au témoin s'il avait utilisé le nom d'Ange Gabriel lors de l'entretien avec la police. Le témoin a semblé confus par les questions de la Défense, et un enregistrement a été diffusé par la Cour. Dans l'enregistrement, on entend le quarante-cinquième témoin décrire comment quelqu'un avait tiré sur des civils avec un AK-47 ; lorsque la police lui a demandé s'il avait entendu parler des noms « Massaquoi » ou « Ange Gabriel », le témoin a répondu que non.

L'Accusation interroge le quarante-cinquième témoin une nouvelle fois

L'Accusation a demandé au témoin s'il se souvenait de l'année de la fin de la deuxième guerre civile. Il a répondu qu'il ne s'en souvenait pas, et lorsque l'Accusation lui a demandé si c'était en 2003, le témoin a même déclaré ne pas s'en souvenir. L'Accusation a reformulé la question et a demandé ce qu'il était advenu de Charles Taylor lorsque la paix avait été rétablie : le témoin a répondu qu' « ils ont dit qu'avant que la paix ne soit rétablie au Libéria, Taylor devait partir et ils l'ont emmené ». Il a ajouté qu'il était à Monrovia lorsque Taylor était parti, mais qu'il ne se souvenait pas de l'année.

Le quarante-sixième témoin est entendu

(Numéro d’identification finlandais du témoin: Soldat 50)

L’Accusation interroge le quarante-sixième témoin

Le témoin a commencé en disant qu'il faisait partie des forces gouvernementales pendant la guerre, et a nommé Zigzag Marzah et Superman comme ses commandants. Il a décrit que sa faction était responsable de Vahun et Kolahun mais était basée à Foya, où il avait servi de 2000 à 2002. Il a dit que les troupes du RUF étaient également présentes, car ils travaillaient ensemble. Il a rappelé que Sam Bockarie assurait le commandement général des troupes du RUF, que Gibril Massaquoi était le porte-parole à l'époque et l'un des « hommes importants » ; il a ajouté que l'Ange Gabriel était son nom de guerre et qu'il l'avait rencontré.

Interrogé sur ce qui s’était passé dans la région lorsqu'ils étaient avec le RUF, le témoin a expliqué qu'à l'époque il n'y avait pas d' « opération spécifique » et que les forces allaient là où il était nécessaire, en fonction des attaques. Il a ajouté que le RUF était venu de Sierra Leone en renfort, et que lorsqu'ils s'étaient joints à eux, « des meurtres ont eu lieu ».

Le témoin s'est souvenu d'un incident survenu à Kamatahun Hassala alors qu'ils combattaient les rebelles du LURD. Selon le témoin, le RUF a prétendu que des dissidents traversaient, mais selon lui, ces personnes étaient des civils car elles n'étaient pas armées. Le témoin a précisé que le RUF a arrêté des garçons et des hommes et a déclaré qu'ils étaient des rebelles. Le témoin a affirmé que l'un des hommes a déclaré « nous ne sommes pas des rebelles, nous sommes des civils » ; ils ont cependant été placés dans une cuisine qui a ensuite été incendiée. Il a rappelé que le commandant principal n'était pas présent lors de cet incident, car il était en patrouille, et que c'était donc Gibril Massaquoi qui commandait à ce moment-là. Le témoin a indiqué que, même s'il était soldat, il n'était pas d’accord avec ces événements car il était également originaire du comté de Lofa et que ces personnes étaient son peuple. Le témoin a demandé pourquoi ils n'avaient pas retenu ces personnes comme prisonniers et attendu Benjamin Yeaten ou Zigzag Marzah. Plus tard, il a répété que Gibril Massaquoi était le commandant à ce moment-là et qu'il avait donné l'ordre de brûler la maison. Il estime que plus de 5-6 personnes ont été brûlées. Plus d'une heure plus tard, Zigzag Marzah, le premier commandant qui était de retour, a demandé qui avait donné l'ordre d'incendier la maison. Selon le témoin, ils ont répondu à Zigzag Marzah que « c'était l'homme que vous aviez laissé en charge ». Le témoin a décrit comment Zigzag Marzah « est parti en colère après ce qui s'est passé, mais pas à ce point, il n'était pas si en colère. Et vous savez que Gibril n'était pas un petit soldat, la seule chose qu'ils pouvaient faire était de lui prendre sa veste ». Le témoin a précisé qu'il n'avait pas parlé à Gibril Massaquoi lui-même, parce qu'il était un officier de haut rang, et qu'il ne pouvait donc pas l'interroger : seuls Yeaten et Zigzag Marzah le pouvaient.

Le témoin a précisé que Gibril Massaquoi avait tenté de se défausser de sa responsabilité dans l'incident, et avait déclaré qu'il n'avait pas ordonné de placer les personnes dans la cuisine. Toutefois, le témoin a précisé par la suite que Massaquoi avait connaissance de la présence de personnes dans la cuisine, mais que, comme « son patron l'a blâmé », il avait essayé de rejeter la faute sur d'autres personnes. Lorsque « 50 » est arrivé dans la soirée, il était très en colère. Il a informé les autres commandants que lui et Gibril Massaquoi allaient se rendre à Monrovia. Une fois sur place, ils ont été basés à Paynesville.

Le témoin a expliqué que lorsque la guerre s'est intensifiée et qu'elle s’est propagée en ville, on l'a appelée Première Guerre mondiale. Il a indiqué qu'il avait de la famille originaire de la Sierra Leone, et qu'il était toujours affecté au RUF parce qu'il parlait mende et krio, et qu'il était originaire du comté de Lofa. Il a ajouté qu'il « était comme un œil sur eux pour le gouvernement ».

Le témoin a indiqué qu'à Monrovia, il y avait un autre commandant de première ligne nommé [FNM-143]. Il a précisé que les civils cherchaient de la nourriture et que des civils étaient abattus parce qu'ils pillaient : le témoin se souvient s'être senti mal et avoir vu 15 corps dans un magasin. Le quarante-sixième témoin a déclaré qu'il ne s'agissait « pas de la ligne de front », mais que les autres soldats lui avaient raconté que leurs ordres venaient du haut commandement, qui avait ordonné que « si quelqu'un entrait dans le magasin, il devait être tué ». Le témoin a ajouté que c'était Gibril Massaquoi qui avait ordonné à [FNM-143] de tirer. Il a ajouté qu'il ne savait pas si Gibril Massaquoi y était retourné une deuxième fois, mais que c'était la dernière fois qu'il l'avait croisé. Il a confirmé plus tard que l'incident au magasin avait eu lieu en 2003 à Waterside.

L'Accusation a précisé qu'après l'incident le témoin s’est rendu à Monrovia et a demandé de quelle année il s'agissait. Il a précisé que l'incident avait eu lieu en 2001 ou 2002 et qu'il était à Monrovia en 2003. Le témoin a expliqué que la base du RUF se trouvait à Paynesville, 12 Houses, à Monrovia. Il a déclaré qu'il n'y restait pas, mais qu'il s'y rendait sur ordre. L'Accusation a ensuite demandé si le témoin s'était rendu à Monrovia avec le RUF, ce à quoi il a répondu qu'ils s'y étaient rendus avec un convoi. Lorsqu'on lui a demandé si Massaquoi était dans le même convoi, le témoin a répondu que le haut commandement était là et qu'ils « avaient un problème avec lui » en raison de l'incident de Kamatahun. Il a rappelé que Gibril Massaquoi a causé des problèmes à deux occasions différentes.

Le témoin a ensuite décrit comment Monrovia était « sens dessus dessous » en 2003, et qu'après avoir traversé la zone de sécurité, il y avait la ligne de front où ils se battaient contre le LURD. Il a précisé qu'elle se trouvait au-delà du pont et a indiqué une zone sur une carte. Revenant sur l'incident au magasin, l'Accusation a demandé à qui le témoin avait dit que « ce n'était pas la ligne de front ». Le témoin a expliqué qu'il avait dit cela aux personnes qui tiraient sur le magasin et qui lui avait répondu que cet ordre venait de leur commandant en chef. Le quarante-sixième témoin a ajouté que Gibril Massaquoi et Salami étaient leurs commandants, que Salami était mort, et qu'ils étaient des soldats de l'armée de Sierra Leone avant de rejoindre le RUF. Le témoin a expliqué qu'il avait vu Gibril Massaquoi à Waterside au moment de l'incident du magasin, et a répété que c'était la dernière fois qu'il l'avait vu. Le témoin a déclaré qu'il n'était pas exactement sûr quelle langue parlait Gibril Massaquoi, mais a précisé que la plupart d'entre eux parlaient mende.

Lorsqu'on lui a demandé comment il était entré en contact avec la police finlandaise, le témoin a répondu qu'un de ses amis lui avait dit qu'un homme voulait lui parler de ce qui s'était passé pendant la guerre civile. [L'employé 1] a appelé le témoin et a demandé à le rencontrer, mais il ne l'a rencontré que lorsqu'il a parlé à la police.

La Défense interroge le quarante-sixième témoin

La Défense a commencé par demander si le témoin savait sur qui la police finlandaise voulait des informations. Le quarante-sixième témoin a répondu que son ami lui avait dit qu'il s'agissait de quelqu'un du RUF, mais qu'il ne savait pas s'il s'agissait de Gibril Massaquoi ou de Salami. Le témoin a expliqué que la personne qui avait donné son numéro de téléphone à [l'employé 1] était [FNM-144], qui était affecté à 12 Houses, et qui lui était inférieur.

La Défense a souligné que le résumé de la police indiquait que le témoin avait indiqué que son cousin [FNM-144] lui avait dit de témoigner, mais qu'il ne l'avait pas pris au sérieux. La personne qui l'a convaincu de venir était [FNM-145]. De plus, selon la déclaration de la police, le témoin avait dit « cet homme est en Finlande et je devrais venir donner des informations sur lui et dire la vérité ». La Défense a ensuite demandé ce que le témoin voulait dire quand il a dit qu'il connaissait personnellement l’Ange Gabriel, ce à quoi il a répondu qu'il était assigné à eux mais qu'il ne connaissait pas leur vie personnelle. La Défense a précisé que « vous avez dit que votre cousin avait dit que Gibril Massaquoi vit maintenant en Finlande et vous avez dit que cette personne était l'Ange Gabriel ».

Le témoin a expliqué que son cousin, [FNM-144], avait suivi l'histoire et lui en avait parlé, en utilisant le nom de Gibril Massaquoi ; et le témoin avait dit à son cousin que cette personne était l'Ange Gabriel. Il a précisé que [FNM-144] ne l'avait pas appelé Ange Gabriel parce qu'il ne connaissait pas ce nom. [FNM-144] lui a seulement dit qu'il y avait une affaire contre lui, mais il n'a pas donné de détails. Il l'a probablement appris sur Internet.

Revenant sur l'incident de Kamatahun, la Défense a demandé où se trouvait le poste de contrôle d'où il avait vu l'incendie. Le témoin a expliqué qu'il se trouvait près de la ville. La Défense a voulu savoir quelle était la distance entre Vahun et Kamatahun. Le témoin a répondu qu' « il faut passer par Kamatahun, Yandohun et Vahun ». Il a estimé que cela représentait au moins six heures de marche. La Défense a demandé si le témoin se trouvait à Vahun lorsqu'il a été informé que la maison avait été incendiée, ce à quoi il a répondu qu'il était à Kamatahun. La Défense a demandé à la Cour de diffuser un enregistrement où l'on entend le témoin dire que lorsqu'il était arrivé sur les lieux, des soldats lui avaient dit que Massaquoi avait ordonné l'incendie de la maison et le meurtre d'une femme enceinte.

Le témoin a déclaré qu'il avait oublié de mentionner une femme enceinte qui avait été tuée sur ordre de Gibril Massaquoi, et a confirmé que ce qui était dit dans l'enregistrement était vrai.

L'Accusation a demandé au témoin où il se trouvait lorsque la femme enceinte avait été tuée, et il a répondu qu'il était au poste de contrôle. L'Accusation a fait remarquer que dans l'enregistrement, il avait dit qu'il se trouvait à Vahun. Le témoin a expliqué qu'il venait de Vahun, car la nouvelle de l'incendie de la cuisine l'avait amené en ville. Du poste de contrôle à Kamatahun, il y avait 45 minutes de marche. Lorsqu'il est arrivé, la cuisine était toujours en feu.

Le quarante-septième témoin est entendu

(Numéro d’identification finlandais du témoin: Soldat 37)

L’Accusation interroge le quarante-septième témoin

L'Accusation a commencé par interroger le témoin sur le RUF. Le témoin a déclaré que le RUF était un front uni de rebelles de Sierra Leone. Il a décrit le RUF comme travaillant en liaison avec les forces gouvernementales pendant la deuxième guerre civile libérienne. Le témoin appartenait lui-même aux forces gouvernementales, mais il a combattu avec le RUF car le gouvernement et le RUF avaient des forces conjointes. Lorsqu'on lui a demandé s'il se souvenait des noms de combattants du RUF, le témoin a nommé Sam Bockarie, Superman et Ange Gabriel, puis les a décrits comme des officiers de haut rang. Le témoin se souvient que l'Ange Gabriel était le troisième homme en charge du commandement, ou le porte-parole. Il a rappelé qu'il était Sierra-Léonais et qu'on l'appelait également « Massaquoi », mais que son nom de guerre était Ange Gabriel. Le témoin a rencontré Ange Gabriel à de nombreux endroits pendant la guerre : Kolahun, Massabolahun, Foya et Monrovia. Il a précisé que lorsqu'ils s’étaient rencontrés à Monrovia, la situation était calme, mais qu'il y avait des combats à Lofa, qui était la ligne de front. Le témoin a expliqué qu'il n'était pas avec l’Ange Gabriel à Monrovia, car il était commandant, mais qu'il le voyait en voiture dans la ville.

L'Accusation a demandé au témoin s'il était venu de Lofa à Monrovia en même temps que l'Ange Gabriel ; le témoin a répondu que non, car il n'était pas affecté à lui. Le quarante-septième témoin a ajouté qu'il avait combattu avec l’Ange Gabriel sur la ligne de front et s'est souvenu d'un incident survenu à Kamatahun. Le témoin a précisé que les Libériens et les Sierra-Léonais avaient leurs propres groupes, mais qu'ils étaient tous membres des forces conjointes, et que l'Ange Gabriel était le commandant sierra-léonais.

Concernant l'incident en question, il a rappelé qu'après leur arrivée, des personnes avaient été arrêtées parce qu'elles étaient accusées de fournir des informations aux forces du LURD. Le témoin a pensé que l'Ange Gabriel avait ordonné à des personnes d'en tuer d'autres, et a précisé que certaines personnes avaient été brûlées et d'autres violées. Il a expliqué que cela avait semé la confusion entre les groupes et provoqué une dispute après l'arrivée des forces de Charles Taylor dans la ville où elles étaient basées. Le témoin a expliqué que l'altercation a amené certaines personnes à se battre pour tuer l’Ange Gabriel, et a ajouté que Zigzag Marzah, qui était l'un des commandants, était également en colère. La dispute a été réglée plus tard, et l’Ange Gabriel a été appelé à Vahun, où se trouvait le chef d'état-major. Il a expliqué que c'est ainsi que l'Ange Gabriel avait quitté la ligne de front, et a précisé que sa vie avait été épargnée parce qu'ils avaient récemment perdu deux commandants, Sam Bockarie et Superman. Il a précisé qu'il n'avait pas revu l’Ange Gabriel depuis, au Libéria ou ailleurs.

Le témoin a poursuivi sa déposition sur le même incident et a rappelé que l'Ange Gabriel était celui qui avait arrêté des personnes à Kamatahun, car il prétendait avoir des informations selon lesquelles ces personnes fournissaient des renseignements aux forces dissidentes. Il a indiqué qu'il ne se souvenait pas de l'origine des personnes amenées à Kamatahun. Il a déclaré que les incendies et les viols avaient provoqué des frictions entre les groupes, et a affirmé que l'Ange Gabriel avait donné l'ordre de tuer les gens. Il a ensuite précisé qu'il savait que l'Ange Gabriel avait donné cet ordre, car « s'il ne le donnait pas d’ordre, personne ne pourrait rien faire ». Et par la suite, lorsque Zigzag Marzah et un autre commandant étaient arrivés et avaient demandé qui était responsable, tout le monde avait dit que l'Ange Gabriel avait donné l'ordre.

Il a expliqué que les personnes qui avaient été arrêtées avaient été brûlées dans une maison ; il n’était pas en mesure d’estimer combien d'entre elles avaient été tuées, car il n'était pas présent lorsqu'elles avaient été mises dans la maison - bien qu'il ait vu les ossements plus tard. Il a rappelé que les personnes avaient également été violées par les hommes de l'Ange Gabriel, et a précisé que l'Ange Gabriel commandait plus de 500 hommes. Les viols en question ont eu lieu à Kamatahun le jour même où les personnes avaient été arrêtées et brûlées. Le témoin s'est souvenu que l'Ange Gabriel avait donné l'ordre de violer les gens, et qu'il avait dit : « Ce sont vos femmes. Prenez-les ».

L'Accusation a demandé au témoin s'il se souvenait de l'emplacement de la maison qui avait été brûlée à Kamatahun. Il a expliqué que la maison se trouvait sur le côté gauche de la route en arrivant de Kolahun. Invité par l'Accusation, le témoin a rappelé l'incident qui s'est déroulé dans l’atelier du forgeron. Il a déclaré que les viols avaient eu lieu dans une maison proche de la forge, et a précisé que la plupart des maisons avaient été brûlées, car de violents combats s'y étaient déroulés. Le témoin a précisé que des hommes avaient été arrêtés et tués, mais que toutes les personnes violées étaient des femmes. L'Accusation a demandé au témoin s'il pouvait estimer le nombre de femmes violées, ce à quoi le témoin a répondu que l'incident s'était produit alors qu'il faisait un peu sombre et qu'ils venaient de battre en retraite sous la pression de l'ennemi. Il a ajouté qu'il n'avait pas le pouvoir d'enquêter sur ce qui s'était passé, et qu'ils étaient donc retournés sur la ligne de front. Il se souvient que l'incident s'est déroulé fin 2001 ou début 2002, et a précisé qu'il se souvenait de l'époque car après le départ de l'Ange Gabriel, le témoin avait été blessé en août 2002 et avait ensuite été amené à Monrovia.

L'Accusation a ensuite interrogé le témoin sur la façon dont il était entré en contact avec la police finlandaise. Il a déclaré être entré en contact par l'intermédiaire de [l'employé 1], après qu'ils aient commencé à discuter de la guerre civile alors qu'ils étaient en route vers leurs destinations respectives. Après un certain temps, [l'employé 1] lui a dit qu'une ONG allait venir, et lui a demandé s'il était prêt à partager son expérience avec eux. L'Accusation a conclu en demandant au témoin s'il se souvenait de la langue que parlait l'Ange Gabriel. Le témoin a répondu qu'il parlait mende.

La Défense interroge le quarante-septième témoin

La Défense a commencé par interroger le témoin sur ses discussions avec [l'employé 1]. Le témoin a déclaré que la première discussion qu'il avait eue avec [l'employé 1] avait eu lieu dans les transports en commun. Ils ont discuté des combats qui avaient eu lieu à Lofa pendant la guerre civile, et le témoin lui a dit qu'il était allé à Foya, Voinjama et Zorzor. Après avoir précisé que le RUF était arrivé au début de l'année 2000, la première invasion ayant eu lieu lorsque « Mosquito Spray » (Spray anti-moustique) avait attaqué le Libéria en 1999, il a expliqué que le RUF s'était divisé, certains étaient restés en Sierra Leone tandis que d'autres s’étaient rendus au Libéria.

Il a expliqué que les forces du RUF étaient dirigées par Sam Bockarie, et qu'elles étaient arrivées au Libéria au début de l'année 2000 par Bomboru et Foya. Il a ajouté qu'à l'époque, les forces du LURD lançaient des offensives, et que les forces gouvernementales n’ont jamais eu assez d'hommes pour les attaquer. Interrogé sur les dirigeants du RUF qui étaient arrivés, le témoin a déclaré qu'ils avaient de nombreux commandants, mais que Gibril Massaquoi était leur porte-parole. Le témoin a ajouté qu'à l'époque, il ne le connaissait pas vraiment, mais qu'il connaissait Sam Bockarie parce qu'on l'appelait « Maître ». Il a fait remarquer qu'il n'avait pas non plus aidé le RUF dans ses efforts pour arriver au Libéria.

La Défense a demandé au témoin s'il était au courant du type de relation que l'Ange Gabriel entretenait avec les membres du RUF au Libéria vers 2000-2001. Il a déclaré que l'Ange Gabriel avait une relation de travail cordiale avec les membres du RUF au Libéria, et a précisé que lorsqu'ils venaient, ils logeaient à 12 Houses, à Monrovia. Il a été demandé au témoin s'il avait participé au voyage au cours duquel Mosquito (Moustique) avait été amené à Foya à la demande de Charles Taylor. Après avoir répondu qu'il n'avait pas participé à un tel voyage, il lui a été demandé s'il avait participé à un voyage similaire au cours duquel Sam Bockarie avait été emmené de Sierra Leone au Libéria. Il a répondu qu'il avait rencontré Sam Bockarie à la frontière et l'avait escorté jusqu'à Voinjama, mais qu'il ne se souvenait pas si Gabriel Massaquoi avait participé à ce voyage, car il ne connaissait pas les dirigeants à l'époque. La Défense a précisé que le témoin avait précédemment déclaré que Superman était également présent dans le groupe, ce à quoi il a répondu qu'il ne les connaissait pas personnellement. Il a expliqué que Sam Bockarie avait été escorté de la frontière parce qu'ils avaient reçu un appel d'un supérieur, indiquant qu'un convoi arrivait de Sierra Leone au Libéria.

Après avoir précisé qu’un conflit interne était survenu entre Sam Bockarie et d'autres combattants à Bomboru, il a expliqué qu'il ne savait pas qui avait ordonné à Sam Bockarie de se rendre au Libéria, le témoin n'étant pas un commandant. La Défense a demandé au témoin s'il savait où se trouvait Bomboru, le témoin a déclaré que c'était en Sierra Leone, bien qu'il ne soit pas sûr de quelle partie de la Sierra Leone. Après cela, la Défense a précisé que le témoin avait déclaré qu'en chemin il avait fait la connaissance de Gabriel Massaquoi et de Superman. Le témoin a répondu qu'il s'agissait peut-être d'une erreur, car il ne connaissait pas les dirigeants lorsqu'ils étaient arrivés au Libéria.

(Un enregistrement est diffusé, dans lequel le témoin déclare que le Président leur avait dit de se rendre à Bomboru et qu'ils étaient passés par Foya. Il a également déclaré que Mosquito avait attaqué Voinjama vers décembre 1999 ou début 2000, et qu'ils s'étaient rendus à Voinjama pour combattre, mais que les gens s'étaient retirés une fois arrivés. Après, ils ont quitté l’ « Executive Mansion », et sont allés à Bomboru où la confusion a éclaté).

La Défense lui ayant demandé s'il était effectivement allé à Bomboru, le témoin a expliqué qu'il avait utilisé le terme « nous » car il faisait partie de la troupe, mais qu'il n'y était pas allé lui-même.

(Un autre enregistrement est diffusé, dans lequel le témoin déclare que l'ATU a escorté le RUF à Monrovia en passant par Foya et Voinjama, avant d'arriver à Monrovia. Il a également déclaré que le RUF était divisé en groupes, certains restant en Sierra Leone et d'autres venant au Libéria. Le témoin a décrit le RUF comme étant composé de Sam Bockarie, Superman et Ange Gabriel, qui en était le porte-parole, tandis que Sam Bockarie en était le chef. Enfin, il a déclaré que Sam Bockarie, Ange Gabriel et Sam Bockarie étaient présents lors du voyage de Bomboru à Foya, Voinjama et Monrovia.)

Le témoin a déclaré qu'il voulait préciser qu'il avait parlé de l'Ange Gabriel, de Sam Bockarie et de Superman parce qu'ils avaient reçu un appel indiquant que ces personnes allaient venir. Il a ajouté qu'il avait dit à la police qu'il ne les connaissait pas, et qu'il avait simplement dit qui il savait qu'ils arrivaient lors du voyage en question. Il a conclu en répétant que, bien qu'il se souvienne que l'Ange Gabriel était présent lors du voyage, ils avaient simplement reçu un appel indiquant que tous les individus en question arrivaient.

La Défense a demandé si le témoin se souvenait s'il y avait eu un conflit interne au sein du RUF, et quel effet cela avait pu avoir. Le quarante-septième témoin a répondu qu'il avait entendu parler d'un conflit interne et qu'il pensait que cela avait empêché Sam Bockarie, Superman et Ange Gabriel de se rendre en Sierra Leone. Le témoin a en outre indiqué qu'il pensait que Sam Bockarie et l’Ange Gabriel n'avaient pas de relations cordiales avec le RUF en Sierra Leone à l'époque.

La Défense est revenue sur les questions relatives à la façon dont le témoin a été mis en contact avec la police finlandaise. Le témoin a expliqué qu'il avait rencontré [l'employé 1] sur une aire de repos alors qu'ils attendaient tous deux le départ de leur moyen de transport. La Défense a précisé que le témoin avait précédemment déclaré qu'il avait rencontré [l'employé 1] pour la première fois à Gbarnga, et un enregistrement dans lequel le témoin avait déclaré cela a été diffusé. Il a expliqué qu'il s'agissait peut-être d'une erreur et qu'il y avait peut-être eu un malentendu lorsque la question avait été posée.

L'Accusation interroge à nouveau le quarante-septième témoin

L'Accusation a demandé des éclaircissements sur le convoi des commandants du RUF de la Sierra Leone au Libéria. Le témoin a expliqué que la troupe était divisée en deux, et qu'il faisait partie de la troupe qui s'était rendue à la frontière après avoir quitté Monrovia pour Lofa en raison d'une invasion menée par « Mosquito Spray ». Il a déclaré qu'il faisait partie du groupe qui était allé à la rencontre du convoi, mais qu’il était resté à Foya et n'avait pas franchi la frontière avec la Sierra Leone. Le convoi est arrivé à Foya, et le témoin a quitté le convoi une fois arrivé à Voinjama, où il est resté. Il a poursuivi en expliquant qu'une fois que les forces du LURD avait de nouveau attaqué, le RUF était retourné à Voinjama. Il a ajouté qu'après le départ de Moustique, le calme était revenu pendant un certain temps, avant que les forces du LURD n'attaquent à nouveau.

L'Accusation a demandé au témoin s'il avait vu ou parlé avec les personnes qui faisaient partie du convoi, alors qu'il était à Voinjama. Il a déclaré les avoir vus, car ils étaient dans la même voiture, mais il n'a pas parlé lui-même aux commandants supérieurs. Il a expliqué que les commandants du RUF ne parlaient à personne, et que ce n'était qu'à son arrivée à Voinjama que Sam Bockarie avait parlé à un commandant de l'AFL. Il a conclu en précisant que personne d'autre que Sam Bockarie n’avait parlé à Voinjama, pour autant qu'il le sache.


+ Point hebdomadaire - huitième semaine

Présentation des audiences et des témoins de la huitième semaine

La huitième semaine du procès de Gibril Massaquoi s'est terminée le 2 avril 2021, après trois jours d'audience à Monrovia, au Liberia. Les audiences étaient dédiées aux témoignages de neuf témoins. Comme pour les témoins précédents, leurs identités ont été dissimulées.

Les témoins ont été entendus dans l'ordre suivant et peuvent être décrits comme suit :

Vingt-deuxième jour de l'observation du procès (29 mars 2021)

• Trente-neuvième témoin : témoin de l'Accusation ; homme, âgé d'environ 26 ans au moment de l'incident ; ancien colonel de la division de la marine du gouvernement libérien ; a identifié le « Général Massaquoi » comme étant le porte-parole du RUF ; a déclaré que Massaquoi avait supervisé un massacre à Waterside et a affirmé que Massaquoi et le RUF avaient massacré des civils près de la frontière guinéenne.

• Quarantième témoin : témoin de l'Accusation ; homme ; ~16 ou ~10 ans au moment de l'incident ; ancien enfant-soldat du RUF dans l'unité Jungle Fire (Feu de la jungle) ; a identifié « Gube » Massaquoi comme un « grand » du RUF qui parlait au nom du RUF ; a déclaré que Massaquoi parlait krio ; n'a pas vu Massaquoi commettre directement des crimes mais a déclaré que Massaquoi donnait des ordres, y compris l'ordre à l'Escadron de la mort de commettre le massacre de Waterside.

• Quarante-et-unième témoin : témoin de la Défense ; homme ; âge inconnu ; ancien soldat des forces armées libériennes ; a parlé d'un massacre à Maher River perpétré par Yeaten et ses soldats sierra-léonais ; a déclaré que les zones de Monrovia étaient divisées entre les commandants et que Gibril Massaquoi contrôlait Waterside.

Vingt-troisième jour de l'observation du procès (31 mars 2021)

• Quarante-deuxième témoin : témoin de l'Accusation et de la Défense ; homme ; ~30 ans au moment de l'incident ; membre haut gradé des forces armées libériennes ; a déclaré que Gabriel Massaquoi contrôlait Waterside ; a témoigné du meurtre de son garde du corps, Bulldog, et d'une confrontation au cours de laquelle Massaquoi aurait tué des civils.

• Quarante-troisième témoin : témoin de l'Accusation et de la Défense ; homme ; âgé d'environ 18 ans au moment de l'incident ; ancien soldat du quarante-deuxième témoin ; a été envoyé à la recherche du corps de Bulldog, a vu Massaquoi tuer des civils pendant sa recherche ; a déclaré que Massaquoi avait tué son frère ; a déclaré que Massaquoi accusait les civils de piller et les tuait ensuite.

• Quarante-quatrième témoin : témoin de l'Accusation; homme ; âge inconnu ; ancien soldat sous les ordres du quarante-deuxième témoin ; a vu Massaquoi détenir des civils et des soldats qu'il prétendait être des ennemis dans la zone de Waterside/ « 99 Steps » (99 Marches) ; a déclaré avoir vu d'autres corps dans des zones où Massaquoi commandait ; a déclaré que Salami et Massaquoi contrôlaient Waterside.

Vingt-quatrième jour de l'observation du procès (2 avril 2021)

• Quarante-cinquième témoin : témoin de l'Accusation et de la Défense ; homme ; ~27 ans au moment de l'incident ; ancien soldat du quarante-deuxième témoin ; a déclaré que l’ « Ange Gabriel » était le premier commandant de l'Escadron de la mort ; a vu l’Ange Gabriel et ses forces tirer sur des civils dans des magasins à Waterside ; a entendu parler de la mort de BodyMan/Bulldog et est parti à la recherche du corps, ce qui a entraîné une confrontation entre le quarante-deuxième témoin et l'Ange Gabriel ; a déclaré que l'Ange Gabriel et ses hommes avaient tué le chef de la ville et la moitié de la ville de Kamatahun, en leur tranchant la gorge avec des couteaux.

• Quarante-sixième témoin : témoin de l’Accusation ; homme ; âge inconnu ; ancien soldat des forces armées libériennes ; a déclaré que Gibril Massaquoi était également connu sous le nom d'Ange Gabriel, qu'il était un homme important et le porte-parole du RUF ; est arrivé à Kamatahun après que plus de six personnes aient été brûlées dans une cuisine, a entendu que Massaquoi avait ordonné de brûler et de tuer une femme enceinte ; a déclaré que Massaquoi avait ordonné de tuer des civils qui avaient pillé Waterside en 2003.

• Quarante-septième témoin : témoin de l'Accusation et de la Défense ; homme ; ~21 ans au moment de l'incident ; ancien soldat des forces armées libériennes ; a déclaré que l'Ange Gabriel s'appelait également Massaquoi, et qu'il était le troisième commandant ou porte-parole du RUF ; a déclaré que l'Ange Gabriel avait arrêté des civils à Kamatahun et en avait brûlé un grand nombre dans une maison ; n'a pas personnellement entendu l'Ange Gabriel ordonner l'incendie mais a déclaré que cela n'aurait pas pu se produire sans son ordre ; a entendu que des femmes avaient été violées et tuées dans la maison d'un forgeron suite à l'ordre de l'Ange Gabriel.

Points communs entre les témoignages

Les témoignages ont porté des événements survenus à Monrovia et dans le comté de Lofa entre 2000 et 2003. Sont apparus dans la description des événements par les témoins et dans leurs interactions avec la police finlandaise les points communs suivants :

Événements à Monrovia

Incidents à Waterside (meurtre)

De nombreux témoins ont déclaré que des civils avaient été massacrés à Waterside en représailles au pillage d'un magasin. Des civils et des soldats auraient été attachés et exécutés le long de la rivière voisine. Les témoins ont également parlé d'un événement au cours duquel l'un des gardes du corps du quarante-deuxième témoin, Bulldog, a été tué par l'un des hommes de Massaquoi, ce qui a failli entraîner une violente confrontation entre le quarante-deuxième témoin et Massaquoi, jusqu'à ce que Benjamin Yeaten dise au quarante-deuxième témoin de se retirer.

• Le trente-neuvième témoin a déclaré que les forces de « Gubeh » Massaquoi avaient tué de nombreux civils pour avoir pillé des magasins à Waterside. Le trente-neuvième témoin se souvient avoir emmené les corps des civils pour les enterrer et avoir rapporté les actions de Massaquoi à Benjamin Yeaten, après quoi le témoin n'a plus revu Massaquoi.

• Le quarantième témoin a déclaré que le RUF, et plus particulièrement l'Escadron de la mort, avait tué des civils pour avoir pillé à Waterside, suivant les ordres de Massaquoi.

• Le quarante-deuxième témoin s'est rendu à Waterside pour confronter Massaquoi concernant son implication dans la mort de Bulldog. Le témoin a vu Massaquoi donner l'ordre de tuer des civils, et lorsque ceux-ci ont hésité, il a vu Massaquoi tirer lui-même sur plusieurs personnes.

• Le quarante-troisième témoin a été envoyé par le quarante-deuxième témoin pour rechercher le corps de Bulldog. Il a également reçu l'ordre d'empêcher Massaquoi de tuer des civils, mais il n'a pas pu le faire, et il l'a vu tirer sur des civils avec un SMG.

• Le quarante-quatrième témoin a vu au moins six personnes ligotées par Massaquoi et ses forces dans la zone des « 99 Steps » (99 marches). Il a déclaré que Massaquoi lui avait dit que ces personnes étaient des ennemis et qu'il avait l'intention de les tuer. Le quarante-quatrième témoin a transmis cette information au quarante-deuxième témoin, qui était son commandant.

• Le quarante-cinquième témoin a déclaré que l'Ange Gabriel tuait les personnes qui pillaient les magasins. Il a décrit un autre événement : après avoir appris que Bulldog avait été tué, il s'est rendu à Waterside et a vu l'Ange Gabriel exécuter plus de 15 civils et leur retirer leurs organes.

• Les témoins quarante-et-unième et quarante-deuxième ont déclaré que Massaquoi contrôlait Waterside lorsqu'il s'y trouvait. Le quarante-quatrième témoin a déclaré que « 99 Steps », une zone proche de Waterside, était contrôlée par Massaquoi et les Sierra-Léonais.

Événements dans le comté de Lofa

Incendie et viols à Kamatahun Hassala

• Le quarante-septième témoin a déclaré qu'à Kamatahun, l’Ange Gabriel avait arrêté des civils qu'il soupçonnait de donner des informations aux « forces dissidentes ».

• Le quarante-septième témoin a vu certains de ces civils être brûlés à mort dans une maison de Kamatahun.

• Le même jour, le quarante-septième témoin a déclaré qu'un groupe de femmes avait été violé dans l’atelier du forgeron, ou dans une maison annexe. Les femmes avaient été tuées par la suite.

• Bien qu'il n'ait pas entendu l’Ange Gabriel donner l'ordre de brûler les civils, le quarante-septième témoin a entendu d'autres personnes dire que l'Ange Gabriel avait donné cet ordre. Le témoin se rappelle que l'Ange Gabriel avait ordonné à ses soldats de procéder aux viols, en disant « ce sont vos femmes. Prenez-les ».

• Le quarante-sixième témoin a entendu que Gibril Massaquoi avait donné l'ordre de brûler des civils dans une cuisine et de tuer une femme enceinte. Il était arrivé sur les lieux alors que la maison était déjà en feu, et avait déclaré que Massaquoi avait essayé de rejeter la faute sur les commandants supérieurs à leur arrivée.

• Le quarante-cinquième témoin a déclaré que l'Ange Gabriel et ses hommes avaient tué le chef de la ville et la moitié de la ville de Kamatahun. Selon ce témoin, les meurtres avaient été commis en égorgeant les civils avec des couteaux.

Chronologie des événements

• Lors du procès, le trente-neuvième témoin a déclaré que des civils avaient été tués pour avoir pillé à Waterside pendant la saison des pluies en 2001. Le quarante-et-unième témoin a déclaré que Massaquoi était présent lorsque des personnes avaient été tuées pour avoir pillé, et a précisé qu'il n'avait pas vu Massaquoi depuis 2001. Le quarantième témoin, en revanche, a rappelé que le RUF avait tué des civils pour pillage en 2003, à peu près « au moment où ils ont dit à Charles Taylor de partir », et de même, le quarante-sixième témoin a déclaré que Gibril avait ordonné le meurtre des pillards en 2003, lorsque Monrovia était « sens dessus dessous ».

• En ce qui concerne la mort de Bulldog, le quarante-deuxième témoin a déclaré que l'événement s'était produit en 2001 et qu'il avait cessé de voir Massaquoi entre 2001 et 2002. Les quarante-troisième et quarante-quatrième témoins ont tous deux déclaré que l'incident s'était produit entre 2000 et 2001, et ont également indiqué qu'ils n'avaient plus vu Massaquoi après 2001. Le quarante-cinquième témoin a d'abord déclaré que sa mort s'était produite entre 2000 et 2001, pendant la saison des pluies, puis a affirmé qu'elle avait eu lieu entre 2000 et 2002.

• Les quarante-sixième et quarante-septième témoins se sont souvenus des événements survenus à Kamatahun entre 2001 et 2002. Le quarante-septième témoin a précisé que les événements s’étaient produits avant une blessure qu'il a subie en août 2002, après quoi il avait été envoyé à Monrovia.

Identification des remarques et des rôles

De nombreux témoins cette semaine ont fait spécifiquement référence à un individu portant le nom de famille « Massaquoi » à la fois comme porte-parole du RUF et comme individu exerçant un contrôle ou une autorité au cours de plusieurs des événements décrits.

• Les quarante-troisième, quarante-quatrième et quarante-septième témoins ont précisé que Massaquoi portait également le nom d' « Ange Gabriel » comme nom de guerre. Le quarante-et-unième témoin ne savait pas si Gibril Massaquoi avait un nom de guerre.

• Le quarante-sixième témoin a déclaré que son cousin lui avait dit que la Finlande avait un dossier contre Gibril Massaquoi, et que le témoin avait fait le lien entre la personne qu'il connaissait sous le nom d' « Ange Gabriel » et Gibril Massaquoi.

• Le trente-neuvième témoin a situé le général « Gubeh » Massaquoi à Monrovia en 2001 et a confirmé qu'il était le porte-parole du RUF, qui s’était entretenu avec la BBC. Le quarantième témoin a déclaré que « Gube » Massaquoi était le porte-parole du RUF, tandis que le quarante-troisième témoin a utilisé le nom de Gabriel Massaquoi pour désigner le porte-parole du RUF. Le quarante-septième témoin a rappelé que l'Ange Gabriel Massaquoi était soit le troisième commandant du RUF, soit son porte-parole.

• Le quarante-cinquième témoin a déclaré que l'Ange Gabriel était le premier commandant de l'Escadron de la mort, et que son nom complet était « Gabriel Wilson ». Il a indiqué que l'Ange Gabriel commandait les soldats de Waterside qui tiraient sur les civils et sur Bulldog. Le quarantième témoin a déclaré que Salami était le commandant de l'Escadron de la mort, et que l'un de ses membres, [FNM-109], avait tué les civils qui pillaient. Il a toutefois précisé que Massaquoi était un homme plus grand que Salami, et que Massaquoi avait dit à [FNM-109] de tirer sur « toute personne qu'il voyait dans un magasin ». Le quarante-et-unième témoin a déclaré que Benjamin Yeaten avait formé l'Escadron de la mort avec des forces étrangères de la Sierra Leone, dont Salami et Gibril Massaquoi, et qu'il les avait brièvement vus à Waterside.

• Le quarante-quatrième témoin a déclaré que l'Ange Gabriel commandait les troupes du RUF qui étaient mélangées aux troupes gouvernementales à Waterside, et qu'il pensait que l'Ange Gabriel avait ordonné à ses hommes de tuer des civils. Le quarante-sixième témoin a déclaré que Gibril Massaquoi et Salami étaient les commandants des forces du RUF à Waterside. Le quarante-deuxième témoin a déclaré que les troupes du RUF à Waterside étaient mélangées au « Jungle Fire », un groupe sous le contrôle de Benjamin Yeaten. Il a déclaré que Massaquoi et son groupe avaient autorité sur tous les soldats, sauf ceux de Jungle Fire.

• Les quarantième, quarante-et-unième et quarante-quatrième témoins ont déclaré que Massaquoi parlait krio, tandis que les quarante-troisième, quarante-sixième et quarante-septième témoins ont affirmé qu'il parlait mende. Le trente-neuvième témoin a déclaré que Massaquoi parlait à la fois mende et lrio.

Interactions avec la police finlandaise

• [FNM-096], son ami de la révolution, a pris le numéro de téléphone du trente-neuvième témoin et a transmis son numéro et ses informations à [l'employé 1]. L'[employé 1] l'a emmené rencontrer la police finlandaise à Monrovia, où le trente-neuvième témoin a été interrogé sur la guerre. Le trente-neuvième témoin a été interrogé deux fois.

• Le quarantième témoin n'a pas été interrogé sur sa rencontre avec la police finlandaise.

• Comme le trente-neuvième témoin, le numéro de téléphone du quarante-et-unième témoin a été donné à la police finlandaise par un autre ancien soldat, FNM-133.

• Le numéro de téléphone du quarante-deuxième témoin a été communiqué à [l'employé 1] par [FNM-098]. L'[employé 1] a appelé le quarante-deuxième témoin, qui a ensuite été interrogé par la police finlandaise. Après son interrogatoire, le quarante-deuxième témoin a mis la police finlandaise en contact avec les quarante-troisième, quarante-quatrième et quarante-cinquième témoins, ainsi qu'avec deux autres personnes, [FNM-137] et [FNM-138], présentes sur les lieux de l'incident du Waterside.

• Le quarante-sixième témoin a été présenté à [l'employé 1] par un ami, [FNM-144]. [FNM-144] a donné les coordonnées du quarante-sixième témoin à l’[employé 1] qui a ensuite mis le quarante-sixième témoin en contact avec la police finlandaise.

• Le quarante-septième témoin parlait de la guerre avec [l'employé 1] dans les transports en commun lorsque [l'employé 1] lui a demandé s'il voulait parler à la police finlandaise. Le quarante-septième témoin a accepté.

Thèmes émergents pour l'Accusation et la Défense

Cette semaine, la Cour a entendu les témoignages d'anciens soldats impliqués dans les combats ayant eu lieu dans le comté de Lofa et à Monrovia. Comme pour les témoignages de la semaine dernière, l'Accusation a cherché à établir : le lien de Gibril Massaquoi avec le nom de guerre « Ange Gabriel » ; sa présence lors des événements en question ; son autorité sur les soldats commettant des violences contre les civils ; ses ordres directs pour commettre ces violences ; et son implication personnelle dans ces violences. La Défense a poursuivi sa stratégie consistant à questionner si « l’Ange Gabriel » était réellement Gibril Massaquoi et à mettre en doute les souvenirs des témoins quant aux moments où les événements s’étaient produits.

La chronologie des événements a de nouveau été un sujet d'actualité, les témoins offrant des descriptions différentes des « guerres mondiales ». Le trente-neuvième témoin a déclaré que la première guerre mondiale avait eu lieu en 2001, la deuxième en 2002 et la troisième en 2003. Le quarantième témoin a fourni des descriptions similaires, mais a également parlé d'une quatrième guerre mondiale, qui a eu lieu après le départ de Charles Taylor. Le quarante-troisième témoin a situé la mort de Bulldog au cours de la première ou de la deuxième guerre mondiale, notant qu'elle n'avait pas pu se produire au cours de la troisième guerre mondiale, car c'était à ce moment-là que la guerre avait vraiment touché la ville, et le quarante-quatrième témoin a déclaré que la première et la deuxième guerre mondiale s’étaient produites vers 2002. D'autres témoins n'ont pas été en mesure de préciser les années au cours desquelles certains événements s’étaient produits, mais se sont souvenus de leur séquence ou ont fait référence au niveau des combats comme cadre de référence.

Pour aider à clarifier l'autorité exercée par l'Accusé, les trente-neuvième, quarante-deuxième, quarante-troisième et quarante-quatrième témoins ont déclaré que « Gabriel Massaquoi » commandait des soldats à Waterside, Monrovia, en 2001, et qu'il était présent lorsque les soldats avaient commencé à tirer et à capturer des civils à cet endroit. Le trente-neuvième témoin n'était pas présent lorsque les soldats avaient reçu l'ordre d'ouvrir le feu, mais les quarante-deuxième, quarante-troisième et quarante-quatrième témoins ont déclaré que Gabriel Massaquoi avait personnellement donné l'ordre de tuer les civils et les soldats dans la zone. En outre, les quarante-deuxième et quarante-troisième témoins ont déclaré avoir directement vu Gabriel Massaquoi tirer sur des personnes à Waterside. En ce qui concerne les événements dans le comté de Lofa, le quarante-sixième témoin a déclaré que Sam Bockarie était le commandant général du RUF, mais que Gibril Massaquoi était un homme important qui ne répondait qu'à Benjamin Yeaten ou Zigzag Marzah.

Les témoignages ont servi à démontrer certains des liens entre le RUF et les soldats libériens, et ont mis en évidence certaines des unités de combat pertinentes qui existaient au moment des événements, notamment l'Escadron de la mort et le « Jungle Fire ». Salami et Massaquoi figuraient parmi les membres de haut rang de chacune de ces unités, qui ont également été décrites comme des unités opérant à Monrovia sous l'autorité suprême de Benjamin Yeaten. Le quarantième témoin, un ancien enfant soldat du RUF et membre de Jungle Fire, a fait allusion à la chaîne de commandement globale, déclarant qu'il était de trop bas rang pour recevoir des tâches directement de Massaquoi, mais que Massaquoi assignait des tâches à ses commandants, qui relayaient ensuite les tâches aux rangs inférieurs.

Certaines questions de la Défense ont porté sur la crédibilité des témoins concernant des dates précises. Par exemple, lorsque le trente-neuvième témoin a indiqué qu'il croyait que Johnny Paul Koroma avait été tué par le RUF en 2001, l'avocat de la Défense a noté que Johnny Paul Koroma s'était présenté aux élections en 2002. En ce qui concerne la déclaration du quarante-deuxième témoin avant le procès, selon laquelle Gabriel Massaquoi était présent à Monrovia après la mort de Sam Bockarie, qui selon le témoin s'est produite entre 2002 et 2003, l'avocat de la Défense a déclaré qu'il était « généralement connu » que Sam Bockarie était mort en mai 2003.

La Défense a de nouveau soulevé des questions sur l'enquête préalable au procès. L'avocat de la Défense a noté que les quarante-quatrième et quarante-cinquième témoins n'avaient pas utilisé le nom « Ange Gabriel » une seule fois au cours de leurs entretiens avec la police finlandaise, et a également demandé si les quarante-troisième et quarante-cinquième témoins avaient été informés avant leur entretien avec la police qu'ils seraient interrogés sur Gibril Massaquoi. L'avocat de la Défense a également souligné que, au moment de leur interrogatoire, les quarante-quatrième et quarante-sixième témoins avaient déclaré savoir que Gibril Massaquoi se trouvait en Finlande. La Défense a en outre remis en question le processus par lequel les témoins ont reçu les photographies utilisées pour identifier Massaquoi au cours de l'enquête.


+ 05/04/21 (Liberia) Vingt-cinquième jour: Audition des quarante-huitième et quarante-neuvième témoins

Audition du quarante-huitième témoin

(Identification assignée par le tribunal finlandais: Soldat 39)

La Défense interroge le quarante-huitième témoin

Le témoin a commencé par expliquer que, pendant la Deuxième guerre civile libérienne, il a été affecté à Vahun, près de la frontière avec la Sierra Leone, de décembre 1999 à 2002, où il a servi pour la « Garde présidentielle spéciale». Il a quitté son poste à la fin de l'année 2002 parce qu'il a été blessé, et après être allé à Monrovia pour un traitement médical, il est retourné à Vahun pour les affaires.

Lorsqu'on lui a demandé s'il connaissait JP Koroma, le témoin a répondu qu'il était l'un des officiers de la milice « de ce côté-là », qu'il avait appris sa mort par son officier, et qu'il s'agissait d'une affaire « entre lui et les forces amies, qui avait un rapport avec sa petite amie ». Le témoin a provisoirement déclaré que cela s'était produit en 2001 et qu'à l'époque, il y avait beaucoup de commandos du RUF sur place. Le quarante-huitième témoin a dit que parmi beaucoup d'autres, l'Ange Gabriel et Superman étaient là. La Défense lui a demandé s'il savait qui était responsable de la mort de Koroma, et le témoin a répondu que « le nom que j'ai obtenu » était celui du général Sheriff, qui utilisait différents noms lorsqu'il se rendait sur les lignes de front. Il a poursuivi en ajoutant que le vrai nom de l'Ange Gabriel était Sheriff Massaquoi, et qu'il a causé la mort de Koroma : selon le témoin, il a ordonné à ses hommes d'arrêter Koroma, et s'il résistait, ils devaient tirer à vue. Cela s'est passé entre Masambolahun et Popalahun. C'est son officier [FNM-152], décédé entre-temps, qui lui a dit cela. La Défense a souligné que d'après sa compréhension de l'enquête préliminaire, le témoin avait dit aux officiers qu'il était présent. Le quarante-huitième témoin a répondu qu'il avait dit aux officiers qu'il était à Vahun.

La Défense a posé des questions concernant Koroma : le témoin a répondu qu'il était « Mandingue, et les Mandingues viennent de Guinée ». Il a ajouté qu'ils s'étaient rencontrés sur le terrain, et que Koroma venait des LURD.

L'Accusation interroge le quarante-huitième témoin

L'Accusation a demandé au témoin s'il savait dans quelle ville se trouvait «cet Ange Gabriel Massaquoi » ; le quarante-huitième témoin a répondu qu'il se trouvait à Folima, une ville frontalière proche de Vahun. L'Accusation a demandé au témoin s'il avait été à Kamatahun en même temps qu'Ange Gabriel, et il a répondu par l'affirmative, car il s'agissait de sa zone d'affectation et qu'il s'y arrêtait en allant à Popalahun. Il a poursuivi en disant que ce qu'ils avaient vu faire de la part de l'Ange Gabriel à Kamatahun les avait « choqués ». Interrogé, il a expliqué qu'il y avait là une maison où logeaient des réfugiés venus de différents endroits, y compris des enfants. Ils ont découvert que les enfants étaient à la charge des officiers, et l'Ange Gabriel a ordonné à ses hommes de s'en débarrasser ; ils ont commencé à « tirer à tout va ». Le témoin a ensuite expliqué qu'il avait donné cet ordre car « il percevait tout le monde comme un ennemi ». Le témoin se trouvait à Yandohun au moment des faits et [FNM-152] lui a dit que l'Ange Gabriel, « l'homme invisible », avait donné cet ordre. Cela s'est passé en 2000.

L'Accusation a demandé au témoin comment [FNM-152] avait obtenu l'information sur Koroma ; il a répondu que [FNM-152] était en ville à ce moment-là. Il a ajouté que cela s'était passé en 2001.

L'Accusation a demandé au témoin s'il avait vu l'ange Gabriel à Monrovia. Le témoin a répondu qu'entre fin 2002 et 2003, il l'avait vu lui-même avec Benjamin Yeaten. Il n'était plus l'Ange Gabriel, mais Sheriff. Ils logeaient à 12 Houses, et le quarante-huitième témoin l'avait également vu dans la cour de Yeaten, et dans l'enceinte d'Alhaji G. V. Kromah. Il a ajouté que Sheriff était affecté à Yeaten, qu'il avait ses propres officiers, un pick-up et des groupes armés avec lui. Le témoin a expliqué que lorsqu'il se rendait à Monrovia, il travaillait en tant qu'agent d'approvisionnement ; le commandant 50 lui donnait des fournitures et il les apportait « là où ils séjournait ». Il a ajouté que l'Ange Gabriel contrôlait les « garçons de Sierra Leone ». La dernière fois qu'il a vu Ange Gabriel, c'était en 2000, à Monrovia, à l'époque des LURD. Ange Gabriel parlait le krio.

La Défense interroge le quarante-huitième témoin davantage

Le témoin a expliqué que lorsque Massaquoi était à Monrovia, ils les fournissaient toujours au nom de Benjamin Yeaten. Il savait que Massaquoi était l'un des receveurs. La défense a souligné que dans le résumé de la police, lorsqu'on lui a demandé s'il avait vu Massaquoi à Monrovia, le témoin a répondu que c'était le cas, mais « par hasard, au début de 2003 », lorsqu'il y avait une guerre contre le LURD et le MODEL.

A la question de savoir si Massaquoi avait participé aux combats, et si oui, si c'était à Waterside, le témoin a répondu par l'affirmative. La Défense a demandé s'il se souvenait de ce qu'il avait dit à la police à ce sujet ; le témoin a répondu qu'il avait dit avoir vu Massaquoi à Waterside, sur une BZT. La Défense a noté qu'il avait dit qu'il l'avait vu, mais qu'il ne se battait pas. Le quarante-huitième témoin a expliqué qu'il ne pouvait pas donner tous les détails pendant l'entretien, il le faisait donc pendant l'audience.

A Waterside, il y avait un grand groupe de soldats dirigé par Benjamin Yeaten. Des Sierra-Léonais étaient là, et leur chef était [FNM-159]. Il avait dit à la police que les Sierra-Léonais avaient de « petites unités », et qu'il n'avait pas vu Massaquoi là-bas, mais il était avec Benjamin Yeaten sous le bâtiment E.J. Royce ; le témoin était là et l'a vu. La Défense a souligné que dans le résumé de la police, le témoin a déclaré que Massaquoi n'était pas là. L'Accusation est intervenue et a demandé que l'enregistrement soit diffusé avant que le témoin ne fasse des commentaires à ce sujet.

Dans l'enregistrement, on entend les policiers interroger le témoin pour savoir s'il a vu Massaquoi « dans le bâtiment » ; le quarante-huitième témoin a répondu qu'il n'était « nulle part dans les environs». Toutes les actions dont il a été témoin de la part de Massaquoi ont eu lieu en Sierra Leone et à Lofa.

La Défense a ensuite interrogé le témoin sur JP Koroma, notant que le témoin l'a qualifié de Guinéen au tribunal mais de Sierra-Léonais dans l'entretien avec la police. Le témoin a attribué cela au fait que lui et Koroma « ne se sont rencontrés que sur le terrain ». La Défense a attiré l'attention sur les divergences dans les déclarations du témoin - à la police et à la cour - concernant sa présence au moment de la mort de Koroma. Le quarante-huitième témoin a expliqué qu'il se trouvait dans le comté de Lofa à l'époque, à Vahun, mais pas sur le lieu où Koroma a été tué. Il a ajouté qu'il avait entendu ce qui s'était passé de la bouche d'un officier qui y était affecté. La Défense a insisté sur ce point, suggérant que le témoin avait laissé croire à la police qu'il était présent lorsque Koroma a été tué. La Cour a alors diffusé l'enregistrement de l'interview de la police, après quoi le quarante-huitième témoin a reconnu que son interview donnait l'impression qu'il était présent. Selon le témoin, il n'était pas présent lorsque Koroma a été tué mais il était présent à Yandohun lorsque l'ordre d'arrestation de Koroma a été donné. Le témoin a précisé que Massaquoi avait donné cet ordre.

À ce stade, l'Accusation a souhaité obtenir des précisions sur l'immeuble E. J. Roye et le rôle de Massaquoi. Le témoin a expliqué que Massaquoi se trouvait à proximité de l'immeuble avec Benjamin Yeaten mais « n'est pas allé avec l’arme ».

La Défense a noté que le témoin avait déclaré avoir vu Massaquoi avec son BZT, ce à quoi le témoin a répondu que « en tant qu'officier, [Massaquoi] avait accès à toutes ces armes ». Devant l'insistance de la défense, le quarante-huitième témoin a répété que Massaquoi était présent dans l'immeuble E. J. Roye mais qu'il ne « portait pas d’arme ».

Selon le témoin, la guerre à Waterside s'est déroulée « fin 2002 début 2003 », précisant que la guerre était « tendue ». La défense a noté une certaine incohérence avec une déclaration antérieure dans laquelle le témoin se souvenait avoir vu Massaquoi au début de 2003 et que la guerre « ne se passait pas trop bien ».

Après quelques discussions entre la Défense et l'Accusation, la première a posé deux dernières questions au témoin. La Défense voulait savoir quand - selon le témoin - la guerre à Waterside avait commencé et quand le dernier combat impliquant les LURD avait eu lieu à Monrovia. Le témoin a eu du mal à s'en souvenir car ils ne pensaient pas à ces choses, mais il sait que la guerre a pris fin en 2003 en vertu de la résolution 1509 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Les juges ont demandé au témoin quel était son grade militaire et s'il avait des noms de guerre. Le témoin a répondu qu'il était officier de planification et de formation et qu'il n'avait pas de nom de guerre.

Audition du quarante-neuvième témoin

(Identification assignée par le tribunal finlandais: Soldat 22)

La Défense interroge le quarante-neuvième témoin

La Défense a commencé son interrogatoire par la deuxième guerre civile libérienne. Le témoin a expliqué qu'il a servi comme soldat pour le NPFL, qu'il a combattu entre 1991 et 2003, et qu'on l'appelait « petit capitaine ». Il a ajouté qu'à cette époque, ils formaient des « milices avec la Small Boys Unit » (SBU). Le quarante-neuvième témoin avait de nombreux commandants, parmi lesquels il a nommé [FNM-168], commandant à Lofa, Roland Duo, commandant de la Division de la Marine, et Benjamin Yeaten, également connu sous le nom de « Chef 50 ».

Lorsque la Défense lui a demandé s'il savait quelque chose concernant la mort de Johnny Paul Koroma, le témoin a déclaré qu'à Lofa, ils ont entendu des gens dire que Koroma avait été arrêté par Ange Gabriel. Il a ensuite entendu l'exécution. La Défense a rappelé au témoin qu'il avait précédemment déclaré à la police qu'il avait vu le corps, mais le quarante-neuvième témoin a répondu que c'était un « oubli ». Il a ajouté que «vous savez qu'ils ne vont pas garder ce genre de corps pour que les gens le voient ».

Le témoin a rappelé que quelqu'un de plus haut placé était en colère contre le meurtre. Il a répété qu'il n'avait pas vu le corps, mais qu'il se souvenait qu'il y avait eu un ordre de l'ancien président Taylor, dont Benjamin Yeaten discutait ce jour-là. Il ne pouvait pas se rappeler ce qu'ils disaient, mais il se souvient qu'ils en ont discuté.

Il a précisé qu’Ange Gabriel était comme le porte-parole de son groupe et que le témoin pensait qu'il était « l'un des meilleurs éléments parmi ces hommes ». Le quarante-neuvième témoin a également déclaré qu'il ne se souvenait pas du nom complet d'Ange Gabriel.

Le témoin expliqua ensuite qu'il se trouvait à Monrovia en 2003 et qu'il est parti en exil la même année.

L'Accusation interroge le quarante-neuvième témoin

L'Accusation a commencé par demander des clarification sur « Ange Gabriel ». Le quarante-neuvième témoin a précisé qu'Ange Gabriel était l'adjoint de Sam Bockarie et qu'il avait beaucoup d'autorité. Interrogé sur les « atrocités » commises par Ange Gabriel, le témoin a précisé que cela s'était produit à Lofa mais n'a pas pu se rappeler le nom de l'endroit où l'événement s'était produit.

Le témoin a ensuite donné une explication du nom « Ange Gabriel », en disant que si Ange Gabriel passait près de vous et que « vous étiez sauf, vous seriez joyeux et vous mettriez vos mains en l'air pour dire que l'Ange vous a épargné aujourd’hui ».

Le quarante-neuvième témoin a déclaré avoir été lui-même témoin d'atrocités commises par « Ange Gabriel ». Le témoin a décrit une occasion survenue quelque part dans les environs de Masambolahun et Kololahun - il n'était pas sûr du nom de la ville en question - en 2001. Le NPFL et le RUF combattaient ensemble et patrouillaient à la frontière avec la Guinée pour prévenir l'éventualité d'une entrée des forces du LURD au Liberia. Alors qu'ils patrouillaient, le témoin et d'autres personnes ont rencontré Ange Gabriel. Il avait attaché des hommes en ville et disposait d'un pick-up. Ange Gabriel a déclaré que ces personnes « apportaient un soutien à l’ennemi ». L'un des généraux en charge de la ligne de front, [soldat 07], a demandé à Ange Gabriel qui étaient les personnes attachées. L'Ange Gabriel lui a dit de ne pas faire se préoccuper de ces personnes, et qu' «il allait les exécuter » parce qu'elles étaient « l'ennemi ». Le [soldat 07] a répondu à Ange Gabriel qu'il pouvait s'occuper de ses prisonniers de guerre et a décidé que ses soldats, y compris le témoin, allaient partir. Lorsqu'ils sont revenus, ils n'ont vu que des corps. Le témoin pense qu'il y avait six ou sept corps au total, et il a indiqué qu'il était sorti de la voiture pour vérifier les corps. Le témoin a précisé par la suite que les personnes qui ont été exécutées n'étaient pas des soldats, sur la base de sa propre enquête. Le témoin a demandé à d'autres personnes qui étaient ces personnes et a découvert que « c'étaient des civils en exil », précisant qu'ils utilisaient « exil » pour désigner la Sierra Leone.

Interrogé par l'Accusation, le quarante-neuvième témoin a décrit Ange Gabriel comme un « type intelligent » qui parlait anglais. Selon le témoin, Ange Gabriel mentionnait régulièrement qu'il allait « parler avec la BBC ». Il a noté avoir entendu l'ange Gabriel dire qu'il allait parler avec la BBC peu après l'arrivée de son groupe de soldats à Lofa, « à partir de 1999, 2000-2001 », près de Vahun.

L'Accusation a posé des questions sur la police finlandaise. Le témoin a rappelé qu'un de ses collègues, [FNM-131], ancien soldat à Lofa, lui avait dit qu'il y avait « des gens de Finlande » qui cherchaient des informations sur les événements de Lofa. Interrogé sur [l'employé 1], le quarante-neuvième témoin a répondu qu'il l'avait vu lors de sa première rencontre avec la police finlandaise. Il a ajouté qu'il n'avait jamais parlé avec [l'employé 1], mais seulement avec [FNM-131].

Interrogé sur le fait de savoir s'il se souvenait du nom complet de l'ange Gabriel, le témoin a estimé qu'il s'agissait d’une « sorte de Dugbeh Washington ». Il a proposé d'appeler [FNM-131] pour que le nom soit exact, mais l'Accusation a refusé.

La Défense interroge le quarante-neuvième témoin

Le quarante-neuvième témoin a déclaré que le RUF était venu de Sierra Leone avec Ange Gabriel en 1999.

L'Accusation interroge le quarante-neuvième témoin davantage

L'Accusation a demandé des éclaircissements sur le rôle d'Ange Gabriel au sein du RUF. Le témoin a expliqué qu'Ange Gabriel était « comme un porte-parole ». L'Accusation a noté que le quarante-neuvième témoin avait déclaré à la police finlandaise qu'ange Gabriel était le porte-parole. Cependant, devant le tribunal, le témoin a déclaré qu'il n'était pas sûr qu'Ange Gabriel soit le porte-parole officiel, mais qu'il agissait en tout cas comme s'il l'était. Le quarante-neuvième témoin a ajouté qu'Ange Gabriel faisait partie de la structure initiale du RUF lorsqu'il est arrivé au Liberia. Le témoin a indiqué qu'Ange Gabriel avait un nom complet, puis a déclaré que le nom était cliqué sur la base de quelque chose que l'Accusation venait de dire. L'Accusation a noté que la police avait noté « Gibril Massaquoi », et le témoin a indiqué que c'était bien ce nom. Il a précisé qu'il devrait rentrer chez lui pour vérifier son « dossier » afin d'être sûr du nom, mais que le nom complet d'Ange Gabriel comportait une sorte de « Massaquoi » . Le témoin a indiqué qu'il avait écrit des notes dans son journal personnel, qu'il utilise pour garder une trace des choses importantes de sa vie. Le quarante-neuvième témoin a précisé que son journal est postérieur à la guerre et qu'il n'a pas tenu un registre quotidien de la guerre.

A ce moment, la Défense est intervenue pour demander au témoin ce qui s'est passé après la mort de Koroma. Le témoin a indiqué que Charles Taylor avait transféré les troupes pour qu'elles se rendent à Bomi Hills et qu'il pensait qu'Ange Gabriel les accompagnait. Interrogé à ce sujet, il a rappelé que le RUF était arrivé au Liberia en provenance de la Sierra Leone en 1999. Le quarante-neuvième témoin ne savait pas si le RUF était resté à Lofa pendant toute cette période, de 1999 jusqu'à leur transfert vers les collines de Bomi. Fin de la déposition.


+ 06/04/21 (Liberia) Vingt-sixième jour: Audition des cinquantième, cinquante-et-unième et cinquante-et-unième témoins

La vingt-sixième journée d'audience publique s'est tenue le 6 avril 2021 à Monrovia, Liberia.

Audition du cinquantième témoin

(Identification assignée par le tribunal finlandais: Civil 76)

L'Accusation interroge le cinquantième témoin

Le cinquantième témoin a témoigné des événements survenus à Waterside. Le témoin a vendu des vêtements à Waterside de 1998 à 2001, date à laquelle sa famille s'est enfuie dans un autre comté après un incident qui lui a fait peur de rester. Elle a expliqué qu'un matin, alors qu'elle allait vendre des vêtements à Waterside, une bagarre a éclaté et elle et quelques autres personnes ont commencé à s'enfuir. Pendant qu'elle courait, le groupe d'Ange Gabriel l'a arrêtée et attachée, tandis que d'autres personnes ont été tuées ou capturées et emmenées. Pendant qu'elle était attachée, elle a vu un homme qui avait vécu avec sa mère quand elle était jeune, [FNM-099]. Il lui a demandé ce qu'elle faisait là, et elle a expliqué qu'elle avait été capturée par le commandant. Selon le témoin, il s'agissait également d'un « homme important », qui a pu faire appel au commandant en son nom et obtenir sa libération. Le témoin a précisé qu'elle ne savait pas s'il avait un nom de guerre.

Le témoin a expliqué qu'elle avait été arrêtée dans les environs de West Point et amenée à l'entrée. Elle a dit avoir vu pour la première fois Ange Gabriel au poste de contrôle, sa base, à Waterside. Elle a ensuite confirmé qu'il ne se trouvait pas dans la zone de West Point où elle a été arrêtée, mais qu'il était à la barrière de l'entrée. Elle a indiqué que la barrière était située juste avant de traverser le pont, en venant de la direction de Red Light. Elle ne se souvenait pas comment s'appelait le pont pendant la guerre, mais a déclaré qu'aujourd'hui il s'appelle le New Bridge (Nouveau Pont).

Lorsqu'elle était au poste de contrôle, elle a entendu Ange Gabriel dire à quelqu'un de l'attacher et de l'allonger, et dire que, lorsque son heure serait venue, il « l'enverrait à Dieu ». Elle a entendu Ange Gabriel dire à des gens de porter les captifs et de leur dire que « je dis qu'ils doivent dire à Dieu que je les ai envoyés », puis de les tuer. Elle a été attachée, mais n'a pas été transportée, car il avait dit qu'ils devaient d'abord prendre les autres et venir la chercher plus tard. Le Procureur lui a demandé où les personnes avaient été emmenées. Le témoin a déclaré avoir entendu qu'on leur avait dit de transporter les personnes dans un champ de West Point. Elle a précisé que ceux qui avaient été envoyés là-bas n'étaient pas revenus, réaffirmant qu'elle avait été libérée au poste de contrôle et qu'elle n'avait pas été amenée au champ elle-même. Elle a précisé que les personnes capturées et amenées au poste de contrôle étaient des civils et non des soldats. Elle a déclaré que de nombreuses personnes avaient été capturées, mais qu'elle ne savait pas combien, car elle avait été attachée et était confuse. Elle a également déclaré qu'Ange Gabriel parlait anglais, mais pas l'anglais libérien.

Le Procureur a demandé au témoin en quelle année l'incident s'était produit. Le témoin a déclaré qu'il avait eu lieu en 2001, ce dont elle se souvenait car c'était l'année de naissance de sa première fille. Elle a ensuite modifié sa réponse pour dire que sa fille était née en mars 2000 et que l'incident avait eu lieu le jour de son premier anniversaire en mars.

Le Procureur a ensuite demandé comment le témoin était entré en contact avec la police finlandaise. Elle a expliqué qu'une amie, [FNM-100], qui avait été avec elle à Waterside, l'avait appelée. FNM-100] a dit au témoin qu'un homme l'avait entendue parler de Waterside et lui avait dit que des Blancs recherchaient des personnes qui se trouvaient là au moment de l'incident. Son amie a donné à l'homme, [Employé 1], le numéro du témoin parce qu'elle était également sur les lieux à Waterside, et il l'a appelée pour lui dire la même chose. Lorsque les gens sont arrivés, il l'a rappelée et l'a dirigée vers la zone où ils devaient se rencontrer. Le témoin a déclaré qu'elle n'avait pas discuté en détail de l'incident de Waterside avec [l'employé 1].

La Défense interroge le cinquantième témoin

La Défense a commencé par demander qui avait donné l'ordre de capturer le témoin. Elle a répondu que c'étaient « ses gars » qui l'avaient attrapée et amenée à leur « patron ». Elle a répété qu'elle avait vu le chef pour la première fois au poste de contrôle. Le témoin ne savait pas pourquoi le commandant donnait l'ordre de tuer des gens ou s'il donnait une raison quelconque de tuer les gens.

La Défense a demandé combien de temps, en minutes, il avait fallu pour aller de West Point au poste de contrôle, mais le témoin n'en était pas sûr car elle n'était pas vraiment elle-même à ce moment-là. Elle a expliqué qu'elle n'était pas attachée lorsqu'elle a été arrêtée pour la première fois, mais que les soldats l'ont poussée vers le poste de contrôle et l'y ont attachée. La défense a souligné que dans son témoignage devant la police finlandaise, le témoin avait déclaré qu'elle avait d'abord été attachée puis obligée de marcher jusqu'au poste de contrôle. Le témoin a expliqué que c'était la première fois qu'elle parlait à des Blancs et qu'elle avait donc eu peur. Le cinquantième témoin a également déclaré que, lors de son entretien avec la police, les questions n'étaient pas aussi claires qu'au tribunal, car l'interprète initial ne prenait pas son temps comme l'interprète du tribunal.

Le témoin a confirmé qu'entre son entretien avec la police finlandaise et son témoignage à la Cour, elle n'avait discuté de l'affaire avec personne. La défense a souligné que, dans le résumé de la police, elle n'avait utilisé que le nom d’ « Ange », et non celui d’ « Ange Gabriel ». Le témoin a reconnu qu'elle avait dit « Ange » lors de l'entretien et a expliqué qu’ « après Ange, il y avait un nom qu'ils appelaient, mais je l'ai oublié. » Elle a précisé que le nom qu'elle donnait à la Cour était celui dont elle se souvenait maintenant, « Ange Gabriel ». La défense a demandé quel était le grade d’Ange Gabriel, et le témoin a répondu qu'elle ne le connaissait pas. La défense a alors fait remarquer que dans le rapport de police, elle avait dit « Chef ». Le témoin a expliqué que « ce titre de chef n'est rien pour nous ici » et qu'elle l'avait utilisé dans l'entretien parce que c'est ainsi que les personnes travaillant pour lui l'avaient appelé, un peu comme les garçons s'adressent à leur père. La Défense est ensuite revenue sur ce point et a noté que lors de l'interrogatoire de la police, on lui avait demandé si elle le connaissait sous un autre nom que « Ange » et elle avait répondu « Chief Angel (Chef Ange) ». Le témoin a répété que «les enfants » l'avaient appelé par ce nom.

La Défense a ensuite demandé si des personnes avaient été tuées en cours de route lors de leur transport de West Point au poste de contrôle, ce que le témoin a nié. Elle a également déclaré qu'il n'y avait pas de commandants parmi les personnes qui les ont emmenés au poste de contrôle. La défense a ensuite demandé au traducteur finlandais de lire un extrait du procès-verbal de la police, qui indique que le « commandant Gabriel » a donné l'ordre de tuer sur le chemin entre West Point et le poste de contrôle et qu'il a marché avec eux sur le chemin. Le témoin a répondu que « le commandant donnait des ordres et qu'après l'ordre, ils transportaient les gens ». La Défense a ensuite fait écouter un enregistrement de l'entretien avec la police, dans lequel le témoin a déclaré que le commandant avait marché avec eux du marché Waterside au poste de contrôle. Après avoir entendu l'enregistrement, le témoin a précisé qu'elle n'avait pas dit que le commandant l'avait capturée, mais que ses hommes l'avaient capturée et qu'il avait ensuite marché avec elle. Elle a ensuite noté que « parfois, on oublie ».

La Défense a ensuite abordé la question de la chronologie, en posant des questions sur la première fille du témoin. Le témoin a déclaré que sa fille était née en 2000 et a confirmé que l'incident s'était produit autour du premier anniversaire de sa fille. La défense lui a demandé si elle se souvenait de l'âge qu'elle avait dit à la police que sa fille avait au moment de l'incident, et elle a répété que sa fille avait un an. La défense a cependant souligné que le résumé de la police indiquait que son bébé était né en mars, et que l'incident s'était produit lorsque le bébé avait trois ou quatre mois. Le témoin a suggéré que la police n'avait peut-être pas bien compris et a répété que sa fille était née en mars 2000 et que l'incident s'était produit un an plus tard, en mars 2001. La défense a noté que si le bébé était né en mars et que l'incident s'était produit trois ou quatre mois plus tard, alors l'incident avait dû avoir lieu entre juin et juillet. Le témoin a répondu qu'elle « ne vérifiait pas les mois ». Elle ne se souvenait pas avoir dit à la police que son bébé était né en 2001 ou que son bébé était né trois ou quatre mois avant l'incident. La défense a ensuite fait écouter un enregistrement du témoin déclarant que l'incident avait eu lieu en 2001 et que sa fille était née en mars. Sur l'enregistrement, elle a dit à la police qu'elle pensait que sa fille avait trois ou quatre mois parce qu'elle l'allaitait, et qu'à cette époque elle avait laissé sa fille à la maison lorsqu'elle était allée au marché pour vendre.

La Défense a ensuite demandé s'il y avait des combats à Monrovia au moment de l'incident. Le témoin a répondu que c'était la première attaque de cette année-là. Lorsque la Défense a tenté de préciser qui avait attaqué, le témoin a seulement dit que « c'était les combattants », ce qui incluait les forces gouvernementales et « les autres personnes » dont elle ne connaissait pas les noms. La Défense a demandé si elle connaissait les LURD, mais le témoin a répondu : « J'ai entendu leur nom mais je ne connais pas les différences. » La Défense a insisté davantage, demandant si elle savait si LURD se trouvait à Monrovia au moment de l'incident. Le témoin a reconnu que les LURD et les forces gouvernementales se battaient, mais a maintenu qu'elle ne connaissait pas les différences et ne savait pas s'ils étaient à Monrovia à ce moment-là. La Défense a noté que dans le résumé de la police, le témoin avait déclaré que la Première Guerre mondiale était en cours et que les forces des LURD se trouvaient sur Duport Road. Au tribunal, elle a confirmé qu'elles étaient à 12-Houses.

Enfin, la Défense a demandé comment le témoin était entré en contact avec la police finlandaise. Le témoin a répété qu'elle était dans la brousse lorsque son ami [FNM-100] l'a appelée. La Défense a demandé comment elle et [FNM-100] avaient rencontré [l'employé 1]. Le témoin a déclaré que [FNM-100] lui avait dit qu'elle et une amie discutaient de l'incident lorsque [l'employé 1] est passé par là et les a entendues. Il s'est assis et les a écoutées, puis leur a dit qu'il y avait des gens qui venaient et qui voulaient parler à des gens comme elles. Lorsque la Défense a demandé comment le témoin était entré en contact avec [Employé 1], elle a expliqué qu'il l'avait appelée. La Défense a noté que le rapport de police indiquait que le témoin avait appelé [Employé 1] après avoir obtenu son numéro de [FNM-100], mais le témoin a de nouveau affirmé que [Employé 1] l'avait appelée après avoir obtenu son numéro de [FNM-100]. Elle a nié avoir appelé quelqu'un d'autre et a déclaré, en ce qui concerne le nombre de fois qu'elle avait parlé à [l'employé 1] au téléphone, qu'il l'avait appelée pour la diriger vers la zone et qu'il lui avait parlé au téléphone jusqu'à son arrivée.

Audition du cinquante-et-unième témoin

(Identification assignée par le tribunal finlandais: Civil 72)

L'Accusation interroge le cinquante-et-unième témoin

Le témoin a témoigné au sujet des événements survenus à Waterside, qui, selon elle, ont eu lieu en 2001 pendant la Première Guerre mondiale, bien qu'elle n'ait pas pu définir clairement ce qu'était la Première Guerre mondiale. Le cinquante-et-unième témoin vendait des marchandises pour gagner sa vie et s'est rendu avec deux amis, [FNM-163] et [FNM-164], à Waterside le jour de l'incident afin d'acheter des marchandises pour les revendre plus tard. Le témoin a mentionné que l'atmosphère à Waterside ce jour-là était effrayante car la zone était jonchée de cadavres. Alors qu'il attendait que des marchandises soient disponibles, le témoin a entendu des coups de feu et a vu des soldats en uniforme tirer sur des civils et les tuer, ce qui a rendu le marché chaotique. Le cinquantième témoin et ses amis ont tenté de fuir les tirs, mais ils ont été arrêtés par des soldats qui les ont menacés avec une arme et les ont emmenés à un poste de contrôle près du pont Waterside. Lorsqu'on lui a demandé si les soldats tiraient en l'air, elle a répondu que les soldats tiraient sur les civils parce que leur « patron » était arrivé.

Le témoin s'est souvenu qu'en se rendant au poste de contrôle, elle avait vu des cadavres sans intestins et des intestins humains sur la porte du poste de contrôle. Un soldat se tenant au poste de contrôle tenait un bâton sur lequel se trouvait une tête humaine décapitée. Le témoin a déclaré que le soldat obligeait les personnes passant par le poste de contrôle à saluer la tête humaine. Toute personne qui ne se conformait pas à la demande du soldat était tuée. Le témoin et ses compagnons de captivité ont ensuite été emmenés sous le pont.

Le témoin identifia le commandant des soldats au poste de contrôle comme étant « Ange Gabriel ». Elle a noté qu'Ange Gabriel parlait avec un accent sierra-léonais et a confirmé qu'il était le chef du groupe au poste de contrôle. Ange Gabriel s'est annoncé après s'être disputé avec certains de ses soldats au sujet du sexe potentiel de l'enfant porté par une femme enceinte captive. Le cinquante-et-unième témoin a déclaré que, pour prouver son point de vue sur le sexe de l'enfant, Ange Gabriel avait « opéré » la femme en lui ouvrant l'abdomen et en retirant le fœtus, puis avait déclaré : « Je vous avais dit que c'était une fille. » La femme n'a pas reçu de traitement et elle et son bébé sont tous deux morts. Ange Gabriel a alors fait venir une planche d'abattage et a déclaré : « Moi, Ange Gabriel, je viens m'occuper de ces gens. » Il a ensuite demandé qu'on lui amène les amis du témoin, [FNM-163] et [FNM-164]. Ange Gabriel a alors placé leur nuque sur la planche et les a tués.

Après un certain temps, le cinquante-et-unième témoin, ainsi que tous ceux qui n'ont pas été tués, ont été attachés et emmenés à 12-Houses en camionnette car, comme le témoin s'en souvient, Ange Gabriel ne voulait pas que les captifs dorment au poste de contrôle. À leur arrivée à 12-Houses, les captifs ont été répartis par sexe. Dans ce nouvel endroit, le témoin a rencontré d'autres personnes qui étaient arrivées avant elle et qui lui ont dit qu'elles n'étaient pas en sécurité à cet endroit car, chaque nuit, des soldats venaient enlever deux filles à l'extérieur du bâtiment où elles étaient détenues. Le témoin et les autres prisonniers ont commencé à crier à l'aide, et finalement, une personne portant le même uniforme que les soldats est arrivée et leur a dit qu'ils n'étaient pas en sécurité ici. Il a ouvert le portail et leur a dit de partir, permettant aux prisonniers de s'échapper et au témoin de rentrer chez lui.

Après avoir expliqué le jour en question, le témoin a expliqué à l'accusation comment elle avait été mise en contact avec la police finlandaise. Alors qu'elle discutait de la Première Guerre mondiale, une autre personne, [FNM-068], lui a demandé si elle se souvenait de l'incident de Waterside et a expliqué que certaines personnes voulaient des informations sur ce jour-là. FNM-068] a pris son numéro de téléphone et l'a donné à [l'employé 1], qui l'a ensuite appelée et lui a demandé de le rencontrer.

La Défense interroge le cinquante-et-unième témoin

Interrogé par la défense sur la façon dont il a rencontré la police finlandaise, le cinquante-et-unième témoin a indiqué qu'il discutait de sport avec [FNM-068] lorsque quelqu'un d'autre a évoqué la Première Guerre mondiale, et qu'il a alors expliqué qu'il avait participé à l'incident de Waterside. Elle a déclaré qu'elle et [FNM-068] n'étaient pas les seuls à avoir cette discussion, mais que de nombreuses personnes y participaient, mais qu'après la conversation, [FNM-068] lui a demandé son numéro et lui a dit que certaines personnes pourraient l'appeler. Interrogée sur son appel téléphonique avec [l'employé 1], le témoin a indiqué qu'il lui avait dit que [FNM-068] lui avait donné son numéro et lui avait demandé de venir le voir. Le témoin a précisé qu'elle n'avait pas de relation étroite avec [FNM-068] et qu'elle n'était pas au courant du fait que [FNM-068] avait également été interrogé. La Défense a toutefois noté que dans l'enregistrement qu'elle a fait avant le procès, le témoin a mentionné qu'un de ses amis, qui avait déjà été interrogé, avait donné son numéro aux enquêteurs finlandais, et a fait écouter l'enregistrement en question à la Cour.

Enfin, la Défense a demandé quel était l'âge du témoin au moment de l'incident et où en était la guerre au Liberia au moment de l'incident. Le témoin a indiqué qu'elle avait 14 ans au moment de l'incident et que la guerre se déroulait à Monrovia.

Audition du cinquante-deuxième témoin

(Identification assignée par le tribunal finlandais: Témoin de la Défense n°14)

La Défense interroge le cinquante-deuxième témoin

La Défense a commencé par interroger le témoin sur sa relation avec le RUF. Le témoin a déclaré avoir rencontré Foday Sankoh, le chef du RUF, à Monrovia fin 1999, et que Foday Sankoh lui avait demandé d'être le chef du protocole du RUF. Cette rencontre a eu lieu après les accords de paix de Lomé - le témoin a déclaré que ni lui ni Gibril Massaquoi n'avaient joué de rôle dans les négociations de Lomé. Foday Sankoh lui a dit qu'il allait le présenter à Gibril Massaquoi. Le témoin a rencontré Gibril Massaquoi pour la première fois à Segbwema, en Sierra Leone, en 1999. À l'époque, Gibril Massaquoi était l'assistant personnel de Foday Sankoh. Lui et le témoin étaient tous deux en poste à Spur Road, à Freetown, et le témoin a déclaré qu'ils se voyaient tous les jours.

Selon le témoin, le 8 avril 2000, des manifestants ont attaqué des maisons du RUF à Freetown, dont le poste de Spur Road. Le témoin a déclaré qu'après l'attaque, Gibril et lui étaient avec Foday Sankoh. Comme Sankoh était plus âgé et ne pouvait pas se déplacer aussi rapidement que le Témoin et Gibril, ils l'ont mis à l'abri dans un bâtiment inachevé. Ils sont revenus pour chercher Sankoh, mais ne l'ont pas trouvé. Le témoin et Massaquoi, ainsi que d'autres personnes, dont [Civil 60] et Superman, ont alors décidé de quitter Freetown ; le témoin s'est rendu à Monrovia et Massaquoi à Makeni. Le témoin a déclaré qu'il savait que Gibril s'était rendu à Makeni car il avait reçu un appel radio une fois arrivé à Monrovia. Le témoin n'a pas revu Massaquoi pendant près de deux mois. Le témoin a également appris plus tard que Foday Sankoh avait quitté la maison où Gibril et lui l'avaient caché, et qu'il avait été arrêté. Le témoin n'a pas pu se rappeler la date de l'arrestation de Sankoh, mais a déclaré qu'il se trouvait à Monrovia au moment de l'arrestation. Après l'arrestation de Sankoh, la CEDEAO a demandé au RUF de trouver un nouveau leader pour encourager le processus de paix en l'absence de Foday Sankoh. Issa Sesay a ainsi été élu à la tête du RUF lors d'une réunion à Kono en 2000.

Le témoin a évoqué l'état du processus de paix en 2000, notamment plusieurs réunions et les délégations du RUF à ces réunions. Il y a eu un certain nombre de réunions de cessez-le-feu, notamment celles qui ont abouti aux accords d'Abuja I et d'Abuja II. Avant celles-ci, il y a eu une réunion avec le chef d'État de la CEDEAO au Liberia, où les participants ont décidé de remettre le processus de paix sur les rails. Une délégation a été formée pour les négociations de paix, comprenant le témoin, [FNM-165], et [FNM-166]. Gibril Massaquoi ne fait pas partie de cette délégation. Selon le témoin, Massaquoi a dirigé la délégation malienne en 2000, qui a été désignée par Issa Sesay comme une délégation externe. Le témoin a expliqué que cela signifiait qu'ils étaient autorisés à interagir et à rencontrer la CEDEAO et d'autres parties prenantes au processus de paix. Le témoin a déclaré qu'il avait rejoint Gibril Massaquoi au Mali en 2000, mais que Massaquoi ne s'était pas rendu à Abuja I. Le témoin a également fait partie d'une délégation qui a rencontré Charles Taylor, le président Obasanjo, l'ancien président gambien Jammeh et le défunt président du Togo, Gnassingbé Eyadéma, en juillet 2000. Le témoin a déclaré que Gibril Massaquoi ne faisait pas partie de cette réunion. Après Abuja I, le témoin a déclaré que Massaquoi et lui s'étaient rendus en Sierra Leone, car le chef du RUF avait une mission pour eux à Freetown. Le témoin a séjourné à Freetown de 2001 à 2002, période au cours de laquelle il a participé à un certain nombre de réunions avec Massaquoi, notamment une réunion tripartite avec le gouvernement et le RUF pendant près de quatre mois en 2002. Interrogé par la Défense, le témoin a déclaré que la guerre s'est terminée fin 2000, qu'il y a eu un processus de désarmement en deux parties, et qu'un problème a retardé le désarmement.

Le témoin a déclaré que, lorsque Sesay a été annoncé comme le nouveau chef intérimaire du RUF en 2000, Massaquoi et lui étaient tous deux à Monrovia, et qu'ils étaient hébergés par la délégation à Congo Town. Ils sont restés dans la première maison de Congo Town « pendant deux mois », puis ont déménagé dans une autre maison de la ville. Le témoin a déclaré que la première maison où ils ont séjourné était une maison d'hôtes officielle offerte à Foday Sankoh. Les résidents de la première maison comprenaient le témoin, Gibril Massaquoi, [Civil 60], une femme nommée [FNM-167], et des agents de sécurité libériens. Les habitants de la deuxième maison étaient le témoin, Gibril Massaquoi, Abdul Razak Kamara et [FNM-070], la petite amie de Massaquoi. Selon le témoin, [Civil 60] n'est pas resté au deuxième endroit, bien qu'il y soit allé quelques fois. Au deuxième endroit, Gibril Massaquoi et le témoin ont occupé des chambres situées en face l'une de l'autre, et le témoin a déclaré qu'ils se voyaient tous les jours. Le témoin a déclaré que Massaquoi et lui étaient restés au deuxième endroit pendant quatre à cinq mois et qu'ils avaient quitté Monrovia ensemble fin 2000 ou en 2001. Pendant leur séjour à Monrovia, le témoin a noté que la situation en matière de sécurité «était cool. Il n'y avait aucun problème». Après leur départ de Monrovia, ils se sont concentrés sur la politique du parti du Front révolutionnaire uni (RUF). Le témoin a déclaré qu'il n'était pas candidat à un poste mais qu'il était « le cerveau du RUF », organisant des réunions et des négociations. Le témoin a déclaré qu'à leur retour en Sierra Leone, Massaquoi s'est installé à Kissy. Le témoin n'a pas pu se rappeler si Massaquoi était allé quelque part avant Kissy.

L'Accusation interroge le cinquante-deuxième témoin

L'Accusation a commencé par interroger le témoin sur sa relation avec Massaquoi. Le témoin a déclaré que « Massaquoi était comme un frère » pour lui lorsqu'ils se sont rencontrés et a répété qu'ils étaient devenus très proches en travaillant dans le même bureau, même s'il ne l'avait pas vu depuis longtemps. Il connaissait Massaquoi comme l'assistant personnel de Sankoh qui assumait également tout autre rôle qui lui était confié. Le témoin a confirmé que Massaquoi commandait des combattants à Makeni, et pensait qu'il y avait un groupe de combattants. En 2000, cependant, le témoin considérait que Massaquoi était un diplomate et ne faisait plus partie de l'armée. Il ne connaissait pas de nom de guerre que Massaquoi aurait pu avoir, mais se souvenait que son indicatif radio était « Wildfire ». Il ne sait pas qui a donné cet indicatif à Massaquoi ni ce qu'il signifie.

Le témoin a également confirmé s'être rendu à la réunion de Kono, à laquelle tous les commandants de première ligne avaient été invités à participer. Cette réunion a eu lieu en 2000, après la réunion de juillet avec le président Obasanjo. Il a ajouté que cette réunion s'est tenue dans le manoir de l'exécutif à Monrovia. Le témoin a clairement indiqué que Massaquoi avait également assisté à la réunion de Kono, mais qu'il ne savait pas en quelle qualité il y avait assisté : s'il y était en tant que commandant de première ligne ou dans le cadre d'un autre rôle. L'Accusation a ensuite lu un extrait de la déclaration du témoin à la police finlandaise, dans laquelle il affirme que Massaquoi était un commandant à l'époque. Le témoin a répété qu'ils travaillaient en tant que civils à Freetown à l'époque, mais a reconnu qu'il était possible que Massaquoi y soit retourné pour être commandant.

Interrogé sur son séjour à Monrovia, le témoin s'est souvenu qu'il y avait séjourné pendant la saison des pluies, probablement en juillet ou en août. Il ne se souvenait pas des mois exacts, car c'était il y a si longtemps. L'Accusation a noté que le témoin a déclaré que Massaquoi et lui ont quitté Monrovia à la fin de l'année 2000 et ne sont pas revenus. Le témoin a rappelé qu'il avait dit à la police que les événements s'étaient produits entre 2000 et 2001. Toutefois, en ce qui concerne 2001, le Procureur a noté que les notes de la police indiquaient que le témoin et Massaquoi étaient restés à Monrovia « toute l’année » et « n'avaient pas voyagé ». Le témoin a reconnu que tout au long de l'année 2001, Massaquoi et lui sont restés à Congo Town, et a précisé qu'ils sont partis fin 2001 après que tous les processus de paix se soient réunis, lorsque Issa Sesay a été déclaré chef. Il a ensuite déclaré que le gouvernement libérien avait donné à Sankoh la maison d'hôtes après l'accord de paix de Lomé pour qu'il y tienne des réunions. Selon le témoin, après que Sesay soit devenu chef, « il n'y avait rien à faire pour nous » à Monrovia. Le Procureur a de nouveau lu les notes de la police, qui indiquent que, lorsqu'il a été interrogé sur 2002, le témoin a déclaré que les processus de paix étaient en cours à Freetown, mais qu'ils étaient toujours à Monrovia. Le témoin a répondu que Gibril et lui avaient quitté Monrovia « après que tout ait été conclu », ce qui aurait pu être en 2002. Le témoin a affirmé avec fermeté que Gibril Massaquoi et lui avaient quitté Monrovia ensemble, et a ajouté qu'il ne connaissait pas le rôle du RUF pendant la deuxième guerre civile libérienne, car il « faisait partie de l'aile politique et non de l'aile militaire ». En ce qui concerne l'attaque présumée du RUF contre les forces de maintien de la paix de l'ONU, le témoin a déclaré que certains soldats kenyans de l'ONU avaient été tués et que leur hélicoptère avait été immobilisé au sol, mais il n'a fourni aucune autre information.

Interrogé au sujet de la petite amie de M. Massaquoi, [FNM-070], le témoin a précisé qu'elle était avec eux dans la deuxième maison d'hôtes, et non dans la première. Devant la Cour, il n'a pas pu se souvenir de l'année où ils ont séjourné ensemble, mais l'Accusation a noté qu'il avait dit à la police qu'elle était partie en 2001 pendant la saison des pluies, et le témoin a reconnu que cela avait pu être le cas.

Devant la Cour, le témoin a réaffirmé qu'il n'y avait pas de guerre à Monrovia en 2001 ou 2002, tandis que le Procureur a noté qu'il avait dit à la police qu'il y en avait une. Il a maintenu qu'il n'y avait pas de guerre à Monrovia à cette époque, et a ajouté que, s'il y en avait eu une, ils ne seraient pas restés.

Le témoin a ensuite décrit comment il est entré en contact avec la police finlandaise. Le témoin a été contacté par deux personnes : son vieil ami, Mike Lamin, et un Libérien qui travaillait avec la police finlandaise et qui, selon le témoin, pourrait être [l'employé 1]. Mike Lamin lui a dit que la police finlandaise voulait lui parler. Lorsqu'on lui a demandé si Mike Lamin connaissait Gibril Massaquoi, le témoin a déclaré que « ces types étaient tous membres du RUF ». Il a également déclaré qu'il n'avait rencontré personne pour discuter de son témoignage, mais a indiqué qu'il avait rencontré l'avocat de M. Massaquoi, car le témoin voulait comprendre la procédure de la Cour avant de témoigner. Il a ajouté que [l'employé 1] l'a mis en contact avec un avocat de la défense et qu'ils se sont rencontrés avant le procès.

La Défense interroge le cinquante-deuxième témoin davantage

La Défense a demandé au témoin de clarifier le contexte de leur rencontre. Le témoin confirme qu'il a rencontré la Défense avant de témoigner, mais qu'ils n'ont pas discuté du contenu de son témoignage. La Défense a fait référence aux incohérences entre les années que le témoin a déclarées à la police et au procès, notant que le témoin semblait incertain, et lui a demandé s'il se souvenait mieux des incidents que des années spécifiques. Le témoin a ensuite clarifié certaines dates. Il a déclaré que les négociations sur le processus de désarmement s'étaient déroulées en 2000 et 2001, que la réunion tripartite avait eu lieu en 2001 et que le processus de paix en Sierra Leone avait pris fin en 2002.

En ce qui concerne le niveau des combats à Monrovia, le témoin a déclaré qu'il y avait des escarmouches à Monrovia impliquant les LURD lorsqu'il s'y trouvait, mais il a précisé que les LURD attaquaient le Liberia depuis la Guinée, vers la frontière guinéenne. Le témoin a également déclaré qu'il n'avait pas participé à des patrouilles armées, qu'il n'avait pas transporté d'armes à Lofa et qu'il ne s'était pas battu avec Gibril ou Benjamin Yeaten. Il a précisé qu'il n'était pas un combattant et qu'il n'avait jamais combattu auparavant. Il a également dit qu'à sa connaissance, Massaquoi ne faisait pas de patrouilles armées, et que Benjamin Yeaten et Massaquoi n'apportaient pas d'armes à Lofa.

La Défense a également posé des questions sur les personnes que le témoin a précédemment mentionnées dans son témoignage. Le témoin de la Défense n°14 a déclaré qu'il ne connaissait pas le nom de famille de [Civil 60] et que [FNM-070], la petite amie de Massaquoi, était enceinte.

Le témoin a ensuite précisé que Massaquoi avait quitté Makeni pour Kissy en raison du processus de désarmement et que, lorsque Massaquoi était à Kissy, ils avaient l'habitude de se rencontrer tous les deux jours.

Enfin, le témoin a déclaré que certains commandants du RUF avaient des troupes avec eux, comme ceux qui allaient sur la ligne de front, mais que certains ne dirigeaient pas de troupes et étaient toujours commandants du RUF. Lorsqu'on lui a demandé si Massaquoi avait des troupes pendant le processus de paix, le témoin a répondu qu'à cette époque, Gibril Massaquoi avait « abandonné son poste » et « jouait un rôle diplomatique ».

L'Accusation interroge le cinquante-deuxième témoin à nouveau

L'Accusation a cherché à clarifier le rôle de Massaquoi au sein du RUF au moment de la réunion de Kono. Le témoin a répété qu'il avait dit que tous les commandants de première ligne avaient été convoqués à Kono, mais il a été ferme en affirmant qu'il n'avait pas dit que Gibril était un commandant de première ligne. L'Accusation a rappelé que, lorsque la police a demandé au témoin de préciser ce qu'était un commandant de première ligne, celui-ci a répondu que Massaquoi était responsable d'une unité. Au procès, le témoin a précisé que « pendant la guerre, Massaquoi était responsable d'hommes au sein du RUF » et a offert qu'en 2000, Massaquoi était toujours un commandant du RUF.

Interrogé sur le terme « état d’urgence », le témoin a compris qu'il signifiait que personne n'était autorisé à se rassembler à l'extérieur et que les gens n'étaient pas autorisés à se réunir. Il a déclaré que, dans n'importe quel pays, le président peut décréter l'état d'urgence. À la connaissance du témoin, aucun état d'urgence n'avait été décrété au Liberia à aucun moment et, pour autant qu'il le sache, Charles Taylor n'a pas décrété l'état d'urgence au Liberia.

La Défense interroge le cinquante-deuxième témoin davantage

La Défense a demandé au témoin de clarifier certains points concernant le calendrier des négociations. Le témoin a déclaré que Massaquoi était à l'origine à Makeni et n'était pas présent lors de la première réunion qu'ils ont eue au Liberia. Après que la délégation se soit rendue à Kono, Massaquoi a été désigné pour les rejoindre. En réponse aux questions de la défense, le témoin a également déclaré que Sam Bockarie avait été expulsé du RUF en 1991 après les accords de paix de Lomé, après quoi il s'était rendu à Kanow [sic], puis avait pris la direction du Liberia. Le témoin a déclaré que Massaquoi n'était pas avec Sam Bockarie lorsqu'il s'est rendu au Liberia, et que les deux n'étaient pas amis.

L'audience s'est terminée et reprendra le7 avril à Monrovia, au Liberia.


+ 07/04/21 (Liberia) Vingt-septième jour: Audition des cinquante-troisième, cinquante-quatrième et cinquante-cinquième témoins

Audition du cinquante-troisième témoin

(Identification assignée par le tribunal finlandais: Soldat 12)

L'Accusation interroge le cinquante-troisième témoin

Le témoin a commencé sa déposition en disant qu'il est libérien, mais qu'il a vécu en Sierra Leone et qu'il y était un soldat du RUF, sous le commandement de « Gibril Massaquoi ». Il a rejoint les troupes en 1991, à l'âge de douze ans. Il a précisé par la suite qu'il avait rejoint le RUF de son plein gré, à la suite de « quelque chose que quelqu'un lui a fait et qui l'a blessé ». Le cinquante-troisième témoin a expliqué qu'en 1999, il était venu au Liberia avec Gibril Massaquoi et qu'ils avaient été affectés à Lofa pour combattre les LURD. Parmi les villes dont il se souvient, il a cité Kamatahun, Masambolahun, Popalahun, Voinjama, Vahun et Zorzor. Le témoin a également nommé Issa Sesay, Superman et Gibril Massaquoi comme étant les commandants du RUF dont il se souvient. Gibril Massaquoi avait été le commandant du témoin pendant longtemps avant qu'ils ne franchissent la frontière du Liberia ; il ne se souvenait pas s'il avait un nom de guerre, seulement qu'il était le porte-parole du RUF en Sierra Leone.

L'Accusation a voulu entendre parler de l'incident de Kamatahun. Le cinquante-troisième témoin a déclaré qu'en 2000, pendant la saison sèche, il a vu des civils être placés dans une maison, qui a ensuite été incendiée. Il a précisé que l'ordre avait été donné par Gibril Massaquoi et a expliqué que « l'homme a simplement estimé que parce qu'il était commandant et qu'il avait de l'influence, c'est pour cela qu'il a fait cela ». Le témoin n'a pas été en mesure d'estimer le nombre de personnes tuées, car elles étaient nombreuses. Le témoin a rappelé que la maison se trouvait au centre de la ville, et a précisé que si vous veniez de Vahun, elle se trouvait sur votre droite.

Le témoin a ensuite déclaré qu'ils avaient été transférés à Monrovia en 2003 et qu'ils étaient basés à Congo Town, à White Flower. Massaquoi était également avec eux. Le cinquante-troisième témoin a expliqué que Massaquoi « n'a rien fait de mal à Monrovia, seulement dans la brousse ».

Interrogé sur la façon dont il est entré en contact avec la police finlandaise, le cinquante-troisième témoin a expliqué qu'un de ses amis proches, [Soldat 07], avait donné son numéro à la police. Le témoin a précisé que [Soldat 07] lui avait seulement dit que certaines personnes voulaient « discuter de certaines choses ». C'est par l'intermédiaire de cet ami que le témoin a rencontré la police.

La Défense interroge le cinquante-troisième témoin

La Défense a commencé par demander si le témoin connaissait [l'employé 1]. Le cinquante-troisième témoin a expliqué qu'il avait entendu le nom de [Soldat 07] mais qu'il n'avait jamais rencontré ni parlé à [Employé 1]. Lorsqu'on lui a demandé s'il se souvenait des noms des commandants venus de Sierra Leone au Liberia, le témoin a mentionné Gibril Massaquoi, Superman, Hindolo, « Ranger », « CO MED » et, lorsqu'on lui a demandé, Sam Bockarie.

Le témoin a rappelé qu'ils avaient été affectés à Vahun et y étaient restés pendant plus de trois ans. Il a noté que Gibril Massaquoi n'allait généralement pas sur la ligne de front avec eux parce qu'il était commandant, et qu'il restait donc en ville. Le cinquante-troisième témoin a expliqué qu'ils ont passé deux mois à combattre à Kolahun. La Défense a lu l'enregistrement de l'entretien avec la police dans lequel le témoin a indiqué qu'ils avaient passé sept mois à Kolahun. Le cinquante-troisième témoin a précisé qu'ils étaient basés à Kolahun pendant sept mois, dont deux à combattre avec les ennemis. Massaquoi était avec eux pendant toute cette période.

Le témoin a expliqué qu'ils ont été transférés à Monrovia en 2003 parce qu'ils subissaient des attaques de la part des LURD. Les LURD les ont poursuivis jusqu'à Monrovia et le témoin s'est souvenu qu'ils ont combattu dans la ville en août 2003. Il a précisé que la dernière fois qu'il a vu Gibril Massaquoi, c'était avant les combats. Le témoin a déclaré que la guerre s'est terminée à la fin de 2003.

Interrogé par l'Accusation, le cinquante-troisième témoin a rappelé que l'accord de paix avait été signé «fin 2003 ou en 2004, avant l'arrivée des troupes de l’ONU ». Il a ensuite déclaré que Charles Taylor avait fui le pays à la fin de 2003.

Audition du cinquante-quatrième témoin

(Identification assignée par le tribunal finlandais)

L'Accusation interroge le cinquante-quatrième témoin

Le témoin a commencé par décrire ses activités pendant la Deuxième guerre civile libérienne. Il a travaillé en tant que journaliste pour le journal Analyst Newspaper et, pendant une courte période, en tant qu'attaché de presse diplomatique. Il a également travaillé sur un programme d'alerte internationale pour la Press Union of Liberia (Union de presse du Liberia). Le témoin a ajouté que son travail lui a causé de nombreux problèmes, ce qui l'a conduit à être arrêté sept fois. Il a précisé que ses « écrits portaient essentiellement sur la Sierra Leone et les violations des droits de l’homme ».

Le cinquante-quatrième témoin a poursuivi en décrivant la dernière fois qu'il a été arrêté, le 24 juin 2002, précisant que « c'était un lundi ». Son fils, [FNM-153], était malade et le témoin l'avait emmené à l'hôpital. Lorsqu'ils ont quitté l'hôpital, le fils du cinquante-quatrième témoin a demandé de la nourriture à son père. Alors qu'ils marchaient sur le trottoir près de leur maison, « un véhicule rouge à deux portes s'est garé devant [eux] ». Le témoin se souvient que « quatre ou cinq hommes » l'ont agressé et battu. Ils ont forcé le témoin à monter dans la voiture et son fils est resté seul sur le trottoir pendant qu'ils partaient. Un ami du témoin, [FNM-154], qui a assisté aux événements, s'est occupé de [FNM-153]. Le cinquante-quatrième témoin a été emmené au siège de la police nationale du Liberia où il est resté quelques heures, « vêtu seulement d'une chemise ». Le témoin a ensuite été informé par le directeur de la police de l'époque, Paul Mulbah, qu'il était détenu parce qu’ « [il] avait comploté pour renverser le gouvernement libérien ». Le cinquante-quatrième témoin a ensuite été conduit à la maison de la Présidente à Congo Town, où il a vu des représentants du gouvernement assis sur le sol « alors qu'il y avait des chaises ». Parmi les personnes présentes, il a cité le ministre de l'Information, le directeur de la NSA, le chef du protocole Musa Sesay, Benjamin Yeaten, le ministre de la Défense, Emmanuel Shaw et bien d'autres. Le cinquante-quatrième témoin a noté que Charles Taylor l'a fait asseoir sur un canapé. Charles Taylor a expliqué au témoin qu'il avait reçu des informations selon lesquelles le cinquante-quatrième témoin avait suivi une formation en « agitation communiste » en Europe de l'Est, et que de là, il avait collecté des armes qu'il avait stockées à l'ambassade des Etats-Unis. Taylor a également accusé le témoin d'avoir écrit des articles incitatifs, de s'être rendu en Côte d'Ivoire pour recruter vingt-quatre mercenaires et d'avoir travaillé pour Ellen Johnson Sirleaf, alors ancienne candidate à la présidence, afin de renverser Taylor et de prendre la présidence. Outre Ellen Johnson Sirleaf, Taylor a également accusé l'évêque Michael Francis de l'archidiocèse catholique, Alhaji Kromah et Robert Perry - qui travaillait à l'époque pour le département d'État américain.

Charles Taylor a voulu enregistrer la déclaration du témoin devant une caméra, mais celui-ci a nié la véracité de l'histoire qu'on venait de lui raconter. Le président a interrogé le témoin jusqu'au lendemain, le menaçant d’ « appeler quelqu'un pour lui faire dire la vérité ». Le cinquante-quatrième témoin a précisé que Charles Taylor avait appelé Benjamin Yeaten et lui avait dit « emmenez cet homme et faites-lui dire la vérité ». Les policiers ont d'abord emmené le cinquante-quatrième témoin au bureau du syndicat de la presse où ils ont cherché des preuves. Le témoin a déclaré que les policiers n'avaient trouvé qu'une photo d'Alhaji Kromah, de Sekou Damate Conneh et une photo de George Boley, qu'ils ont interprétées comme des preuves de la culpabilité du témoin. Il y avait également une photo de Charles Taylor et le témoin a expliqué qu'il était courant pour une institution médiatique d’ « avoir des photos des principales personnes sur lesquelles [elle] écrit ».

Le cinquante-quatrième témoin a également déclaré que la police l'a d'abord emmené dans un dépôt à Red Light, avant de le transférer dans la zone 5 de Congo Town, où il est resté pendant environ dix jours. Le témoin se souvient qu'il avait « très faim »et qu'il a écrit un mot à un ami, [FNM-155], lui demandant de donner de l'argent à un policier pour qu'il puisse lui acheter de la nourriture. Au lieu de cela, la police a arrêté [FNM-155] et a volé son argent et son essence, comme [FNM-155] l'a raconté plus tard au Témoin. Il a ensuite été transféré dans la zone 7 à Cardwell, où on lui a donné un pantalon et des pantoufles. De là, le cinquante-quatrième témoin a été transféré au National Bureau of Investigation (NBI) où il est resté environ une semaine. Le directeur du NBI de l'époque, Ramsey Moore, a tenté de tromper le témoin en lui montrant un e-mail imprimé comme preuve « que [le témoin] avait communiqué avec les ennemis ». Il a nié être l'auteur de l'e-mail, arguant qu'il « parlait et écrivait un meilleur anglais que ce qui figurait sur l’e-mail ». Le témoin a également indiqué qu'un correspondant de la BBC [FNM-169] avait été invité à venir le voir. Selon le témoin, le NBI voulait prouver qu'il était toujours en vie. Il a également indiqué à la Cour que plusieurs articles avaient été publiés en ligne à ce sujet.

Le témoin a ensuite expliqué qu'il avait été brièvement transféré dans la zone 6, à Brewerville, puis emmené à Klay. Là, il a déclaré avoir subi « les pires tortures de [sa] vie », notant qu'il a encore des cicatrices après avoir été attaché à un tabay. A Klay, le cinquante-quatrième témoin a été emprisonné avec plusieurs personnes ; il a cité [FNM-170], [FNM-171], [FNM-172], [FNM-173] et [FNM-174] parmi les personnes emprisonnées avec lui. Le cinquante-quatrième témoin a décrit l'endroit comme « une prison souterraine à moitié remplie d’eau » et il a précisé que la prison était à l'origine « un poste de pesée pour les camions transportant le caoutchouc de la Guthrie Rubber Plantation ». Il a ajouté que PBS avait réalisé un documentaire à ce sujet.

Le témoin a poursuivi en décrivant les tortures qui lui ont été infligées. Parmi celles-ci, le tabay et l’électrocution de ses parties génitales: il a expliqué qu'il avait dû se faire soigner aux Etats-Unis. Le témoin a expliqué qu'il avait subi la torture du tabay par « un homme qui s'est présenté sous le nom d'Ange Gabriel ». Cette personne a demandé au témoin s'il savait ce que signifiait « Ange Gabriel ». Il s'est également présenté sous le nom de « Gibril » en disant qu'il savait que le témoin était musulman et que « Gibril » « Gibril » était la traduction islamique de l’Ange Gabriel. Le témoin s'est souvenu que deux autres personnes étaient présentes lorsqu'il a été torturé, mais pour des raisons de sécurité, il a refusé de prononcer publiquement leur nom. Il les a néanmoins écrits sur papier et les a présentés à la Cour. Le cinquante-quatrième témoin a expliqué qu'ils avaient l'habitude d'interroger les gens individuellement. Il a ajouté que lorsqu'ils l'attachaient, la corde entrait dans sa chair ; le témoin a souligné qu’ « Ange Gabriel » menait l'interrogatoire. Quant à l'électrocution, le témoin ne sait pas qui l'a ordonnée, mais c'est une femme qui a directement exécuté l'acte. Il a précisé que Massaquoi était présent au moment de l'électrocution et a répété qu'il avait été tabassé par Massaquoi. Le cinquante-quatrième témoin est entré dans les détails et a déclaré que chaque fois qu'il ressentait une douleur et tentait de résister, Massaquoi « lui marchait sur le dos et lui donnait des coups de pied ». Le témoin a déclaré que Massaquoi avait une position plus élevée que la femme qui a procédé à l'électrocution. Lorsque l'Accusation lui a demandé ce qu'il en pensait, le témoin a rétorqué que « s'il avait voulu l'arrêter, il l'aurait fait ».

Décrivant « M. Massaquoi », le cinquante-quatrième témoin a déclaré qu'il le considérait comme un Sierra-Léonais en raison de son accent et qu'il avait entendu parler de lui et du RUF à la radio.

Le témoin a estimé qu'il avait été torturé plusieurs fois par Massaquoi. Il se souvient que cela se passait généralement la nuit et pense que la raison en était que les autres prisonniers pouvaient entendre les souffrances du témoin. Le cinquante-quatrième témoin a précisé que Benjamin Yeaten était parfois présent pendant les tortures, notant que lorsque Yeaten était absent, Ange Gabriel était présent. Le témoin pense avoir été torturé le « 26 juillet » et libéré le « 7 décembre 2002 ». Il a ajouté qu'il n'avait pas rencontré Massaquoi ailleurs qu'à Klay. À la demande de l'Accusation, le témoin a montré les cicatrices sur ses bras.

La Défense interroge le cinquante-quatrième témoin

La Défense a commencé par demander au témoin quelle était sa relation avec le GJRP. Le témoin a répondu qu'il était le directeur de cette organisation non gouvernementale qui vise à documenter « les crimes commis pendant deux des guerres civiles du Liberia », et a ajouté qu'ils travaillent avec leur organisation partenaire, Civitas Maxima, basée à Genève, en Suisse. En plus de documenter les crimes, le GJRP cherche à obtenir justice « au nom des victimes, avec leur consentement éclairé ». Il a précisé qu'ils agissaient par l'intermédiaire de leur organisation partenaire Civitas Maxima, «« étant donné que le gouvernement libérien ne peut ou ne veut pas tenir les gens responsables des crimes de guerre ». Le cinquante-quatrième témoin a ensuite précisé que GJRP est actif depuis mars 2012.

La Défense a demandé si le témoin lui-même avait déjà interrogé des personnes sur des incidents survenus pendant la guerre. Le Témoin a répondu par l'affirmative. Interrogé sur le financement de son organisation, le Témoin a expliqué que les fonds provenaient de Civitas Maxima ; il a également mentionné le HCR, l'UE et l'Africa Transitional Legacy Group.

Le témoin a fourni quelques éclaircissements sur son activité de journaliste pendant la guerre. Il a indiqué avoir écrit plusieurs articles condamnant le soutien du gouvernement au RUF en Sierra Leone. Interrogé, il a reconnu avoir écrit un article pour un journal qui prenait parti pendant la guerre civile ; cet article mettait en doute « la sincérité et l'honnêteté des factions belligérantes libériennes » et était intitulé « Where are the Magic Solutions ? (Où sont les solutions magiques ?) ». La Défense a cité la déclaration du témoin à la police finlandaise dans laquelle le témoin a déclaré qu'il était très critique envers le RUF. Le témoin a expliqué qu'à l'exception de cette seule occasion, il n'a écrit que pour le Analyst Newspaper.

La Défense a demandé si le témoin se souvenait du moment où il avait révélé pour la première fois ce qui lui était arrivé dans cette prison. Il a répondu qu'il ne se souvenait pas de la date exacte, mais a noté qu'il en avait parlé à plusieurs journaux, dont The Guardian et The Boston Newspaper. Pressé par la défense, le témoin a déclaré qu'il n'était pas sûr d'avoir mentionné le nom de « Gibril Massaquoi » à ces journaux, mais qu'il pensait l'avoir fait. Il a précisé qu'il avait bien prononcé le nom de Massaquoi à la Kennedy School of Government, dans le Massachusetts, mais qu'il n'en avait pas parlé aux médias.

Le témoin a déclaré avoir témoigné au procès de Charles Taylor et a indiqué que, bien qu'il ne se souvienne pas des détails de son témoignage, il a affirmé avoir parlé du « RUF au Liberia, des actions en Sierra Leone, de [ses] tortures ». La Défense a ensuite demandé comment le témoin se souvenait du 26 juin 2002 comme du jour où il avait été torturé. Le cinquante-quatrième témoin a précisé qu'il avait parlé avec plusieurs prisonniers et qu'ils lui avaient dit que c'était le jour de l'indépendance, et qu'il croyait donc que c'était ce jour-là.

La Défense a demandé au témoin s'il se souvenait de ce qu'il avait déclaré au procès de Charles Taylor concernant le moment où il avait quitté Klay. Le témoin a expliqué qu'après Klay, il avait été transféré dans une prison à Foya avant d'être envoyé par avion à Monrovia au siège du NBI. Là, il a été reçu par l'ambassadeur américain John William Blanney, qui lui a précisé que le gouvernement le libérait « à condition que [les États-Unis] le fassent sortir du Liberia par avion ». Le témoin a précisé qu'il avait d'abord été emmené au Ghana, puis aux États-Unis. La Défense a réitéré sa question concernant la déclaration du témoin au procès de Charles Taylor. Le témoin a répondu qu'il pensait avoir quitté Klay « vers le mois d’août ». Il a déclaré qu'après la torture, il était mentalement confus et s'inquiétait des effets à long terme de la torture sur son corps. Le cinquante-quatrième témoin a ajouté qu'il déteste revenir sur cette expérience car il a l'impression de la revivre.

La Défense a interrogé le témoin sur une interview qu'il a réalisée avec Civitas Maxima en 2018. Dans cet entretien, le témoin a déclaré avoir été emmené à Klay le 26 juillet 2002 et avoir été torturé au moins deux fois avant l'arrivée de Gibril Massaquoi. Le témoin a répondu que depuis cet entretien, il a parlé à plusieurs prisonniers qui étaient présents à Klay à cette époque, ce qui a permis au cinquante-quatrième témoin de mieux comprendre. Il a expliqué que la chronologie n'était pas claire pour lui avant les discussions avec les prisonniers, car il avait été détenu en isolement avant de se rendre à Klay et était donc « mentalement désorienté ». Le témoin a précisé qu'il aurait pu modifier l'entretien, puisqu'il était l'auteur de la déclaration, mais qu'il s'en est abstenu car « [il] voulait être honnête ». La Défense a également noté que le rapport ne mentionnait pas la femme tortionnaire. Le témoin a répondu que c'était intentionnel et a invoqué sa religion - il a précisé que dans l'islam « on ne mentionne pas publiquement les parties intimes » et a souligné que la tortionnaire avait été mentionnée dans sa déclaration lors du procès de Charles Taylor. Dans la déclaration à Civitas Maxima, la Défense a noté que le témoin a également dit que « M. Massaquoi » a utilisé l'appareil d'électrocution. La Défense a ensuite demandé si c'était un fait que la femme avait également utilisé la machine. Le cinquante-quatrième témoin a répondu que, comme précédemment, il ne savait pas qui avait exécuté l'ordre mais a réitéré que l'ordre avait été donné par « M. Massaquoi ». Dans le même entretien, la Défense a également souligné que le témoin avait indiqué « juillet 2001 », date à laquelle il a été transféré à Klay après avoir passé deux mois en prison. Le témoin a reconnu sa déclaration et a dit qu'il avait mal calculé le temps. Il a affirmé qu'il avait été cohérent avec la date de son arrestation et le 26 juillet. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait mentionné l'électrocution de ses parties génitales à la presse, le témoin a répondu qu'il ne se souvenait pas à qui exactement, mais qu'il l'avait fait.

L'Accusation interroge le cinquante-quatrième témoin davantage

L'Accusation a demandé au témoin quelle langue parlait Massaquoi ; le cinquante-quatrième témoin a répondu qu'il parlait l'anglais de la Sierra Leone, mais que « d'après le style du nom », il pensait que Massaquoi était Mende. L'Accusation a ensuite voulu en savoir plus sur le rôle qu'il avait joué au cours de l'enquête sur cette affaire, car le témoin avait déclaré que « la police finlandaise avait dit au GJRP de ne plus s'occuper de cette affaire et [que] ils s'en occupaient à partir de maintenant ». Le témoin a expliqué que le GJRP n'avait pas poursuivi son action, mais que la police finlandaise avait demandé l'aide d'un membre du personnel du GJRP pour « leur montrer le Libéria et d'autres choses ». Depuis lors, le témoin n'a pas été impliqué. Il a ajouté qu'il avait été invité deux fois à témoigner, par Civitas Maxima et la police finlandaise, et qu'il avait refusé. Il a précisé que [l'employé 1] et [l'employé 2] travaillaient avec la police finlandaise, mais que seul [l'employé 1] avait continué à travailler pour la police. Le témoin a expliqué qu'il avait parlé avec les deux membres de son personnel, mais pas de cette affaire en particulier - et que pour se tenir informé, le témoin se contentait de lire les journaux. [L'employé 2] l'avait appelé et lui avait dit qu'il n'aimait pas travailler en dehors de la ville et qu'il était tombé malade, et a précisé qu'il avait effectué différentes missions depuis. Le témoin a également tenu à préciser qu'il n'avait parlé à aucun témoin de l'affaire. L'Accusation a demandé au témoin si Massaquoi l'avait battu pendant sa détention. Le cinquante-quatrième témoin a expliqué que Massaquoi l'avait frappé, bien qu'il ne sache pas avec quoi, et a ajouté que « lorsque mon visage était plaqué au sol et que je résistais, il m'a donné des coups de pied ».

Pour finir, le témoin a déclaré : « I want to say thanks to the Court. I want to let you know that the GJRP may not be 100%. I do not see any research institution that is 100%, but the point is that GJRP follows the real international standard of investigation. For example, I trained along folks with Scotland Yard. [Employee 1] too trained with someone on the Prosecution team, but we follow the rules. There are TED rule, the DATA rule; always maintain your original notes. So we follow the basic rules that has been developed by Europeans and Americans have developed. In Liberia, we encourage out investigators to carry their notebooks, because In Liberia we say “copy head ain’t better than copy book.” I want to say thank you, you’ve done really great. »

Audition du cinquante-cinquième témoin

(Identification assignée par le tribunal finlandais: Employé 1)

Le témoin a commencé par déclarer qu'il travaille pour le GJRP. Alors qu'il travaillait sur une mission de terrain en 2019 à Lofa, il a rencontré Thomas Elfgren de manière fortuite. Il l'a ensuite rencontré à nouveau trois mois plus tard, après que son patron, [GJRP 1], lui a dit que la police finlandaise demandait de l'aide.

Lorsque le témoin a rencontré la police finlandaise, ils ont fixé certaines règles : notamment celle de ne pas travailler avec quelqu'un d'autre, et celle selon laquelle son salaire serait payé par le NBI (BNI) finlandais. Ils lui ont versé le même salaire que celui qu'il gagnait déjà et lorsque le témoin leur a demandé pourquoi, Thomas a répondu que « c'était une affaire juridique et qu'ils ne pouvaient pas me faire de faveurs ». On lui a demandé d'identifier quelques villages et villes, on lui a donné des cartes, du crédit téléphonique, et il a eu un bloc-notes et un stylo. Il est parti pour Lofa quelques jours plus tard ; son voyage et sa nourriture ont été indemnisés par la police finlandaise.

Une fois à Voinjama, il a cherché quelqu'un du lieu, capable de comprendre la culture et la langue locales, car « en tant que professionnel, je savais qu'il était impossible d'ignorer la culture ». C'est ainsi qu'il a rencontré [FNM-078]. Il en a fait part à la police finlandaise qui lui a tout de même conseillé de « garder les yeux ouverts ». Le témoin et [FNM-078] ont commencé à visiter les villages indiqués par la police.

Le témoin a expliqué que le [FNM-078] lui avait appris qu'il ne suffisait pas d'entrer dans un village et de poser des questions : il fallait d'abord rencontrer ses dirigeants et leur expliquer pourquoi on était là. C'était ensuite à eux d'expliquer aux gens ce que le témoin devait apprendre d'eux.

Le témoin n'était pas autorisé à prendre des déclarations. Il pouvait seulement demander « s'ils avaient vu des gens se faire tuer, s'ils avaient vu des gens être placés dans des maisons et brûlés et s'ils avaient rencontré des chefs du RUF ». Certains chefs de village n'ont rien voulu divulguer, d'autres leur ont dit de revenir plus tard lorsqu'ils auraient discuté avec les villageois. Lorsqu'ils ont pu parler avec les habitants, le témoin leur a demandé « s'ils étaient prêts à parler à des Blancs qui arrivent et qui veulent vous parler ». Lorsque les gens lui ont demandé s'il pouvait faire référence à l'histoire, le témoin a expliqué qu'il avait reçu l'ordre de ne poser que certaines questions.

Le 13 avril, le NBI (BNI) est arrivé à Lofa. Ils ont dû suivre le même processus que le témoin, et ce dernier a déclaré avoir joué un rôle très minime une fois sur place. Le [FNM-078] servait d'interprète - le processus d'interview des personnes durait des heures, de sorte que toutes les interviews n'ont pas eu lieu le même jour. Le témoin a ensuite précisé que toutes les personnes ne le connaissaient pas forcément par son nom ou ne reconnaissaient pas son visage. Il a ensuite expliqué qu' « au Liberia, dès que vous défendez la justice, vous êtes pris pour cible. Ces derniers temps, il y a eu des meurtres » et a expliqué qu'il avait déménagé pour des raisons de sécurité depuis qu'il avait commencé à travailler sur l'affaire.

Lorsqu'ils arrivent à Monrovia, la police finlandaise a encore besoin de ses services. Il a trouvé d'autres témoins en l'espace d'une semaine. Il a répété une fois de plus qu'il s'était complètement détaché du GJRP et qu'il travaillait maintenant pour le NBI (BNI) ; cependant, lorsqu'il ne travaillait pas pour le NBI, il était revenu au GJRP en tant que chercheur. Il n'a pas enquêté sur Gibril Massaquoi au nom du GJRP lorsque le NBI est parti.

Le NBI est retourné au Liberia en novembre 2019. Avant cela, le NBI a de nouveau sollicité ses services. Il a donc quitté le GJRP pour se préparer à sa deuxième mission : il a précisé qu'il n'avait divulgué aucune information et qu'il n'avait reçu aucune instruction de son organisation. Cette fois, le NBI lui a demandé de se rendre à la frontière avec la Sierra Leone ; il a communiqué avec [FNM-078] et s'est rendu dans les autres villes où il avait reçu des instructions. Une fois sur place, il a suivi la même « entrée dans la communauté » que dans les autres villages. Il a ensuite présenté son travail au NBI, qui souhaitait parler à Zigzag Marzah - le témoin l'a contacté et lui a dit que la police voulait lui parler. Après quelques discussions sur le lieu de rendez-vous, Zigzag Marzah l'a rencontré. Le témoin a souligné qu'il était très méfiant à son égard, mais il lui a dit qu'il avait combattu en Sierra Leone et a nommé quelques combattants. Le témoin a précisé que c'était avant que le NBI ne les atteigne - il a également dit à Zigzag que la police finlandaise ne payait pas pour des informations. Lorsque le NBI est arrivé, Zigzag a demandé à être payé et a dit « vous aurez besoin de moi si vous voulez progresser » et est parti. Le NBI a poursuivi les entretiens.

Le témoin a expliqué qu'il n'avait assisté à aucun entretien et que personne ne lui avait dit de quoi il était question. Le témoin n'a eu accès à aucun document. Il a également précisé qu'il ne parlait pas le finnois.

À ce stade de la déposition, l'Accusation a interrogé le témoin sur le bloc-notes qu'il gardait devant lui. Le cinquante-cinquième témoin a répondu qu'il y conservait ses notes et a demandé s'il devait le fermer - l'Accusation a répondu que c'était bon, à condition qu'il prévienne la Cour lorsqu'il vérifiait les dates.

Le témoin a ensuite décrit la manière dont il approchait les personnes qui discutaient de la guerre - les gens en parlaient simplement dans les lieux publics, y compris dans les transports en commun. Il leur demandait ensuite s'ils étaient prêts à parler de leurs expériences à d'autres personnes et il ajoutait : « Parfois ils disent oui, parfois ils disent non ».

L'Accusation a demandé au témoin s'il connaissait personnellement des personnes ayant un lien avec cette affaire - le cinquante-cinquième témoin a répondu qu'il connaissait [FNM-067], qui l'a conduit à [Soldat 07], qui l'a ensuite présenté à de nombreux anciens combattants.

Le témoin a ensuite expliqué qu'il n'était pas là pour accueillir les témoins une fois qu'ils étaient arrivés sur les lieux : il s'est contenté de leur parler au téléphone et/ou de les diriger vers les lieux - une autre personne s'en est chargée. Il a également précisé qu'il ne savait pas quel témoin était appelé par l'Accusation ou la Défense - la seule exception étant [le témoin n°14 de la Défense]. Il a fallu au témoin une semaine pour le trouver car la défense avait vraiment besoin de lui.

Le cinquante-cinquième témoin a ensuite expliqué quelle formation il avait reçu : il a expliqué avoir suivi une formation auprès de l'Institut pour les enquêtes criminelles internationales (IICI). Il a également ajouté qu'il avait eu la chance d'aller à La Haye pour suivre un programme d'enquêtes criminelles internationales (IICI). Il a également suivi une formation à l'École de la paix de l'armée royale néerlandaise (Royal Netherlands Army School for Peace) pour la « sensibilisation à l'environnement hostile », où il a appris « comment identifier un charnier et comment les forces hostiles opèrent aux postes de contrôle ». Il a ajouté qu'il avait sur lui les certificats de participation et que la Cour pouvait en prendre copie.

La première fois qu'il a entendu parler de Gibril Massaquoi ou d'Ange Gabriel, c'était trois ou quatre ans auparavant, alors qu'il ne travaillait pas encore pour le GJRP - il avait entendu ces noms par des combattants sierra-léonais au Liberia.

L'Accusation a demandé au témoin s'il avait promis des soins de santé ou des bourses d'études aux témoins s'ils témoignaient - le cinquante-cinquième témoin a nié. Il lui a ensuite été demandé s'il avait fait part de son travail avec le NBI à Civitas Maxima ou au GJRP - le témoin a répondu « absolument pas, nous ne parlons pas ». Le témoin a indiqué qu'Alain Werner, le directeur de Civitas Maxima, l'avait appelé cinq jours avant son témoignage pour lui dire « d'être clair sur mon travail avec le NBI et de dire la vérité ».

La Défense interroge le cinquante-cinquième témoin

La Défense a voulu savoir quand le témoin était revenu travailler pour le GJRP - le cinquante-cinquième témoin a répondu qu'il devait vérifier ses notes car il ne pouvait pas « le dire de tête ».

Lorsqu'il lui a été à nouveau demandé s'il avait connu d'autres personnes avant l'enquête, le témoin a répété qu'il connaissait [FNM-067], mais qu'ils avaient rencontré plus de 100 personnes et qu'il pouvait donc connaître quelqu'un d'autre.

Le témoin a ensuite précisé que les seules notes qu'il avait prises étaient les noms des témoins, et que la police était au courant de ses notes mais n'avait pas demandé à les voir - le cinquante-cinquième témoin a offert ses notes à la défense.

La Défense a ensuite voulu obtenir des précisions sur la prétendue promesse d'avantages pour les témoins, se demandant pourquoi certains d'entre eux ont révélé cela à la Cour. Le cinquante-cinquième témoin a répondu qu'il ne savait pas pourquoi ils disaient cela.

Le cinquante-cinquième témoin a également expliqué qu'il n'avait pas parlé du GJRP avec les témoins, mais seulement du NBI. Il a également ajouté qu'il n'a mentionné le nom de Gibril Massaquoi ou d'Ange Gabriel à personne, et qu'il n'a pas révélé que la police voulait entendre parler de l'incident des 99 Steps.

La Défense a ensuite demandé au témoin s'il avait parlé de Zigzag Marzah à [GJRP 1] - le cinquante-cinquième témoin a répondu que c'était Thomas lui-même qui en avait parlé à [GJRP 1]. La défense a cependant compris que c'était le témoin lui-même qui en avait parlé à [GJRP 1]. Le cinquante-cinquième témoin insiste sur le fait qu'il ne lui a pas parlé, et que c'est Thomas qui a demandé à parler à Marzah ou à un autre aide de camp - il ajoute que [GJRP 1] a refusé.

Le cinquante-cinquième témoin a précisé une fois de plus qu'il n'était pas impliqué dans le transport des témoins vers et depuis le lieu de l'événement - il a offert que [FNM-078] facilitait cela avec les témoins de Lofa.

La Défense a noté que dans le résumé de l'enquête préalable au procès, il est indiqué que la police a interrogé 80 civils et 50 militaires. Dans l'ensemble, la Défense a rappelé que peu de témoins ont été incapables de donner le nom de « Gibril Massaquoi » ou « Ange Gabriel », et a en outre noté que la police avait écrit comment chaque témoin était entré dans la conversation. La Défense a dit au cinquante-cinquième témoin qu'il avait examiné ces documents et remarqué que chaque témoin qui était entré en contact avec la police par son intermédiaire avait donné le nom de « Gibril Massaquoi » ou "Ange Gabriel". Le témoin a répondu qu'il ne le savait pas, mais qu'il acceptait toutes les informations que ces personnes lui donnaient. Lorsque la défense lui a demandé s'il avait fait quelque chose pour s'assurer que les témoins diraient ces noms, le témoin a absolument nié cette suggestion. Il a ajouté que, lorsqu'il a rencontré le NBI, la police lui a montré des photos et lui a demandé s'il pouvait identifier Ange Gabriel, ce qu'il n'a pas pu faire.

L'Accusation est intervenue, et le témoin a expliqué qu'il n'avait jamais remis en question les informations que lui avait données le NBI : il s'était contenté de suivre les ordres. Il a également expliqué comment les témoins venaient d'abord témoigner, mais qu'ils étaient ensuite hésitants - « lorsque la plupart des gens entendent parler de Blancs, ils pensent à l’argent» et a donné l'exemple de Zigzag Marzah. Cependant, il « leur disait non, vous devez raconter votre histoire ».

La Défense a souligné certaines incohérences concernant le nombre de fois où le témoin s'était rendu sur les lieux - le cinquante-cinquième témoin a indiqué qu'il n'avait jamais été à l'intérieur des lieux, bien qu'il y soit allé plusieurs fois.

La Défense a souligné certaines incohérences concernant le nombre de fois où le témoin s'était rendu sur les lieux - le cinquante-cinquième témoin a indiqué qu'il n'avait jamais été à l'intérieur des lieux, bien qu'il y soit allé plusieurs fois.

Il a ensuite précisé qu'il ne savait pas si le GJRP avait envoyé des informations sur Gibril Massaquoi à Civitas Maxima. Enfin, on lui a demandé combien de personnes travaillant pour l'une ou l'autre organisation auraient pu réaliser les entretiens. Le témoin a répondu : « « Nous sommes environ 14 personnes, sur les 4, vous en avez environ 6 ». Il a également expliqué que des informations générales avaient été fournies, mais qu'il n'y avait pas pris part.


+ Point hebdomadaire - Neuvième semaine

Présentation des audiences et des témoins de la neuvième semaine

La neuvième semaine du procès de Gibril Massaquoi s'est terminée le 7 avril 2021, après trois jours d'audiences à Monrovia, au Liberia. Les audiences ont porté sur les dépositions de huit témoins. Comme pour les témoins précédents, leurs identités ont été dissimulées.

Les témoins ont été entendus dans l'ordre suivant et peuvent être décrits comme suit :

Vingt-cinquième jour du procès (5 avril 2021)

• Quarante-huitième témoin (Soldat 39) : Témoin de la défense ; homme ; ~45 ans au moment des faits ; ancien officier de la Garde présidentielle spéciale, affecté à Vahun près de la frontière de la Sierra Leone de décembre 1999 à 2002 ; a déclaré que vers 2000, à Kamatahun, Ange Gabriel a ordonné de tirer sur des civils ; a décrit la mort de JP Koroma; a reconnu avoir vu Ange Gabriel dans trois quartiers de Monrovia, dont Congo Town et 12-Houses, entre 2002 et 2003, et déclaré qu'Ange Gabriel « contrôlait tous les garçons de Sierra Leone » ; a déclaré qu'Ange Gabriel Massaquoi travaillait avec Benjamin Yeaten lorsqu'il était à Monrovia.

• Quarante-neuvième témoin (soldat 22) : témoin de la défense, de sexe masculin, âgé d'environ 24 ans au moment de l'incident ; ancien soldat du NPFL dans l'unité des petits garçons ; a déclaré que le RUF a combattu aux côtés du NPFL et est arrivé au Liberia en 1999 ; a parlé d'un incident en 2001 impliquant Ange Gabriel dans lequel 6 ou 7 civils ont été tués ; a déclaré qu'Ange Gabriel a donné l'ordre d'arrêter et de tuer JP Koroma ; a déclaré qu'Ange Gabriel était un porte-parole et un adjoint de Sam Bockarie.

Vingt-sixième jour du procès (6 avril 2021)

• Cinquantième témoin (Civil 76) : Témoin de l'accusation ; femme ; ~23 ans au moment de l'incident ; vendait des vêtements à Waterside entre 1998 et 2001 ; a déclaré qu'en 2001, elle avait été arrêtée à Waterside et amenée au poste de contrôle situé sur le pont appelé aujourd'hui New Bridge.

• Cinquante-et-unième témoin (Civil 72) : Témoin de l'accusation ; femme ; ~14 ans au moment de l'incident ; vendait des petits articles à Monrovia ; a décrit l'incident à Waterside ; a déclaré avoir été arrêtée, amenée au poste de contrôle du pont, puis emmenée dans un bâtiment de 12 Houses ; a décrit d'autres meurtres au poste de contrôle.

• Cinquante-deuxième témoin (témoin de la défense 14) : Témoin de la défense ; homme ; âge inconnu ; membre de haut rang du RUF ; a décrit sa relation avec le RUF, le moment où il a rencontré Gibril Massaquoi, et les diverses délégations aux pourparlers de paix auxquelles lui et/ou Massaquoi ont participé ; a décrit une période autour de 2000 et 2001 où lui et Massaquoi étaient à Monrovia.

Vingt-septième jour du procès (7 avril 2021)

• Cinquante-troisième témoin (Soldat 12) : Témoin de l'accusation ; homme ; âgé d'environ 12 ans au moment de l'incident ; soldat du RUF ayant servi sous le commandement de Gibril Massaquoi, affecté au comté de Lofa ; a décrit l'incendie de maisons et de civils à Kamatahun, et a déclaré que Massaquoi avait donné l'ordre de brûler des personnes dans une maison en 2000 ; a décrit les combats contre les rebelles du LURD à Monrovia en août 2003.

• Cinquante-quatrième témoin (GJRP 1) : Témoin de l'accusation ; homme ; âgé d'environ 33 ans au moment de l'incident ; journaliste libérien et membre du GJRP ; a décrit son arrestation par la police nationale libérienne en 2002 et a ensuite été interrogé et torturé ; a déclaré que Massaquoi a dirigé certaines des séances d'interrogatoire, a déclaré que Massaquoi a donné l'ordre de le torturer et qu'il l'a battu ; a décrit son travail en tant que journaliste et au sein du GJRP.

• Cinquante-cinquième témoin ([Employé 1]) : Témoin de l'accusation ; homme ; ~51 ans au moment du procès ; membre du personnel du GJRP qui a travaillé de manière indépendante avec la police finlandaise pour identifier des témoins potentiels ; a décrit comment il a localisé des témoins et des victimes dans le comté de Lofa et à Monrovia pour la police finlandaise, ainsi que son rôle et ses relations avec les témoins.

Témoignage à propos Monrovia

Événements à Monrovia

• Incidents à Waterside (meurtre)

• Les cinquantième et cinquante-et-unième témoins ont tous deux décrit une fusillade, puis l'arrestation et le meurtre de civils à Waterside. Tous deux ont été amenés à un poste de contrôle situé près d'un pont. Le cinquantième témoin a déclaré que cela s'était produit en 2001, tandis que le cinquante-et-unième témoin s'est souvenu que cela s'était produit pendant la Première Guerre mondiale - lorsqu'on lui a demandé, elle a également confirmé 2001.

• Le cinquantième témoin a déclaré qu'Ange Gabriel avait ordonné à ses soldats de transporter les captifs jusqu'à un champ puis de les tuer, bien qu'elle n'ait jamais vu ce qui s'est passé sur le champ.

• Le cinquante-et-unième témoin a déclaré que des intestins humains marquaient le poste de contrôle, ainsi qu'une tête sur un poteau, et qu'elle avait vu des corps sur le chemin du poste de contrôle.

• Le cinquante-et-unième témoin a décrit Ange Gabriel en train d'ouvrir l'estomac d'une femme enceinte et de retirer le fœtus qu'elle portait. La femme et le fœtus sont morts.

• Le cinquante-et-unième témoin s'est souvenu que l'ange Gabriel avait tué deux de ses amies au poste de contrôle, en mettant leur cou sur une « planche à découper ».

• Le cinquantième témoin a été libéré au poste de contrôle parce qu'un ami de la famille, [FNM-099], a fait appel à l'ange Gabriel en son nom, mais il a appris que les prisonniers étaient emmenés dans un champ à West Point.

Massaquoi à Monrovia

• Le cinquante-deuxième témoin a décrit son impression des déplacements de Gibril Massaquoi en Afrique de l'Ouest, notamment en Sierra Leone et au Liberia, pendant la deuxième guerre civile libérienne. Ces déplacements comprenaient une période de temps, autour de 2000 et 2001, et peut-être jusqu'au début de 2002, au cours de laquelle le cinquante-deuxième témoin et Massaquoi ont vécu dans deux maisons à Congo Town, Monrovia.

• Le cinquante-troisième témoin a déclaré avoir vu Massaquoi pour la dernière fois à Monrovia en 2003, avant les combats avec les LURD en août de la même année. Le quarante-huitième témoin a indiqué qu'il avait vu Massaquoi pour la dernière fois « sur le terrain » » à Monrovia, « lorsque les LURD étaient dans les parages ».

Torture à Klay

• Le cinquante-quatrième témoin a raconté avoir été arrêté à Monrovia en juin 2002 et conduit dans une prison à Klay. À la prison, un homme qui s'est présenté sous les noms de Gibril et d'ange Gabriel a directement torturé le cinquante-quatrième témoin en le ligotant, en lui marchant sur le dos et en le frappant s'il essayait de bouger pendant l'interrogatoire. Le cinquante-quatrième témoin a déclaré avoir été électrocuté en présence de Massaquoi par une femme, et que Massaquoi était d'un rang supérieur au sien, de sorte qu'il pense que Massaquoi a ordonné l'électrocution ou aurait pu l'arrêter. Il a déclaré que Massaquoi l'a torturé pendant plusieurs jours, et que Benjamin Yeaten était également présent pendant certaines des tortures. Il a été libéré de la prison en décembre 2002.

Témoignage concernant le comté de Lofa

Meurtre de civils

• Le quarante-neuvième témoin a décrit un incident au cours duquel il se rendait sur la ligne de front avec le [soldat 07] et a croisé l'ange Gabriel, qui avait six ou sept civils attachés dans une camionnette. Lorsque le [soldat 07] a demandé à l'ange Gabriel pourquoi ils étaient détenus, celui-ci a répondu qu'ils aidaient l'ennemi et qu'il avait l'intention de les exécuter. Le quarante-neuvième témoin a vu plus tard les corps de ces civils.

• Le quarante-huitième témoin a déclaré avoir entendu d'un autre individu, [FNM-152], qu'ange Gabriel avait ordonné que des civils, y compris des enfants, soient abattus à Kamatahun en 2000, parce qu'il les considérait comme des ennemis ou des personnes affiliées à des ennemis.

• Le cinquante-troisième témoin a déclaré que Gibril Massaquoi avait donné l'ordre de brûler des civils dans une maison de Kamatahun, située à droite de la route qui mène de Vahun à Kamatahun.

Identification et rôles

• De nombreux témoins ont décrit Ange Gabriel comme un membre éduqué de haut rang du RUF, qui faisait office de porte-parole du RUF. Certains ont ajouté que le nom de famille d'Ange Gabriel était « Massaquoi ».

• Le quarante-neuvième témoin ne se souvenait pas du prénom d'Ange Gabriel, devinant qu'il s'agissait de « Dugbeh Washington », mais a reconnu qu'il s'agissait de « Gibril Massaquoi » lorsque l'Accusation a noté qu'il avait donné ce nom à la police finlandaise. Il a également déclaré qu'Ange Gabriel était « comme un porte-parole » du RUF et qu'il disait souvent qu'il allait parler à la BBC.

• Le quarante-huitième témoin a déclaré qu'Ange Gabriel était un nom de guerre, mais que son nom de naissance était « Sheriff Massaquoi ».

• Le cinquantième témoin et le cinquante-et-unième témoin ont tous deux déclaré que le commandant lors de l'incident de Waterside était Ange Gabriel. Le cinquante-et-unième témoin a déclaré que cet homme parlait avec un accent sierra-léonais, tandis que le cinquantième témoin a déclaré qu'il parlait anglais mais pas l'anglais libérien.

• Le cinquantième témoin a noté que, alors qu'il parlait à ses hommes de tuer les captifs, l'ange Gabriel a prononcé des phrases similaires à celles dont se souviennent les témoins précédents, notamment : «quand son heure sera venue, je l'enverrai à Dieu » et « ils devraient dire à Dieu que je les ai envoyés ».

• Le cinquante-troisième témoin s'est souvenu qu'Issa Sesay, Superman et Gibril Massaquoi étaient des commandants du RUF, et a déclaré avoir été un soldat sous les ordres de Gibril Massaquoi dans le comté de Lofa et à Monrovia. Bien qu'il ne se souvienne pas si Massaquoi avait un nom de guerre, il l'a décrit comme le porte-parole du RUF en Sierra Leone.

• Le cinquante-quatrième témoin a déclaré que l'ange Gabriel s'est présenté sous le nom de « Gibril Massaquoi », précisant qu'il pouvait voir que le cinquante-quatrième témoin était musulman et notant que « Gibril » était la traduction islamique de l'ange « Gabriel ».

Interactions avec la police finlandaise

• Le quarante-neuvième témoin a été mis en contact avec la police finlandaise par l'intermédiaire du [soldat 13], et le cinquante-troisième témoin a été mis en contact avec la police finlandaise par le [soldat 07].

• Le cinquantième témoin a été mis en relation avec [l'employé 1] par son amie, [FNM-100]. Le [civil 05], qui a été mentionné précédemment lors du quatorzième jour, a mis le cinquante-et-unième témoin en relation avec [l'employé 1].

• Le cinquante-deuxième témoin a été mis en contact avec la police par deux personnes : son vieil ami, [FNM-176], et également [l'employé 1].

Thèmes apparents pour l’Accusation et la Défense

Les deux premiers témoins de la Défense cette semaine, le quarante-huitième témoin et le quarante-neuvième témoin, ont fourni un témoignage concernant la mort de Johnny Paul Koroma, s'appuyant sur les témoignages de plusieurs témoins de la huitième semaine du procès. Les questions relatives à la mort de Koroma semblaient être une tentative de mieux comprendre le moment où Massaquoi se trouvait au Liberia, et plus particulièrement dans le comté de Lofa. Le quarante-huitième témoin pensait que le RUF était responsable de la mort de Johnny Paul Koroma, et a déclaré qu'Ange Gabriel avait donné l'ordre d'arrêter Koroma, bien que le témoin n'ait pas été présent au moment de l'ordre. Le quarante-neuvième témoin a également indiqué qu'Ange Gabriel avait donné l'ordre d'arrêter Koroma. Après l'arrestation, le quarante-neuvième témoin a entendu des coups de feu, ce qui lui a fait croire que Koroma avait été tué, bien qu'il ait admis n'avoir jamais vu le corps. Le quarante-neuvième témoin et le quarante-huitième témoin ont tous deux indiqué que Johnny Paul Koroma avait été tué en 2001, et le quarante-neuvième témoin pense qu'après le meurtre de Koroma, Ange Gabriel et d'autres personnes ont été transférés à Bomi Hills. Les informations fournies dans ces témoignages étaient similaires à celles offertes par le soldat 13 le jour 22, qui a déclaré que « Gubeh Massaquoi » avait donné l'ordre de tuer Koroma, ce qui avait apparemment provoqué des tensions à l'époque, dont le témoin se souvient, en 2001. Le jour 22, en réponse à l'insistance du soldat 13 sur le fait que l'ordre avait été donné en 2001, l'avocat de la défense a noté que Johnny Paul Koroma s'était présenté aux élections politiques en Sierra Leone en 2002.

L'identité d’ « Ange Gabriel » a de nouveau fait l'objet d'un interrogatoire particulier. Le quarante-huitième témoin a déclaré qu'ange Gabriel était le « général Sheriff », et en réponse à une question de la défense demandant si le vrai nom d'ange Gabriel était « Massaquoi ou Sheriff », le témoin a répondu que c'était Sheriff. Le quarante-neuvième témoin ne s'est souvenu du nom de « Gibril Massaquoi » que lorsque l'Accusation l'y a invité, offrant d'abord à la Défense qu'Ange Gabriel s'appelait « Dugbeh Washington ».

Le troisième témoin de la défense, le cinquante-deuxième témoin, a servi à soutenir la stratégie de la défense visant à établir un alibi pour Gibril Massaquoi. Le cinquante-deuxième témoin a livré un large témoignage sur les allées et venues de Massaquoi tout au long de la deuxième guerre civile libérienne, largement ancré dans les différentes étapes du processus de paix, ainsi que dans les périodes où ils ont vécu et travaillé dans des quartiers similaires de Monrovia ou Freetown.

Les trois premiers témoins de l'Accusation, le cinquantième témoin, le cinquante-et-unième témoin et le cinquante-troisième témoin, ont servi à établir les détails des actes reprochés dans l'acte d'accusation et à clarifier la participation de Massaquoi à ces actes. Les cinquantième et cinquante-et-unième témoins ont témoigné d'un incident à Waterside au cours duquel ils ont été capturés et amenés au poste de contrôle du pont, qui, selon eux, s'est déroulé en 2001 ou pendant la Première Guerre mondiale.

La Défense a une fois de plus souligné les incohérences apparentes entre les témoignages des témoins et leurs entretiens avec la police finlandaise. Les témoins ont expliqué que les incohérences pouvaient être dues au passage du temps, à leur nervosité lors de leur interaction avec la police finlandaise, ou à des déficiences dans la traduction lors de leurs premiers entretiens. La défense a également demandé des précisions sur la manière dont ces témoins sont entrés en contact avec la police finlandaise, en se concentrant en particulier sur la relation du cinquante-et-unième témoin avec le témoin n°10, qui, selon la défense, a également été interrogé par la police finlandaise.

Les deux derniers témoins de l'Accusation étaient affiliés au GJRP, une ONG qui documente les crimes liés à la guerre au Liberia. Le GJRP et Civitas Maxima ont été impliqués dans l'enquête initiale qui a conduit au procès actuel. Le cinquante-quatrième témoin a témoigné à la fois en tant que victime de tortures qui auraient été perpétrées par Massaquoi en 2002, et en relation avec son rôle au sein du GJRP. Le cinquante-cinquième témoin a été engagé par la police finlandaise pour l'aider dans son enquête - pour l'aider à trouver des victimes et des témoins des crimes présumés de Massaquoi. En conséquence, il a été mentionné par un grand nombre de témoins dans ce procès comme leur point de contact avec la police finlandaise. [L’employé 1] avait déjà travaillé avec le GJRP en tant que chercheur, et avait l'intention de retourner travailler avec eux à un moment donné après l'enquête, mais il a été catégorique sur le fait qu'il ne travaillait pas pour le GJRP pendant qu'il travaillait avec la police finlandaise, et a ajouté qu'il n'avait pas enquêté sur Massaquoi au nom du GJRP.

La Défense a cherché à dépeindre ces témoins comme étant partisans. En particulier, l'avocat de la défense a demandé si [l'employé 1] connaissait les témoins ou d'autres acteurs pertinents avant l'enquête, et s'il a offert des avantages aux témoins pour les encourager à témoigner. L'avocat de la Défense a également noté que, d'après son examen de l'enquête préalable au procès, tous les témoins qui sont entrés en contact avec la police finlandaise par l'intermédiaire du témoin ont fourni les noms de « Gibril Massaquoi » ou « Ange Gabriel ». Le témoin a nié toute irrégularité, soulignant son adhésion aux normes internationales d'enquête, la stricte interdiction de partage d'informations entre le GJRP et [l'employé 1] pendant qu'il travaillait avec la police finlandaise, et le rôle limité qu'il avait dans l'interaction avec les témoins. Il a déclaré que son rôle consistait simplement à localiser les témoins potentiels, puis à les diriger vers le lieu de la Cour, et qu'il n'était pas impliqué dans la prise de déclarations.

Le procès reprendra à Freetown, en Sierra Leone, le mardi 4 mai 2021.


+ 11/05/21 (Sierra Leone) Vingt-huitième jour : Audition des cinquante-sixième, cinquante-septième et cinquante huitième témoins

Le vingt-huitième jour d’audience publique a repris le 11 mai 2021 à Freetown, en Sierra Leone.

Audition du cinquante-sixième témoin

(Identification assignée par le tribunal finlandais: témoin de la défense n°18)

La Défense interroge le cinquante-sixième témoin

Le cinquante-sixième témoin a commencé sa déposition en déclarant qu'elle était un membre de la famille de Gibril Massaquoi. Lorsqu'on lui a demandé si elle se souvenait des événements survenus entre 1993 et 2001, le témoin a décrit qu'après la demande de Foday Sankoh aux rebelles de sortir de la brousse en 1998, Massaquoi se trouvait à Makeni. À cette époque, le témoin rendait visite à Massaquoi tous les week-ends à Cockerill, car c'était là qu'il résidait. Ahmad Tejan Kabbah, le Président de l'époque, avait déclaré qu'il devait y régner « la loi et l'ordre » puisque la guerre était terminée, et avait ordonné que l’élection de chefs là où il n'y en avait pas.

Le témoin et Massaquoi étaient issus d'une famille souveraine, et la chefferie à Blama Massaquoi était vacante à cette époque : le témoin a été choisi pour représenter la famille aux élections et avait l'habitude d'avoir des réunions avec la famille Massaquoi et ses amis. Vers la fin de l'année 1999, le témoin s'est rendu avec Massaquoi à Blama Massaquoi dans le district de Pujehun, dans le sud de la Sierra Leone, pour y faire campagne. Ils ont voyagé par la route. Massaquoi les accompagnait, puis retournait à Freetown. Il restait 3-4 jours, parfois une semaine. Le 10 janvier 2002, elle a perdu les élections et est revenue à Freetown. Massaquoi était également présent, à l'exception d'un ou deux jours où il se rendait à Bo pour rendre visite à sa mère.

La Défense a demandé si le témoin savait où se trouvait Massaquoi en 1999, elle a répondu qu'il était à Freetown. Il séjournait à Thunder Hill et à Cockerill. Au moment des négociations de paix et après avoir quitté le RUF, on leur a donné une résidence à Cockerill. Lorsqu'on lui a demandé si elle savait quelle était la position de Massaquoi au sein du RUF, elle a répondu qu'elle ne connaissait pas bien le RUF, mais qu'elle pensait qu'il était soit le responsable des relations publiques, soit le porte-parole. En 2000, chaque fois qu'elle venait à Freetown, elle lui rendait visite car ils avaient des réunions régulières. Il était partie prenante de la campagne et avait également des droits dans la chefferie. À cette époque, il définissait les stratégies de la campagne.

Revenant sur leur question concernant la position de Massaquoi au sein du RUF, la Défense a demandé au témoin si elle savait s'il était impliqué dans une autre activité. Elle a déclaré qu'ils se rendaient au bureau de Cockerill pour discuter des pourparlers de paix, mais qu'elle ne savait rien d'autre, et a supposé qu'il avait pu participer aux négociations de paix. Le témoin a précisé que Massaquoi vivait à Cockerill pendant les pourparlers de paix, au quartier général militaire. Le témoin a vu Massaquoi pour la dernière fois en 2007, pendant les élections générales, avant son départ ; à cette époque, elle était à Pujehun. Après l'élection du Chef suprême (Paramount Chief) en 2002, elle l'a rencontré chez lui à Freetown, à Thunder Hill, puis à Murray Town. À cette époque, il vivait avec sa femme et ses enfants. En 2002, le témoin a occasionnellement rendu visite à Massaquoi. Elle lui rendait plus fréquemment visite quand elle était à Freetown.

Interrogé, le témoin a confirmé se souvenir que la police finlandaise lui avait parlé et que personne ne l'avait contactée auparavant.

L'Accusation interroge le cinquante-sixième témoin

L'Accusation a commencé son interrogatoire en demandant où se trouvait sa ville en Sierra Leone. Le témoin a indiqué qu'elle se trouvait dans la province du Sud, et que Blama Massaquoi était une chefferie à part entière dans le district de Pujehun. Elle n'est pas très proche de la frontière libérienne, mais il est possible d'atteindre le Libéria en passant par Pujehun, sans toutefois entrer dans Pujehun même. Lorsqu'on lui a demandé si Gibril Massaquoi était en sécurité lorsqu'il s'était rendu à Blama Massaquoi, étant donné qu'il était membre du RUF, le témoin a répondu par l'affirmative et que c’était pour cette raison qu'il s'y était rendu. Les gens savaient qu'il avait été capturé et forcé de rejoindre le RUF. Presque tous les jeunes, hommes et femmes, et même les personnes âgées, ont été forcés de s'engager. Il n'était pas possible d'aller au Libéria par la route en raison de la présence de l'ECOMOG.

L'Accusation est ensuite revenue sur le commentaire antérieur du témoin concernant le départ de Massaquoi pour rendre visite à sa mère, et a demandé où elle vivait. Le témoin a répondu que sa mère vivait à Bo, la deuxième ville de Sierra Leone. Lorsqu'on lui a demandé si elle savait que Massaquoi avait quitté la Sierra Leone pendant un certain temps, elle a répondu que sa femme et ses jeunes frères et sœurs le leur auraient dit et qu'il était très occupé au moment où ils travaillaient sur le processus de paix. L'Accusation a déclaré qu'en 2000, Massaquoi avait dit qu'il était en Afrique du Sud, en Côte d'Ivoire et au Nigéria, et qu'en 2001, il était au Nigéria et à Monrovia à plusieurs reprises ; le témoin a répondu qu'il était très occupé au moment où il travaillait sur le processus de paix.

L'Accusation a ensuite demandé si, au vu de ces informations, ils pouvaient conclure que le témoin ne savait pas si Massaquoi avait voyagé à l'étranger. A cela, elle a répondu qu'elle n'était au courant que de ses voyages en Finlande, que ce soit par l'intermédiaire de l'ONU ou d'une autre organisation. Revenant sur la campagne, l'Accusation a demandé si la campagne était importante pour Massaquoi. Le témoin a affirmé que oui, car il s'agissait d'un titre royal. Elle suppose qu'il se serait souvenu de la campagne. Lorsqu'on lui a demandé si elle avait une idée de la raison pour laquelle Massaquoi n'avait pas mentionné la campagne pendant le procès, elle a répondu que « cela dépendait des sujets sur lesquels il était interrogé ». Le témoin a ajouté qu'elle ne voulait pas mentir, étant donné qu'elle était sous serment, mais a ensuite précisé qu'elle était surprise que Massaquoi n'ait pas mentionné la campagne.

Lorsqu'on lui a demandé si elle savait si, en 2003, Massaquoi aurait dû se trouver dans une maison sécurisée, le témoin a expliqué qu'elle se trouvait à Blama à l'époque, et qu'elle venait à Freetown tous les deux ou deux jours, et qu'elle ne lui avait pas posé de questions à ce sujet ; elle a également ajouté que Gibril Massaquoi se déplaçait librement, qu'il n'avait pas de gardes du corps et qu'il ne portait pas d'uniforme parce que « la paix était rétablie et les chefs suprêmes élus ». Il a mentionné qu'on avait fait pression sur lui pour qu'il témoigne contre Charles Taylor, mais il ne lui avait pas dit qui lui avait demandé de le faire. Lorsqu'on lui a demandé si cela avait eu un impact sur sa vie, le témoin a répondu qu'elle ne savait pas, mais qu'il avait peut-être eu peur.

Lorsqu'on lui a posé des questions sur l'organisation du RUF, le témoin a répondu qu'elle n’en avait pas une bonne connaissance, qu'il s'agissait de « simples rebelles » et qu'elle ne connaissait pas ce groupe. Elle ne savait pas si Gibril Massaquoi avait un autre rôle au sein du RUF que celui de porte-parole ou de personne chargée des relations publiques, mais seulement qu'elle l'avait entendu à la radio sur la BBC. Selon le témoin, Gibril Massaquoi a renoncé à son appartenance au RUF en 1997-98. Il ne le lui a pas dit lui-même, elle l'a su parce que les rebelles avaient l'habitude de « rester dans la brousse », et qu’elle l'avait vu en ville. Elle a ajouté que Massaquoi faisait campagne pour la chefferie au nom de sa famille, et non au nom du RUF ou en tant que militaire. Elle l'a vu pour la dernière fois en 2007, pendant les élections présidentielles, à Freetown. Il était habillé comme un employé de bureau. Elle ne savait pas si Gibril Massaquoi avait déménagé à Makeni, peut-être y avait-il simplement voyagé, et elle a précisé que les gens étaient libres de leurs mouvements.

Elle ne sait pas si Massaquoi s’était rendu à l'étranger au cours de l'année 2003, et si tel était le cas « rien n'aurait pu l'arrêter » car la paix était revenue.

La Défense interroge le témoin

A la question de savoir si elle était au courant du fait que Gibril Massaquoi était emprisonné en Sierra Leone, le témoin répond qu'elle en avait entendu parler sur la BBC. Elle ne savait pas pourquoi, ni de quoi Charles Taylor était accusé.

Le témoin a déclaré que la campagne de la chefferie s'était intensifiée la dernière semaine avant l'élection de décembre 2001. Elle s'est rendue à Blama et Massaquoi est revenu à Freetown ; elle le savait car il voyageait avec des personnes qu'elle connaissait. Il était un stratège pour la campagne, convoquant les membres de sa famille et louant des véhicules pour eux. La Défense a ensuite demandé au témoin si elle se souvenait de ce qu'elle avait dit à la police finlandaise lorsqu'on lui avait demandé si Massaquoi avait été libéré de prison en 1999. Le témoin a répondu qu'elle ne s'en souvenait pas, et la Défense a souligné qu'elle avait dit qu'il avait été libéré le 6 janvier 1999. A cela, le témoin a répondu qu'elle leur avait dit que les rebelles avaient envahi Freetown en 1999. Lorsqu'on lui a demandé si elle savait que Massaquoi se trouvait à Pademba Road avant l’incident, le témoin a répondu qu'elle ne le savait pas.

Audition du cinquante-septième témoin

(Identification assignée par le tribunal finlandais: témoin de la défense n°21)

La Défense interroge le cinquante-septième témoin

Le cinquante-septième témoin a commencé sa déposition en précisant qu'il se souvenait de la période 1999-2003 et qu'il avait fui à Makeni en 1999 car il était pris pour cible pour avoir prétendument collaboré avec le RUF. Il a expliqué qu'il avait rencontré Gibril Massaquoi pour la première fois à Makeni au cours de la même année, après que Massaquoi ait été libéré de prison et qu'ils étaient amis à l'époque. Selon le témoin, Gibril Massaquoi était un commandant du RUF. Le témoin a mentionné qu'il y avait des tensions entre Rambo et Issa Sessay, mais à sa connaissance, cela n'avait pas eu de conséquences sur Massaquoi. Le témoin a ensuite expliqué qu'en 1999, Gibril Massaquoi avait été appelé par Foday Sankoh à le rencontrer à Lomé pour l'accord de paix, et qu'il avait traversé la Guinée. Il a déclaré que Gibril Massaquoi était un assistant spécial de Foday Sankoh et effectuait des tâches administratives. Selon le témoin, avant les accords de paix de Lomé, Gibril Massaquoi vivait à Murray Town à Freetown et travaillait avec Foday Sankoh sur Spur Road, il l'y a rencontré lui-même. Le témoin a déclaré qu'après les accords de paix de Lomé, Gibril Massaquoi était retourné à Lunsar, car il l'y avait également rencontré.

Selon le témoin, une grève avait eu lieu le 8 mai 1999 et il s'était enfui à Lunsar où il avait rencontré Gibril Massaquoi. Plus tard, il a précisé qu'il était resté à Lunsar pendant deux à trois ans. Il a déclaré que Gibril Massaquoi lui avait dit que ses collègues avaient causé des problèmes car ils avaient attaqué des casques bleus à Freetown. Le témoin a déclaré que Foday Sankoh avait été arrêté et emprisonné à Freetown. Il a précisé que le leadership de Foday Sankoh avait pris fin et avait été transféré à Issa Sesay. Le témoin a ensuite expliqué que Gibril Massaquoi était resté à Bo avant d'être élu à la tête de la délégation pour la paix. Après son élection, Gibril Massaquoi est retourné à Monrovia et a informé les gens qu'il négociait avec les casques bleus au Libéria. Il a précisé que Gibril Massaquoi s'était rendu pour la première fois à Monrovia en mai 2001 pour négocier avec les casques bleus et qu'il y était resté plus de six mois. Il a déclaré qu'il savait que Gibril Massaquoi était resté là-bas pendant six mois car il l'avait rencontré à Makeni à son retour. Le témoin ne se souvient pas de tous les noms des camarades avec lesquels Gibril Massaquoi s'était rendu à Monrovia, mais il a mentionné un certain Bai Bureh. Le témoin a déclaré que Gibril Massaquoi vivait à Makeni, près de l'autoroute, à son retour, qu'il avait rejoint les autres camarades pour participer au processus de paix et qu'il avait assisté à presque toutes les réunions en 2001. Le témoin a déclaré qu'il savait que Massaquoi participait à ces réunions car il l'accompagnait jusqu'à ce qu'il prenne le vol de l'ONU.

Selon le Témoin, Gibril Massaquoi a vécu à Makeni jusqu'en 2002, jusqu'à ce que certaines personnes prétendent qu'il était mêlé à des escrocs qui avaient volé un collier en or à Issa Sesay. Plus tard, le témoin a confirmé avoir vu le collier et qu'il contenait des diamants. Il a ensuite été rapatrié à Freetown par un hélicoptère de l'ONU, et y a vécu avec sa femme et ses enfants, sous la protection du gouvernement ; le témoin l'a vu presque tous les jours. Il a également ajouté que Massaquoi vivait avec [FNM-178], qui était un petit garçon sous sa protection. Le témoin a déclaré que Massaquoi était toujours impliqué dans le processus de maintien de la paix avec le gouvernement et qu'il avait en outre participé à un projet de pêche dans sa ville natale. Il a précisé que cela s'était passé entre 2002 et 2003. À cette époque, le gouvernement craignait que Massaquoi ait encore des liens avec le RUF et qu'il soit un espion, a déclaré le témoin.

La Défense a ensuite posé des questions sur le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Le témoin a indiqué qu'Alan White avait rencontré Gibril Massaquoi pour discuter du mandat du Tribunal et que Massaquoi avait coopéré avec le Tribunal. Le témoin a déclaré que le Tribunal avait besoin de Massaquoi pour l'aider à obtenir des informations liées au mandat du Tribunal. Il a également déclaré qu'il avait lui-même rencontré Alan White ainsi que Massaquoi avant que le Tribunal ne mette la main sur Issa Sesay et Samuel Hinga Norman. La coopération du Tribunal avec Massaquoi a commencé en 2003, et le Tribunal a assuré la protection de Massaquoi jusqu'à ce qu'il s'installe en Finlande, a déclaré le témoin.

La Défense a demandé au témoin s'il s'était rendu au Libéria entre 1999 et 2003, ce à quoi le témoin a répondu qu'il s'était rendu à Monrovia en 2002 pour récupérer la fille de Massaquoi, qui vivait alors avec [FNM-070]. Il a ensuite précisé qu'il y était resté deux jours. Il a ensuite rappelé qu'il s'agissait de l'année 2002 en raison d'un incident qui s'était produit cette année-là. Selon le témoin, Massaquoi ne pouvait pas se rendre à Monrovia car il était avec le gouvernement et craignait pour sa vie car d'autres membres du RUF, comme Superman, le considéraient comme une menace parce qu'il était protégé par le gouvernement. Le témoin a précisé que pendant cette période, Massaquoi vivait à Thunder hill.

L'Accusation interroge le cinquante-septième témoin

L'Accusation a commencé son interrogatoire en demandant des clarifications sur le rôle de Gibril Massaquoi au sein du RUF. Le témoin a expliqué qu'en 1999, Gibril Massaquoi était un commandant car il avait des gens qui se battaient sous ses ordres, et qu'après 2001, il ne l'était plus, il était plutôt un commandant administratif, et ne prenait pas part activement aux combats eux-mêmes. Il a rappelé que le premier combat avec Superman et ses hommes avait eu lieu à Lunsar et que Massaquoi avait séjourné au Libéria pendant six mois entre fin 2000 et 2001.

L'Accusation a ensuite posé des questions sur les négociations de paix. Gibril Massaquoi s'est rendu au Libéria et y est resté six mois entre 2000 et 2001, où il s'est occupé de la mise en œuvre du processus de paix en Sierra Leone au nom du RUF. Il a rappelé que les négociations avaient eu lieu avec Charles Taylor, qui, selon le témoin, avait un rôle central dans le processus de paix. Le témoin ne savait pas si le gouvernement sierra-léonais participait aux négociations. Le témoin a ajouté qu'il n'était pas présent personnellement, mais que Massaquoi lui avait parlé de son travail avec le gouvernement et qu'il avait rencontré Charles Taylor. Le témoin n'a pas répondu aux questions concernant Charles Taylor et les « diamants du sang » (Blood diamonds).

Interrogé sur Benjamin Yeaten, le témoin a répondu qu'il s'agissait de l'un des hommes de Charles Taylor, que le témoin le considérait comme un tueur et qu'il ne voulait pas lui parler. Il l'a vu lorsqu’ils sont allés à Bo chercher l'un des enfants de Massaquoi, mais il ne l'a pas rencontré parce qu'il avait peur de lui. Il avait entendu parler des atrocités qu’il avait commises, car on l'appelait « 50 » et il avait des gardes du corps. L'Accusation a demandé si le témoin avait entendu parler de [FNM-177], ou si Massaquoi avait parlé de lui. Le témoin a répondu par la négative.

L'Accusation, se référant à la période où Massaquoi était au Libéria, a demandé si Massaquoi était retourné au Libéria après 2000. Le témoin a répondu que non, et qu'il n'était allé qu'à Makeni et Freetown. L'Accusation a indiqué au témoin que Massaquoi avait déclaré que son dernier séjour au Libéria remontait à 2001, mais le témoin n'était pas au courant. Interrogé sur les véhicules de Massaquoi, le témoin a répondu qu'il en avait plusieurs et qu'il ne pouvait pas dire lequel était utilisé pour se rendre du Libéria. Le témoin a confirmé à l'Accusation que Massaquoi ne s'était pas rendu seul à Monrovia car il travaillait pour le gouvernement et craignait pour sa vie. Il a également confirmé que Moustique (Mosquito) faisait partie du RUF lorsqu'il avait été tué, et que toute personne dont Charles Taylor se méfiait était tuée.

L'Accusation a ensuite posé des questions sur Issa Sesay. Le témoin a expliqué que Sesay et Massaquoi avaient eu un désaccord sur les négociations de paix et que le premier avait exclu le second du processus parce qu'il ne lui faisait pas confiance. Il a ajouté que le gouvernement faisait confiance à Massaquoi et que ce dernier s'était rendu à Kailahun pour demander à ses hommes de se désarmer, alors que Sesay menaçait de déclencher une nouvelle guerre s'ils ne remportaient pas les élections. Le témoin a raconté que Massaquoi avait été attaqué pour cette raison et qu'il avait dû être secouru au poste de police de Shegbewma, incident dont il avait été témoin.

Le témoin a décrit que sa mission consistait à parler à Massaquoi de la manière de démanteler le RUF, à le convaincre de désarmer ses hommes et à lui proposer des « paquets ».

L'Accusation a demandé si le témoin avait vu Massaquoi avant les élections. Il a confirmé que oui, et qu'il l'avait souvent rencontré avant qu’il déménage en Finlande. Ils se rencontraient chez Massaquoi pour des raisons de sécurité, et il y avait beaucoup de gardes parce qu'il avait peur - mais il était facile pour le témoin d'entrer parce que c'était un ami de la famille. Parfois, Massaquoi venait chez le témoin, seul.

L'Accusation a souligné que le témoin précédent, le cinquante-sixième témoin, avait mentionné qu'il n'avait pas de sécurité. Le cinquante-septième témoin a déclaré que c'était sa propre version des faits - il se souvient que Massaquoi était fortement entouré par la sécurité.

La Défense interroge le cinquante-septième témoin davantage

La Défense a posé des questions sur les accords d'Abuja. Le témoin a expliqué qu'il y avait eu Abuja 1 et 2, et que Lomé était le dernier accord de paix. Il a ajouté que Massaquoi s'était rendu avec Foday Sankoh pour Abuja 1, mais le témoin n'a pas pu dire où cela se passait. Le témoin a déclaré que Massaquoi voyageait avec des ministres du gouvernement et qu'il participait aux accords.

A la question de savoir si Charles Taylor aurait fait tuer Massaquoi, le témoin a répondu par l'affirmative et a déclaré que quelques tentatives d'assassinat avaient eu lieu à Freetown. La Défense a demandé si ces tentatives avaient également eu lieu lorsque Massaquoi était sous la protection du TSSL, ce que le témoin a confirmé.

La Défense a posé des questions sur les « paquets » que le témoin offrait aux hommes de Massaquoi, et le témoin a expliqué qu'il s'agissait de leur offrir l'occasion d'acquérir de nouvelles compétences et de suivre une formation. 30 commandants du RUF ont participé à ce projet.

Enfin, le témoin a confirmé qu'avant son entretien avec la police finlandaise, il n'avait parlé à personne de ces événements.

L'Accusation interroge le cinquante-sixième témoin davantage

L'Accusation a demandé des éclaircissements sur la menace pour la sécurité de Massaquoi au Libéria. Le témoin a répondu que Charles Taylor aurait tué Massaquoi car il aurait dit qu'il l'avait trahi. L'Accusation a enfin demandé au témoin la définition de commandant administratif, et il a répondu que Massaquoi devait s’occuper de la gestion de l'organisation, mais qu'il a combattu en 1999 lorsqu'il y avait des frictions au sein du RUF.

Audition du cinquante-huitième témoin

(Identification assignée par le tribunal finlandais: soldat 41)

La Défense interroge le cinquante-huitième témoin

Le témoin a commencé sa déclaration en expliquant qu'elle a connu Massaquoi lorsqu'il était l'un des commandos juniors du RUF qui s’entraînaient à Pujehun, dans le sud de la Sierra Leone. À cette époque, elle était également membre du RUF, ils ont tous deux rejoint le groupe en 1999 à Pujehun. Cette année-là, elle était garde du corps de Foday Sankoh, l'accord de paix avait été signé la même année. Le témoin a déclaré qu'à cette époque, Massaquoi se trouvait dans le nord de la Sierra Leone avec Superman, mais qu'en raison d'un problème avec Moustique (Mosquito), ils n'avaient pas pu se rendre à Boidu pour entamer les négociations de paix. Elle-même n'est pas non plus allée à Boidu car elle était avec Moustique, qui était le commandant principal, jusqu'à la signature de l'accord. Selon le témoin, Massaquoi était allé au Togo en passant par la Guinée pour éviter de passer par Boidu car il craignait Moustique. Il y est allé seul parce qu'il avait besoin de voir Sankoh qui avait été arrêté à Abuja, au Nigeria, en 1997. Massaquoi est revenu juste après la signature de l'accord de paix de Lomé.

Après la signature de l'accord de paix de Lomé, Sankoh a été nommé ministre stratégique des ressources minérales et vice-président. Massaquoi était son assistant spécial. En octobre 1999, Massaquoi est venu de Makeni à Freetown. Dès lors, il était proche de Sankoh et travaillait pour lui dans sa maison sur Spur Road, après quoi il rentrait chez lui le soir. Le témoin travaillait comme agent de sécurité, c'est pourquoi elle a vu Massaquoi chez Sankoh. Avant l'Accord, Massaquoi a travaillé comme soldat de première ligne, puis comme porte-parole.

On a ensuite demandé au témoin si elle savait ce qui s'était passé en janvier 1999 à Freetown. Elle a répondu qu'elle n'y était pas, qu'elle était à Boidu avec le RUF, avec Sankoh et le sergent Musa. Elle a entendu parler d'une attaque, et que Massaquoi avait été libéré de la prison sur Pademba Road et qu'il était retourné à Makeni. La Défense a demandé au témoin si quelque chose de spécial s'était produit sur Spur Road en 2000. Elle a répondu qu'il y avait un problème entre les combattants à Makeni et que le RUF avait enlevé certains casques bleus. Le gouvernement a arrêté Sankoh et plusieurs autres personnes, dont le témoin, le 8 mai 2000. Elle a passé sept ans et quatre mois dans la prison de Pademba. Elle a vu Massaquoi pour la dernière fois lorsqu'elle a été libérée de prison en 2006 ou 2007. Elle n'a pas vu Massaquoi au moment de son arrestation.

La Défense a ensuite fait référence à Sam Bockarie « Moustique », et a demandé au témoin si elle avait fait quelque chose de spécial pendant la guerre de 1999. A cela, elle a répondu que Moustique était le chef du RUF après l'arrestation de Sankoh. À la suite d’un désaccord, vers novembre 1999, Moustique est retourné au Libéria avec ses gardes du corps. À ce moment-là, Massaquoi était à Freetown avec Sankoh, et il n'a pas accompagné Moustique au Libéria. Le témoin a déclaré qu'elle était allée deux fois au Libéria avec les dirigeants du RUF, ils y étaient restés trois mois. Massaquoi n'était pas avec eux car il y avait un problème entre lui et Moustique. La deuxième fois qu'elle s'est rendue au Libéria, c'était en 1998 avec Moustique, avant la signature de l'accord de paix. Lorsqu'on lui a demandé si le témoin savait si Massaquoi avait un pseudonyme à l’époque, elle a répondu que le nom qu'ils utilisaient pour l'appeler était Jaffa. Elle n'était pas formée pour parler à la radio, mais elle l'avait fait dans le passé.

La Défense a demandé au témoin si elle connaissait le RUFP. Elle a répondu qu'elle les connaissait, qu'il s'agissait d'un parti politique et qu'elle en était actuellement membre. Elle a déclaré que Massaquoi n'avait pas participé à la vie politique entre 1999 et 2003, même si elle pensait qu'il avait pu participer au RUFP en 2002. Elle ne sait pas comment ni de quelle manière il avait pris part au RUFP. Plus tard, la Défense a interrogé le témoin sur le fait qu'elle avait dit à la police finlandaise que Sesay avait donné de l'argent à Massaquoi pour une maison. Le témoin a répondu que la police l'avait interrogée sur Gibril Massaquoi et la guerre au Libéria, et non sur les affaires internes du RUF.

Elle a déclaré que personne ne l'avait contactée au sujet de cette audience.

L'Accusation interroge le cinquante-huitième témoin

L'Accusation a commencé son interrogatoire en demandant au témoin pendant combien de temps Massaquoi avait utilisé le nom de Jaffa. Elle a répondu qu'il avait utilisé ce pseudonyme à partir de 1993, lorsque le chef du RUF avait quitté Kailahun. Ils sont venus à Kenema, à cette époque le témoin était garde du corps de Foday Sankoh dans la forêt de Kamboi. Foday Sankoh est parti au Libéria avec sa sécurité. Un combat a eu lieu là-bas, mais le témoin n'en sait pas plus sur ce qui s’est passé, ni si le RUF avait pris part à la deuxième guerre civile libérienne. Elle ne connaît pas d'autres noms de code que Massaquoi aurait pu utiliser vers mai 2000. Après la signature de l'accord de paix, le témoin vivait à Bongor Town. Lorsqu'elle était en prison, elle a entendu dire par divers initiés du RUF que Massaquoi s'était rendu au Libéria pour un accord de paix. Elle n'est pas en mesure de dire la période exacte pendant laquelle Massaquoi était au Libéria, mais elle a déclaré que d'autres personnes, en ce moment même en Sierra Leone, sauront et pourront le dire.

L'Accusation a ensuite demandé au témoin si elle savait si Charles Taylor avait des diamants en sa possession, ce qu'elle n'a pas su dire. Elle a également déclaré qu'elle ne savait pas si Massaquoi avait eu des relations avec Charles Taylor lorsqu'il était en Sierra Leone. Massaquoi était d'un rang inférieur à celui d'Issa Sesay et de Moustique, il est donc probablement impossible qu'il ait eu des relations directes avec Taylor. Pendant son séjour en prison, les informations qu'elle a obtenues étaient que Massaquoi faisait partie de la délégation qui devait rencontrer Taylor lors des pourparlers de paix. L'Accusation a demandé si le témoin connaissait Ibrahim Bah, ce à quoi elle a répondu par l'affirmative. Elle ne sait pas s'il avait un lien quelconque avec les diamants. L'Accusation a précisé que, d'après le procès en Finlande, Massaquoi avait déclaré avoir donné des diamants à Ibrahim Bah. Le témoin a répondu qu'elle ne savait rien de tout cela car elle était en prison.

Interrogée sur la dernière fois où le témoin a vu Massaquoi, elle a déclaré que c'était en septembre 2007 à Freetown, où elle l'avait vu avec sa famille. Elle ne l'a rencontré qu'une fois, son frère est allé le voir et elle l'a accompagné. Il était sous la protection du Tribunal spécial et était donc accompagné par des agents de sécurité. Elle ne se souvenait pas exactement du nombre de gardes du corps, mais elle a déclaré qu'il s'agissait d'officiers de la police sierra-léonaise, qui étaient chargés par l'État de protéger les personnes placées sous la protection du Tribunal spécial.

La Défense interroge à nouveau le cinquante-huitième témoin

La Défense a demandé au témoin si elle savait quand et comment JP Koroma était mort. Elle a répondu qu'elle ne le savait pas, qu'il avait été inculpé par le Tribunal spécial comme Sesay mais qu'il s'était échappé vers 2003/2004, et que sa mort était une rumeur. Elle ne sait pas où il s'est enfui, mais elle a confirmé qu'il a participé aux élections parlementaires de 2002 et qu'il a obtenu un siège au Parlement avec le PLP.

Enfin, lorsqu'on lui a demandé si elle avait déjà entendu dire que Massaquoi s'appelait « Ange », elle a répondu par la négative.

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